C-283/06 - KÖGÁZ e.a.

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Affaires jointes C-283/06 et C-312/06

KÖGÁZ rt e.a.

contre

Zala Megyei Közigazgatási Hivatal Vezetője
et
OTP Garancia Biztosító rt
contre
Vas Megyei Közigazgatási Hivatal

(demandes de décision préjudicielle, introduites par le Zala Megyei Bíróság et

par la Legfelsőbb Bíróság)

«Sixième directive TVA — Article 33, paragraphe 1 — Notion de ‘taxes sur le chiffre d’affaires’ — Impôt local sur les entreprises»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Interdiction de percevoir d'autres impôts nationaux ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires

(Directive du Conseil 77/388, art. 33, § 1)

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Interdiction de percevoir d'autres impôts nationaux ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 2, et 33, § 1)

1.        Pour apprécier si un impôt, un droit ou une taxe a le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires, au sens de l'article 33 de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 91/680, il y a notamment lieu de rechercher s'il a pour effet de compromettre le fonctionnement du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée en grevant la circulation des biens et des services, et en frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à celle qui caractérise ladite taxe.

À cet égard, doivent, en tout cas, être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée les impôts, les droits et les taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de ladite taxe, même s'ils ne sont pas en tous points identiques à celle-ci.

En revanche, l'article 33 de la sixième directive ne s'oppose pas au maintien ou à l'introduction d'une taxe qui ne présenterait pas l'une des caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée.

Lesdites caractéristiques sont au nombre de quatre: l'application générale de la taxe sur la valeur ajoutée aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; la fixation de son montant proportionnellement au prix perçu par l'assujetti en contrepartie des biens et des services qu'il fournit; la perception de cette taxe à chaque stade du processus de production et de distribution, y compris à celui de la vente au détail, quel que soit le nombre de transactions intervenues précédemment; la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due par un assujetti des montants acquittés lors des étapes précédentes du processus de production et de distribution, de telle sorte que cette taxe ne s'applique, à un stade donné, qu'à la valeur ajoutée à ce stade et que la charge finale de ladite taxe repose en définitive sur le consommateur.

(cf. points 34-37)

2.        L'article 33, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 91/680, doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle au maintien d'un prélèvement fiscal présentant des caractéristiques telles que celles de l'impôt local hongrois sur les entreprises. En effet, une telle taxe se distingue de la taxe sur la valeur ajoutée d'une manière telle qu'elle ne saurait être qualifiée de taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires au sens de ladite disposition.

Tout d'abord, tandis que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue transaction par transaction au stade de la commercialisation et que son montant est proportionnel au prix des biens ou des services fournis, une taxe telle que celle en cause est, au contraire, assise sur la différence, établie en fonction de la législation comptable, entre le chiffre d'affaires lié aux biens vendus ou aux services fournis au cours d'un exercice fiscal, d'une part, et le prix de revient des biens vendus, la valeur des services intermédiaires et le coût des matériaux, d'autre part. Une telle taxe étant ainsi calculée sur la base d'un chiffre d'affaires périodique, il n'est pas possible de déterminer avec précision le montant de cette taxe éventuellement répercuté sur le client à l'occasion de chaque vente de biens ou de chaque prestation de services, si bien qu'une telle taxe ne saurait être considérée comme proportionnelle au prix des biens ou des services fournis.

Ensuite, tandis que l'assujetti est, en vertu de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, autorisé à déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable celle due ou acquittée pour tout bien ou service utilisé pour les besoins de ses opérations taxées, en ce qui concerne le régime de droit commun de la taxe en cause, la déduction, qui intervient au stade de la détermination de l'assiette de cet impôt, est opérée à concurrence du prix de revient des biens vendus, de la valeur des services intermédiaires et du coût des matériaux. L'assiette de la taxe en cause n'est donc pas circonscrite à la valeur ajoutée à un stade donné du processus de production ou de distribution, mais concerne le chiffre d'affaires global de l'assujetti, amputé seulement desdits éléments.

Enfin, alors que, par le biais du mécanisme de déduction de la taxe prévu aux articles 17 à 20 de la sixième directive, la taxe sur la valeur ajoutée grève uniquement le consommateur final et est parfaitement neutre à l'égard des assujettis qui interviennent dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition finale quel que soit le nombre de transactions intervenues, il n'en est pas de même pour ce qui concerne la taxe en cause. En effet, il n'existe aucune certitude que la charge de cette taxe soit, en définitive, répercutée sur le consommateur final d'une manière caractéristique d'une taxe sur la consommation telle que la taxe sur la valeur ajoutée.

(cf. points 39-40, 44-45, 47, 51-52, 60-61 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

11 octobre 2007 (*)

«Sixième directive TVA – Article 33, paragraphe 1 – Notion de ‘taxes sur le chiffre d’affaires’ – Impôt local sur les entreprises»

Dans les affaires jointes C‑283/06 et C‑312/06,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Zala Megyei Bíróság (Hongrie) (C-283/06) et par la Legfelsőbb Bíróság (Hongrie) (C-312/06), par décisions des 16 janvier et 10 juillet 2006, parvenues à la Cour les 29 juin et 18 juillet 2006, dans les procédures

KÖGÁZ rt,

E-ON IS Hungary kft,

E-ON DÉDÁSZ rt,

Schneider Electric Hungária rt,

TESCO Áruházak rt,

OTP Garancia Biztosító rt,

OTP Bank rt,

ERSTE Bank Hungary rt,

Vodafon Magyarország Mobil Távközlési rt (C-283/06)

contre

Zala Megyei Közigazgatási Hivatal Vezetője,

et

OTP Garancia Biztosító rt (C-312/06)

contre

Vas Megyei Közigazgatási Hivatal,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts (rapporteur), président de chambre, M. G. Arestis, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour KÖGÁZ rt, E-ON IS Hungary kft, E-ON DÉDÁSZ rt, Schneider Electric Hungária rt, TESCO Áruházak rt, OTP Garancia Biztosító rt, OTP Bank rt et ERSTE Bank Hungary rt, par Me P. Oszkó, ügyvéd,

–        pour Vodafon Magyarország Mobil Távközlési rt, par Me D. Deák, ügyvéd,

–        pour le gouvernement hongrois, par Mmes J. Fazekas et R. Somssich, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Triantafyllou et V. Bottka, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Dans l’affaire C-283/06, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’annexe X, chapitre 4, point 3, sous a), de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République tchèque, de la République d’Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque, et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2003, L 236, p. 33, ci-après l’«acte d’adhésion») et, d’autre part, de l’article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l’abolition des frontières fiscales, la directive 77/388 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant neuf sociétés de droit hongrois, KÖGÁZ rt, E-ON IS Hungary kft, E-ON DÉDÁSZ rt, Schneider Electric Hungária rt, TESCO Áruházak rt, OTP Garancia Biztosító rt, OTP Bank rt, ERSTE Bank Hungary rt et Vodafon Magyarország Mobil Távközlési rt (ci-après, ensemble, les «requérantes au principal dans l’affaire C-283/06»), au Zala Megyei Közigazgatási Hivatal Vezetője (directeur de l’autorité administrative du département de Zala, ci-après le «défendeur au principal dans l’affaire C-283/06») au sujet d’acomptes au titre d’un impôt local sur les entreprises que lesdites sociétés ont été sommées de payer en ce qui concerne l’exercice afférent à l’année 2005.

3        Dans l’affaire C‑312/06, la demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’annexe X, chapitre 4, point 3, sous a), de l’acte d’adhésion et, d’autre part, de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive.

4        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant OTP Garancia Biztosító rt, société de droit hongrois (ci-après la «requérante au principal dans l’affaire C-312/06»), au Vas Megyei Közigazgatási Hivatal (autorité administrative du département de Vas, ci-après le «défendeur au principal dans l’affaire C-312/06») au sujet d’acomptes au titre d’un impôt local sur les entreprises que ladite société a été sommée de payer en ce qui concerne les exercices se terminant, respectivement, le 15 septembre 2005 et le 15 mars 2006.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 L’acte d’adhésion

5        L’annexe X de l’acte d’adhésion, intitulée «Liste visée à l’article 24 de l’acte d’adhésion: Hongrie», comporte un chapitre 4, lui-même intitulé «Politique de concurrence», qui se rapporte au chapitre 1 du titre VI du traité CE, relatif aux règles de concurrence.

6        Sous ce chapitre 4 figure un point 3, intitulé «Aides fiscales accordées par les administrations locales», dont le point a) prévoit:

«Nonobstant les articles 87 et 88 du traité CE, la Hongrie peut, jusqu’au 31 décembre 2007 inclus, appliquer des réductions de l’impôt sur les entreprises locales jusqu’à concurrence de 2 % du revenu net des entreprises, accordées par l’administration locale pour une durée limitée sur la base des articles 6 et 7 de la loi C de 1990 relative aux impôts locaux, telle que modifiée par l’article 79, paragraphes 1 et 2, de la loi L de 2001 sur la modification de la législation financière, dans sa version modifiée par l’article 158 de la loi XLII de 2002 modifiant les lois relatives aux taxes, contributions et autres versements budgétaires.»

 La sixième directive

7        L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l’introduction par un État membre de taxes sur les contrats d’assurance, sur les jeux et paris, d’accises, de droits d’enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.»

 La réglementation nationale

8        Des indications contenues dans les décisions de renvoi, il ressort que la loi C de 1990 relative aux impôts locaux (a helyi adókról szóló 1990. évi C. törvényt, ci-après la «loi de 1990») habilite les communes de Hongrie à instituer, sur leur territoire, un impôt local sur les entreprises (helyi iparűzési adó, ci-après le «HIPA»).

9        Toujours selon ces indications:

–        le HIPA n’est pas un impôt général prélevé sur l’ensemble du territoire national, mais un impôt local dont l’institution, l’abrogation et la modification relèvent du pouvoir discrétionnaire des autorités communales;

–        dans les communes où il a été institué, il frappe toute activité économique exercée à titre permanent ou temporaire sur le territoire de la commune concernée, l’assujetti étant l’entrepreneur;

–        dans le cas d’une activité économique permanente, l’assiette de cet impôt est constituée par le chiffre d’affaires net correspondant aux biens vendus ou aux services fournis durant une période donnée, diminué du prix de revient desdits biens, de la valeur des services intermédiaires et du coût des matériaux;

–        dans le cas des entrepreneurs individuels et des petits producteurs agricoles, l’assiette dudit impôt correspond à la base imposable forfaitaire déterminée conformément à la loi relative à l’impôt sur les revenus des personnes majorée de 20 %;

–        dans le cas des entreprises assujetties à l’impôt sur les entreprises simplifié (egyszerűsített vállalkozói adó), l’assiette du HIPA peut correspondre à 50 % de l’impôt sur les entreprises simplifié;

–        l’autorité communale qui a institué le HIPA peut accorder des réductions ou d’autres avantages fiscaux, lesquels ne peuvent cependant bénéficier qu’aux entreprises pour lesquelles l’assiette de cet impôt n’excède pas 2,5 millions de HUF, voire un montant inférieur éventuellement fixé par ladite autorité;

–        un avantage fiscal spécial est prévu en cas d’accroissement du nombre d’employés pendant l’exercice fiscal (réduction de la base imposable à raison de 1 million de HUF par personne engagée);

–        dans le cas d’une activité économique permanente, le taux annuel maximal du HIPA est fixé à 2 %;

–        les assujettis ne sont pas tenus de faire figurer expressément le montant du HIPA sur les factures et dans les pièces comptables; la loi de 1990 ne comporte pas de disposition prévoyant la possibilité de déduire le HIPA éventuellement inclus dans le prix des biens ou des services acquis par l’assujetti;

–        la loi de 1990 ne prévoit pas expressément que le HIPA puisse être répercuté sur le consommateur, mais cet impôt peut être inclus dans le prix à la consommation;

–        parallèlement au HIPA, il existe, en Hongrie, une taxe sur la valeur ajoutée (általános forgalmi adó), régie par la loi LXXIV de 1992.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 Affaire C‑283/06

10      Par une série de décisions adoptées au cours de l’année 2005, le défendeur au principal dans l’affaire C‑283/06 a confirmé les décisions portant sommation de payer des acomptes au titre du HIPA pour l’année 2005 prises par différentes autorités communales à l’encontre des requérantes au principal dans ladite affaire.

11      Ledit défendeur au principal a fondé ses décisions sur l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la loi de 1990 ainsi que sur divers arrêtés locaux portant institution du HIPA. Il considère que les requérantes au principal dans l’affaire C‑283/06 ont reconnu leurs obligations fiscales au titre de cet impôt en déposant une déclaration audit impôt et sont donc tenues de verser un acompte fiscal. Dans certaines de ses décisions, il a réfuté l’objection selon laquelle, en raison de l’article 33 de la sixième directive, le HIPA serait dépourvu de base légale dès lors qu’il s’agirait d’un impôt ayant le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires.

12      Les requérantes au principal dans l’affaire C‑283/06 ont introduit des recours contre lesdites décisions devant le Zala Megyei Bíróság (tribunal départemental de Zala). En substance, elles font valoir que ces décisions sont illégales, au motif que, depuis le mois de mai 2004, elles ne sont plus assujetties au HIPA en raison de l’applicabilité directe de l’article 33 de la sixième directive.

13      La juridiction de renvoi est d’avis que le point 3, sous a), du chapitre 4 de l’annexe X de l’acte d’adhésion peut être interprété en ce sens qu’il institue une dérogation provisoire permettant de maintenir le HIPA ou, à tout le moins, que, en autorisant jusqu’au 31 décembre 2007 les réductions de cet impôt, les parties contractantes ont temporairement admis la compatibilité dudit impôt avec le droit communautaire.

14      Dans l’hypothèse où la Cour partagerait cet avis, la juridiction de renvoi considère que toute autre question serait superflue. Dans l’hypothèse inverse, elle estime nécessaire d’obtenir une interprétation de la notion d’impôt n’ayant pas le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires, au sens de l’article 33 de la sixième directive.

15      C’est dans ce contexte que le Zala Megyei Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

«1)      Convient-il d’interpréter le chapitre 4, point 3, sous a), de l’annexe X de l’[acte d’adhésion] […] en ce sens que:

–        la République de Hongrie a obtenu une dérogation provisoire qui lui permet de maintenir le [HIPA] ou que

–        avec la faculté de maintenir les avantages liés [au HIPA], l’acte d’adhésion a également reconnu le droit (provisoire) pour la République de Hongrie de maintenir une imposition sur les opérations économiques?

2)      Au cas où la Cour répondrait négativement à la première question, […] selon l’interprétation correcte de la sixième directive […], quels sont les critères qui permettent de considérer qu’une imposition n’a pas le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33 de [cette] directive?»

 Affaire C‑312/06

16      Par une décision adoptée au cours de l’année 2005, le défendeur au principal dans l’affaire C‑312/06 a confirmé la décision prise par une autorité communale à l’encontre de la requérante au principal dans ladite affaire portant sommation de payer des acomptes au titre du HIPA pour les exercices se terminant, respectivement, le 15 septembre 2005 et le 15 mars 2006.

17      Cette décision, fondée sur les articles 39, paragraphe 1, et 41, paragraphe 2, de la loi de 1990 ainsi que sur l’article 8, paragraphe 1, de l’arrêté local n° 13/2003 (III.27), a été motivée par le fait que, au terme d’une évaluation du HIPA lors des négociations d’adhésion, la République de Hongrie a obtenu, dans l’acte d’adhésion, une dérogation concernant les réductions de cet impôt jusqu’au 31 décembre 2007. Selon le défendeur au principal dans l’affaire C‑312/06, il est permis de déduire des indications contenues dans l’acte d’adhésion sur la conception dudit impôt que celui-ci a été approuvé par l’Union européenne.

18      La requérante au principal dans l’affaire C‑312/06 a introduit un recours contre ladite décision devant le Vas Megyei Bíróság (tribunal départemental de Vas). Elle a fait valoir que celle-ci est illégale, au motif que le HIPA est une taxe sur le chiffre d’affaires dont le maintien par la République de Hongrie après son adhésion à l’Union est contraire à l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive et qui ne peut, du reste, être considérée comme provisoirement autorisée par l’acte d’adhésion.

19      Ce recours a été rejeté par le Vas Megyei Bíróság, au motif, essentiellement, que l’octroi, par l’acte d’adhésion, d’une dérogation provisoire à la République de Hongrie en ce qui concerne les réductions du HIPA signifie nécessairement que l’Union a admis le maintien temporaire de cet impôt.

20      La requérante au principal dans l’affaire C‑312/06 a introduit un pourvoi devant le Legfelsőbb Bíróság (cour suprême) contre la décision rendue par le Vas Megyei Bíróság.

21      La juridiction de renvoi est d’avis que, si le point 3, sous a), du chapitre 4 de l’annexe X de l’acte d’adhésion peut être interprété en ce sens que les parties contractantes ont, en accordant une dérogation temporaire portant sur les réductions du HIPA, également accordé une dérogation concernant cet impôt en tant que tel, celui-ci est dès lors compatible avec le droit communautaire jusqu’au 31 décembre 2007. En revanche, en cas d’interprétation en sens contraire, il conviendrait de déterminer, à la lumière de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive, si, sur la base des critères matériels essentiels que comporte cette disposition, un impôt tel que le HIPA est un impôt ayant le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires.

22      Dans ces conditions, la Legfelsőbb Bíróság a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le chapitre 4, point 3, sous a), de l’annexe X de l’[acte d’adhésion] [...] peut-il être interprété en ce sens que la République de Hongrie a obtenu une dérogation provisoire qui lui permet de maintenir le [HIPA], c’est-à-dire en ce sens que l’acte d’adhésion, en ce qu’il permet le maintien des réductions [du HIPA], a reconnu le droit provisoire pour la République de Hongrie de maintenir ce type d’impôt lui-même?

2)      Faut-il interpréter l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive […] en ce sens qu’il interdit le maintien d’un impôt (le [HIPA]) applicable aux activités lucratives exercées par les entreprises et dont l’une des caractéristiques principales est de grever le chiffre d’affaires net des entreprises diminué du prix de revient des marchandises vendues, du prix des services accessoires et du coût des matières premières; en d’autres termes, un tel impôt doit-il être considéré comme un impôt ayant le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires prohibée par cette disposition?»

 Sur les questions préjudicielles

23      Ainsi que l’ont suggéré KÖGÁZ rt, E-ON IS Hungary kft, E-ON DÉDÁSZ rt, Schneider Electric Hungária rt, TESCO Áruházak rt, OTP Garancia Biztosító rt, OTP Bank rt et ERSTE Bank Hungary rt (ci-après, ensemble, «KÖGÁZ e.a.»), le gouvernement hongrois ainsi que la Commission des Communautés européennes, il convient d’examiner d’abord la seconde question posée par chacune des juridictions de renvoi, relative à l’interprétation de l’article 33 de la sixième directive.

24      Dans l’affaire C‑283/06, cette question porte sur les critères permettant d’identifier une imposition n’ayant pas le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33 de la sixième directive.

25      Lue dans son contexte, ladite question concerne, à l’instar de la seconde question posée dans l’affaire C‑312/06, le point de savoir si ledit article 33 doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle au maintien d’une taxe présentant des caractéristiques telles que celles du HIPA.

26      Pour interpréter l’article 33 de la sixième directive, il convient de situer cette disposition dans son contexte législatif. À cette fin, il est utile de rappeler d’emblée les objectifs que poursuit l’instauration d’un système commun de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») (arrêt du 3 octobre 2006, Banca Popolare di Cremona, C‑475/03, Rec. p. I‑9373, point 18).

27      Il ressort des considérants de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (JO 1967, 71, p. 1301), que l’harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires doit permettre d’établir un marché commun comportant une concurrence non faussée et ayant des caractéristiques analogues à celles d’un marché intérieur, en éliminant les différences d’impositions fiscales susceptibles de fausser la concurrence et d’entraver les échanges (arrêts du 8 juin 1999, Pelzl e.a., C‑338/97, C‑344/97 et C‑390/97, Rec. p. I‑3319, point 14, ainsi que Banca Popolare di Cremona, précité, point 19).

28      L’institution d’un système commun de la TVA a été réalisée par la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303), et par la sixième directive (arrêts précités Pelzl e.a., point 15, ainsi que Banca Popolare di Cremona, point 20).

29      Le principe du système commun de la TVA consiste, en vertu de l’article 2 de la première directive 67/227, à appliquer aux biens et aux services, jusqu’au stade du commerce de détail, un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre de transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition (voir, notamment, arrêts du 27 novembre 1985, Rousseau Wilmot, 295/84, Rec. p. 3759, point 15; du 3 mars 1988, Bergandi, 252/86, Rec. p. 1343, point 15; du 13 juillet 1989, Wisselink e.a., 93/88 et 94/88, Rec. p. 2671, point 18; Pelzl e.a., précité, point 16, ainsi que Banca Popolare di Cremona, précité, point 21).

30      Toutefois, à chaque transaction, la TVA n’est exigible qu’après déduction du montant de la TVA qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix des biens et des services. Le mécanisme des déductions est aménagé à l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive de telle sorte que les assujettis soient autorisés à déduire de la TVA dont ils sont redevables les montants de TVA qui ont déjà grevé les biens ou les services en amont et que cette taxe ne frappe, à chaque stade, que la valeur ajoutée et soit, en définitive, supportée par le consommateur final (arrêts précités Pelzl e.a., point 17, ainsi que Banca Popolare di Cremona, point 22).

31      Pour atteindre l’objectif d’une égalité des conditions d’imposition d’une même opération quel que soit l’État membre dans lequel elle intervient, le système commun de la TVA devait remplacer, aux termes des considérants de la deuxième directive 67/228, les taxes sur le chiffre d’affaires en vigueur dans les différents États membres (voir, notamment, arrêts précités Pelzl e.a., point 18, ainsi que Banca Popolare di Cremona, point 23).

32      Dans cet ordre d’idées, la sixième directive ne permet, à son article 33, le maintien ou l’introduction, par un État membre, d’impôts, de droits et de taxes frappant les livraisons de biens, les prestations de services ou les importations que s’ils n’ont pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires (voir, notamment, arrêts précités Pelzl e.a., point 19, ainsi que Banca Popolare di Cremona, point 24).

33      En revanche, le droit communautaire ne comporte, en son état actuel, aucune disposition spécifique visant à exclure ou à limiter la faculté des États membres d’instituer des impôts, des droits ou des taxes autres que des taxes sur le chiffre d’affaires (arrêts Wisselink e.a., précité, point 13, ainsi que du 19 février 1998, SPAR, C‑318/96, Rec. p. I‑785, point 21). Il ressort même de l’article 33 de la sixième directive que le droit communautaire admet l’existence de régimes de taxation en concurrence avec la TVA (arrêts Wisselink e.a., précité, point 14; du 19 mars 1991, Giant, C‑109/90, Rec. p. I‑1385, point 9, ainsi que SPAR, précité, point 21; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1986, Kerrutt, 73/85, Rec. p. 2219, point 22).

34      Pour apprécier si un impôt, un droit ou une taxe a le caractère de taxe sur le chiffre d’affaires, au sens de l’article 33 de la sixième directive, il y a notamment lieu de rechercher s’il a pour effet de compromettre le fonctionnement du système commun de la TVA en grevant la circulation des biens et des services, et en frappant les transactions commerciales d’une façon comparable à celle qui caractérise la TVA (arrêts précités Pelzl e.a., point 20, ainsi que Banca Popolare di Cremona, point 25; voir également, en ce sens, arrêt du 9 mars 2000, EKW et Wein & Co, C‑437/97, Rec. p. I‑1157, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

35      La Cour a précisé, à cet égard, que doivent, en tout cas, être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d’une façon comparable à la TVA les impôts, les droits et les taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA, même s’ils ne sont pas en tous points identiques à celle-ci (arrêts du 31 mars 1992, Dansk Denkavit et Poulsen Trading, C‑200/90, Rec. p. I‑2217, points 11 et 14; du 29 avril 2004, GIL Insurance e.a., C‑308/01, Rec. p. I‑4777, point 32, ainsi que Banca Popolare di Cremona, précité, point 26).

36      En revanche, l’article 33 de la sixième directive ne s’oppose pas au maintien ou à l’introduction d’une taxe qui ne présenterait pas l’une des caractéristiques essentielles de la TVA (arrêts du 17 septembre 1997, Solisnor-Estaleiros Navais, C‑130/96, Rec. p. I‑5053, points 19 et 20; GIL Insurance e.a., précité, point 34, ainsi que Banca Popolare di Cremona, précité, point 27).

37      La Cour a précisé quelles sont les caractéristiques essentielles de la TVA. Nonobstant quelques différences de rédaction, il ressort de sa jurisprudence que lesdites caractéristiques sont au nombre de quatre: l’application générale de la TVA aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; la fixation de son montant proportionnellement au prix perçu par l’assujetti en contrepartie des biens et des services qu’il fournit; la perception de cette taxe à chaque stade du processus de production et de distribution, y compris à celui de la vente au détail, quel que soit le nombre de transactions intervenues précédemment; la déduction de la TVA due par un assujetti des montants acquittés lors des étapes précédentes du processus de production et de distribution, de telle sorte que cette taxe ne s’applique, à un stade donné, qu’à la valeur ajoutée à ce stade et que la charge finale de ladite taxe repose en définitive sur le consommateur (arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 28).

38      Afin d’éviter des résultats discordants par rapport à l’objectif que poursuit le système commun de la TVA tel qu’il a été rappelé aux points 27 à 34 du présent arrêt, toute comparaison des caractéristiques d’une taxe telle que le HIPA avec celles de la TVA doit se faire à la lumière de cet objectif. Dans ce cadre, il y a lieu de réserver une attention particulière à l’exigence que la neutralité du système commun de la TVA soit à tout moment garantie (arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 29).

39      En l’occurrence, s’agissant, tout d’abord, de la deuxième caractéristique essentielle de la TVA, il convient de constater que, tandis que la TVA est perçue transaction par transaction au stade de la commercialisation et que son montant est proportionnel au prix des biens ou des services fournis (arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 30), une taxe telle que le HIPA est, au contraire, assise sur la différence, établie en fonction de la législation comptable, entre le chiffre d’affaires lié aux biens vendus ou aux services fournis au cours d’un exercice fiscal, d’une part, et le prix de revient des biens vendus, la valeur des services intermédiaires et le coût des matériaux, d’autre part.

40      Une telle taxe étant ainsi calculée sur la base d’un chiffre d’affaires périodique, il n’est pas possible de déterminer avec précision le montant de cette taxe éventuellement répercuté sur le client à l’occasion de chaque vente de biens ou de chaque prestation de services, si bien qu’il n’est pas satisfait à la condition de proportionnalité de ce montant aux prix perçus par l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt Pelzl e.a., précité, point 25).

41      En outre, ainsi que l’a souligné la Commission, la réglementation sur le HIPA comporte, pour un certain nombre de cas, des règles simplifiées, largement forfaitaires, de détermination de l’assiette de l’impôt par référence soit à la base d’imposition d’un autre impôt majorée d’un pourcentage fixe (cas des entrepreneurs individuels et des petits producteurs agricoles), soit à un pourcentage fixe d’un autre impôt (cas des entreprises assujetties à l’impôt sur les entreprises simplifié).

42      Dans de tels cas, l’assiette du HIPA est, à l’évidence, déterminée par d’autres paramètres que le prix des biens ou des services payé par les clients (voir, par analogie, arrêt du 7 mai 1992, Bozzi, C‑347/90, Rec. p. I‑2947, point 15).

43      Ces règles particulières contribuent à renforcer l’absence globale de rapport de proportionnalité entre le montant payé par l’assujetti au titre d’une taxe telle que le HIPA et le prix des biens ou des services fournis par cet assujetti.

44      Dans ces conditions, une telle taxe ne saurait être considérée comme proportionnelle au prix des biens ou des services fournis.

45      Ensuite, à propos de la quatrième caractéristique essentielle de la TVA, il convient de relever, en premier lieu, que, tandis que l’assujetti est, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la sixième directive, autorisé à déduire de la TVA dont il est redevable celle due ou acquittée pour tout bien ou service utilisé pour les besoins de ses opérations taxées, en ce qui concerne le régime de droit commun du HIPA, la déduction, qui intervient au stade de la détermination de l’assiette de cet impôt, est opérée à concurrence du prix de revient des biens vendus, de la valeur des services intermédiaires et du coût des matériaux.

46      Des débats qui se sont tenus à l’audience, il est ainsi ressorti que, s’agissant des services fournis à l’assujetti, seuls les coûts répondant aux critères fixés par la législation applicable, tels que ceux des services fournis par des sous-traitants ou des intermédiaires, ou encore ceux des services auxquels l’assujetti a eu recours et qu’il fournit à son tour sous une forme inchangée à ses clients (services «inchangés») peuvent être défalqués par ledit assujetti de la base imposable au titre du HIPA. En revanche, ladite base ne peut pas être réduite à concurrence du montant de coûts tels que ceux de services d’expertise ou ceux liés à des services qui ont été fournis à l’assujetti pour les besoins de ses activités et que ce dernier ne réintroduit pas tels quels dans le circuit économique (services «achetés»).

47      L’assiette du HIPA n’est donc pas circonscrite à la valeur ajoutée à un stade donné du processus de production ou de distribution, mais concerne le chiffre d’affaires global de l’assujetti, amputé des seuls éléments identifiés au point 45 du présent arrêt (voir, par analogie, arrêt Pelzl e.a., précité, point 23).

48      En deuxième lieu, il est certes exact que l’existence de différences en ce qui concerne la méthode selon laquelle la déduction de la taxe déjà payée est calculée ne saurait faire échapper une taxe à l’interdiction énoncée à l’article 33 de la sixième directive si de telles différences sont plutôt d’ordre technique et n’empêchent pas que cette taxe opère, en substance, de la même façon que la TVA (arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 31).

49      Il est également vrai que, comme l’ont fait observer KÖGÁZ e.a. et Vodafone, pour qu’une taxe ait le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires, il n’est pas nécessaire que la législation nationale qui lui est applicable prévoie expressément que cette taxe puisse être répercutée sur les consommateurs (arrêt du 26 juin 1997, Careda e.a., C‑370/95 à C‑372/95, Rec. p. I‑3721, point 18) ni que ladite taxe fasse l’objet d’une mention distincte sur la facture délivrée au client (voir, en ce sens, arrêts précités Dansk Denkavit et Poulsen Trading, points 13 et 14, ainsi que Careda e.a., points 23 et 26).

50      En revanche, une taxe grevant les activités productives d’une manière telle qu’il n’est pas certain qu’elle soit, à l’instar d’une taxe sur la consommation comme la TVA, supportée en définitive par le consommateur final est susceptible de sortir du champ d’application de l’article 33 de la sixième directive (arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 31).

51      En l’occurrence, alors que, par le biais du mécanisme de déduction de la taxe prévu aux articles 17 à 20 de la sixième directive, la TVA grève uniquement le consommateur final et est parfaitement neutre à l’égard des assujettis qui interviennent dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition finale quel que soit le nombre de transactions intervenues (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 1996, Elida Gibbs, C‑317/94, Rec. p. I‑5339, points 19, 22 et 23; du 15 octobre 2002, Commission/Allemagne, C‑427/98, Rec. p. I‑8315, point 29, ainsi que Banca Popolare di Cremona, précité, point 32), il n’en est pas de même pour ce qui concerne une taxe telle que le HIPA.

52      En effet, ainsi que l’a fait observer la Commission, il ressort des indications contenues dans les décisions de renvoi qu’il n’existe aucune certitude que la charge du HIPA soit, en définitive, répercutée sur le consommateur final d’une manière caractéristique d’une taxe sur la consommation telle que la TVA.

53      Les juridictions de renvoi soulignent ainsi que, en raison de sa nature même, le HIPA n’est pas nécessairement répercuté. Elles ajoutent que, s’il l’est, l’acheteur peut ne pas en être conscient, auquel cas l’impôt répercuté sur le prix des biens ou des services qu’il a acquis en qualité d’assujetti ne sera pas répercuté sur le prix des biens et des services que lui-même fournit à ses clients.

54      Du reste, ainsi que l’a souligné le gouvernement hongrois, le HIPA étant calculé sur la base d’un chiffre d’affaires périodique, un assujetti ne peut déterminer avec précision ni le montant du HIPA qui aurait été inclus dans le prix d’acquisition de biens ou de services (voir, par analogie, arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 33) ni la fraction du HIPA éventuellement répercutée sur le consommateur à l’occasion de chaque vente de biens ou prestation de services (voir, en ce sens, arrêts précités Giant, point 14, ainsi que Pelzl e.a., point 25).

55      Par ailleurs, comme l’a fait observer ce même gouvernement, si, en vue de répercuter la charge de la taxe due en rapport avec ses propres activités sur l’étape suivante du processus de distribution ou de consommation, un assujetti incluait cette charge dans son prix de vente, l’assiette du HIPA engloberait, par suite, la taxe elle-même, de sorte que le HIPA serait ainsi calculé sur un montant établi à partir d’un prix de vente incorporant de manière anticipative la taxe à payer (voir, par analogie, arrêt Banca Popolare di Cremona, précité, point 33).

56      En tout état de cause, même si l’on peut supposer qu’un assujetti au HIPA qui pratique la vente au consommateur final tiendra compte, pour fixer son prix, du montant de la taxe incorporé à ses frais généraux, tous les assujettis ne jouissent pas de la possibilité de répercuter ainsi, ou de répercuter totalement, la charge de la taxe (voir, par analogie, arrêts précités Pelzl e.a., point 24, ainsi que Banca Popolare di Cremona, point 34).

57      Il résulte des considérations qui précèdent que, eu égard à ces caractéristiques, une taxe telle que le HIPA n’est pas conçue pour être répercutée sur le consommateur final d’une manière caractéristique de la TVA.

58      Sur ce point, une telle taxe se distingue d’une contribution telle que celle ayant donné lieu à l’arrêt Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précité, et déclarée incompatible avec le système commun de la TVA au point 14 de cet arrêt, dans la mesure où cette contribution était destinée à être répercutée sur le consommateur final, ainsi qu’il ressort du point 3 dudit arrêt. Ladite contribution était en outre perçue sur une assiette identique à celle qui est utilisée pour la TVA et était recouvrée parallèlement à cette dernière, comme il résulte du point 8 du même arrêt.

59      Par conséquent, à supposer même que, comme l’ont soutenu KÖGÁZ e.a. et Vodafone, le HIPA soit d’application générale dans les communes qui l’ont institué, cette circonstance ne saurait suffire à qualifier un impôt tel que celui-ci de taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33 de la sixième directive, dès lors qu’il ne frappe pas les transactions d’une façon comparable à celle qui caractérise la TVA (voir, en ce sens, arrêt Pelzl e.a., précité, point 27).

60      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il apparaît qu’une taxe présentant des caractéristiques telles que celles du HIPA se distingue de la TVA d’une manière telle qu’elle ne saurait être qualifiée de taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive.

61      Il convient par conséquent de répondre à la seconde question posée par les juridictions de renvoi que l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle au maintien d’un prélèvement fiscal présentant des caractéristiques telles que celles de la taxe en cause au principal.

62      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la première question posée par ces juridictions en relation avec le point 3, sous a), du chapitre 4 de l’annexe X de l’acte d’adhésion.

 Sur les dépens

63      Les procédures revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de l’abolition des frontières fiscales, la directive 77/388, doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle au maintien d’un prélèvement fiscal présentant des caractéristiques telles que celles de la taxe en cause au principal.

Signatures


* Langue de procédure: le hongrois.