C-335/05 - Rízení Letového Provozu

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Affaire C-335/05

Řízení Letového Provozu ČR, s. p.

contre

Bundesamt für Finanzen

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Finanzgericht Köln)

«Treizième directive TVA — Article 2, paragraphe 2 — GATS — Clause de la nation la plus favorisée — Interprétation du droit communautaire dérivé au regard des accords internationaux conclus par la Communauté»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Remboursement de la taxe aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté

(Directive du Conseil 86/560, art. 2, § 2)

L'article 2, paragraphe 2, de la treizième directive 86/560 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté, en vertu duquel les États membres peuvent subordonner le remboursement de la taxe à l'octroi par les États tiers d'avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que l'expression «États tiers» inclut l'ensemble des États tiers et que cette disposition ne porte pas atteinte au pouvoir et à la responsabilité des États membres de respecter leurs obligations découlant d'accords internationaux tels que l'accord général sur le commerce des services.

En effet, l'article 2, paragraphe 2, de la treizième directive, tout comme les autres dispositions de cette même directive, fait clairement référence à tous les États tiers sans aucune distinction.

En outre, cette disposition laissant chaque État membre libre d'apprécier, par rapport à chaque État tiers, s'il convient ou non d'imposer une condition de réciprocité, elle permet aux États membres d'adapter, au fur et à mesure que des accords conclus avec certains États tiers limitent cette marge d'appréciation, leur législation auxdits accords. Dans ces conditions, l'exigence d'interpréter le droit communautaire dérivé, dans la mesure du possible, en conformité avec les accords internationaux conclus par la Communauté ne requiert pas que l'expression «États tiers» figurant à ladite disposition soit interprétée comme étant restreinte aux États tiers qui ne peuvent pas se prévaloir de la clause de la nation la plus favorisée prévue à l'article II, paragraphe 1, de l'accord général sur le commerce des services.

(cf. points 15, 18-21 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

7 juin 2007 (*)

«Treizième directive TVA – Article 2, paragraphe 2 – GATS – Clause de la nation la plus favorisée – Interprétation du droit communautaire dérivé au regard des accords internationaux conclus par la Communauté»

Dans l’affaire C-335/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Köln (Allemagne), par décision du 24août 2005, parvenue à la Cour le 15 septembre 2005, dans la procédure

Řízení Letového Provozu ČR, s. p.

contre

Bundesamt für Finanzen,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. R. Schintgen (rapporteur), A. Tizzano, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement chypriote, par Mme E. Simeonidou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par M. J. Pietras, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 février 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires − Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (JO L 326, p. 40, ci-après la «treizième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société de droit tchèque Řízení Letového Provozu ČR, s. p. (ci-après «ŘLP») au Bundesamt für Finanzen (Office fédéral des finances), compétent en Allemagne en matière de perception de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), au sujet du remboursement de la TVA acquittée par ŘLP en Allemagne.

 Le cadre juridique

 Les accords internationaux

3        Par sa décision 94/800/CE, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce ainsi que les accords figurant aux annexes 1, 2 et 3 de cet accord, au nombre desquels figure l’accord général sur le commerce des services (ci-après le «GATS»).

4        L’article II, paragraphe 1, du GATS prévoit:

«En ce qui concerne toutes les mesures couvertes par le présent accord, chaque membre accordera immédiatement et sans condition aux services et fournisseurs de services de tout autre membre un traitement non moins favorable que celui qu’il accorde aux services similaires et fournisseurs de services similaires de tout autre pays.»

 La réglementation communautaire

5        Le deuxième considérant de la treizième directive se lit comme suit:

«considérant qu’il y a lieu d’assurer un développement harmonieux des relations commerciales de la Communauté avec les pays tiers en s’inspirant des dispositions de la directive 79/1072/CEE, tout en tenant compte de la diversité des situations rencontrées dans les pays tiers».

6        L’article 2 de la treizième directive dispose:

«1.      Sans préjudice des articles 3 et 4, chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 points a) et b) de la directive 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l’article 1er point 1 sous b) de la présente directive.

2.      Les États membres peuvent subordonner le remboursement visé au paragraphe 1 à l’octroi par les États tiers d’avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffre d’affaires.

3.      Les États membres peuvent exiger la désignation d’un représentant fiscal.»

 La réglementation nationale

7        L’article 18, paragraphe 9, sixième phrase, de la loi de 1999 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1999, BGBl. 1999 I, p. 1270, ci-après l’«UStG») prévoit:

«Lorsqu’un entrepreneur n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, la taxe en amont ne lui est remboursée que si, dans le pays où il est établi, aucune taxe sur le chiffre d’affaires ou taxe comparable n’est perçue ou, dans l’hypothèse où une telle taxe est perçue, si elle est remboursée aux entrepreneurs établis à l’intérieur du [territoire allemand].»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        ŘLP, établie en République tchèque, est une entreprise de prestation de services active dans le domaine de la sécurité aérienne. Alors même que ses activités se limitent au territoire de la République tchèque, les bénéficiaires en sont non seulement des ressortissants tchèques, mais également des ressortissants allemands. En outre, elle propose des entraînements de pilotage tenus en République tchèque. Dans le cadre de ces cours, elle a toutefois eu recours à des entraînements sur simulateurs de vol et à d’autres formations dispensés en Allemagne. Ces prestations ayant été soumises à la TVA dans ce dernier État membre, ŘLP a sollicité le remboursement de cette taxe pour l’année 2002.

9        Le Bundesamt für Finanzen a rejeté cette demande, au motif que les conditions d’application de l’article 18, paragraphe 9, sixième phrase, de l’UStG − et plus précisément l’exigence de réciprocité − n’étaient pas remplies en l’espèce.

10      L’opposition soulevée à l’encontre de cette décision ayant également été rejetée, ŘLP a introduit un recours devant le Finanzgericht Köln.

11      La juridiction de renvoi relève que, pendant la période pertinente, la République tchèque percevait une taxe sur le chiffre d’affaires, mais ne prévoyait ni la déduction de la taxe payée en amont ni le remboursement de cette taxe aux entrepreneurs étrangers. Dès lors, cette juridiction s’interroge sur le point de savoir si le requérant au principal ne devait être exempté de ladite taxe, à la lumière de l’article II, paragraphe 1, du GATS. À cet égard, elle observe que le GATS est une convention de droit international qui ne crée de droits et d’obligations qu’entre ses membres. En cas de violation d’une obligation découlant du GATS, seul l’accord sur le règlement des différends conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce serait applicable.

12      Toutefois, conformément à l’article 300, paragraphe 7, CE, un accord tel que le GATS lierait les institutions de la Communauté ainsi que les États membres et ferait partie intégrante de l’ordre juridique communautaire. Il faudrait, dès lors, interpréter le droit communautaire dérivé à la lumière de cet accord et, notamment, de la clause de la nation la plus favorisée qu’il contient à son article II, paragraphe 1.

13      Considérant que la solution du litige au principal dépendait de la compatibilité de l’UStG avec l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive et éprouvant des doutes quant à l’interprétation exacte à donner à cette disposition au regard du GATS, le Finanzgericht Köln a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive […] doit-il être interprété de manière restrictive en ce sens que la possibilité qu’ont les États membres, en vertu de cet article, de subordonner le remboursement de la TVA à l’octroi par les États tiers d’avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffre d’affaires ne s’applique pas aux États qui, en tant que parties [au GATS] (BGBl. 1994 II, p. 1473, [...]), peuvent se prévaloir de la clause de la nation la plus favorisée prévue par cet accord (article II, paragraphe 1, du GATS)?»

 Sur la question préjudicielle

14      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive doit être interprété en ce sens que l’expression «États tiers» y figurant inclut les États tiers qui peuvent se prévaloir de la clause de la nation la plus favorisée prévue à l’article II, paragraphe 1, du GATS.

15      À cet égard, force est de constater que l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 59 de ses conclusions, tout comme les autres dispositions de cette même directive, fait clairement référence à tous les États tiers sans aucune distinction.

16      S’agissant de l’influence qu’est susceptible d’exercer un accord international auquel la Communauté est partie, tel que le GATS, sur l’interprétation d’une disposition de droit dérivé, il est de jurisprudence constante que la primauté des accords internationaux conclus par la Communauté sur les textes de droit communautaire dérivé commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (arrêts du 10 septembre 1996, Commission/Allemagne, C‑61/94, Rec. p. I-3989, point 52; du 1er  avril 2004, Bellio F.lli, C‑286/02, Rec. p. I-3465, point 33; du 12 janvier 2006, Algemene Scheeps Agentuur Dordrecht, C‑311/04, Rec. p. I-609, point 25, ainsi que du 8 mars 2007, Thomson et Vestel France, C‑447/05 et C‑448/05, non encore publié au Recueil, point 30).

17      En l’espèce, il suffit cependant de constater que l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive, en ce qu’il stipule que les États membres peuvent subordonner le remboursement visé au paragraphe 1 du même article à l’octroi par les États tiers d’avantages comparables, n’impose aux États membres aucune obligation, mais se limite à leur ouvrir une simple faculté, et ne les empêche aucunement de respecter les obligations auxquelles ils ont pu s’engager en vertu d’un accord international tel que le GATS.

18      En effet, l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive laissant chaque État membre libre d’apprécier, par rapport à chaque État tiers, s’il convient ou non d’imposer une condition de réciprocité, il permet aux États membres d’adapter, au fur et à mesure que des accords conclus avec certains États tiers limitent cette marge d’appréciation, leur législation auxdits accords.

19      Dans ces conditions, l’exigence d’interpréter le droit communautaire dérivé, dans la mesure du possible, en conformité avec les accords internationaux conclus par la Communauté ne requiert pas que l’expression «États tiers» figurant à l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive soit interprétée comme étant restreinte aux États tiers qui ne peuvent pas se prévaloir de la clause de la nation la plus favorisée prévue à l’article II, paragraphe 1, du GATS.

20      Toutefois, l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive ne porte pas non plus atteinte au pouvoir et à la responsabilité des États membres de respecter leurs obligations découlant d’accords internationaux tel que le GATS.

21      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive doit être interprété en ce sens que l’expression «États tiers» y figurant inclut l’ensemble des États tiers et que cette disposition ne porte pas atteinte au pouvoir et à la responsabilité des États membres de respecter leurs obligations découlant d’accords internationaux tels que le GATS.

 Sur les dépens

22      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 2, paragraphe 2, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires − Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté, doit être interprété en ce sens que l’expression «États tiers» y figurant inclut l’ensemble des États tiers et que cette disposition ne porte pas atteinte au pouvoir et à la responsabilité des États membres de respecter leurs obligations découlant d’accords internationaux tels que l’accord général sur le commerce des services.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.