Affaire C-544/07
Uwe Rüffler
contre
Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu
(demande de décision préjudicielle, introduite par
le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu)
«Article 18 CE — Législation en matière d'impôt sur le revenu — Réduction de l'impôt sur le revenu en fonction des cotisations d'assurance maladie versées dans l'État membre d’imposition — Refus d'une réduction en fonction des cotisations versées dans d'autres États membres»
Sommaire de l'arrêt
1. Libre circulation des personnes — Travailleurs — Dispositions du traité — Champ d'application personnel
(Art. 39 CE)
2. Citoyenneté de l'Union européenne — Dispositions du traité — Champ d'application personnel
(Art. 17, § 1, CE et 18, § 1, CE)
3. Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Législation fiscale
(Art. 18 CE; règlement du Conseil nº 1408/71)
1. Une personne ayant exercé l'ensemble de son activité professionnelle dans l'État membre dont elle est ressortissante et n'ayant fait usage du droit de séjourner dans un autre État membre qu'après avoir pris sa retraite, sans aucune intention d'exercer dans cet autre État une activité salariée, ne peut se prévaloir de la libre circulation des travailleurs.
(cf. point 52)
2. Une personne qui, après avoir pris sa retraite, quitte l'État membre dont elle est ressortissante et dans lequel elle a exercé l'ensemble de son activité professionnelle pour établir sa résidence dans un autre État membre jouit du statut de citoyen de l'Union institué à l'article 17, paragraphe 1, CE et peut donc se prévaloir des droits afférents à un tel statut. En effet, elle exerce le droit conféré par l'article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.
(cf. points 55-56)
3. L'article 18, paragraphe 1, CE s'oppose à une réglementation d'un État membre qui lie l'octroi du droit à une réduction de l'impôt sur le revenu en fonction des cotisations d'assurance maladie acquittées à la condition que ces cotisations aient été versées dans cet État membre, sur la base des dispositions du droit national, et conduit à refuser l'octroi d'un tel avantage fiscal lorsque les cotisations susceptibles de venir en déduction du montant de l'impôt sur le revenu dû dans cet État membre sont versées dans le cadre d'un régime d'assurance maladie obligatoire d'un autre État membre.
Une telle réglementation instaure une différence de traitement entre contribuables résidents en ce que seuls les contribuables dont les cotisations d'assurance maladie sont versées dans l'État membre d'imposition bénéficient du droit à la réduction de l'impôt en cause. Or, en ce qui concerne l'imposition de leurs revenus dans l'État membre concerné, les contribuables résidents versant des cotisations au régime d'assurance maladie dudit État et ceux relevant d'un régime d'assurance maladie obligatoire d'un autre État membre ne sont pas objectivement dans des situations différentes de nature à expliquer une telle différence de traitement en fonction du lieu de versement des cotisations, dans la mesure où ils sont soumis à une obligation fiscale illimitée dans l'État membre d'imposition. Pareille réglementation nationale, désavantageant les contribuables qui ont exercé leur liberté de circulation en quittant l'État membre dans lequel ils ont exercé l'ensemble de leur activité professionnelle pour venir s'installer dans l'État membre concerné, constitue une restriction aux libertés reconnues par l'article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l'Union.
La circonstance que, d'une part, l'institution d'assurance obligatoire de l'autre État membre ne couvre que les frais des prestations effectivement fournies au contribuable résident s'acquittant de ses cotisations d'assurance maladie obligatoire auprès de cette institution et que, d'autre part, lorsque ce contribuable ne bénéficie pas de prestations de maladie, ses cotisations ne contribuent pas au financement du régime d'assurance maladie de l'État membre concerné ne saurait justifier une telle restriction. En effet, dans la mesure où les règles relatives tant à l'affiliation à un régime déterminé d'assurance sociale des citoyens bénéficiant de la liberté de séjour qu'au versement des cotisations sociales afférentes à ce régime sont directement établies par les dispositions du règlement nº 1408/71, il y a lieu de considérer qu'un État membre ne peut traiter de manière moins avantageuse le séjour et l'imposition de contribuables résidents qui, sur la base des dispositions de ce règlement, versent des cotisations à un régime d'assurance sociale d'un autre État membre.
(cf. points 67-69, 72-73, 78, 85, 87 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
23 avril 2009 (*)
«Article 18 CE – Législation en matière d’impôt sur le revenu – Réduction de l’impôt sur le revenu en fonction des cotisations d’assurance maladie versées dans l’État membre d’imposition – Refus d’une réduction en fonction des cotisations versées dans d’autres États membres»
Dans l’affaire C‑544/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (Pologne), par décision du 3 novembre 2007, parvenue à la Cour le 4 décembre 2007, dans la procédure
Uwe Rüffler
contre
Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. J. Klučka, U. Lõhmus, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour M. Rüffler, par lui-même,
– pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement hellénique, par M. K. Georgiadis ainsi que par Mmes S. Alexandriou et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents,
– pour l’Autorité de surveillance AELE, par M. P. Bjørgan et Mme L. Young, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE et 39 CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Rüffler, ressortissant allemand résidant en Pologne, au Dyrektor Izby Skarbowej we Wrocławiu Ośrodek Zamiejscowy w Wałbrzychu (directeur de la chambre fiscale de Wrocław, antenne de Wałbrzych, ci-après le «Dyrektor») au sujet du refus de l’administration fiscale polonaise de lui accorder une réduction de l’impôt sur le revenu en fonction des cotisations d’assurance maladie qu’il a versées dans un autre État membre, alors qu’une telle réduction est accordée au contribuable dont les cotisations d’assurance maladie sont versées en Pologne.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»), exprime le principe de l’égalité de traitement selon lequel:
«Les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»
4 L’article 28 du règlement n° 1408/71, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d’un seul ou de plusieurs États, un droit aux prestations n’existant pas dans le pays de résidence», prévoit:
«1. Le titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre ou de pensions ou de rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres qui n’a pas droit aux prestations au titre de la législation de l’État membre sur le territoire duquel il réside bénéficie néanmoins de ces prestations pour lui-même et les membres de sa famille, dans la mesure où il y aurait droit en vertu de la législation de l’État membre ou de l’un au moins des États membres compétents en matière de pension, compte tenu, le cas échéant, des dispositions de l’article 18 et de l’annexe VI, s’il résidait sur le territoire de l’État concerné. Le service des prestations est assuré dans les conditions suivantes:
a) les prestations en nature sont servies pour le compte de l’institution visée au paragraphe 2 par l’institution du lieu de résidence, comme si l’intéressé était titulaire d’une pension ou d’une rente en vertu de la législation de l’État sur le territoire duquel il réside et avait droit aux prestations en nature;
b) les prestations en espèces sont servies, le cas échéant, par l’institution compétente déterminée conformément aux dispositions du paragraphe 2, selon les dispositions de la législation qu’elle applique. Toutefois, après accord entre l’institution compétente et l’institution du lieu de résidence, ces prestations peuvent être servies par cette dernière institution pour le compte de la première, selon les dispositions de la législation de l’État compétent.
2. Dans les cas visés au paragraphe 1, la charge des prestations en nature incombe à l’institution déterminée selon les règles suivantes:
a) si le titulaire a droit auxdites prestations en vertu de la législation d’un seul État membre, la charge en incombe à l’institution compétente de cet État;
[…]»
5 L’article 28 bis du même règlement, intitulé «Pensions ou rentes dues en vertu de la législation d’un seul ou de plusieurs États membres autres que le pays de résidence, un droit aux prestations en nature existant dans ce dernier pays», établit:
«En cas de résidence du titulaire d’une pension ou d’une rente due au titre de la législation d’un État membre ou de pensions ou rentes dues au titre des législations de deux ou plusieurs États membres, sur le territoire d’un État membre, selon la législation duquel le droit aux prestations en nature n’est pas subordonné à des conditions d’assurance ou d’emploi et au titre de la législation duquel aucune pension ou rente n’est due, la charge des prestations en nature qui sont servies à ce titre ainsi qu’aux membres de sa famille incombe à l’institution de l’un des États membres compétents en matière de pensions, déterminée selon les règles fixées à l’article 28, paragraphe 2, pour autant que ledit titulaire et les membres de sa famille auraient droit à ces prestations en nature en vertu de la législation appliquée par ladite institution s’ils résidaient sur le territoire de l’État membre où se trouve cette institution.»
6 Aux termes de l’article 95, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97:
«Le montant des prestations en nature servies en vertu de l’article 28 paragraphe 1 […] du règlement [n° 1408/71] est remboursé par les institutions compétentes aux institutions qui ont servi lesdites prestations, sur la base d’un forfait aussi proche que possible des dépenses réelles.»
Le droit conventionnel
7 Aux termes de l’article 18, paragraphes 1 et 2, de la convention du 14 mai 2003 entre la République de Pologne et la République fédérale d’Allemagne visant à éviter la double imposition sur le revenu et la fortune (umowa z dnia 14 maja 2003 r. między Rzeczypospolitą Polską a Republiką Federalną Niemiec w sprawie unikania podwójnego opodatkowania w zakresie podatków od dochodu i od majątku, Dz. U du 20 janvier 2005, n° 12, position 90, ci-après la «convention visant à éviter la double imposition»):
«1. Les pensions de retraite et prestations similaires ou les rentes perçues par une personne ayant sa résidence dans un État contractant à partir d’un deuxième État contractant ne sont soumises à imposition que dans le premier État.
2. Indépendamment du paragraphe précédent, les paiements reçus par la personne ayant sa résidence dans un État contractant, au titre d’un régime d’assurance sociale obligatoire d’un deuxième État contractant, ne sont soumis à imposition que dans ce deuxième État.»
La réglementation nationale
8 L’article 3, paragraphe 1, de la loi du 26 juillet 1991 relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (ustawa z dnia 26 lipca 1991 r. o podatku dochodowym od osób fizycznych, Dz. U de 2000, n° 14, position 176, ci-après «la loi relative à l’impôt sur le revenu»), prévoit:
«Les personnes physiques qui résident sur le territoire polonais sont soumises à une obligation fiscale sur la totalité de leurs revenus, indépendamment du lieu où se trouve la source de ces derniers […]»
9 L’article 21, paragraphe 1, point 58, sous b), de la loi relative à l’impôt sur le revenu énonce:
«Sont exonérés de l’impôt sur le revenu […] les paiements effectués à l’affilié […] à partir des fonds récoltés dans le cadre d’un régime de pensions professionnel.»
10 L’article 27b de cette même loi dispose:
«1. L’impôt sur le revenu […] est soumis en premier lieu à une réduction du montant des cotisations d’assurance maladie visées dans la loi du 27 août 2004 relative au financement public des soins de santé [ustawa z dnia 27 sierpnia 2004 r. o świadczeniach opieki zdrowotnej finansowanych ze środków publicznych, Dz. U n° 210, position 2135] […]:
1) directement payées par le contribuable au cours de l’exercice fiscal, conformément aux dispositions relatives au financement public des soins de santé,
2) recouvrées au cours de l’exercice par l’organisme payeur conformément aux dispositions relatives au financement public des soins de santé.
Cette réduction ne concerne pas les cotisations dont la base de calcul est constituée de revenus (recettes) exonérés d’impôt en vertu des articles 21, […] ainsi que les cotisations dont l’assiette est constituée par le revenu faisant l’objet d’une franchise d’impôt au titre des dispositions de la loi fiscale.
2. Le montant des cotisations d’assurance maladie, dont est réduit l’impôt [sur le revenu visé au paragraphe 1], ne saurait excéder 7,75 % de l’assiette desdites cotisations.
3. Le montant des dépenses effectuées dans le but défini au paragraphe 1 est déterminé sur la base des justificatifs de l’engagement des frais.»
Le litige au principal et la question préjudicielle
11 Après avoir vécu en Allemagne où il exerçait une activité salariée, M. Rüffler s’est installé en Pologne où il réside, depuis l’année 2005, de façon permanente avec son épouse. Il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour qu’il ait exercé une activité professionnelle en Pologne depuis son transfert de résidence.
12 Au moment des faits du litige au principal, M. Rüffler disposait, pour seuls revenus, de deux prestations de retraite perçues en Allemagne, à savoir:
– une pension d’invalidité, servie par une institution allemande d’assurance des travailleurs, le Landesversicherungsanstalt (office régional d’assurance), au titre de 70 % d’invalidité, qui représente un versement du régime allemand d’assurance sociale obligatoire;
– une rente d’entreprise versée par la société Volkswagen.
13 Ces deux prestations sont versées en Allemagne, sur un compte bancaire ouvert par M. Rüffler dans cet État membre. Les cotisations correspondantes sont alors prélevées dans ce même État membre, parmi lesquelles figurent les cotisations d’assurance maladie.
14 La cotisation d’assurance maladie obligatoire versée sur la rente d’entreprise que M. Rüffler perçoit en Allemagne est transférée au taux de 14,3 % à l’institution allemande d’assurance maladie, Deutsche BKK-West à Wolfsburg. Conformément aux dispositions de l’article 28 du règlement n° 1408/71, M. et Mme Rüffler ont un droit, attesté par le Narodowy Fundusz Zdrowia (Fonds national de la santé polonais), à bénéficier de prestations de soins de santé sur le territoire polonais. Ces prestations sont servies en Pologne aux frais de l’institution d’assurance maladie allemande.
15 M. Rüffler est soumis, en Pologne, à une obligation fiscale illimitée, en application de l’article 3, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur le revenu.
16 En application des dispositions de l’article 18, paragraphe 2, de la convention visant à éviter la double imposition, la pension d’invalidité qui lui est servie en Allemagne par le Landversicherungsanstalt est imposée dans ce même État membre. En revanche, selon le paragraphe 1 du même article 18, la rente d’entreprise versée en Allemagne par la société Volkswagen n’est soumise à imposition que sur le territoire polonais.
17 Au cours de l’année 2006, M. Rüffler a sollicité de l’administration fiscale polonaise que l’impôt sur le revenu, dont il est redevable en Pologne au titre de la rente d’entreprise qu’il perçoit en Allemagne, soit réduit en fonction du montant des cotisations d’assurance maladie qu’il a versées en Allemagne.
18 Par décision du 28 novembre 2006, l’administration fiscale polonaise a refusé d’accéder à sa demande au motif que l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu ne prévoit la possibilité de réduire l’impôt sur le revenu qu’en fonction des cotisations d’assurance maladie versées au titre de la loi polonaise relative au financement public des soins de santé. Or, M. Rüffler ne verse pas de cotisations d’assurance maladie en Pologne.
19 Par mémoire en date du 2 février 2007, M. Rüffler a introduit une réclamation contre cette décision de refus devant le Dyrektor, dans le cadre de laquelle il a reproché à l’administration fiscale une application sélective du droit fiscal polonais et la méconnaissance des dispositions du droit communautaire.
20 Par décision du 23 février 2007, le Dyrektor a refusé de modifier la décision de l’administration fiscale du 28 novembre 2006, relative à l’interprétation de l’étendue et des modalités d’application du droit fiscal polonais quant à l’impossibilité de réduire l’impôt payé en Pologne en fonction des cotisations d’assurance maladie acquittées dans un autre État membre. Ce faisant, il a confirmé l’interprétation de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu, fournie par l’administration fiscale, et a affirmé que, pour les organes de l’administration fiscale, obligés de trancher sur la base des dispositions de la loi, en particulier en matière d’allègements et de réductions d’impôts, une interprétation large des dispositions figurant à l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu n’était pas admissible.
21 Il peut être relevé, par ailleurs, que, dans le cadre de sa réclamation devant le Dyrektor, M. Rüffler avait également soutenu que la rente d’entreprise qu’il perçoit doit être exonérée de l’impôt sur le revenu en application de l’article 21, paragraphe 1, point 58, sous b), de la loi relative à l’impôt sur le revenu. Cette prétention a également été rejetée, au motif que cette disposition ne trouvait pas à s’appliquer en l’occurrence car elle concernerait uniquement les personnes affiliées à un régime de pensions professionnelles, selon les dispositions de la loi polonaise relative aux régimes de pensions professionnelles, à savoir des «travailleurs» au sens des dispositions du droit polonais.
22 M. Rüffler a alors introduit devant le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu (tribunal administratif de Wrocław) un recours contre la décision du 23 février 2007, estimant que cette dernière méconnaissait les dispositions de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu. Il a conclu à l’annulation tant de cette décision que de la décision de l’administration fiscale du 28 novembre 2006, en ce qu’elles concluent à l’impossibilité de réduire, en fonction des cotisations d’assurance maladie acquittées dans un autre État membre, le montant de l’impôt sur le revenu dû en Pologne.
23 Selon M. Rüffler, une telle limitation du droit à la réduction de l’impôt sur le revenu, qui conduit à n’accorder cet avantage fiscal qu’aux contribuables ayant versé leurs cotisations d’assurance maladie à une institution d’assurance polonaise, différencie de façon discriminatoire, en fonction du lieu de versement des cotisations d’assurance maladie obligatoire, la situation des personnes acquittant l’impôt sur le revenu en Pologne.
24 M. Rüffler a également soulevé l’incompatibilité de l’interprétation des dispositions nationales de droit fiscal avec le droit communautaire, et, en particulier, avec le principe de la libre circulation des personnes figurant à l’article 39 CE. Au soutien de cette thèse, il a invoqué l’arrêt de la Cour du 30 janvier 2007, Commission/Danemark (C-150/04, Rec. p. I-1163).
25 La juridiction de renvoi considère que la cotisation d’assurance maladie que M. Rüffler verse sur la base des dispositions de droit allemand est identique, par sa nature et par sa finalité, à la cotisation payée par les contribuables polonais en vertu de la loi polonaise. En droit allemand comme en droit polonais, les titulaires de rentes sont tenus de payer une telle cotisation. La différence résiderait dans le niveau de la cotisation d’assurance maladie, qui s’élève à 14,30 % en Allemagne et à 9 % en Pologne, ainsi que dans la base juridique nationale dont découle l’obligation de payer.
26 La juridiction de renvoi se demande si, dans une situation où le contribuable résident doit acquitter, en Pologne, l’impôt sur le revenu au titre d’une rente obtenue en Allemagne, il est légitime de refuser de réduire le montant de cet impôt de la cotisation d’assurance maladie versée en Allemagne, du seul fait que cette cotisation n’a pas été versée sur la base des dispositions du droit national polonais et qu’elle relève du système d’assurance maladie allemand.
27 Elle s’interroge sur le point de savoir si cette interprétation de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu ne constitue pas une discrimination à l’encontre des contribuables qui, en faisant usage de leur liberté de circulation, se voient privés, dans l’État membre d’imposition, de la possibilité de réduire l’impôt du montant des cotisations d’assurance maladie versées dans un autre État membre, tout en supposant que lesdits contribuables n’ont pas déjà déduit ces cotisations dans ce dernier État.
28 Il ressort du dossier soumis à la Cour que, par un arrêt du 7 novembre 2007 (K 18/06, Dz. U de 2007, n° 211, position 1549), le Trybunał Konstytucyjny (Tribunal constitutionnel polonais) a considéré que le paragraphe 1 de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu n’était pas conforme à l’article 32 de la Constitution polonaise, lu en combinaison avec l’article 2 de la même Constitution, dans la mesure où il exclut la possibilité, pour certains contribuables, de déduire de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’activité exercée hors du territoire polonais les cotisations d’assurance maladie, alors que ces cotisations n’ont pas été déduites du revenu dans l’État membre sur le territoire duquel cette activité était exercée. Aux termes de cet arrêt, le paragraphe 1 de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu n’est plus en vigueur depuis le 30 novembre 2008.
29 Dans ces circonstances, le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les articles 12, premier alinéa, CE et 39, paragraphes 1 et 2, CE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la disposition nationale figurant à l’article 27b de la loi [relative à l’impôt sur le revenu] limitant le droit à réduction de l’impôt sur le revenu du montant des cotisations d’assurance maladie obligatoire payées exclusivement sur la base des dispositions du droit national dans le cas où le résident transfère, à partir des revenus imposés en Pologne, la cotisation à une assurance maladie obligatoire dans un autre État membre?»
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
Observations soumises à la Cour
30 En premier lieu, le gouvernement polonais met en doute la recevabilité de la question posée au motif que la décision de renvoi ne présente pas de manière suffisante le cadre factuel et juridique du litige.
31 Ainsi, la décision de renvoi ne fournirait pas une indication qui serait pourtant importante dans le contexte d’un avantage fiscal distinct de celui en cause au principal, à savoir le droit à une exonération de l’impôt sur le revenu en application de l’article 21, paragraphe 1, point 58, sous b), de la loi relative à l’impôt sur le revenu. Selon cette disposition, sont exonérés de l’impôt sur le revenu «les paiements effectués à l’affilié à partir des fonds récoltés dans le cadre d’un régime de pensions professionnel».
32 En l’occurrence, la décision de renvoi n’indiquerait pas clairement si la rente d’entreprise versée par la société Volkswagen est l’équivalent, en Allemagne, des paiements effectués dans le cadre d’un régime de pensions professionnel polonais ou si elle constitue une autre forme d’assurance vieillesse.
33 En second lieu, le gouvernement polonais estime que la question posée n’est également pas recevable en raison de l’absence de nécessité, au sens de l’article 234 CE, d’obtenir une décision à titre préjudiciel aux fins de la solution du litige au principal, ce dernier devant être tranché exclusivement sur la base du droit interne.
34 Ainsi, d’après le gouvernement polonais, dans l’hypothèse où la rente d’entreprise, versée par la société Volkswagen, représente l’équivalent, en Allemagne, des paiements effectués dans le cadre d’un régime de pensions professionnel polonais, elle devrait être considérée comme relevant du champ d’application de l’article 21, paragraphe 1, point 58, sous b), de la loi relative à l’impôt sur le revenu car celui-ci ne se restreindrait pas aux seuls paiements effectués au titre d’un régime de pensions professionnel polonais. Dans une telle hypothèse, le revenu perçu par M. Rüffler au titre de ladite rente devrait faire l’objet, en Pologne, d’une exonération d’impôt.
35 Le gouvernement polonais relève, ensuite, que l’article 27b, paragraphe 1, dernier alinéa, de la loi relative à l’impôt sur le revenu exclut le droit à une réduction de l’impôt du montant des cotisations d’assurance maladie, droit dont M. Rüffler réclame le bénéfice dans le cadre du litige au principal, lorsque les cotisations d’assurance maladie se rattachent à des revenus exonérés en vertu de l’article 21 de la même loi. Par conséquent, si la rente allemande constitue un tel revenu exonéré, il ne serait pas possible, en application de l’article 27b, paragraphe 1, dernier alinéa, de la loi relative à l’impôt sur le revenu, de réduire le montant de l’impôt sur le revenu du montant des cotisations d’assurance maladie, sans que l’État dans lequel ces cotisations ont été payées importe à cet égard. Le litige pendant devant la juridiction nationale devrait, par conséquent, être tranché exclusivement sur la base du droit interne.
Appréciation de la Cour
36 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. p. I-2099, point 38; du 4 décembre 2008, Zablocka-Weyhermüller, C-221/07, non encore publié au Recueil, point 20, et du 10 mars 2009, Hartlauer, C-169/07, non encore publié au Recueil, point 24).
37 Toutefois, la Cour a également jugé que, dans des circonstances exceptionnelles, il lui appartient d’examiner les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, point 21; voir, également, arrêts PreussenElektra, précité, point 39, ainsi que du 21 janvier 2003, Bacardi-Martini et Cellier des Dauphins, C-318/00, Rec. p. I-905, point 42).
38 Le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêts précités PreussenElektra, point 39, et Zablocka-Weyhermüller, point 20).
39 D’une part, en ce qui concerne la question posée par le Wojewódzki Sąd Administracyjny we Wrocławiu, il y a lieu de constater qu’il ressort clairement de la décision de renvoi que le litige au principal et la question préjudicielle ne concernent que la question du droit à une réduction d’impôt en fonction des cotisations d’assurance maladie et non le refus de l’exonération de la rente d’entreprise.
40 En effet, la prétention de M. Rüffler, selon laquelle la rente d’entreprise qu’il perçoit doit faire l’objet, en Pologne, d’une exonération de l’impôt sur le revenu, prétention émise au stade de sa réclamation contre la décision de l’administration fiscale de première instance et rejetée par le Dyrektor, n’apparaît pas dans le cadre du recours formé par M. Rüffler devant la juridiction de renvoi. Ce recours vise en effet à l’annulation de la décision du Dyrektor en ce qu’elle confirme l’impossibilité, au regard de la situation du requérant au principal, d’obtenir une réduction de l’impôt au titre de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu.
41 D’autre part, la Cour se considère comme suffisamment éclairée quant au statut de M. Rüffler et à la nature des cotisations et de la rente d’entreprise versées en Allemagne pour pouvoir répondre utilement à la juridiction de renvoi.
42 Cette juridiction indique, en effet, dans sa décision, que la rente d’entreprise versée en Allemagne relève des «pensions de retraite et prestations similaires ou [des] rentes perçues par une personne ayant sa résidence dans un État contractant» au sens de l’article 18, paragraphe 1, de la convention visant à éviter la double imposition. Elle estime que les cotisations d’assurance maladie, qui sont déduites de la rente d’entreprise et versées par M. Rüffler sur la base des dispositions du droit allemand, sont identiques, par leur nature et par leur finalité, aux cotisations payées par les contribuables polonais en vertu de la loi polonaise.
43 De ce fait, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation demandée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, que le problème est de nature hypothétique ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile à la question qui lui est posée.
44 Dès lors, la question posée est recevable.
Sur le fond
Observations présentées à la Cour
45 M. Rüffler, le gouvernement grec, la Commission des Communautés européennes et l’autorité de surveillance AELE estiment que le droit communautaire s’oppose à ce qu’une réglementation d’un État membre, ou son interprétation par l’administration fiscale, limite le droit à une réduction de l’impôt sur le revenu en fonction des cotisations d’assurance maladie aux seules cotisations d’assurance maladie acquittées pour le compte du régime national d’assurance maladie obligatoire.
46 Pour le gouvernement grec et l’autorité de surveillance AELE, les articles 12 CE et 39 CE s’opposent à ce que l’État membre, dans lequel le contribuable a sa résidence permanente et est soumis à une obligation fiscale illimitée, refuse d’accorder à ce contribuable une réduction d’impôt en fonction des cotisations qu’il a versées à l’organisme d’assurance maladie d’un autre État membre, pour autant que le contribuable n’a pas déduit ces cotisations dans ce second État dans lequel il perçoit son revenu imposable. Un tel traitement désavantagerait les contribuables qui ont fait usage du droit de libre circulation et qui sont privés, dans l’État d’imposition, de la possibilité de voir leur impôt réduit en fonction des cotisations versées à un organisme d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre.
47 La Commission, quant à elle, déduit des indications de la décision de renvoi, d’une part, que M. Rüffler n’exerçait pas d’activité professionnelle au moment du litige au principal et, d’autre part, que, depuis l’année 2005, il réside en permanence en Pologne en tant que retraité pensionné au titre d’une activité salariée qu’il a exercée en Allemagne. Aussi, elle estime que, en raison de l’absence de tout lien entre le séjour de M. Rüffler sur le territoire polonais et l’exercice d’une activité professionnelle, la situation de celui-ci n’a pas à être appréciée à la lumière de l’article 39 CE. Le litige au principal devrait être examiné à l’aune des dispositions combinées des articles 12 CE et 18 CE.
48 Selon la Commission, il est contraire aux articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe 1, CE, qu’une réglementation nationale, telle que l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu, ne prévoie le droit à la réduction du montant de l’impôt sur le revenu qu’en fonction des cotisations d’assurance maladie versées au régime d’assurance maladie polonais, en excluant, de ce fait, les cotisations versées au régime d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre dans lequel ont été perçus les revenus imposables en Pologne.
49 Le gouvernement polonais, estimant que la question posée est irrecevable, ne s’est pas prononcé sur le fond.
Appréciation de la Cour
– Sur les dispositions du traité CE applicables
50 Il ressort de la décision de renvoi que, depuis l’année 2005, M. Rüffler réside en permanence en Pologne avec son épouse, en tant que retraité pensionné au titre d’une activité salariée qu’il a exercée en Allemagne. D’après la décision de renvoi, au moment de la naissance du litige au principal, M. Rüffler disposait comme seuls revenus d’une pension de retraite et d’une pension d’invalidité, toutes deux perçues en Allemagne. Par conséquent, M. Rüffler n’exerçait pas d’activité professionnelle au moment de la naissance du litige au principal.
51 Par ailleurs, il ne résulte pas du dossier soumis à la Cour que M. Rüffler aurait travaillé auparavant en Pologne ou qu’il s’y serait rendu pour y chercher un travail salarié.
52 La Cour a déjà jugé, dans l’arrêt du 9 novembre 2006, Turpeinen (C-520/04, Rec. p. I-10685, point 16), qu’une personne ayant exercé l’ensemble de son activité professionnelle dans l’État membre dont elle est ressortissante et n’ayant fait usage du droit de séjourner dans un autre État membre qu’après avoir pris sa retraite, sans aucune intention d’exercer dans cet autre État une activité salariée, ne peut se prévaloir de la libre circulation des travailleurs.
53 Il apparaît que tel est le cas de M. Rüffler, eu égard aux faits de la cause au principal tels qu’ils ressortent de la décision de renvoi.
54 L’affaire au principal ne relevant pas de l’article 39 CE, il convient de rechercher quelle disposition du traité est applicable à une situation telle que celle de M. Rüffler.
55 En tant que ressortissant allemand, M. Rüffler jouit du statut de citoyen de l’Union institué à l’article 17, paragraphe 1, CE et peut donc se prévaloir éventuellement des droits afférents à un tel statut, notamment les droits de libre circulation et de libre séjour prévus à l’article 18, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2008, Nerkowska, C-499/06, non encore publié au Recueil, point 22, et Zablocka-Weyhermüller, précité, point 26).
56 Une situation telle que celle de M. Rüffler relève du droit de libre circulation et de libre séjour des citoyens de l’Union dans les États membres. En effet, une personne qui, après avoir pris sa retraite, quitte l’État membre dont elle est ressortissante et dans lequel elle a exercé l’ensemble de son activité professionnelle pour établir sa résidence dans un autre État membre, exerce le droit conféré par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres (voir, en ce sens, arrêt Turpeinen, précité, points 16 à 19).
57 Il y a lieu d’indiquer que, même si la juridiction de renvoi n’a pas fait référence à l’article 18 CE dans l’énoncé de sa question préjudicielle, une telle circonstance ne fait pas obstacle à ce que la Cour fournisse à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation du droit communautaire pouvant être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, que cette juridiction y ait fait ou non référence dans l’énoncé de sa question (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1990, SARPP, C-241/89, Rec. p. I-4695, point 8; du 21 février 2006, Ritter-Coulais, C-152/03, Rec. p. I-1711, point 29, et du 26 avril 2007, Alevizos, C-392/05, Rec. p. I-3505, point 64).
58 La situation de M. Rüffler doit, par conséquent, être examinée à la lumière du principe du droit de libre circulation et de libre séjour des citoyens de l’Union dans les États membres, énoncé à l’article 18 CE.
59 Enfin, s’agissant de l’article 12 CE, le premier alinéa de cet article dispose que, dans le domaine d’application du traité et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Il résulte, par ailleurs, d’une jurisprudence constante que le principe de non-discrimination, prévu à l’article 12 CE, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié (arrêt du 12 juillet 2005, Schempp, C-403/03, Rec. p. I-6421, point 28).
– Sur la compatibilité avec l’article 18 CE
60 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 18 CE s’oppose à une réglementation d’un État membre qui lie l’octroi du droit à une réduction du montant de l’impôt sur le revenu en fonction des cotisations d’assurance maladie acquittées à la condition que ces cotisations aient été versées dans cet État membre, sur la base des dispositions du droit national, et conduit à refuser l’octroi d’un tel avantage fiscal lorsque les cotisations susceptibles de venir en déduction du montant de l’impôt sur le revenu dû dans cet État membre ont été versées dans le cadre d’un régime d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre.
61 Il convient d’observer, à titre liminaire, que, dans le cadre de cette question, la juridiction de renvoi part de l’hypothèse que les cotisations d’assurance maladie, dont la prise en compte aux fins d’une réduction de l’impôt est demandée dans le litige au principal, n’ont pas déjà été fiscalement prises en considération dans l’État membre dans lequel elles ont été acquittées.
62 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir dans le domaine d’application ratione materiæ du traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (voir, notamment, arrêts du 29 avril 2004, Pusa, C-224/02, Rec. p. I-5763, point 16; du 11 septembre 2007, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C-76/05, Rec. p. I-6849, point 86, ainsi que du 16 décembre 2008, Huber, C-524/06, non encore publié au Recueil, point 69).
63 Parmi les situations relevant du domaine d’application du droit communautaire figurent celles relatives à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 18 CE (arrêts précités Pusa, point 17, ainsi que Schwarz et Gootjes-Schwarz, point 87).
64 Dans la mesure où un citoyen de l’Union doit se voir reconnaître, dans tous les États membres, le même traitement juridique que celui qui est accordé aux ressortissants de ces États membres se trouvant dans la même situation, il serait incompatible avec le droit de libre circulation qu’il puisse se voir appliquer, dans l’État membre d’accueil, un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation (voir, par analogie, concernant le traitement dans l’État membre dont le citoyen de l’Union est ressortissant, arrêts Pusa, précité, point 18; Schwarz et Gootjes-Schwarz, précité, point 88, ainsi que du 11 septembre 2007, Commission/Allemagne, C-318/05, Rec. p. I-6957, point 127).
65 Ces facilités ne pourraient, en effet, produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis à son séjour dans l’État membre d’accueil en raison d’une réglementation nationale pénalisant le fait qu’il les a exercées (voir, en ce sens, arrêt Pusa, précité, point 19; voir, également, arrêts du 26 octobre 2006, Tas-Hagen et Tas, C-192/05, Rec. p. I-10451, point 30, ainsi que Zablocka-Weyhermüller, précité, point 34).
66 Dès lors, il y a lieu de déterminer si une réglementation telle que celle en cause au principal introduit, entre des ressortissants communautaires se trouvant dans la même situation, une différence de traitement défavorable à ceux qui ont exercé leur droit à la libre circulation, et si, à la supposer établie, une telle différence de traitement peut, le cas échéant, être justifiée.
67 Une réglementation, telle que celle en cause au principal, instaure une différence de traitement entre contribuables résidents selon que les cotisations d’assurance maladie pouvant venir en déduction du montant de l’impôt sur le revenu dû en Pologne ont ou non été versées dans le cadre du régime national d’assurance maladie obligatoire. En application d’une telle réglementation, seuls les contribuables dont les cotisations d’assurance maladie sont versées dans l’État membre d’imposition bénéficient du droit à la réduction de l’impôt en cause au principal.
68 Or, en ce qui concerne l’imposition de leurs revenus en Pologne, il y a lieu de relever que les contribuables résidents versant des cotisations au régime d’assurance maladie polonais et ceux relevant d’un régime d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre ne sont pas objectivement dans des situations différentes de nature à expliquer une telle différence de traitement en fonction du lieu de versement des cotisations.
69 En effet, la situation d’un contribuable retraité, tel que M. Rüffler, résidant en Pologne et percevant des prestations de retraite versées dans le cadre du régime d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre, et celle d’un retraité polonais, résidant également en Pologne, mais percevant sa retraite dans le cadre du régime d’assurance maladie polonais, sont comparables en ce qui concerne les principes d’imposition, dans la mesure où, en Pologne, tous deux sont soumis à une obligation fiscale illimitée.
70 Ainsi, l’imposition de leurs revenus, dans cet État membre, devrait s’effectuer selon les mêmes principes et, de ce fait, sur la base des mêmes avantages fiscaux, à savoir, dans le cadre de l’affaire au principal, celui du droit à une réduction de l’impôt sur le revenu.
71 Il faut souligner de surcroît que, dans la situation de M. Rüffler, les cotisations qu’il verse en Allemagne relèvent de l’assurance maladie obligatoire en Allemagne. Ces cotisations sont directement prélevées sur les revenus qu’il perçoit, à savoir la rente d’entreprise et la pension d’invalidité, et transférées à l’institution d’assurance maladie allemande. Après le transfert en Pologne de sa résidence, M. Rüffler a continué à percevoir sa rente d’entreprise et sa pension d’invalidité en provenance d’Allemagne et, conformément aux articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, il a le droit, en Pologne, de bénéficier de prestations de santé, dont les coûts sont ensuite pris en charge par son assurance maladie allemande.
72 Il y a lieu de considérer que, dans la mesure où elle lie l’octroi d’un avantage fiscal au titre des cotisations d’assurance maladie à la condition que ces dernières aient été versées à un organisme d’assurance maladie polonais et conduit à refuser ledit avantage aux contribuables ayant versé des cotisations à un organisme relevant d’un autre État membre, la réglementation nationale en cause au principal désavantage les contribuables qui, comme M. Rüffler, ont exercé leur liberté de circulation en quittant l’État membre dans lequel ils ont exercé l’ensemble de leur activité professionnelle pour venir s’installer en Pologne.
73 Pareille réglementation nationale, qui désavantage certains ressortissants d’un État membre du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler dans un autre État membre, constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union.
74 Une telle restriction ne peut être justifiée, au regard du droit communautaire, que si elle se fonde sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et est proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C-406/04, Rec. p. I-6947, point 40; Tas-Hagen et Tas, précité, point 33, ainsi que Zablocka-Weyhermüller, précité, point 37).
75 Il reste ainsi à établir s’il existe des critères objectifs qui justifient une différence de traitement fiscal telle que celle en cause au principal.
76 Le gouvernement polonais n’a pas avancé d’argument à cet égard.
77 La juridiction de renvoi se demande, cependant, si le fait, pour les contribuables qui s’acquittent de leurs cotisations d’assurance maladie obligatoire auprès d’institutions étrangères, de ne pas participer au financement du régime d’assurance maladie polonais, puisque l’institution étrangère ne rembourse, c’est-à-dire ne transfère au Fonds national de la santé relevant de la République de Pologne, que les coûts des prestations de santé effectivement octroyées à ces contribuables sur le territoire polonais, pourrait constituer une justification objective suffisante de la différence de traitement fiscal résultant de l’article 27b de la loi relative à l’impôt sur le revenu.
78 De tels éléments de justification ne sauraient être retenus. En effet, la circonstance que, d’une part, l’institution d’assurance obligatoire allemande ne couvre que les frais des prestations effectivement fournies à M. Rüffler et que, d’autre part, lorsque ce dernier ne bénéficie pas de prestations de maladie, ses cotisations ne contribuent pas au financement du régime d’assurance maladie polonais, ne saurait justifier une restriction telle que celle en cause au principal.
79 Ainsi que l’a relevé à juste titre la juridiction de renvoi, ainsi que la Commission et l’autorité de surveillance AELE, le fait que les frais des prestations de santé servies à des ressortissants allemands résidant en Pologne sont remboursés au Fonds national de la santé polonais par l’institution d’assurance allemande compétente résulte de l’application combinée de la réglementation communautaire concernant la coordination des régimes de sécurité sociale, et notamment des articles 28 et 28 bis du règlement n° 1408/71, ainsi que de l’article 95 du règlement n° 574/72, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 118/97.
80 Dans l’affaire au principal, il en résulte notamment que, bien que les cotisations d’assurance maladie d’un ressortissant allemand comme M. Rüffler ne soient pas versées directement au Fonds national de la santé polonais, les frais médicaux exposés par ce ressortissant ne représentent pas une charge pour le système de santé polonais.
81 La réglementation de droit dérivé qui cordonne les systèmes de sécurité sociale des États membres a pour objectif de protéger les droits sociaux des personnes qui se déplacent à l’intérieur de l’Union européenne et d’assurer que leur droit de bénéficier des prestations de sécurité sociale n’est pas affecté du fait même de l’exercice de leur liberté de circulation. En effet, l’exercice même de cette liberté serait découragé si les États membres étaient libres, en ce qui concerne le traitement fiscal desdites prestations, de désavantager les personnes recevant des prestations de sécurité sociale dans le cadre du système de santé d’un autre État membre.
82 À cet égard, dans l’arrêt du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089, point 64), la Cour a considéré que l’application d’un traitement fiscal défavorable, à savoir un taux d’impôt majoré, aux contribuables non-résidents et ne cotisant pas au régime de sécurité sociale des Pays-Bas, était contraire à l’article 52 du traité et ne pouvait être justifiée par l’affiliation ou la non-affiliation à un régime national de sécurité sociale déterminé. Elle a souligné, à cet égard, que la détermination de l’État membre dans lequel les cotisations sociales sont versées résulte simplement de l’application du régime mis en place par le règlement n° 1408/71. En effet, le fait que certains contribuables ne soient pas affiliés à un régime de sécurité sociale déterminé et que, par voie de conséquence, les cotisations à ce régime ne soient pas prélevées de leur revenu dans l’État membre considéré ne peut, s’il est fondé, que résulter de l’application, en matière de détermination de la législation applicable, du système général et contraignant mis en place par le règlement n° 1408/71 (voir, en ce sens, arrêt Asscher, précité, point 60).
83 La Cour a précisé que le fait que les États membres ne disposent pas de la faculté de déterminer dans quelle mesure leur propre législation ou celle d’un autre État membre est applicable, puisqu’ils sont tenus de respecter les dispositions de droit communautaire en vigueur, s’oppose à ce qu’un État membre vise en réalité, par des mesures fiscales, à compenser la non-affiliation et la non-perception de cotisations à son régime de sécurité sociale (arrêt Asscher, précité, point 61).
84 Ainsi que l’ont soutenu la Commission et l’autorité de surveillance AELE, le même raisonnement s’applique, par analogie, à la limitation du droit à réduction de l’impôt pour les contribuables non cotisants en cause dans l’affaire au principal.
85 Par conséquent, dans la mesure où les règles relatives tant à l’affiliation à un régime déterminé d’assurance sociale des citoyens bénéficiant de la liberté de séjour qu’au versement des cotisations sociales afférentes à ce régime sont directement établies par les dispositions du règlement n° 1408/71, il y a lieu de considérer qu’un État membre ne peut traiter de manière moins avantageuse le séjour et l’imposition de contribuables résidents qui, sur la base des dispositions de ce règlement, versent des cotisations à un régime d’assurance sociale d’un autre État membre.
86 Une réglementation telle que celle en cause au principal constituant une restriction non objectivement justifiée à l’article 18 CE, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur sa compatibilité au regard de l’article 12 CE.
87 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que l’article 18, paragraphe 1, CE s’oppose à une réglementation d’un État membre qui lie l’octroi du droit à une réduction de l’impôt sur le revenu en fonction des cotisations d’assurance maladie acquittées à la condition que ces cotisations aient été versées dans cet État membre, sur la base des dispositions du droit national, et conduit à refuser l’octroi d’un tel avantage fiscal lorsque les cotisations susceptibles de venir en déduction du montant de l’impôt sur le revenu dû dans cet État membre sont versées dans le cadre d’un régime d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre.
Sur les dépens
88 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:
L’article 18, paragraphe 1, CE s’oppose à une réglementation d’un État membre qui lie l’octroi du droit à une réduction de l’impôt sur le revenu en fonction des cotisations d’assurance maladie acquittées à la condition que ces cotisations aient été versées dans cet État membre, sur la base des dispositions du droit national, et conduit à refuser l’octroi d’un tel avantage fiscal lorsque les cotisations susceptibles de venir en déduction du montant de l’impôt sur le revenu dû dans cet État membre sont versées dans le cadre d’un régime d’assurance maladie obligatoire d’un autre État membre.
Signatures
* Langue de procédure: le polonais.