C-210/04 - FCE Bank

Printed via the EU tax law app / web

Affaire C-210/04

Ministero dell'Economia e delle Finanze et Agenzia delle Entrate

contre

FCE Bank plc

(demande de décision préjudicielle, introduite par la Corte suprema di cassazione)

«Sixième directive TVA — Articles 2 et 9 — Établissement stable — Société non résidente — Rapport juridique — Accord sur la répartition des coûts — Convention OCDE contre la double imposition — Notion d''assujetti' — Prestation de service à caractère onéreux — Pratique administrative»

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 29 septembre 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 23 mars 2006 

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Assujettis

(Directive du Conseil 77/388, art. 2, § 1, et 9, § 1)

Les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires doivent être interprétés en ce sens qu'un établissement stable, qui n'est pas une entité juridique distincte de la société dont il relève, établi dans un autre État membre et auquel la société fournit des prestations de services, ne doit pas être considéré comme un assujetti en raison des coûts qui lui sont imputés au titre desdites prestations.

(cf. point 41 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

23 mars 2006 (*)

«Sixième directive TVA – Articles 2 et 9 – Établissement stable – Société non résidente – Rapport juridique – Accord sur la répartition des coûts – Convention OCDE contre la double imposition – Notion d’‘assujetti’ – Prestation de service à caractère onéreux – Pratique administrative»

Dans l’affaire C-210/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Corte suprema di cassazione (Italie), par décision du 18 février 2004, parvenue à la Cour le 12 mai 2004, dans la procédure

Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Agenzia delle Entrate

contre

FCE Bank plc,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. J. Makarczyk, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris (rapporteur) et G. Arestis, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2005,

considérant les observations présentées:

–       pour FCE Bank plc, par Me B. Gangemi, avvocato,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

–       pour le gouvernement portugais, par MM. L. Fernandes, Â. Seiça Neves et R. Laires, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. R. Hill, barrister,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou et Mme M. Velardo, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci‑après la «sixième directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Ministero dell’Economia e delle Finanze et l’Agenzia delle Entrate (Rome) (ci‑après l’«agence») à FCE Bank plc, société bancaire établie au Royaume‑Uni (ci‑après «FCE Bank»), à propos du remboursement de sommes versées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la «TVA») par son établissement secondaire situé en Italie (ci‑après «FCE IT»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 La sixième directive

3       L’article 2 de la sixième directive dispose:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1.       les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]»

4       L’article 4, paragraphe 1, de cette directive dispose:

«Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.»

5       L’article 9, paragraphe 1, de la même directive dispose:

«Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.»

 La huitième directive 79/1072/CEE

6       L’article 1er de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci­‑après la «huitième directive») dispose:

«Pour l’application de la présente directive, est considéré comme un assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays l’assujetti visé à l’article 4 paragraphe 1 de la directive 77/388/CEE qui, au cours de la période visée à l’article 7 paragraphe 1 premier alinéa première et deuxième phrases, n’a eu dans ce pays ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle, et qui, au cours de la même période, n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans ce pays [...]»

 La directive 2000/12/CE

7       L’article 13 de la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et son exercice (JO L 126, p. 1), qui est relatif aux succursales d’établissements de crédit agréés dans un autre État membre, dispose:

«L’agrément et le capital de dotation ne peuvent être exigés par les États membres d’accueil en ce qui concerne les succursales d’établissements de crédit agréés dans d’autres États membres. […]»

 La convention OCDE

8       L’article 7, paragraphe 2, du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune, réalisé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci‑après la «convention OCDE»), dispose:

«[…] [L]orsqu’une entreprise d’un État membre contractant exerce son activité dans l’autre État membre contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé, il est imputé, dans chaque État membre contractant, à cet établissement stable les bénéfices qu’il aurait pu réaliser s’il avait constitué une entreprise distincte et séparée exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l’entreprise dont il constitue un établissement stable. […]»

9       L’article 7, paragraphe 3, de cette convention dispose:

«Pour déterminer les bénéfices d’un établissement stable, sont admises en déduction les dépenses exposées aux fins poursuivies par cet établissement stable, y compris les dépenses de direction et les frais généraux d’administration ainsi exposés, soit dans l’État membre où est situé cet établissement stable, soit ailleurs.»

 La réglementation nationale

10     La loi n° 329, du 5 novembre 1990, portant ratification et exécution de la convention entre le Gouvernement de la République italienne et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, pour éviter les doubles impositions et la prévention des évasions fiscales en matière d’impôts sur le revenu, avec échange de notifications, signée à Pallanza le 21 octobre 1988 (supplément ordinaire à la GURI n° 267, du 15 novembre 1990, p. 107), reprend dans son article 7, paragraphes 2 et 3, les dispositions correspondantes de la convention OCDE.

11     L’article 1er de la loi fondamentale sur la TVA, soit le décret n° 633 du président de la République, du 26 octobre 1972 (supplément ordinaire à la GURI n° 292, du 11 novembre 1972, p. 2), dispose:

«La taxe sur la valeur ajoutée s’applique aux livraisons de biens et aux prestations de services effectuées sur le territoire de l’État dans le cadre de l’exercice de l’activité d’entreprise, d’un métier ou d’une profession ainsi que sur les importations faites par toute personne […]»

12     L’article 3 de cette loi précise:

«Constituent des prestations de services les prestations effectuées moyennant contrepartie au titre de contrats divers, marché public, transport, mandat, expédition, agence, courtage, dépôt, et en général, d’obligations de faire ou de ne pas faire et de permettre, quelle qu’en soit la source.»

13     L’article 7, paragraphe 3, de la même loi dispose que les prestations de services «sont réputées effectuées sur le territoire de l’État quand elles sont rendues par des personnes qui ont leur domicile sur le territoire de l’État ou par des personnes résidentes qui n’ont pas établi leur domicile à l’étranger ainsi que lorsqu’elles sont rendues par des établissements stables en Italie de personnes domiciliées ou résidentes à l’étranger.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14     FCE IT est un établissement secondaire situé en Italie de la société FCE Bank établie au Royaume-Uni dont l’objet social est de fournir des activités financières qui sont exonérées de la TVA.

15     FCE IT a bénéficié de prestations de services en matière de conseil, de gestion, de formation du personnel, de traitement de données, ainsi que de fourniture et de gestion de logiciels d’application émanant de FCE Bank. Elle a demandé le remboursement de la TVA afférente à ces prestations pour les années 1996 à 1999 sur la base de factures qu’elle s’était établies à elle‑même (opération dite d’«autofacturation»).

16     Suite au refus implicite de l’administration de satisfaire cette demande, FCE IT a saisi la Commissione tributaria provinciale di Roma qui y a fait droit. L’agence a interjeté appel de cette décision en invoquant, d’une part, la prescription de la demande pour les années 1996 et 1997 et, d’autre part, l’absence de bien-fondé de la demande de remboursement pour les années 1998 et 1999.

17     Par décision du 29 mars/25 mai 2002, la Commissione tributaria regionale del Lazio a rejeté l’appel aux motifs, d’une part, que la prescription est inapplicable pour un paiement effectué en violation du droit communautaire et, d’autre part, que la qualification de «prestation de services» ne pouvait être retenue s’agissant d’opérations réalisées sans contrepartie par la société mère en faveur de son établissement car la condition objective de la mise en œuvre de la TVA faisait défaut. L’imputation des coûts des services de FCE Bank à FCE IT représenterait une affectation des coûts à l’intérieur d’une société.

18     Le Ministero dell’Economia e delle Finanze s’est pourvu en cassation contre cette décision devant la Corte suprema di cassazione. Le moyen du pourvoi est fondé sur l’assujettissement à la TVA des prestations effectuées par FCE Bank en raison de l’autonomie fiscale subjective de FCE IT. Ainsi, les versements effectués au profit de la société mère doivent être considérés comme une contrepartie et constituent de ce fait la base imposable.

19     Au contraire, selon FCE Bank, FCE IT n’a pas la personnalité juridique, il ne constitue donc qu’un point de rattachement aux fins d’assujettissement à la TVA pour les activités relatives à l’objet social. De plus, aucune TVA n’est exigible s’agissant de prestations qui sont effectuées entre deux entités qui constituent un seul assujetti.

20     C’est dans ces conditions que la Corte suprema di cassazione a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)       Faut-il interpréter les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la sixième directive en ce sens qu’une filiale d’une société dont le siège se trouve dans un autre État (faisant partie ou non de l’Union européenne), possédant les caractéristiques d’une unité de production, peut être considérée comme un sujet autonome, qu’un rapport juridique peut donc exister entre ces deux entités et que, par conséquent, les prestations de services fournies par la société mère sont assujetties à la TVA? Peut-on, pour répondre à cette question, faire appel au critère du ‘arm’s length’ retenu par l’article 7, paragraphes 2 et 3, du modèle OCDE de convention sur la double imposition et de la convention du 21 octobre 1988 conclue entre l’Italie et le Royaume-Uni [de Grande-Bretagne] et [d]’Irlande du Nord? Peut-il y avoir un rapport juridique dans l’hypothèse où existe un ‘cost-sharing agreement’ concernant les prestations de services rendues à l’établissement secondaire? Si tel est le cas, quelles sont les conditions pour qu’un tel rapport juridique existe? La notion de rapport doit-elle être appréciée au regard du droit national ou du droit communautaire?

2)       Peut-on considérer – et, le cas échéant, dans quelle mesure – l’imputation des coûts de ces services à la filiale comme une contrepartie des services rendus, au sens de l’article 2 de la sixième directive, quelle que soit la hauteur de l’imputation et indépendamment de la poursuite d’un bénéfice commercial?

3)       Si l’on considère que les prestations de services entre une société mère et ses filiales sont en principe exonérées de la TVA en raison de l’absence d’autonomie du sujet destinataire et, par conséquent, de l’inexistence d’un rapport juridique entre les deux entités, et au cas où la société mère est résidente dans un autre État membre de l’Union européenne, une pratique administrative nationale qui, dans une telle hypothèse soumet à taxation lesdites prestations est‑elle contraire au principe de la liberté d’établissement consacré à l’article 43 CE?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

21     Selon une jurisprudence constante, il appartient à la Cour, dans le cadre de la procédure de coopération avec les juridictions nationales instituée par l’article 234 CE, de donner au juge de renvoi une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi (voir arrêts du 17 juillet 1997, Krüger, C‑334/95, Rec. p. I‑4517, point 22, et du 28 novembre 2000, Roquette Frères, C‑88/99, Rec. p. I‑10465, point 18). Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler la question qui lui est posée (voir arrêts Krüger, précité, point 23, et du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C‑62/00, Rec. p. I‑6325, point 32).

22     À cet égard, il y a lieu de relever que la juridiction de renvoi cherche à savoir dans quelle mesure des prestations de services fournies par une société établie au Royaume-Uni à son établissement établi en Italie relèvent du champ d’application de la sixième directive. Il s’ensuit qu’il n’est pas utile de se prononcer sur l’hypothèse dans laquelle le siège de la société se trouve dans un État ne faisant pas partie de l’Union européenne.

23     Ensuite, il convient de relever qu’il est constant que FCE IT, établissement secondaire de la FCE Bank, n’a pas de personnalité juridique propre et constitue donc une succursale de cette dernière.

24     Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’un établissement stable, qui n’est pas une entité juridique distincte de la société dont il relève, établi dans un autre État membre et auquel la société fournit des prestations de services, doit être considéré comme assujetti en raison des coûts qui lui sont imputés au titre desdites prestations.

 Observations des parties

25     FCE Bank, le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission des Communautés européennes considèrent que les services fournis au sein de la même entité juridique ne constituent pas des prestations de services soumises à la TVA.

26     Selon FCE Bank, aucun rapport juridique ne peut exister entre elle‑même et FCE IT puisqu’ils forment un seul assujetti. Il ne peut donc y avoir de prestation de services à caractère onéreux entre les deux établissements qui sont établis dans deux États membres distincts. En effet, FCE Bank n’est pas rémunérée pour l’exécution des activités internes qui sont réalisées dans l’intérêt même de la société, dans un but de traitement uniforme des données comptables, de marketing et autres.

27     Selon la Commission, les prestations de services entre une société mère établie dans un État membre et un sujet non immatriculé comme entité juridique autonome et constituant un établissement stable dans un autre État membre ne doivent pas être considérées comme des opérations taxables au titre de la TVA.

28     Selon le gouvernement italien, même si, sur le plan civil, la société mère et sa succursale relèvent de la même personne morale et que cela pourrait constituer un obstacle à une exécution forcée des obligations qui font l’objet de l’opération taxable, cela n’empêche pas qu’elles constituent des assujettis distincts sur le plan fiscal en général et aux fins de la TVA en particulier.

29     Eu égard aux termes de l’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive, qui visent le caractère onéreux des prestations pour les soumettre à la TVA, seule l’éventuelle gratuité des services permettrait d’exclure ces opérations du champ d’application de cette taxe. Il s’ensuivrait que les conditions pour qu’une relation juridique susceptible de donner lieu à une opération taxable existe seraient celles qui résultent des principes consacrés par la sixième directive.

30     Par ailleurs, aux termes des articles 9, paragraphe 1, de la sixième directive et 1er de la huitième directive, un établissement stable établi dans l’État membre d’accueil devrait être considéré comme un assujetti autonome, ce qui aurait pour effet d’exclure la possibilité que le remboursement de la TVA puisse être décidé en faveur de la société mère.

31     Selon le gouvernement portugais, la TVA, en dépit de son degré élevé d’harmonisation, se présente comme un impôt national des États membres, qui seraient donc libres d’attribuer la qualité d’assujetti aux établissements situés sur leur territoire. En outre, un établissement stable qui réunirait les conditions humaines et techniques en vue de la réalisation d’opérations imposables constituerait une réalité patrimoniale et un centre d’intérêts suffisamment autonome pour faire l’objet, par lui‑même, de l’imputation de relations et de droits et obligations en matière de TVA.

 Appréciation de la Cour

32     D’une part, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive énonce que sont notamment soumises à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

33     D’autre part, l’article 4 de la sixième directive définit les «assujettis». Ont cette qualité, les personnes qui accomplissent une activité économique «d’une façon indépendante». Le paragraphe 4 du même article précise que les termes «d’une façon indépendante» excluent de la taxation les personnes liées à leur employeur par tout rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne notamment les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l’employeur (voir arrêt du 6 novembre 2003, Karageorgou e.a., C‑78/02 à C‑80/02, Rec. p. I‑13295, point 35).

34     À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une prestation n’est taxable que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique au cours duquel des prestations réciproques sont échangées (voir arrêts du 3 mars 1994, Tolsma, C‑16/93, Rec. p. I‑743, point 14, et du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C‑174/00, Rec. p. I‑3293, point 39).

35     Pour établir qu’un tel rapport juridique existe entre une société non résidente et l’une de ses succursales afin d’assujettir à la TVA les prestations fournies, il y a lieu de vérifier si FCE IT accomplit une activité économique indépendante. À cet égard, il y a lieu de rechercher si une succursale telle que FCE IT peut être considérée comme étant autonome en tant que banque, notamment en ce qu’elle supporte le risque économique découlant de son activité.

36     Or, comme l’a souligné M. l’avocat général au point 46 de ses conclusions, la succursale ne supporte pas elle-même les risques économiques liés à l’exercice de l’activité d’établissement de crédit, tels que, par exemple, le défaut de remboursement d’un prêt par un client. La banque, en tant que personne morale, supporte ce risque et fait, pour cela, l’objet d’un contrôle de sa solidité financière et de sa solvabilité dans son État membre d’origine.

37     En effet, en tant que succursale, FCE IT ne dispose pas d’un capital de dotation. Par suite, le risque lié à l’activité économique repose intégralement sur FCE Bank. Par conséquent, FCE IT est dépendant de cette dernière avec laquelle il constitue un assujetti unique.

38     Cette considération n’est pas remise en cause par l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive. Cette disposition vise à déterminer l’assujetti pour ce qui concerne des transactions entre une succursale et des parties tierces. Elle est donc dénuée de pertinence pour un cas tel que celui en l’espèce qui concerne des transactions entre une société résidente dans un État membre et l’une de ses succursales établie dans un autre État membre.

39     S’agissant de la convention OCDE, il y a lieu de constater qu’elle est sans pertinence dès lors qu’elle porte sur la fiscalité directe alors que la TVA relève de la taxation indirecte.

40     Enfin, en ce qui concerne l’existence d’un accord relatif à la répartition des coûts, il s’agit également d’un élément sans pertinence pour la présente affaire dès lors qu’un tel accord n’a pas été négocié entre des parties indépendantes.

41     Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’un établissement stable, qui n’est pas une entité juridique distincte de la société dont il relève, établi dans un autre État membre et auquel la société fournit des prestations de services, ne doit pas être considéré comme un assujetti en raison des coûts qui lui sont imputés au titre desdites prestations.

 Sur la deuxième question 

42     Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l’article 2 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que l’imputation des coûts des services fournis à l’établissement secondaire par la société non résidente constitue une contrepartie, quelle que soit la hauteur de l’imputation et indépendamment de la poursuite d’un bénéfice commercial.

43     Selon le point 37 du présent arrêt, la succursale en cause n’est pas indépendante de la société. Il n’y a donc pas lieu de répondre à la deuxième question.

 Sur la troisième question

44     Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si une pratique administrative nationale qui soumet à la TVA une prestation de services fournie par une société mère à un établissement secondaire, situé dans un autre État membre, est contraire au principe de la liberté d’établissement consacré à l’article 43 CE.

 Observations des parties

45     Selon FCE Bank, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, la pratique administrative italienne viole la liberté d’établissement garantie par l’article 43 CE.

46     FCE Bank considère que la pratique nationale en cause aurait pour effet de consolider la TVA qui deviendrait non déductible. Celle‑ci représenterait un coût supplémentaire et définitif que ne supporterait pas une banque italienne qui rendrait les mêmes services à ses établissements secondaires établis sur le territoire italien et qui ne saurait être considérée comme une mesure propre à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

47     Le gouvernement du Royaume‑Uni partage la position de la Commission selon laquelle la pratique administrative italienne violerait le principe de non‑discrimination inhérent au droit d’établissement lorsque le traitement fiscal en matière de TVA est plus coûteux pour la filiale d’une banque étrangère que pour celle d’une banque nationale – sans qu’il y ait par ailleurs d’autres différences objectives entre ces deux types de filiales. De même, assujettir à la TVA des prestations entre une société mère et une filiale, nationale ou étrangère, constituerait une entrave à la liberté d’établissement sous forme de succursale, ce que ne pourrait justifier aucun intérêt «général» au sens de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1993, Kraus, C‑19/92, Rec. p. I‑1663, point 32, et du 30 novembre 1995, Gebhard, C‑55/94, Rec. p. I‑4165, point 37).

48     Le gouvernement italien n’a émis aucune observation sur ce point, considérant que l’établissement stable est un sujet autonome assujetti à la TVA.

49     Selon le gouvernement portugais, il découle des objectifs et des règles constitutives du système commun de la TVA qu’il ne s’agit pas d’une matière dépendant exclusivement de pratiques administratives nationales. Il n’est donc pas nécessaire de répondre à la troisième question relative au droit d’établissement consacré aux articles 43 CE à 48 CE.

 Appréciation de la Cour

50     Comme l’a souligné M. l’avocat général au point 74 de ses conclusions, le constat de l’incompatibilité d’une législation ou d’une pratique nationale avec la sixième directive dispense d’examiner si les libertés fondamentales prévues dans le traité, dont la liberté d’établissement, ont été violées.

51     En effet, il a été dit au point 37 du présent arrêt que la succursale d’une société non résidente est dépourvue d’autonomie et que, par conséquent, aucun rapport juridique n’existe entre elles. Elles doivent être considérées comme un seul et même assujetti au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive. FCE IT n’est donc qu’un élément de FCE Bank.

52     Il résulte de ce qui précède que la pratique administrative italienne est incompatible avec la sixième directive sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la violation de l’article 43 CE.

 Sur les dépens

53     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Les articles 2, paragraphe 1, et 9, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu’un établissement stable, qui n’est pas une entité juridique distincte de la société dont il relève, établi dans un autre État membre et auquel la société fournit des prestations de services, ne doit pas être considéré comme un assujetti en raison des coûts qui lui sont imputés au titre desdites prestations.

Signatures.


* Langue de procédure: l’italien.