C-305/97 - Royscot e.a.

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EUR-Lex - 61997J0305 - FR

61997J0305

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 5 octobre 1999. - Royscot Leasing Ltd, Royscot Industrial Leasing Ltd, Allied Domecq plc et T.C. Harrison Group Ltd contre Commissioners of Customs & Excise. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England & Wales) - Royaume-Uni. - TVA - Article 11, paragraphes 1 et 4, de la deuxième directive - Article 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive - Droit à déduction - Exclusions par des règles nationales antérieures à la sixième directive. - Affaire C-305/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-06671


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Dépenses ayant un caractère strictement professionnel - Exclusions par des règles nationales antérieures à la sixième directive - Exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due sur l'achat de véhicules automobiles constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti - Admissibilité

(Directives du Conseil 67/228, art. 11, § 4, et 77/388, art. 17, § 6)

2 Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Exclusions du droit à déduction - Délai prévu par l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive pour l'adoption de règles communautaires - Expiration sans mise en oeuvre de telles règles - Faculté pour les États membres de maintenir les exclusions existantes lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive

Sommaire


1 L'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires autorisait les États membres à introduire ou à maintenir, et l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388 autorise ceux-ci à maintenir, des exclusions générales du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due sur l'achat de véhicules automobiles utilisés par l'assujetti pour les besoins de ses opérations taxées, même si ces véhicules étaient un outil indispensable à l'exercice de l'activité exercée par l'assujetti concerné ou si ces véhicules ne pouvaient pas, dans un cas concret, être utilisés à des fins privées par l'assujetti concerné.

2 L'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, qui prévoit que, au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la directive, le Conseil déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et que, jusqu'à l'entrée en vigueur de règles à cet effet, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la directive, doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent maintenir les exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, bien que le Conseil n'ait pas déterminé, avant l'expiration du délai susvisé, les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.

Parties


Dans l'affaire C-305/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par la Court of Appeal (England & Wales) (Royaume-Uni) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Royscot Leasing Ltd et Royscot Industrial Leasing Ltd,

Allied Domecq plc,

T. C. Harrison Group Ltd

et

Commissioners of Customs & Excise,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Structure et modalités d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303), et 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. G. Hirsch (rapporteur), président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, J. L. Murray et R. Schintgen, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Royscot Leasing Ltd, Royscot Industrial Leasing Ltd et Allied Domecq plc, par MM. A. Thornhill et K. Prosser, QC, mandatés par Ashurst Morris Crisp, solicitors,

- pour T. C. Harrison Group Ltd, par MM. S. Allcock, QC, et A. Hitchmough, barrister, mandatés par Dibb Lupton Broomhead, solicitors,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Ridley, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de MM. G. Barling, QC, et R. Hill, barrister,

- pour le gouvernement danois, par M. J. Molde, chef de division au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement hellénique, par M. G. Kanellopoulos, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l'État, et Mme A. Rokofyllou, conseiller au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement français, par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur du droit international économique et du droit communautaire à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. G. Mignot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement irlandais, par M. M. A. Buckley, Chief State Solicitor, en qualité d'agent, assisté de MM. A. Ó Caoimh, SC, D. Moloney, BL, et D. Sherlock, Deputy Revenue Solicitor,

- pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Mme T. Pynnä, conseiller juridique au même ministère, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement suédois, par M. E. Brattgård, departementsråd au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Traversa et Mme H. Michard, membres du service juridique, et Mme F. Riddy, fonctionnaire national détaché auprès du même service, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Royscot Leasing Ltd, Royscot Industrial Leasing Ltd et Allied Domecq plc, de T. C. Harrison Group Ltd, des gouvernements du Royaume-Uni, hellénique, irlandais et finlandais, ainsi que de la Commission, à l'audience du 19 novembre 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 21 janvier 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 29 juillet 1997, parvenue à la Cour le 26 août suivant, la Court of Appeal (England & Wales) a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), quatre questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Structure et modalités d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303, ci-après la «deuxième directive»), et 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant trois groupes de requérantes, Royscot Leasing Ltd et Royscot Industrial Leasing Ltd (ci-après «Royscot»), T. C. Harrison Ltd (ci-après «Harrison») et Allied Domecq plc (ci-après «Domecq»), aux Commissioners of Customs & Excise (ci-après les «Commissioners») au sujet du refus de ces derniers d'accorder auxdites sociétés la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») due sur l'achat de véhicules automobiles.

La réglementation communautaire

3 L'article 11, paragraphe 1, de la deuxième directive introduisant le droit à déduction prévoit:

«Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de son entreprise, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est facturée pour les biens qui lui sont livrés et pour les services qui lui sont rendus;

b) ...»

Le paragraphe 4 de ce même article précise:

«Peuvent être exclus du régime des déductions certains biens et certains services, notamment ceux qui sont susceptibles d'être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel.»

4 En vertu de son article 37, la sixième directive a remplacé la deuxième directive.

5 Selon l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, dans sa version résultant de l'article 28 septies, lequel a été inséré dans la sixième directive par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l'abolition des frontières fiscales, la directive 77/388 (JO L 376, p. 1), et modifié par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, modifiant la directive 77/388 et portant nouvelles mesures de simplification en matière de taxe sur la valeur ajoutée - champ d'application de certaines exonérations et modalités pratiques de leur mise en oeuvre (JO L 102, p. 18):

«Dans la mesure où les biens et services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l'intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

b) ...»

6 Un régime d'exclusion du droit à déduction est énoncé à l'article 17, paragraphe 6, de cette même directive, aux termes duquel:

«Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive.»

7 Les règles communautaires prévues par cette disposition n'ont pas encore été adoptées.

La réglementation nationale

8 Depuis 1973, le Royaume-Uni interdit la déduction de la TVA sur l'achat de véhicules automobiles en vertu de plusieurs législations successives (ci-après les «Cars Orders»). L'article 4 du VAT (Cars) Order 1972 prévoit:

«La taxe sur la livraison ou l'importation d'un véhicule automobile ne pourra pas être déduite en tant que taxe en amont ... sauf lorsque:

a) la livraison est une location; ou

b) le véhicule automobile est livré ou importé pour être converti en un véhicule qui n'est pas un véhicule automobile; ou

c) le véhicule automobile est neuf et livré ou importé pour être vendu.»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Royscot exerce l'activité de leasing qui consiste à acheter des voitures et à les louer à ses clients à un prix de location comprenant la TVA. Royscot ne prend pas possession des voitures qui sont livrées directement par le fabricant aux locataires. Il n'est dès lors pas possible pour Royscot ou ses employés d'utiliser les voitures à des fins privées.

10 Harrison est un membre représentatif d'un groupe d'assujettis à la TVA, dont certains membres exercent trois activités différentes. La première activité est une activité de leasing de voitures à long terme, qui est la même que celle de Royscot. La deuxième activité est une activité de location de voitures à court terme. Lorsqu'elles ne sont pas louées, ces voitures sont mises à la disposition des employés qui peuvent les utiliser gratuitement en dehors de leurs horaires de travail. La troisième activité est une activité de distribution de voitures exercée sous forme de franchise. Le contrat de franchise prévoit la mise à la disposition des clients et du personnel d'une flotte de voitures de démonstration. Certains employés peuvent utiliser gratuitement les voitures de démonstration pour leurs besoins privés.

11 Domecq est un membre représentatif d'un groupe d'assujettis à la TVA, dont certains membres exercent des activités de détail. Ils emploient des vendeurs itinérants et des techniciens qui ont besoin d'utiliser des véhicules automobiles pour exercer leurs fonctions. Les employés peuvent également utiliser lesdites voitures de façon raisonnable à des fins privées en acquittant un montant à cet effet. Domecq achète également des véhicules automobiles pour les besoins professionnels et privés de ses cadres supérieurs conformément à leurs contrats d'emploi. Les employés qui ont de telles voitures ne doivent rien payer pour l'utilisation privée de celles-ci.

12 Royscot, Harrison et Domecq ont introduit une demande afin d'obtenir la déduction de la TVA due sur l'achat des véhicules automobiles, au motif que les articles 11, paragraphe 4, de la deuxième directive et 17, paragraphe 6, de la sixième directive ne permettraient pas au Royaume-Uni d'introduire et de maintenir une exclusion du droit à déduction telle que celle énoncée dans les Cars Orders.

13 Les demandes de Royscot et de Domecq visent les périodes couvertes par la sixième directive, tandis que celle de Harrison porte sur une période qui remonte jusqu'en 1973, date à laquelle la deuxième directive était en vigueur.

14 Les Commissioners ont rejeté ces demandes au motif que la déduction était interdite par les Cars Orders. Royscot, Harrison et Domecq ont formé un recours devant le VAT and Duties Tribunal, qui n'a pas été accueilli. Après que la High Court of Justice eut rejeté leur recours, elles ont saisi la Court of Appeal, qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive du Conseil, du 11 avril 1967, autorisait-il les États membres à introduire ou à maintenir, et le deuxième alinéa de l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, autorise-t-il les États membres à maintenir, des législations nationales qui excluent, sans limitation, le droit à déduction de la TVA due sur l'achat de véhicules automobiles utilisés par un assujetti aux fins de ses opérations imposables?

2) Notamment, le droit à déduction peut-il être exclu:

a) même si les voitures sont des outils essentiels de l'activité, en ce sens que l'activité, par définition, n'existerait pas sans ces voitures (par exemple les activités de leasing de voitures des sociétés Royscot et les activités de leasing et de location du groupe T. C. Harrison)?

b) même si les voitures ne sont jamais disponibles pour être utilisées à titre privé par l'assujetti ou son personnel (par exemple les activités de leasing de voitures des sociétés Royscot et du groupe T. C. Harrison)?

c) même si l'assujetti ne peut pas poursuivre ses activités sans ces voitures (par exemple les voitures de `démonstration' acquises par un membre du groupe T. C. Harrison pour son activité de distribution)?

d) même si les employés de l'assujetti ne peuvent pas exercer leurs fonctions sans ces voitures (par exemple les vendeurs itinérants employés par le groupe Allied Domecq)?

e) indépendamment de a), c), ou d), ci-dessus, au motif que les employés de l'assujetti peuvent utiliser, accessoirement, les voitures, à titre privé, en dehors de leurs heures de travail?

3) Est-il important pour la question 2, sous e), ci-dessus de savoir si:

a) une répartition des dépenses relatives aux voitures est possible entre l'utilisation à titre professionnel et l'utilisation à titre privé?

b) l'autorisation d'utiliser les voitures à titre privé est une opération imposable aux fins de la TVA, parce que l'assujetti porte en compte à ses employés un montant pour les utilisations en cause?

4) L'autorisation accordée aux États membres par le second alinéa de l'article 17, paragraphe 6, expirait-elle à la fin de la période de quatre ans mentionnée au premier alinéa?»

Sur les deux premières questions

15 Par ses première et deuxième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive autorisait les États membres à introduire ou à maintenir, et si l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive autorise ceux-ci à maintenir, des exclusions générales du droit à déduction de la TVA due sur l'achat de véhicules automobiles utilisés par l'assujetti pour les besoins de ses opérations taxées, même si

- ces véhicules étaient un outil indispensable à l'exercice de l'activité exercée par l'assujetti concerné ou

- ces véhicules ne pouvaient pas, dans un cas concret, être utilisés à des fins privées par l'assujetti concerné.

16 Royscot, Harrison et Domecq soutiennent que l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive limite les exclusions aux cas dans lesquels des véhicules automobiles sont susceptibles d'être utilisés pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel. En effet, cette disposition devrait être interprétée en tenant compte du principe fondamental énoncé au paragraphe 1 de cette même disposition conférant le droit à déduction. Dès lors, l'article 11, paragraphe 4, ne s'appliquerait également pas aux biens qui sont les outils essentiels de l'activité de l'assujetti et aux cas dans lesquels il est possible de déterminer la partie de la TVA en amont due sur le fondement de l'article 11, paragraphe 2.

17 Quant à l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, Royscot, Harrison et Domecq soulignent que la clause de «standstill» visée à cette disposition n'autorise pas le maintien de telles exclusions qui n'étaient pas justifiées par l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive. En outre, l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, interprété dans son contexte, autoriserait les États membres uniquement à maintenir des exclusions qui concernent des dépenses qui contiennent ou peuvent contenir un élément non professionnel qui ne peut être distingué de l'élément professionnel sur la base de la détermination prévue à l'article 17, paragraphe 5, de la sixième directive.

18 En revanche, les gouvernements du Royaume-Uni, danois, français, irlandais, finlandais et suédois font valoir qu'il ressort clairement du libellé de l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive que les États membres pouvaient exclure du régime des déductions les dépenses afférentes à l'achat des biens tels que les véhicules automobiles, exclusions qu'ils peuvent maintenir en vertu de l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

19 La Commission soutient que, du fait de l'importance du droit à déduction pour le système de la TVA, les articles 11, paragraphe 4, de la deuxième directive et 17, paragraphe 6, de la sixième directive n'autorisent pas les États membres à exclure du droit à déduction les dépenses pour les outils essentiels de l'activité de l'assujetti. Lors de l'audience, la Commission a exposé qu'il résulterait de l'arrêt du 18 juin 1998, Commission/France (C-43/96, Rec. p. I-3903), que le Royaume-Uni avait été en effet initialement autorisé à maintenir les exclusions du droit à déduction en cause. Toutefois, celui-ci aurait, selon la Commission, perdu ce droit à la suite d'une modification du droit national portant atteinte à la clause de «standstill» visée à l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

20 Ainsi que la Cour l'a déjà jugé aux points 18 et 19 de l'arrêt Commission/France, précité, il y a lieu d'inférer du libellé ainsi que de sa genèse que l'article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que l'expression «toutes les exclusions» comprend les dépenses qui ont un caractère strictement professionnel. Dès lors, cette disposition autorise les États membres à maintenir des règles nationales qui excluent le droit à déduction non seulement de la TVA afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti, mais également de celle afférente aux véhicules automobiles qui ne sont pas susceptibles, dans un cas concret, de faire l'objet d'une utilisation privée.

21 Certes, ainsi que l'ont notamment indiqué Royscot, Harrison et Domecq, l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive présuppose que les exclusions que les États membres peuvent maintenir en vertu de cette disposition étaient légales en vertu de la deuxième directive, qui était antérieure à la sixième directive.

22 Toutefois, il convient de rappeler, à cet égard, que l'article 11 de la deuxième directive, tout en introduisant en son paragraphe 1 le droit à déduction, prévoyait en son paragraphe 4 que les États membres pouvaient exclure du régime des déductions certains biens et certains services.

23 Il découle de son libellé qui est clair et dépourvu d'ambiguïté que ladite disposition autorisait les États membres à exclure du droit à déduction même les dépenses ayant un caractère strictement professionnel. En effet, il ne saurait être inféré de la seconde partie de l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive, selon laquelle les exclusions peuvent notamment concerner certains biens et certains services qui sont susceptibles d'être exclusivement ou partiellement utilisés pour des besoins privés, que les États membres pouvaient uniquement exclure les dépenses pour de tels biens et de tels services. Au contraire, en utilisant le terme «notamment», le législateur a clairement exprimé son intention de ne pas limiter les exclusions admises aux dépenses pour des biens et des services susceptibles d'être utilisés à des fins privées.

24 Certes, comme Royscot, Harrison et Domecq le soutiennent, l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive n'a pas accordé aux États membres un pouvoir discrétionnaire absolu d'exclure tous ou quasiment tous les biens et services du régime du droit à déduction et de vider ainsi de sa substance le régime instauré par l'article 11, paragraphe 1, de cette même directive.

25 Toutefois, en excluant du droit à déduction certains biens comme les véhicules automobiles, le Royaume-Uni n'a pas porté atteinte au système général du droit à déduction, mais a utilisé une autorisation découlant de l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive. Cela vaut d'autant plus que les voitures sont des biens qui, par leur nature, sont susceptibles d'être exclusivement ou partiellement utilisés pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel.

26 Il y a donc lieu de répondre aux première et deuxième questions que l'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive autorisait les États membres à introduire ou à maintenir, et l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive autorise ceux-ci à maintenir, des exclusions générales du droit à déduction de la TVA due sur l'achat de véhicules automobiles utilisés par l'assujetti pour les besoins de ses opérations taxées, même si

- ces véhicules étaient un outil indispensable à l'exercice de l'activité exercée par l'assujetti concerné ou

- ces véhicules ne pouvaient pas, dans un cas concret, être utilisés à des fins privées par l'assujetti concerné.

Sur la troisième question

27 Eu égard à la réponse donnée aux deux premières questions, la troisième question est devenue sans objet, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y répondre.

Sur la quatrième question

28 Royscot, Harrison et Domecq soutiennent que la clause de «standstill» visée à l'article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la sixième directive renvoie à la première phrase du premier alinéa et que ce renvoi est également temporel. A partir du moment où les règles envisagées ne peuvent plus entrer en vigueur, dès lors que la période de quatre ans visée au premier alinéa est expirée, le pouvoir transitoire des États membres de maintenir les exclusions nationales n'existerait plus.

29 Toutefois, comme tous les gouvernements qui ont déposé des observations le font valoir, il convient de relever que le libellé de l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive fait clairement apparaître que l'autorisation accordée aux États membres de maintenir leur législation existante en matière d'exclusion du droit à déduction vaut jusqu'à ce que le Conseil arrête les dispositions prévues à cet article.

30 Cette interprétation est conforme à celle que la Cour a donnée dans l'arrêt du 5 décembre 1989, ORO Amsterdam Beheer en Concerto (C-165/88, Rec. p. 4081), à l'ancien article 32 de la sixième directive, qui contenait, pour les biens d'occasion, une disposition transitoire analogue à celle de l'article 17, paragraphe 6. En effet, au point 24 de ce dernier arrêt, la Cour a jugé que, tant que le législateur communautaire, n'ayant pas respecté le délai imposé à cet effet, n'était pas intervenu, il y avait lieu de s'en tenir à l'application de l'article 32 de la sixième directive qui se bornait à autoriser les États membres qui appliquaient un régime particulier de TVA pour les biens d'occasion à le maintenir. L'article 32 de la sixième directive a été supprimé par la directive 94/5/CE du Conseil, du 14 février 1994, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant la directive 77/388 - Régime particulier applicable dans le domaine des biens d'occasion, des objets d'art, de collection ou d'antiquité (JO L 60, p. 16 ).

31 Quant à l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive, il appartient également au législateur communautaire d'établir le régime communautaire des exclusions du droit à déduction de la TVA et de réaliser ainsi l'harmonisation progressive des législations nationales en matière de TVA.

32 Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent maintenir les exclusions du droit à déduction de la TVA visées à son second alinéa, bien que le Conseil n'ait pas déterminé, avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la TVA.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

33 Les frais exposés par les gouvernements du Royaume-Uni, danois, hellénique, français, irlandais, finlandais et suédois, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la Court of Appeal (England & Wales), par ordonnance du 29 juillet 1997, dit pour droit:

1) L'article 11, paragraphe 4, de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Structure et modalités d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, autorisait les États membres à introduire ou à maintenir, et l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, autorise ceux-ci à maintenir, des exclusions générales du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due sur l'achat de véhicules automobiles utilisés par l'assujetti pour les besoins de ses opérations taxées, même si

- ces véhicules étaient un outil indispensable à l'exercice de l'activité exercée par l'assujetti concerné ou

- ces véhicules ne pouvaient pas, dans un cas concret, être utilisés à des fins privées par l'assujetti concerné.

2) L'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens que les États membres peuvent maintenir les exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée visées à son second alinéa, bien que le Conseil n'ait pas déterminé, avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa, les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée.