C-438/01 - Design Concept

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EUR-Lex - 62001J0438 - FR

62001J0438

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 5 juin 2003. - Design Concept SA contre Flanders Expo SA. - Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Luxembourg. - Sixième directive TVA - Article 9, paragraphe 2, sous e) - Lieu des opérations imposables - Rattachement fiscal - Prestations de publicité. - Affaire C-438/01.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-05617


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Prestations de services - Détermination du lieu de rattachement fiscal - Prestations de publicité - Champ d'application de l'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive - Prestations fournies indirectement à un annonceur et facturées à un tiers les refacturant à l'annonceur - Inclusion - Détermination du lieu des prestations fournies au preneur intermédiaire - Annonceur non assujetti - Absence d'incidence

irective du Conseil 77/388, art. 9, § 2, e), deuxième tiret)

Sommaire


$$L'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, relatif au lieu de rattachement fiscal des prestations de publicité, doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à des prestations de publicité fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un preneur intermédiaire qui les facture à son tour à l'annonceur. La circonstance que ce dernier ne produit pas un bien ou un service dans le prix duquel le coût desdites prestations est susceptible d'entrer n'est pas pertinente aux fins de déterminer le lieu des prestations de services fournies au preneur intermédiaire.

( voir point 29 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-438/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par la Cour de cassation (Luxembourg) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Design Concept SA

et

Flanders Expo SA,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. M. Wathelet, président de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, D. A. O. Edward, A. La Pergola et S. von Bahr (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme M.-F. Contet, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Design Concept SA, par Me M. Di Stefano, avocat,

- pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et P. Boussaroque, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et C. Giolito, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Design Concept SA, représentée par Me M. Di Stefano, du gouvernement hellénique, représenté par M. V. Kyriazopoulos et Mme S. Chala, en qualité d'agents, et de la Commission, représentée par M. C. Giolito, à l'audience du 14 novembre 2002,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 12 décembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 8 novembre 2001, parvenu à la Cour le 13 novembre suivant, la Cour de cassation a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Flanders Expo SA (ci-après «Flanders Expo»), société de droit belge établie à Gand (Belgique), à Design Concept SA (ci-après «Design Concept»), société de droit luxembourgeois établie à Hesperange (Luxembourg), à propos du refus de cette dernière de s'acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») relative à des prestations de services qui lui avaient été fournies.

La réglementation communautaire

3 Le septième considérant de la sixième directive énonce:

«Considérant que la détermination du lieu des opérations imposables a entraîné des conflits de compétence entre les États membres, notamment en ce qui concerne la livraison d'un bien avec montage et les prestations de services; que, si le lieu des prestations de services doit en principe être fixé à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité professionnelle, il convient toutefois de fixer ce lieu dans le pays du preneur, notamment pour certaines prestations de services effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens».

4 L'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

«Le lieu d'une prestation de services est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.»

5 L'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive prévoit:

«le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l'endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

[...]

- les prestations de publicité,

[...]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

6 Dans le cadre d'une foire commerciale connue sous le nom de «Horeca», organisée à Gand pour les professionnels de l'hôtellerie, de la restauration et des cafés, Design Concept, agissant pour le compte du ministère de l'Économie luxembourgeois, a chargé Flanders Expo de diverses prestations comportant la construction de deux stands, leur nettoyage au cours de l'exposition et la mise à disposition de personnel pour le transport de matériel.

7 Flanders Expo a facturé à Design Concept le prix de ses prestations en y incluant le montant de la TVA. Cette dernière société a cependant exclu de son paiement le montant de la TVA au motif que les services fournis étant des prestations de publicité et le preneur de celles-ci, Design Concept, n'étant pas situé dans le même État membre que le prestataire, Flanders Expo, le lieu de la prestation de services est celui où se trouve établi le preneur, c'est-à-dire le Luxembourg, conformément à la règle prévue à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive. Design Concept a donc considéré qu'elle n'était pas tenue de payer la TVA que lui réclamait Flanders Expo en Belgique.

8 Flanders Expo a introduit un recours devant le Tribunal de paix (Luxembourg) qui a fait droit à sa demande de paiement de la TVA. En appel, le Tribunal d'arrondissement (Luxembourg) a confirmé la décision de première instance, en considérant, contrairement à l'interprétation soutenue par Design Concept, que les services fournis par Flanders Expo ne sont pas des prestations de publicité et que la règle générale relative au lieu d'imposition prévue à l'article 9, paragraphe 1, de la sixième directive est applicable. Selon cette règle, le lieu de la prestation de services est celui à partir duquel la prestation est effectuée, en l'occurrence la Belgique.

9 La Cour de cassation, saisie sur pourvoi de Design Concept, considère que les juges du fond ont probablement refusé à tort de qualifier les services fournis par Flanders Expo de prestations de publicité. Toutefois, elle se demande si leur décision n'est pas justifiée par un autre motif, fondé sur l'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, lu à la lumière du septième considérant de celle-ci.

10 Après avoir rappelé les termes de ce septième considérant, ladite juridiction indique que, si l'incorporation dans le prix des biens du coût des prestations de publicité est une condition indispensable du transfert de l'imposition dans le pays du preneur, la décision des juges du fond serait alors justifiée, étant donné que, en l'espèce, le coût desdites prestations est assumé, en définitive, non par un opérateur économique, mais par l'État luxembourgeois qui, en tant qu'annonceur, a commandé ces prestations au preneur intermédiaire.

11 Doutant de la réponse à apporter au problème de droit communautaire soulevé par le pourvoi dont elle est saisie, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1997, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, en ce qui concerne les prestations de publicité s'applique-t-il à des prestations fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un tiers qui les refacturera à ce dernier, si l'annonceur ne produit pas un bien dans le prix duquel le coût de la prestation va entrer?»

Observations liminaires

12 Dans son arrêt de renvoi, la Cour de cassation mentionne que, «a priori», les juges du fond n'ont pas correctement interprété la notion de «prestations de publicité» figurant à l'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive. La question posée par cette juridiction est donc fondée sur la prémisse selon laquelle les services fournis par Flanders Expo constituent des «prestations de publicité» au sens de ladite disposition.

13 Toutefois, bien qu'elle ne fasse pas l'objet d'une question préjudicielle, la nature des prestations fournies par Flanders Expo a donné lieu à d'amples observations de la part de Design Concept, du gouvernement français et de la Commission.

14 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de l'affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, notamment, arrêt du 13 mars 2001, PreussenElektra, C-379/98, Rec. p. I-2099, point 38).

15 Ainsi, dans la présente affaire, il y a lieu de répondre à l'unique question posée en partant de la prémisse sur laquelle se fonde la juridiction de renvoi, à savoir que les services en cause au principal constituent des prestations de publicité. Néanmoins, dans la mesure où cette prémisse est fondée sur une constatation que ladite juridiction qualifie elle-même d'«a priori», il importe de souligner que la notion de «prestations de publicité» visée à l'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive est une notion de droit communautaire qui doit être interprétée uniformément (voir, notamment, arrêt du 17 novembre 1993, Commission/Luxembourg, C-69/92, Rec. p. I-5907, point 15) et qu'il appartiendra, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier la qualification des services concernés à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

Sur la question préjudicielle

16 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance, d'une part, si l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à des prestations de publicité fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un tiers qui les facture à son tour à l'annonceur et, d'autre part, si cette même disposition est applicable lorsque l'annonceur ne produit pas un bien ou un service dans le prix duquel le coût desdites prestations est susceptible d'entrer.

Sur la première partie de la question

17 Il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'il s'applique non seulement aux prestations de publicité fournies directement et facturées par le prestataire de services à un annonceur assujetti, mais également à des prestations fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un tiers qui les refacture à l'annonceur (arrêt du 15 mars 2001, SPI, C-108/00, Rec. p. I-2361, point 22).

18 Il s'ensuit que le caractère indirect des prestations, résultant du fait qu'elles ont été fournies et facturées par un premier prestataire à une entreprise, elle-même chargée d'effectuer des services de publicité, avant d'être facturées par cette dernière à l'annonceur, ne fait pas obstacle à l'application de l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive.

Sur la seconde partie de la question

19 Selon Design Concept et la Commission, le fait que l'annonceur, à savoir le ministère de l'Économie luxembourgeois dans le litige au principal, ne produit pas un bien ou ne fournit pas un service dans le prix duquel le coût des prestations est susceptible d'entrer n'est pas pertinent pour la solution dudit litige.

20 Elles considèrent que la relation entre le premier prestataire et le preneur intermédiaire des prestations doit être examinée indépendamment de la relation entre ce dernier et l'annonceur. Il ne serait donc pas nécessaire d'examiner la qualité du preneur final, en l'occurrence l'annonceur, et, en particulier, de vérifier s'il est lui-même assujetti et, de ce fait, susceptible de répercuter le coût des prestations reçues dans le prix des biens qu'il livre ou des services qu'il fournit.

21 Le gouvernement français considère au contraire que, si le preneur final des prestations n'inclut le montant versé en contrepartie de celles-ci dans le prix d'aucun bien ou service vendu par lui, la règle prévue à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive ne saurait s'appliquer.

22 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il ressort du septième considérant de la sixième directive, l'article 9 de celle-ci prévoit les règles de détermination du lieu des opérations imposables aux fins d'éviter les conflits de compétence.

23 Par ailleurs, selon le principe fondamental inhérent au système de TVA, cette taxe s'applique à chaque transaction de livraison de biens ou de prestations de services, déduction faite de la TVA ayant grevé directement les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêt du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 16).

24 Il convient donc d'appliquer les règles de détermination du lieu de l'opération imposable prévues à l'article 9 de la sixième directive à chaque opération de prestations de services.

25 Ainsi, dans un cas tel que celui de l'affaire au principal, il y a lieu d'appliquer la règle prévue à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive aux prestations fournies par le premier prestataire au preneur intermédiaire.

26 Or, en vertu des paragraphes 1 et 2 dudit article 9, la détermination du lieu d'une prestation de services dépend uniquement de celui où le prestataire et le preneur de la prestation en cause sont établis. Cet article n'implique aucunement de tenir compte des opérations postérieures à cette première prestation de services.

27 Ainsi que M. l'avocat général le relève aux points 22 à 33 de ses conclusions, le septième considérant de la sixième directive ne conduit pas à une interprétation différente de celle qui résulte des points 24 à 26 du présent arrêt.

28 Il s'ensuit que, dans un cas de prestations de services indirectes, tel que celui en cause au principal, impliquant un premier prestataire de services, un preneur intermédiaire et un annonceur qui reçoit des prestations de services du preneur intermédiaire, il convient d'examiner séparément l'opération de prestations de services fournie par le premier prestataire au preneur intermédiaire, aux fins de déterminer le lieu d'imposition de cette opération. La règle prévue à l'article 9, paragraphe 2, sous e), deuxième tiret, de la sixième directive s'applique, en principe, si le preneur intermédiaire, en tant que preneur des prestations de publicité, est un assujetti établi dans un État membre autre que celui dans lequel se trouve le premier prestataire. Il n'est pas nécessaire de vérifier si l'annonceur, qui est le preneur final des prestations, est également un assujetti faisant entrer le coût desdites prestations dans le prix de biens livrés ou de services fournis par lui.

29 Il convient donc de répondre à la question posée que l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à des prestations de publicité fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un preneur intermédiaire qui les facture à son tour à l'annonceur. La circonstance que ce dernier ne produit pas un bien ou un service dans le prix duquel le coût desdites prestations est susceptible d'entrer n'est pas pertinente aux fins de déterminer le lieu des prestations de services fournies au preneur intermédiaire.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

30 Les frais exposés par les gouvernements hellénique et français, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par la Cour de cassation, par arrêt du 8 novembre 2001, dit pour droit:

L'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à des prestations de publicité fournies indirectement à l'annonceur et facturées à un preneur intermédiaire qui les facture à son tour à l'annonceur. La circonstance que ce dernier ne produit pas un bien ou un service dans le prix duquel le coût desdites prestations est susceptible d'entrer n'est pas pertinente aux fins de déterminer le lieu des prestations de services fournies au preneur intermédiaire.