C-184/05 - Twoh International

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Affaire C-184/05

Twoh International BV

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Sixième directive TVA — Article 28 quater, A, sous a), premier alinéa — Livraisons intracommunautaires — Exonération — Absence d'obligation pour l'administration fiscale de recueillir des preuves — Directive 77/799/CEE — Assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects — Règlement (CEE) nº 218/92 — Coopération administrative dans le domaine des impôts indirects»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Régime transitoire de taxation des échanges entre les États membres

(Directive du Conseil 77/388, art. 28 quater, A, a), al. 1)

L'article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, lu conjointement avec la directive 77/799 concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, telle que modifiée par la directive 92/12, et avec le règlement nº 218/92 concernant la coopération administrative dans le domaine des impôts indirects, doit être interprété en ce sens que les autorités fiscales de l'État membre de départ de l'expédition ou du transport de biens dans le cadre d'une livraison intracommunautaire ne sont pas tenues de demander des informations aux autorités de l'État membre de destination allégué par le fournisseur.

En premier lieu, il ressort des premier et deuxième considérants de la directive sur l'assistance mutuelle ainsi que du troisième considérant du règlement sur la coopération administrative que ceux-ci avaient pour objectif de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et de permettre aux États membres de constater avec exactitude le montant de la taxe à prélever. En second lieu, il découle de l'intitulé de la directive sur l'assistance mutuelle et du règlement sur la coopération administrative qu'ils ont été adoptés en vue de régir la collaboration entre les autorités fiscales des États membres. Ainsi, ces actes ne confèrent aucun droit aux particuliers hormis celui d'obtenir la confirmation de la validité de «numéro d'identification 'TVA' d'une personne déterminée», conformément à l'article 6, paragraphe 4, du règlement sur la coopération administrative. En outre, lesdits actes communautaires prévoient également des limites à la collaboration entre les États membres, car les autorités de l'État requis ne sont pas tenues de fournir les informations demandées en toutes circonstances. Il s'ensuit que la directive sur l'assistance mutuelle et le règlement sur la coopération administrative n'ont pas été adoptés afin de mettre en place un système d'échange d'informations entre les administrations fiscales des États membres leur permettant d'établir le caractère intracommunautaire des livraisons effectuées par un assujetti qui n'est pas en mesure de fournir lui-même les preuves nécessaires à cette fin.

(cf. points 30-31, 33-34, 38 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

27 septembre 2007 (*)

«Sixième directive TVA – Article 28 quater, A, sous a), premier alinéa – Livraisons intracommunautaires – Exonération – Absence d’obligation pour l’administration fiscale de recueillir des preuves – Directive 77/799/CEE – Assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects – Règlement (CEE) n° 218/92 – Coopération administrative dans le domaine des impôts indirects»

Dans l’affaire C‑184/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 22 avril 2005, parvenue à la Cour le 25 avril 2005, dans la procédure

Twoh International BV

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, J. Malenovský, U. Lõhmus (rapporteur) et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juin 2006,

considérant les observations présentées:

–        pour Twoh International BV, par Me J. H. Sassen, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et M. de Mol ainsi que par M. P. van Ginneken, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme C. Jurgensen-Mercier, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. E. Fitzsimons, SC, et B. Conway, BL,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement polonais, par M. T. Nowakowski, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes et Mme C. Lança, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et A. Weimar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 janvier 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»), lu conjointement avec la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1, ci-après la «directive sur l’assistance mutuelle»), et avec le règlement (CEE) nº 218/92 du Conseil, du 27 janvier 1992, concernant la coopération administrative dans le domaine des impôts indirects (TVA) (JO L 24, p. 1, ci-après le «règlement sur la coopération administrative»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Twoh International BV (ci-après «Twoh») au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances) à propos d’un rappel de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») à laquelle cette société a été assujettie au titre de l’année 1996 à la suite de livraisons intracommunautaires de biens.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 La sixième directive

3        Conformément à l’article 2 de la sixième directive, sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel ainsi que les importations de biens.

4        Aux termes de l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-après et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les États membres exonèrent:

a)      les livraisons de biens, au sens de l’article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l’acquéreur ou pour leur compte, en dehors du territoire visé à l’article 3 mais à l’intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un État membre autre que celui du départ de l’expédition ou du transport des biens.»

 La directive sur l’assistance mutuelle

5        L’article 1er, paragraphe 1, de la directive sur l’assistance mutuelle dispose:

«Les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que toutes les informations relatives à l’établissement des taxes indirectes suivantes:

–        les taxes sur la valeur ajoutée,

[…]»

6        L’article 2, paragraphe 1, de la directive sur l’assistance mutuelle prévoit:

«L’autorité compétente d’un État membre peut demander à l’autorité compétente d’un autre État membre de lui communiquer les informations visées à l’article 1er paragraphe 1 en ce qui concerne un cas précis. L’autorité compétente de l’État requis n’est pas tenue de donner une suite favorable à cette demande lorsqu’il apparaît que l’autorité compétente de l’État requérant n’a pas épuisé ses propres sources habituelles d’information, qu’elle aurait pu, selon les circonstances, utiliser pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à l’obtention du résultat recherché.»

 Le règlement sur la coopération administrative

7        Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, du règlement sur la coopération administrative:

«Sur la base des informations recueillies conformément au paragraphe 1 et dans le seul but de lutter contre la fraude fiscale, l’autorité compétente d’un État membre obtient, chaque fois qu’elle le juge nécessaire pour contrôler les acquisitions intracommunautaires de biens, communication automatique et immédiate des informations suivantes, auxquelles elle peut aussi avoir directement accès:

–        les numéros d’identification ‘TVA’ des personnes ayant effectué les livraisons visées au paragraphe 2 second tiret

ainsi que

–        la valeur totale de ces livraisons effectuées par chacune de ces personnes pour chaque personne concernée à laquelle un numéro d’identification ‘TVA’ visé au paragraphe 2 premier tiret a été attribué; les valeurs sont exprimées dans la devise de l’État membre fournissant les informations et portent sur des trimestres civils.»

8        L’article 5 du règlement sur la coopération administrative est libellé comme suit:

«1.      Lorsque les informations fournies au titre de l’article 4 sont insuffisantes, l’autorité compétente d’un État membre peut, à tout moment et pour des cas précis, demander un supplément d’informations. L’autorité requise fournit les informations le plus rapidement possible et au plus tard trois mois après réception de la demande.

2.      Dans le cas visé au paragraphe 1, l’autorité requise fournit à l’autorité requérante au moins les numéros, les dates et les montants des factures relatives à des opérations déterminées effectuées entre personnes dans les États membres concernés.»

9        L’article 6, paragraphe 4, du règlement sur la coopération administrative énonce:

«L’autorité compétente de chaque État membre veille à ce que les personnes concernées par des livraisons de biens ou des prestations de services intracommunautaires soient autorisées à obtenir confirmation de la validité du numéro d’identification ‘TVA’ d’une personne déterminée.»

10      Les conditions régissant l’échange d’informations sont fixées au titre III du règlement sur la coopération administrative, dont l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, est libellé comme suit:

«1.      L’autorité requise d’un État membre fournit à l’autorité requérante d’un autre État membre les informations visées à l’article 5 paragraphe 2, à condition que:

–        le nombre et la nature des demandes d’information introduites par cette autorité requérante au cours d’une période donnée n’imposent pas de charges administratives disproportionnées à cette autorité requise,

–        cette autorité requérante ait épuisé les sources habituelles d’information, qu’elle aurait pu, selon les circonstances, utiliser pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à l’obtention du résultat recherché,

–        cette autorité requérante ne demande assistance que si elle est en mesure de prêter une assistance similaire à l’autorité requérante d’un autre État membre.»

 La réglementation nationale

11      En vertu de l’article 9, paragraphe 2, sous b), de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, n° 329), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la «loi de 1968»), la taxe pour les livraisons de biens et de services, visés au tableau II annexé à cette même loi, est de zéro si les conditions fixées par voie de mesure générale d’administration sont respectées.

12      La rubrique 6, sous a), dudit tableau II prévoit que sont taxés au taux zéro «les biens qui sont transportés vers un autre État membre lorsque ces biens y sont soumis à la perception d’une taxe sur l’acquisition intracommunautaire de ces biens.»

13      L’article 12, paragraphe 1, de l’arrêté d’application de la loi de 1968 (Uitvoeringsbesluit omzetbelasting 1968) dispose:

«Le droit à l’application du taux zéro aux livraisons visées dans le tableau II annexé à la loi [de 1968] ne vaut que s’il ressort des pièces justificatives que ce taux est susceptible de s’appliquer.»

14      L’article 4, paragraphe 3, de l’arrêté du secrétaire d’État aux Finances relatif à la taxation des livraisons intracommunautaires (Besluit van de Staatssecretaris van Financiën), du 20 juin 1995, prévoit:

«Si des marchandises sont livrées à un client étranger ‘départ usine’ ou ‘départ entrepôt’ (transactions avec enlèvement des marchandises), le caractère intracommunautaire de la livraison ne pourra pas ressortir d’une lettre de voiture ou des propres documents de transport du fournisseur.

On peut néanmoins concevoir des circonstances dans lesquelles le fournisseur peut être convaincu dans ce cas-là aussi que le client étranger transportera les marchandises dans un autre État membre. Outre les documents établis et les données consignées administrativement, il doit également s’agir dans ce cas d’un client régulier, à moins que le fournisseur ne sache que les livraisons intracommunautaires qu’il a faites à ce client ont suscité des problèmes, lequel client a au reste délivré la déclaration visée ci-après.

Cette déclaration écrite, qui doit être signée par celui qui réceptionne les marchandises, devra au moins indiquer le nom du client et, si le client ne réceptionne pas personnellement les marchandises, le nom de la personne qui se charge de la réception au nom du client, le numéro d’immatriculation du véhicule qui acheminera les marchandises, le numéro de la facture spécifiant les marchandises livrées, le lieu vers lequel le client acheminera les marchandises, ainsi que l’engagement du client de fournir sur demande de l’administration fiscale toute information complémentaire sur la destination des marchandises. Un modèle de déclaration est joint en annexe.

Si les transactions avec enlèvement des marchandises ne concernent pas un client régulier et si celles-ci sont payées au comptant, alors que le fournisseur ne dispose d’aucun document étayant le caractère intracommunautaire de la livraison, c’est-à-dire lorsqu’aucun document autre qu’une facture établie au nom d’un client étranger (mentionnant le numéro d’identification TVA du client) ne fait apparaître le caractère intracommunautaire de la livraison, le fournisseur ne pourra justifier en l’état le bénéfice du taux zéro. Dans ces circonstances, le fournisseur peut éviter le risque d’un rappel de TVA en facturant la TVA néerlandaise à l’acheteur. Lorsqu’il transfère les marchandises vers un autre État membre, l’acheteur devra en faire la déclaration à l’administration fiscale néerlandaise. Sur cette déclaration, il pourra déduire la TVA néerlandaise facturée.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

15      Au cours de l’année 1996, Twoh, société établie aux Pays-Bas, a fourni des pièces d’ordinateurs à des entreprises établies en Italie. Dans les contrats de vente, les parties étaient convenues de recourir au mode de livraison selon la clause de commerce «départ usine» («ex-works» ou EXW) qui fait partie des clauses du commerce international (clauses dites «Incoterms 2000») établies par la Chambre de commerce internationale. L’utilisation de cette clause signifiait que Twoh était uniquement tenue de mettre les biens à la disposition des acheteurs dans un entrepôt situé aux Pays-Bas, la responsabilité du transport vers l’Italie incombant aux acquéreurs.

16      Aucune déclaration relative à ces livraisons, telle que celle exigée par la législation fiscale néerlandaise et qui est destinée à établir le caractère intracommunautaire des livraisons de biens afin de les exonérer de la TVA aux Pays-Bas, n’a été adressée à Twoh par ses clients italiens. Cette dernière a cependant toujours estimé que les livraisons qu’elle avait effectuées constituaient des livraisons intracommunautaires, auxquelles le taux zéro de la TVA était applicable. Par conséquent, elle a émis des factures n’incluant pas le montant de la TVA et, partant, elle n’a pas acquitté celle-ci au titre desdites livraisons.

17      À la suite d’une enquête comptable, l’administration fiscale néerlandaise a considéré qu’il n’était pas démontré que les marchandises avaient été acheminées ou expédiées vers un autre État membre et que, dès lors, c’était à tort qu’aucune TVA n’avait été acquittée. En conséquence, elle a notifié à Twoh un rappel de TVA pour la période du 1er janvier au 31 décembre 1996 d’un montant de 1 466 629 NLG au titre de la seule taxe due, augmenté d’une majoration égale à 100 % de ce montant.

18      Twoh a introduit une réclamation contre ce rappel de TVA. Dans le cadre de cette procédure, elle a expressément demandé à l’administration fiscale néerlandaise de recueillir des informations susceptibles d’établir le caractère intracommunautaire desdites livraisons auprès de l’autorité compétente italienne au titre de la directive sur l’assistance mutuelle et du règlement sur la coopération administrative. Ladite administration a décidé de ne pas donner suite à cette demande et de maintenir le rappel de TVA.

19      Twoh a formé un recours contre cette décision devant le Gerechtshof te Arnhem, lequel, à la suite de la production par la requérante de certaines preuves concernant les livraisons en cause, l’a annulée en ce qui concerne trois livraisons et a réduit le montant du rappel de TVA. Ladite juridiction a toutefois considéré que l’administration fiscale néerlandaise n’était pas tenue de demander à l’autorité compétente italienne de diligenter une enquête dans l’État membre de destination aux fins de vérifier si les marchandises en cause avaient bien été acheminées dans celui-ci. Twoh s’est pourvue en cassation devant le Hoge Raad der Nederlanden contre l’arrêt du Gerechtshof te Arnhem.

20      Le Hoge Raad der Nederlanden, estimant que le litige dont il est saisi soulève une question d’interprétation du droit communautaire concernant la preuve de l’expédition ou du transport des biens, au sens de l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 28 quater, A, initio et sous a), de la sixième directive – lu conjointement avec la directive [77/799] et avec le règlement [n° 218/92] – doit-il être interprété en ce sens que, si l’État membre d’arrivée ne fournit pas spontanément des informations jugées utiles, l’État membre de départ de l’expédition ou de l’acheminement des marchandises doit demander des informations au prétendu État membre d’arrivée des marchandises et en tirer les enseignements dans l’examen de la preuve de l’expédition ou de l’acheminement des marchandises?»

 Sur la question préjudicielle

21      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive, lu conjointement avec la directive sur l’assistance mutuelle et le règlement sur la coopération administrative, doit être interprété en ce sens que les autorités fiscales de l’État membre de départ de l’expédition ou du transport de biens dans le cadre d’une livraison intracommunautaire sont tenues de demander des informations aux autorités de l’État membre de destination allégué par le fournisseur et de les utiliser pour déterminer si les biens ont effectivement fait l’objet d’une livraison intracommunautaire.

22      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre du régime transitoire de la TVA applicable au commerce intracommunautaire, instauré par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l’abolition des frontières fiscales, la directive 77/388 (JO L 376, p. 1), la taxation des échanges entre les États membres repose sur le principe de l’attribution de la recette fiscale à l’État membre où a lieu la consommation finale. Toute acquisition intracommunautaire taxée dans l’État membre d’arrivée de l’expédition ou du transport intracommunautaire de biens en vertu de l’article 28 bis, paragraphe 1, sous a), premier alinéa, de la sixième directive a pour corollaire une livraison exonérée dans l’État membre de départ de ladite expédition ou dudit transport en application de l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la même directive (voir arrêts du 6 avril 2006, EMAG Handel Eder, C‑245/04, Rec. p. I‑3227, point 29, ainsi que du 27 septembre 2007, Teleos e.a., C‑409/04, non encore publié au Recueil, points 22 et 24).

23      S’agissant des conditions dans lesquelles une exonération de la livraison intracommunautaire d’un bien au sens de l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive devient applicable, il y a lieu de relever que la Cour a jugé au point 42 de son arrêt Teleos e.a., précité, qu’il est nécessaire à cette fin que le droit de disposer du bien comme un propriétaire ait été transmis à l’acquéreur et que le fournisseur ait établi que ce bien a été expédié ou transporté dans un autre État membre et que, à la suite de cette expédition ou de ce transport, il ait quitté physiquement le territoire de l’État membre de livraison.

24      La Cour a également constaté au point 44 de l’arrêt Teleos e.a., précité, que, depuis l’abolition du contrôle aux frontières entre les États membres, les autorités fiscales vérifient si les marchandises ont ou non physiquement quitté le territoire de l’État membre de livraison principalement sur la base des preuves fournies par les assujettis et des déclarations de ces derniers.

25      Quant aux preuves que les assujettis sont tenus de fournir, force est de constater qu’aucune disposition de la sixième directive ne porte directement sur cette question. Cette directive dispose seulement, à son article 28 quater, A, premier membre de phrase, qu’il appartient aux États membres de fixer les conditions dans lesquelles ils exonèrent les livraisons intracommunautaires de biens. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, dans l’exercice de leurs pouvoirs, les États membres doivent respecter les principes généraux du droit communautaire, au nombre desquels figurent notamment les principes de sécurité juridique et de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 1997, Molenheide e.a., C‑286/94, C‑340/95, C‑401/95 et C‑47/96, Rec. p. I‑7281, point 48, ainsi que du 11 mai 2006, Federation of Technological Industries e.a., C‑384/04, Rec. p. I‑4191, points 29 et 30).

26      À cet égard, il y a lieu de considérer, ainsi que le fait valoir à bon droit la Commission des Communautés européennes, que le principe selon lequel la charge de la preuve du droit au bénéfice d’une dérogation ou d’une exonération fiscales incombe à celui qui demande à bénéficier d’un tel droit s’inscrit dans les limites imposées par le droit communautaire. Dès lors, en vue de l’application de l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive, il incombe au fournisseur de biens d’apporter la preuve que les conditions d’exonération rappelées au point 23 du présent arrêt sont remplies.

27      Dans ce contexte, il convient de relever que, au point 50 de son arrêt Teleos e.a., précité, la Cour a jugé qu’il serait contraire au principe de sécurité juridique qu’un État membre, qui a prévu les conditions pour l’application de l’exonération d’une livraison intracommunautaire, en fixant notamment une liste de documents à présenter aux autorités compétentes, et qui a accepté dans un premier temps les documents présentés par le fournisseur en tant que preuves justificatives du droit à l’exonération, puisse ultérieurement obliger ce fournisseur à acquitter la TVA afférente à cette livraison, lorsqu’il s’avère que, en raison d’une fraude commise par l’acquéreur dont le fournisseur n’avait et ne pouvait avoir connaissance, les biens concernés n’ont en réalité pas quitté le territoire de l’État membre de livraison.

28      Certes, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Teleos e.a., précité, la décision de renvoi ne donne aucune précision relative à la bonne foi de Twoh et ne permet pas de savoir si le client de cette dernière a commis une fraude. Ce qui importe en l’espèce est le fait que Twoh, n’étant pas en mesure de fournir les preuves nécessaires pour établir que les biens ont effectivement été acheminés dans l’État membre de destination, a demandé à l’administration fiscale néerlandaise de recueillir des informations susceptibles de démontrer le caractère intracommunautaire de ses livraisons auprès de l’autorité compétente de ce dernier État membre en application de la directive sur l’assistance mutuelle et du règlement sur la coopération administrative. La question qui se pose dès lors est celle de savoir si cette administration était tenue de faire droit à une telle demande.

29      La réponse à cette question peut être déduite de la finalité et du contenu de la directive sur l’assistance mutuelle ainsi que du règlement sur la coopération administrative.

30      En premier lieu, s’agissant de la finalité de ces deux actes communautaires, il convient de constater qu’il ressort des premier et deuxième considérants de la directive sur l’assistance mutuelle ainsi que du troisième considérant du règlement sur la coopération administrative que ceux-ci avaient pour objectif de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et de permettre aux États membres de constater avec exactitude le montant de la taxe à prélever [voir, par analogie, arrêt du 13 avril 2000, W. N., C‑420/98, Rec. p. I‑2847, points 15 et 22, ainsi que, s’agissant du règlement (CE) n° 1798/2003 du Conseil, du 7 octobre 2003, concernant la coopération administrative dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée et abrogeant le règlement n° 218/92 (JO L 264, p. 1), arrêt du 26 janvier 2006, Commission/Conseil, C‑533/03, Rec. p. I‑1025, points 49 et 52].

31      En second lieu, en ce qui concerne le contenu desdits actes communautaires, il découle de l’intitulé de la directive sur l’assistance mutuelle et du règlement sur la coopération administrative qu’ils ont été adoptés en vue de régir la collaboration entre les autorités fiscales des États membres. Ainsi que le relèvent à bon droit tant la Commission que Mme l’avocat général au point 23 de ses conclusions, ces actes juridiques ne confèrent aucun droit aux particuliers hormis celui d’obtenir la confirmation de la validité du «numéro d’identification ‘TVA’ d’une personne déterminée», conformément à l’article 6, paragraphe 4, du règlement sur la coopération administrative.

32      En effet, la directive sur l’assistance mutuelle prévoit, en vue de prévenir la fraude fiscale, la faculté pour les administrations fiscales nationales de demander des informations qu’elles ne peuvent pas obtenir elles-mêmes. Ainsi, le fait que, tant à l’article 2, paragraphe 1, de cette même directive qu’à l’article 5, paragraphe 1, du règlement sur la coopération administrative, le législateur communautaire a employé le terme «peut» est de nature à indiquer que, si lesdites administrations ont certes la possibilité de demander des informations à l’autorité compétente d’un autre État membre, une telle demande ne constitue nullement une obligation. Il appartient à chaque État membre d’apprécier les cas spécifiques dans lesquels des informations concernant les transactions effectuées par les assujettis établis sur son territoire font défaut et de décider si ces cas justifient la présentation d’une demande d’information à un autre État membre.

33      En outre, lesdits actes communautaires prévoient également des limites à la collaboration entre les États membres, car les autorités de l’État requis ne sont pas tenues de fournir les informations demandées en toutes circonstances. En effet, l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, premier tiret, du règlement sur la coopération administrative prévoit que le nombre et la nature des demandes d’information introduites au cours d’une période donnée ne doit pas imposer des charges administratives disproportionnées auxdites autorités. En outre, le deuxième tiret de la même disposition ainsi que l’article 2, paragraphe 1, de la directive sur l’assistance mutuelle disposent que ces dernières ne sont pas tenues de fournir des informations lorsqu’il apparaît que l’autorité compétente de l’État requérant n’a pas épuisé ses propres sources habituelles d’information.

34      Il s’ensuit que la directive sur l’assistance mutuelle et le règlement sur la coopération administrative n’ont pas été adoptés afin de mettre en place un système d’échange d’informations entre les administrations fiscales des États membres leur permettant d’établir le caractère intracommunautaire des livraisons effectuées par un assujetti qui n’est pas en mesure de fournir lui-même les preuves nécessaires à cette fin.

35      Cette constatation est également corroborée par la jurisprudence de la Cour concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes dans le domaine des impôts directs, laquelle est transposable par voie d’analogie à une situation telle que celle de l’affaire au principal. Selon cette jurisprudence, la directive sur l’assistance mutuelle peut être invoquée par un État membre afin d’obtenir, de la part des autorités compétentes d’un autre État membre, toutes les informations susceptibles de lui permettre l’établissement correct des impôts. Toutefois, rien n’empêche les autorités fiscales concernées d’exiger du contribuable lui-même les preuves qu’elles jugent nécessaires pour apprécier s’il y a lieu ou non d’accorder la déduction demandée (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1999, Vestergaard, C‑55/98, Rec. p. I‑7641, point 26, ainsi que du 3 octobre 2002, Danner, C‑136/00, Rec. p. I‑8147, points 49 et 50).

36      En outre, les informations dont la directive sur l’assistance mutuelle permet aux autorités compétentes d’un État membre de demander la communication sont précisément toutes celles qui leur paraissent nécessaires afin d’établir le montant correct de l’impôt par rapport à la législation qu’elles sont appelées à appliquer elles-mêmes. Cette directive n’affecte aucunement la compétence desdites autorités pour apprécier notamment si les conditions auxquelles cette législation subordonne l’exonération d’une opération sont remplies (voir, par analogie, arrêt Vestergaard, précité, point 28).

37      Enfin, il y a lieu d’ajouter que, même dans l’hypothèse où l’administration fiscale de l’État membre de livraison a obtenu l’information de l’État membre de destination selon laquelle l’acheteur a présenté aux autorités fiscales de ce dernier État une déclaration relative à l’acquisition intracommunautaire, une telle déclaration ne constitue pas une preuve déterminante de nature à établir que les biens ont effectivement quitté le territoire de l’État membre de livraison (voir arrêt Teleos e.a., précité, points 71 et 72).

38      Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive, lu conjointement avec la directive sur l’assistance mutuelle et le règlement sur la coopération administrative, doit être interprété en ce sens que les autorités fiscales de l’État membre de départ de l’expédition ou du transport de biens dans le cadre d’une livraison intracommunautaire ne sont pas tenues de demander des informations aux autorités de l’État membre de destination allégué par le fournisseur.

 Sur les dépens

39      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 28 quater, A, sous a), premier alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995, lu conjointement avec la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, telle que modifiée par la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, et avec le règlement (CEE) nº 218/92 du Conseil, du 27 janvier 1992, concernant la coopération administrative dans le domaine des impôts indirects, doit être interprété en ce sens que les autorités fiscales de l’État membre de départ de l’expédition ou du transport de biens dans le cadre d’une livraison intracommunautaire ne sont pas tenues de demander des informations aux autorités de l’État membre de destination allégué par le fournisseur.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.