C-291/07 - Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrådet

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Affaire C-291/07

Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrådet

contre

Skatteverket

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Regeringsrätten)

«TVA — Lieu des opérations imposables — Rattachement fiscal — Prestataire de services établi dans un État membre autre que celui dans lequel est établi le preneur — Qualité d’assujetti — Services fournis à une fondation nationale exerçant une activité économique et une activité non économique»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Prestations de services — Détermination du lieu de rattachement fiscal

(Directives du Conseil 77/388, art. 9, § 2, e), et 2006/112, art. 56, § 1, c))

L'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 1999/59, et l'article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui déterminent le lieu de rattachement fiscal pour les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études, avocats, experts-comptables et autres prestations similaires, doivent être interprétés en ce sens que le preneur d'une prestation de services de conseil fournie par un assujetti établi dans un autre État membre, preneur qui exerce à la fois des activités économiques et des activités situées en dehors du champ d'application de ces directives, doit être considéré comme ayant la qualité d'assujetti, même si ladite prestation n'est utilisée que pour les besoins de ces dernières activités.

En effet, cet article ne précise pas si son affiliation est soumise à la condition que l'assujetti bénéficiaire d'une prestation de services utilise cette prestation pour les besoins de son activité économique. Ainsi, contrairement à d'autres dispositions de la sixième directive, telles que ses articles 2, paragraphe 1, et 17, paragraphe 2, cet article n'indique aucunement qu'une telle condition serait nécessaire pour qu'il trouve à s'appliquer.

En l'absence de précision explicite, à l'article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, quant au fait que les services fournis doivent être utilisés pour les besoins de l'activité économique du preneur, il y a lieu de considérer que la circonstance que ce dernier utilise ces services pour des activités situées en dehors du champ d'application de la sixième directive ne fait pas obstacle à l'application de cette disposition.

(cf. points 28-33 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

6 novembre 2008 (*)

«TVA – Lieu des opérations imposables – Rattachement fiscal – Prestataire de services établi dans un État membre autre que celui dans lequel est établi le preneur – Qualité d’assujetti – Services fournis à une fondation nationale exerçant une activité économique et une activité non économique»

Dans l’affaire C‑291/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Regeringsrätten (Suède), par décision du 30 mai 2007, parvenue à la Cour le 15 juin 2007, dans la procédure

Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrådet

contre

Skatteverket,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano, A. Borg Barthet (rapporteur) et E. Levits, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le Skatteverket, par M. M. Loeb, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement grec, par MM. S. Spyropoulos et I. Bakopoulos ainsi que par Mme I. Pouli, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. de Bellis, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement polonais, par M. T. Nowakowski, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou et Mme P. Dejmek, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 juin 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999 (JO L 162, p. 63, ci-après la «sixième directive»), ainsi que de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Kollektivavtalsstiftelsen TRR Trygghetsrådet (Rebondir – Conseil d’aide et de soutien aux personnes victimes d’un licenciement, ci-après «TRR»), fondation de droit suédois exerçant des activités économiques ainsi que d’autres activités, au Skatteverket (administration fiscale suédoise) au sujet des conséquences fiscales de certaines prestations de services de conseil dont la fondation entend bénéficier et sur la question de savoir si elle doit être considérée comme ayant la qualité de commerçant au sens de l’article 7 du chapitre 5 de la loi 1994:200 relative à la taxe sur la valeur ajoutée [medvärdesskattelagen (1994:200), ci‑après la «loi relative à la TVA»]. Ce litige porte sur une période au cours de laquelle la sixième directive et la directive 2006/112 furent successivement applicables.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2, point 1, de la sixième directive [repris à l’article 2, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112] prévoit que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») «les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive (repris à l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/112), est considéré comme assujetti «quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité».

5        L’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive (repris à l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2006/112) dispose que «les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence».

6        Selon l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive (repris à l’article 43 de la directive 2006/112), «[l]e lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle».

7        L’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive [repris à l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112] prévoit néanmoins que «le lieu des prestations de services suivantes, rendues à des preneurs établis en dehors de la Communauté ou à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable pour lequel la prestation de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle:

[…]

–        les prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d’études, avocats, experts comptables et autres prestations similaires, ainsi que le traitement de données et la fourniture d’informations,

[...]»

8        Aux termes de l’article 21, point 1, sous b), de la sixième directive, la TVA est due «par le preneur assujetti d’un service visé à l’article 9, paragraphe 2, point e), ou le preneur d’un service visé à l’article 28 ter, titres C, D, E, et F, qui est enregistré dans le pays aux fins de la TVA, lorsque le service est effectué par un assujetti établi à l’étranger; les États membres peuvent toutefois prévoir que le prestataire de services est solidairement tenu d’acquitter la taxe».

9        L’article 196 de la directive 2006/112 dispose que «la TVA est due par l’assujetti preneur de services visés à l’article 56 […]».

 La réglementation nationale

10      L’article 1er du chapitre I de la loi relative à la TVA prévoit que sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services sur le territoire, effectuées dans le cadre d’une activité professionnelle. Cette disposition vise à transposer l’article 2, point 1, de la sixième directive.

11      L’article 7 du chapitre 5 de la loi relative à la TVA prévoit que certaines prestations de services qu’il précise, notamment celles de conseil, fournies par un prestataire établi dans un autre État membre, sont considérées comme effectuées sur le territoire suédois si le preneur est un commerçant qui a établi le siège de son activité économique en Suède ou qui y dispose d’un établissement stable pour lequel la prestation de services a été fournie ou, à défaut, qui y a fixé le lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle. En vertu de l’article 2 du chapitre I de cette loi, si le prestataire de services de conseil soumis à la TVA est étranger, la TVA est due par le preneur. Ces dispositions transposent en droit national les dispositions correspondantes des articles 9, paragraphe 2, sous e), et 21, point 1, sous b), de la sixième directive.

12      La loi relative à la TVA ne définit pas la notion de commerçant. L’article 1er du chapitre 4 de cette loi précise néanmoins que doit être considérée comme une «activité professionnelle» toute activité économique au sens du chapitre 13 de la loi 1999:1229 relative à l’impôt sur les revenus [inkomstskattelagen (1999:1229)] ou exercée dans des formes comparables et dont les recettes, au cours de l’exercice fiscal, sont supérieures à 30 000 SEK. Il ressort de l’article 1er du chapitre 13 de cette dernière loi que par «activité économique» il faut entendre toute activité indépendante exercée à titre professionnel.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

13      Le litige au principal concerne TRR, fondation pour les conventions collectives, créée en 1994 par l’organisation patronale Svenska Arbetsgivareföreningen (devenue Svenskt Näringsliv) et par le syndicat de travailleurs Privattjänstemannakartellen (syndicat des employés et cadres du secteur privé).

14      Les statuts de TRR prévoient que les objets de cette dernière sont, d’une part, le versement d’indemnités de licenciement et la promotion de toute mesure de nature à faciliter la reconversion des travailleurs qui, pour des motifs précisés, ont été licenciés ou risquent de l’être et, d’autre part, de conseiller les entreprises susceptibles de connaître ou connaissant des situations de sureffectifs et de leur prêter assistance, ainsi que de promouvoir la formation des entreprises en matière de ressources humaines. Les conditions d’exercice des activités de TRR sont plus précisément définies dans un accord entre la Svenskt Näringsliv et le Privattjänstemannakartellen, dit «accord de transition» («Omställningsavtalet»).

15      Les activités de TRR sont financées par des cotisations patronales versées par les employeurs parties à cet accord, lesquelles représentent un pourcentage des rémunérations versées aux salariés couverts par ledit accord. Les employeurs liés à l’accord de transition par un accord dit «de rattachement» s’acquittent d’une cotisation annuelle fixe. Outre les activités régies par l’accord de transition, TRR fournit des prestations de services aux entreprises procédant à des externalisations, pour lesquelles elle est immatriculée en tant qu’assujetti à la TVA. L’activité exercée par TRR en cette dernière qualité représente environ 5 % de ses recettes.

16      TRR entend bénéficier de prestations de services de conseil assurées notamment par un prestataire établi au Danemark, lesquelles doivent exclusivement être utilisées pour les activités que TRR exerce dans le cadre de l’accord de transition. Afin de se faire préciser les conséquences fiscales de cette opération, TRR a introduit une demande de rescrit auprès du Skatterättsnämnden (Conseil du droit fiscal) afin de faire trancher la question de savoir si les activités qu’elle exerce dans le cadre de l’accord de transition ont un caractère professionnel et si elle doit être considérée comme ayant la qualité de commerçant au sens de l’article 7 du chapitre 5 de la loi relative à la TVA.

17      Par décision du 3 mars 2006, le Skatterättsnämnden a considéré que les activités exercées dans le cadre de l’accord de transition ne constituaient pas pour TRR des prestations de services fournies dans le cadre d’une activité professionnelle, mais que TRR devait être considérée comme ayant la qualité de commerçant au sens de l’article 7 du chapitre 5 de ladite loi.

18      TRR, qui a formé un recours contre la décision du Skatterättsnämnden, demande au Regeringsrätten de juger qu’elle n’a pas la qualité de commerçant au sens de l’article 7 du chapitre 5 de la loi relative à la TVA. Le Skatteverket demande à cette même juridiction de confirmer la décision attaquée.

19      À l’appui de son recours, TRR fait notamment valoir qu’une immatriculation en tant qu’assujetti à la TVA n’a pas en elle‑même pour effet de faire considérer l’intéressé comme ayant nécessairement la qualité de commerçant au sens de l’article 7 du chapitre 5 de la loi relative à la TVA. En ce qui concerne les achats effectués pour les besoins de ses activités situées en dehors du champ d’application de la sixième directive, elle n’aurait pas la qualité de commerçant au sens de cette disposition. TRR ajoute que la disposition correspondante de la sixième directive, à savoir l’article 9, paragraphe 2, sous e), renvoie non pas à la notion de commerçant mais à celle d’assujetti.

20      Le Regeringsrätten estime que, aux fins de l’application de certaines dispositions de la sixième directive et de la directive 2006/112, le litige au principal nécessite une interprétation, au regard du droit communautaire, des notions d’«assujetti» et de «redevable pour le paiement de la taxe». La juridiction de renvoi relève que la notion d’«assujetti», au sens de la sixième directive, a été précisée par la Cour dans plusieurs arrêts, mais que cette dernière ne s’est pas encore prononcée sur l’interprétation à donner de cette notion pour l’application de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de cette même directive dans un cas concret tel que celui qui est à l’origine de l’affaire au principal.

21      Considérant que les dispositions pertinentes de la sixième directive et de la directive 2006/112 sont imprécises et que la question ne paraît pas avoir déjà été soumise à la Cour, le Regeringsrätten a décidé de surseoir à statuer et de poser la question préjudicielle suivante:

«L’article 9, paragraphe 2, sous e), et l’article 21, point 1, sous b), de la sixième directive [...], ainsi que l’article 56, paragraphe 1, sous c), et l’article 196 de la directive [2006/112] doivent‑ils être interprétés en ce sens que, pour leur application, le preneur d’une prestation de services de conseil auprès d’un assujetti dans un autre État membre, preneur qui exerce à la fois des activités économiques et des activités hors domaine de la directive, doit être considéré comme un assujetti, même si ladite prestation n’est utilisée que pour ces dernières?»

 Sur la question préjudicielle

22      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive et l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que le preneur d’une prestation de services de conseil auprès d’un assujetti établi dans un autre État membre, qui exerce à la fois des activités économiques et des activités situées en dehors du champ d’application de ces directives, doit être considéré comme ayant la qualité d’assujetti, même si ladite prestation n’est utilisée que pour les besoins de ces dernières activités.

23      Il convient de rappeler que la rédaction de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive est, en substance, identique à celle de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112. Il s’ensuit que ces deux articles doivent être interprétés de la même manière.

24      Il y a lieu également de rappeler que l’article 9 de la sixième directive contient des règles qui déterminent le lieu de rattachement fiscal des prestations de services. Alors que le paragraphe 1 de cet article édicte à ce sujet une règle de caractère général, le paragraphe 2 de ce même article énumère une série de rattachements spécifiques. L’objectif de ces dispositions est d’éviter, d’une part, des conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions et, d’autre part, la non-imposition de recettes [arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz, 168/84, Rec. p. 2251, point 14; du 26 septembre 1996, Dudda, C‑327/94, Rec. p. I‑4595, point 20; du 6 mars 1997, Linthorst, Pouwels en Scheres, C‑167/95, Rec. p. I‑1195, point 10; du 12 mai 2005, RAL (Channel Islands) e.a., C‑452/03, Rec. p. I‑3947, point 23, ainsi que du 9 mars 2006, Gillan Beach, C-114/05, Rec. p. I‑2427, point 14].

25      Il convient, en outre, de préciser que, s’agissant du rapport entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 9 de la sixième directive, la Cour a jugé qu’il n’existe aucune prééminence du paragraphe 1 de cette disposition sur le paragraphe 2 de celle-ci. La question qu’il convient de se poser dans chaque situation est celle de savoir si cette dernière est régie par l’un des cas mentionnés à l’article 9, paragraphe 2, de ladite directive. À défaut, elle relève du paragraphe 1 de cet article [arrêts précités Dudda, point 21; Linthorst, Pouwels en Scheres, point 11; RAL (Channel Islands) e.a., point 24, ainsi que Gillan Beach, point 15].

26      L’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive prévoit que le lieu des prestations de services des conseillers et des autres prestations similaires, rendues à des assujettis établis dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, est l’endroit où le preneur a établi le siège de son activité économique.

27      S’il est vrai que, dans l’affaire au principal, le preneur des services de conseil est établi dans la Communauté mais en dehors du pays du prestataire, la juridiction de renvoi se demande toutefois si ce preneur doit également être considéré comme ayant la qualité d’assujetti au sens dudit article 9 dans le cas où les services concernés ne sont utilisés que pour les besoins d’activités situées en dehors du champ d’application de la sixième directive et de celui de la directive 2006/112.

28      D’emblée, il convient de constater que l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive ne précise pas si son application est soumise à la condition que l’assujetti bénéficiaire d’une prestation de services utilise cette prestation pour les besoins de son activité économique. Ainsi, contrairement à d’autres dispositions de la sixième directive, telles que ses articles 2, paragraphe 1, et 17, paragraphe 2, cet article n’indique aucunement qu’une telle condition serait nécessaire pour qu’il trouve à s’appliquer.

29      En d’autres termes, en l’absence de précision explicite, à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive, quant au fait que les services fournis doivent être utilisés pour les besoins de l’activité économique du preneur, il y a lieu de considérer que la circonstance que ce dernier utilise ces services pour des activités situées en dehors du champ d’application de la sixième directive ne fait pas obstacle à l’application de cette disposition.

30      Une telle interprétation s’accorde avec l’objectif poursuivi à l’article 9 de la sixième directive, qui, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 du présent arrêt, est celui d’une règle de conflit visant à éviter les risques de double imposition et de non-imposition.

31      De même, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 41 de ses conclusions, cette interprétation facilite la mise en œuvre de ladite règle de conflit, en permettant une gestion simple, sur le lieu de la prestation de services, des règles de perception de la taxe et de prévention de l’évasion fiscale. En effet, le prestataire de services doit seulement établir que le preneur a la qualité d’assujetti pour déterminer si le lieu de la prestation de services se trouve dans l’État membre où il est établi ou dans l’État membre dans lequel est situé le siège de l’activité du preneur.

32      En outre, ladite interprétation est conforme aux finalités et aux règles de fonctionnement du régime communautaire de la TVA dans la mesure où elle assure, dans une situation telle que celle en cause au principal, que le consommateur final de la prestation de services supporte le coût final de la TVA due.

33      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 43 et 44 de ses conclusions, une telle interprétation est également conforme au principe de sécurité juridique et permet, en outre, de réduire la charge pesant sur les commerçants opérant dans tout le marché unique ainsi que de faciliter la libre circulation des services.

34      Enfin, il convient de noter que l’article 21, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive (repris à article 196 de la directive 2006/112) prévoit que la TVA est due par l’assujetti preneur de services visés à l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive [repris à l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112]. Dès lors, si les conditions auxquelles est soumise l’application de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive sont remplies, le preneur est redevable de la TVA à raison des prestations de services dont il bénéficie, indépendamment du fait qu’elles aient été fournies ou non pour les besoins d’activités ne relevant pas du champ d’application desdites directives.

35      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée par le Regeringsrätten que l’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive et l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que le preneur d’une prestation de services de conseil fournie par un assujetti établi dans un autre État membre, preneur qui exerce à la fois des activités économiques et des activités situées en dehors du champ d’application de ces directives, doit être considéré comme ayant la qualité d’assujetti, même si ladite prestation n’est utilisée que pour les besoins de ces dernières activités.

 Sur les dépens

36      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 9, paragraphe 2, sous e), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 1999/59/CE du Conseil, du 17 juin 1999, et l’article 56, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que le preneur d’une prestation de services de conseil fournie par un assujetti établi dans un autre État membre, preneur qui exerce à la fois des activités économiques et des activités situées en dehors du champ d’application de ces directives, doit être considéré comme ayant la qualité d’assujetti, même si ladite prestation n’est utilisée que pour les besoins de ces dernières activités.

Signatures


* Langue de procédure: le suédois.