C-357/07 - TNT Post UK

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Affaire C-357/07

The Queen, à la demande de :

TNT Post UK Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

(demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen's Bench Division (Administrative Court))

«Sixième directive TVA — Exonérations — Article 13, A, paragraphe 1, sous a) — Prestations effectuées par les services publics postaux»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive — Exonération des prestations effectuées par les services publics postaux

(Directive du Conseil 77/388, art. 13, A, § 1, a) et directive du Parlement européen et du Conseil 97/67, art. 3)

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive — Exonération des prestations effectuées par les services publics postaux

(Directive du Conseil 77/388, art. 13, A, § 1, a))

1.        La notion de «services publics postaux», figurant à l'article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprétée en ce sens qu'elle vise des opérateurs, publics ou privés, qui s'engagent à assurer dans un État membre la totalité ou une partie du service postal universel, tel qu'il est défini à l'article 3 de la directive 97/67, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service, telle que modifiée par la directive 2002/39.

En effet, en premier lieu, pour être couvertes par le libellé de l'article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, il faut que les prestations de services à exonérer soient effectuées par un opérateur qui peut être qualifié de «service public postal» au sens organique du terme. Le fait que l'article 132, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, soit rédigé en des termes rigoureusement identiques à ceux de l'article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, démontre que l'exonération prévue par cette dernière disposition est maintenue telle quelle, nonobstant la libéralisation du secteur postal. Il s'ensuit que l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, ne saurait être interprétée d'une manière telle qu'elle vise, en substance, des prestations de services postaux, telles que les services réservés au sens de l'article de la directive 97/67, indépendamment de la qualité du prestataire de ces services.

En second lieu, les exonérations prévues par l'article 13, A, de la sixième directive, ont pour objectif de favoriser certaines activités d'intérêt général. Or, cet objectif général se traduit, dans le domaine postal, par l'objectif plus spécifique d'offrir, à un coût réduit, des services postaux qui répondent aux besoins essentiels de la population. Dans l'état actuel du droit communautaire, un tel objectif coïncide, en substance, avec celui poursuivi par la directive 97/67 d'offrir un service postal universel. En vertu de l'article 3, paragraphe 1, de cette directive, un tel service correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs. Dès lors, nonobstant le fait qu'elle n'est pas susceptible de constituer un fondement pour l'interprétation de l'article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, dont la base juridique diffère de celle de la directive 97/67, cette dernière constitue néanmoins une référence utile afin d'interpréter la notion de «services publics postaux» au sens de cette disposition.

(cf. points 27-30, 32-36, 40, disp. 1)

2.        L'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, s'applique à des prestations de services et à des livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l'exception des transports de personnes et des télécommunications, que les services publics postaux effectuent en tant que tels, à savoir au titre de leur qualité d'opérateur qui s'engage à assurer dans un État membre la totalité ou une partie du service postal universel. Elle ne s'applique pas à des prestations de services ni à des livraisons de biens accessoires à ces prestations dont les conditions ont été négociées individuellement.

(cf. point 49, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

23 avril 2009 (*)

«Sixième directive TVA – Exonérations – Article 13, A, paragraphe 1, sous a) – Prestations effectuées par les services publics postaux»

Dans l’affaire C-357/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume-Uni), par décision du 12 juillet 2007, parvenue à la Cour le 31 juillet 2007, dans la procédure

The Queen, à la demande de:

TNT Post UK Ltd

contre

The Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs,

en présence de:

Royal Mail Group Ltd,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, K. Schiemann, J.  Makarczyk, et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 juin 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour TNT Post UK Ltd, par M. D. Milne, QC, et Mme P. Hamilton, barrister, mandatés par M. C. Russell, solicitor,

–        pour Royal Mail Group Ltd, par MM. P. Lasok, QC, et J. Herberg, barrister, mandatés par Mme D. Finkler, solicitor,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mmes C. Gibbs, I. Rao et M. Hall, en qualité d’agents, assistées de M. C. Vajda, QC, et de Mme N. Shaw, barrister,

–        pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement grec, par M. S. Spyropoulos ainsi que par Mmes S. Trekli et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par MM. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. D. Barniville, SC, et N. Travers, BL,

–        pour le gouvernement finlandais, par M. J. Heliskoski et Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement suédois, par Mme A. Falk, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par Mme M. Afonso et M. R. Lyal, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 janvier 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant TNT Post UK Ltd (ci-après «TNT Post»), requérante au principal, aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs, défendeurs au principal, en présence de Royal Mail Group Ltd (ci-après «Royal Mail»), partie intervenante au principal, au sujet de la légalité de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») des services postaux fournis par cette dernière société.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 13 de la sixième directive, intitulé «Exonérations à l’intérieur du pays», dispose:

«A.      Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général      

1.      Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

a)      les prestations de services et les livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l’exception des transports de personnes et des télécommunications, effectuées par les services publics postaux;

[…]»

4        L’article 132, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1) est libellé en des termes identiques à ceux de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

5        La directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002 (JO L 176, p. 21, ci-après la «directive 97/67»), établit, selon son article 1er, des règles communes concernant notamment la prestation d’un service postal universel au sein de la Communauté européenne et les critères définissant les services susceptibles d’être réservés aux prestataires du service universel.

6        Le quinzième considérant de la directive 97/67 énonce:

«[…] les dispositions de la présente directive relatives à la prestation du service universel ne portent pas atteinte au droit des prestataires du service universel de négocier individuellement des contrats avec les clients».

7        Aux termes de l’article 3 de la directive 97/67:

«1.      Les États membres veillent à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

2.      À cet effet, les États membres prennent des mesures pour que la densité des points de contact et d’accès tienne compte des besoins des utilisateurs.

3.      Ils prennent des mesures pour que le ou les prestataires du service universel garantissent tous les jours ouvrables et pas moins de cinq jours par semaine, sauf circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles par les autorités réglementaires nationales, au minimum:

–        une levée,

–        une distribution au domicile de chaque personne physique ou morale ou, par dérogation, dans des conditions déterminées par l’autorité réglementaire nationale, dans des installations appropriées.

Toute circonstance exceptionnelle ou dérogation acceptée par une autorité réglementaire nationale conformément au présent paragraphe doit être portée à la connaissance de la Commission et de toutes les autorités réglementaires nationales.

4.      Chaque État membre adopte les mesures nécessaires pour que le service universel comprenne au minimum les prestations suivantes:

–        la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes,

–        la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes,

–        les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée.

5.      Les autorités réglementaires nationales peuvent relever la limite de poids de la couverture du service universel pour les colis postaux jusqu’à un poids ne dépassant pas 20 kilogrammes et peuvent fixer des régimes spéciaux pour la distribution à domicile de ces colis.

Nonobstant la limite de poids fixée par un État membre donné pour la couverture du service universel pour les colis postaux, les États membres veillent à ce que les colis postaux reçus d’autres États membres et pesant jusqu’à 20 kilogrammes soient distribués sur leur territoire.

6.      Les dimensions minimales et maximales des envois postaux visés sont celles fixées dans la convention et l’arrangement concernant les colis postaux adoptés par l’Union postale universelle.

7.      Le service universel tel que défini au présent article comprend aussi bien les services nationaux que les services transfrontières.»

8        L’article 7, paragraphe 1, de la directive 97/67 énonce:

«Dans la mesure où cela est nécessaire pour assurer le maintien du service universel, les États membres peuvent continuer à réserver des services à un (des) prestataire(s) du service universel. Lesdits services sont limités à la levée, au tri, au transport et à la distribution des envois ordinaires de correspondance intérieure et de correspondance transfrontière entrante, que ce soit par courrier accéléré ou non, conformément tant aux limites de poids que de prix ci-après. La limite de poids est fixée à 100 grammes à partir du 1er janvier 2003 et à 50 grammes à partir du 1er janvier 2006. Elle ne s’applique pas, à partir du 1er janvier 2003, si le prix est égal ou supérieur à trois fois le tarif public applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie la plus rapide et, à partir du 1er janvier 2006, si le prix est égal ou supérieur à deux fois et demie ledit tarif.

[…]»

 La réglementation nationale

9        Les dispositions visant à transposer l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive font partie de la loi de 1994 sur la taxe sur la valeur ajoutée (Value Added Tax Act 1994), telle que modifiée par la loi de 2000 sur les services postaux (Postal Services Act 2000, ci-après la «loi sur les services postaux»), alors que les dispositions visant à transposer la directive 97/67 font partie de cette dernière loi.

10      La London Gazette du 28 mars 2001 a publié une annonce selon laquelle le ministre du Commerce et de l’Industrie notifiait que la société Consignia plc (dénomination de Royal Mail à ladite date) avait été désignée, conformément à la loi sur les services postaux, comme un prestataire du service postal universel fournissant un tel service au Royaume-Uni. Aucune notification du même genre n’a été donnée par ledit ministre concernant une autre personne.

11      Le 18 février 2005, la commission des services postaux (Postal Services Commission ou Postcomm) a rendu une décision dans le cadre de l’exercice des obligations légales qui lui incombent en vertu de la loi sur les services postaux, selon laquelle, à partir du 1er janvier 2006, elle octroierait à tout demandeur remplissant les conditions prescrites une licence portant sur l’acheminement de lettres de tout poids. Cette décision a entraîné la libéralisation totale du marché postal au Royaume-Uni à compter de cette date, mais sans affecter le statut ni les obligations de Royal Mail en sa qualité d’unique prestataire désigné du service universel dans cet État membre.

12      Royal Mail agit en vertu d’une licence délivrée par la commission des services postaux le 23 mars 2001 en application de la deuxième partie de la loi sur les services postaux, cette licence ayant été modifiée en dernier lieu le 25 mai 2006. Le cadre réglementaire de celle-ci vise à garantir que toute personne physique ou morale ait accès à un système postal complet couvrant l’ensemble du territoire national à des prix abordables. En vertu de cette licence, s’appliquent notamment à Royal Mail et à celle-ci seulement les obligations, d’une part, de fournir aux usagers du Royaume-Uni un service postal universel, comprenant au moins une distribution à chaque adresse chaque jour ouvrable et une levée chaque jour ouvrable à partir de chaque point d’accès situé sur le territoire de cet État membre, à des tarifs abordables appliqués de manière uniforme sur l’ensemble de celui-ci, ainsi que, d’autre part, de faire en sorte que les usagers du Royaume-Uni aient un accès aisé à ce service postal universel au moyen de points d’accès suffisants en nombre et en densité.

13      Le 20 janvier 2006, la commission des services postaux a octroyé à TNT Post, en application de la deuxième partie de la loi sur les services postaux, une licence en vertu de laquelle cette dernière société est habilitée à transporter toute lettre sur le territoire du Royaume-Uni. Cette licence a remplacé une licence antérieure délivrée le 23 décembre 2002.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      Selon la juridiction de renvoi, Royal Mail, en tant qu’unique prestataire du service postal universel au Royaume-Uni, fournit une large gamme de services postaux à toute entreprise ou tout particulier souhaitant utiliser ses services. Ces services postaux sont fournis au moyen d’un réseau national intégré qui dessert actuellement environ 27 millions d’adresses 6 jours par semaine dans le cadre d’un régime réglementaire d’intérêt général qui est spécifique à Royal Mail et qui distingue cette dernière de tous les autres opérateurs postaux. Les lettres et autres courriers sont recueillis par cette société en différents endroits, à savoir environ 113 000 boîtes aux lettres, 14 200 bureaux de poste et 90 000 locaux professionnels. Royal Mail emploie environ 185 000 personnes au Royaume-Uni.

15      Les services postaux que Royal Mail est tenue de fournir au public en vertu de la licence dont elle est titulaire représentent la grande majorité tant du volume total de courrier traité par cette société que des recettes globales qu’elle tire de ses opérations postales. Compte tenu de l’activité «envois de la poste aux lettres» de Royal Mail, près de 90 % des activités de cette dernière, mesurées par référence au chiffre d’affaires, sont soumis à des conditions et à des exigences réglementaires qu’elle est seule tenue de respecter, contrairement à tout autre opérateur postal au Royaume-Uni.

16      TNT Post, qui fait partie du groupe TNT actif dans plus de 200 États et employant plus de 128 000 personnes, fournit des services de distribution postale pour le courrier commercial prétrié et en vrac. Ses activités consistent à recueillir le courrier de ses clients, à fournir des services de tri mécanisé et manuel (pour le courrier en vrac) ainsi qu’à traiter et à acheminer par voie terrestre jusqu’à un dépôt régional de Royal Mail ce courrier. Ces services sont connus sous le nom de «services en amont».

17      Le 6 avril 2004, TNT Post a conclu un contrat avec Royal Mail aux termes duquel cette dernière s’engageait à fournir des «services en aval», c’est-à-dire à distribuer le courrier que TNT Post avait recueilli, trié et acheminé par voie terrestre jusqu’à l’un des dépôts régionaux de Royal Mail. Ce contrat a été conclu conformément à l’une des conditions de la licence dont cette dernière société est titulaire, aux termes de laquelle elle est tenue de donner accès à ses bureaux de poste à tout opérateur postal ou utilisateur qui le demande et de négocier de bonne foi en vue de convenir des conditions de cet accès. TNT Post ne fournit actuellement aucun service en aval.

18      La juridiction de renvoi précise encore que, en matière de courrier commercial, qui représenterait 85 % du volume du courrier traité par TNT Post au Royaume-Uni, le principal marché de celle-ci se trouve dans le secteur des services financiers. Les établissements financiers n’étant pas en mesure de récupérer toute la TVA qu’ils supportent en amont, il est dans l’intérêt commercial de TNT Post de réduire autant que possible le montant de la TVA qu’elle doit facturer à ses clients.

19      Or, en vertu de la loi de 1994 sur la taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la loi sur les services postaux, le transport par Royal Mail de paquets postaux, dans lesquels il convient de ranger les lettres, est exonéré de la TVA, alors que les services fournis par TNT Post, qui selon cette dernière sont les mêmes que ceux fournis par Royal Mail, sont soumis à la TVA au taux normal de 17,5 %.

20      Considérant que la solution du litige dont elle est saisie nécessite l’interprétation du droit communautaire, la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court), a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      a)     Comment convient-il d’interpréter l’expression ‘les services publics postaux’ employée à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la [sixième directive] [maintenant article 132, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112]?

b)      Le fait que les services postaux aient été libéralisés dans un État membre, qu’il n’y ait aucun service réservé au sens de la directive [97/67] et qu’il n’y ait qu’un seul prestataire du service universel désigné et notifié à la Commission en vertu de cette directive (comme c’est le cas de Royal Mail au Royaume-Uni) a-t-il une incidence sur l’interprétation de cette expression?

c)      Dans les circonstances de l’espèce [qui correspondent à la situation décrite à la première question, sous b), ci-dessus], est-ce que cette expression comprend

i)      uniquement le seul prestataire du service universel désigné (tel que Royal Mail au Royaume-Uni) ou

ii)      également un opérateur postal privé (tel que TNT Post)?

2)      Dans les circonstances de l’espèce, l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la [sixième directive] [maintenant article 132, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112] doit-il être interprété comme donnant à un État membre l’obligation ou l’autorisation d’exonérer l’ensemble des services postaux assurés par ‘les services publics postaux’?

3)      Si les États membres ont l’obligation ou la faculté d’exonérer seulement certains des services assurés par ‘les services publics postaux’, mais pas d’exonérer l’ensemble de ceux-ci, quels sont les critères permettant de désigner les services ainsi exonérés?»

 Sur la demande tendant à la réouverture de la procédure orale

21      Par acte déposé au greffe de la Cour le 2 mars 2009, TNT Post a demandé à la Cour d’ordonner la réouverture de la procédure orale, en application de l’article 61 du règlement de procédure. Selon cette société, les conclusions de Mme l’avocat général contiennent un certain nombre de malentendus au sujet des faits de l’affaire au principal et du fonctionnement du marché postal au Royaume-Uni.

22      Il résulte de la jurisprudence de la Cour que cette dernière peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 2008, Cartesio, C‑210/06, non encore publié au Recueil, point 46).

23      Or, les faits de l’affaire au principal et le fonctionnement du marché postal au Royaume-Uni ont été explicités en détail par la juridiction de renvoi et ont été commentés dans les observations écrites et orales soumises à la Cour. Dans ces conditions, cette dernière considère qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées par la juridiction de renvoi.

24      Par ailleurs, il n’est pas allégué que la présente affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’aurait pas été débattu devant la Cour.

25      Par conséquent, il convient, l’avocat général entendu, de rejeter la demande de réouverture de la procédure orale.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      Par sa première question, qu’il convient de traiter dans son ensemble, la juridiction de renvoi demande à la Cour en quel sens il y a lieu d’interpréter la notion de «services publics postaux», figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, notamment dans l’occurrence où les services postaux ont fait l’objet d’une libéralisation dans un État membre.

27      À cet égard, il importe de rappeler, en premier lieu, que la syntaxe de la phrase entière de ladite disposition démontre clairement que les mots «services publics postaux» désignent les organes de gestion qui effectuent les prestations de services à exonérer. Pour être couvertes par le libellé de la disposition, il faut donc que ces prestations soient effectuées par un opérateur qui peut être qualifié de «service public postal» au sens organique de ce terme (voir arrêt du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne, 107/84, Rec. p. 2655, point 11).

28      Cette interprétation est fondée sur le libellé même de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure qu’une telle interprétation aurait été affectée par des circonstances telles que la libéralisation du secteur postal, intervenue depuis que l’arrêt Commission/Allemagne, précité, a été rendu.

29      Au contraire, le fait que l’article 132, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112 soit rédigé en des termes rigoureusement identiques à ceux de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive démontre que l’exonération prévue par cette dernière disposition est maintenue telle quelle, nonobstant la libéralisation du secteur postal.

30      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent TNT Post ainsi que les gouvernements finlandais et suédois, l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive ne saurait être interprétée d’une manière telle qu’elle vise, en substance, des prestations de services postaux, telles que les services réservés au sens de l’article de la directive 97/67, indépendamment de la qualité du prestataire de ces services.

31      En second lieu, les termes employés pour désigner une exonération telle que celle prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elle constitue une dérogation au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti. Toutefois, l’interprétation de ces termes doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA. Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 13 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2007, Haderer, C-445/05, Rec. p. I‑4841, point 18 et jurisprudence citée).

32      Ainsi que l’indique le titre dont relève l’article 13, A, de la sixième directive, les exonérations prévues par celui-ci ont pour objectif de favoriser certaines activités d’intérêt général.

33      Or, cet objectif général se traduit, dans le domaine postal, par l’objectif plus spécifique d’offrir, à un coût réduit, des services postaux qui répondent aux besoins essentiels de la population.

34      Dans l’état actuel du droit communautaire, un tel objectif coïncide, en substance, avec celui poursuivi par la directive 97/67 d’offrir un service postal universel. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, un tel service correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

35      Dès lors, nonobstant le fait qu’elle n’est pas susceptible de constituer un fondement pour l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, dont la base juridique diffère de celle de la directive 97/67, cette dernière constitue néanmoins une référence utile afin d’interpréter la notion de «services publics postaux» au sens de cette disposition.

36      Il s’ensuit que les services publics postaux au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive doivent être considérés comme étant des opérateurs, qu’ils soient publics ou privés (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 16), qui s’engagent à offrir des services postaux répondant aux besoins essentiels de la population et donc, en pratique, à assurer la totalité ou une partie du service postal universel dans un État membre, tel qu’il est défini à l’article 3 de la directive 97/67.

37      Une telle interprétation n’est pas contraire au principe de neutralité fiscale, qui s’oppose à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (voir arrêt du 28 juin 2007, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust et The Association of Investment Trust Companies, C‑363/05, Rec. p. I‑5517, point 46 et jurisprudence citée).

38      En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 63 de ses conclusions, afin d’apprécier le caractère comparable ou non des prestations, il ne faut pas se borner à mettre en regard des prestations isolées, mais il importe de tenir compte du contexte dans lequel celles-ci sont effectuées.

39      Or, comme le démontrent les circonstances de l’affaire au principal, en raison des obligations, décrites au point 12 du présent arrêt, qui s’imposent en vertu de la licence dont il est titulaire et qui sont liées à son statut de prestataire du service universel, un opérateur tel que Royal Mail effectue des prestations postales dans un régime juridique qui est substantiellement différent de celui dans lequel un opérateur comme TNT Post accomplit de telles prestations.

40      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que la notion de «services publics postaux», figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise des opérateurs, publics ou privés, qui s’engagent à assurer dans un État membre la totalité ou une partie du service postal universel, tel qu’il est défini à l’article 3 de la directive 97/67.

 Sur les deuxième et troisième questions

41      Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive s’applique à l’ensemble des services postaux assurés par les services publics postaux ou seulement à une partie de ceux-ci. Dans ce dernier cas de figure, elle souhaite connaître les critères permettant d’identifier les services exonérés.

42      À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, les prestations de services et les livraisons de biens accessoires à ces prestations, effectuées par les services publics postaux, sont exonérées. Seuls les transports de personnes et les télécommunications sont explicitement exclus du champ d’application de cette disposition.

43      Toutefois, contrairement à ce que soutiennent Royal Mail, les gouvernements du Royaume-Uni et grec ainsi que l’Irlande, il ne saurait être inféré de ladite disposition que toutes les prestations de services et livraisons de biens accessoires à ces prestations, effectuées par les services publics postaux et qui ne sont pas explicitement exclues du champ d’application de cette même disposition, sont exonérées, indépendamment de leur nature intrinsèque.

44      En effet, il résulte des exigences, auxquelles il est fait référence au point 31 du présent arrêt, selon lesquelles l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive doit être interprétée d’une façon à la fois stricte et conforme à l’objectif poursuivi par cette disposition, que les prestations de services et livraisons de biens accessoires à celles-ci doivent être interprétées comme étant celles que les services publics postaux effectuent en tant que tels, à savoir au titre de leur qualité même de services publics postaux.

45      Une telle interprétation s’impose, en particulier, en raison de la nécessité de respecter le principe de neutralité fiscale. En effet, les obligations d’un opérateur tel que Royal Mail, lesquelles, ainsi qu’il ressort du point 39 du présent arrêt, permettent de distinguer le contexte dans lequel cet opérateur effectue des prestations postales de celui dans lequel un opérateur comme TNT Post accomplit de telles prestations, ne concernent que les prestations postales qui sont réalisées en qualité de prestataire du service universel.

46      De même, il résulte des exigences rappelées au point 44 du présent arrêt et, en particulier, de la nature de l’objectif poursuivi, qui est celui de favoriser une activité d’intérêt général, que l’exonération ne saurait s’appliquer à des services spécifiques qui sont dissociables du service d’intérêt général, parmi lesquels figurent des services qui répondent à des besoins particuliers d’opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 1993, Corbeau, C‑320/91, Rec. p. I‑2533, point 19).

47      C’est donc à bon droit que le gouvernement allemand et la Commission font valoir que ne sauraient être considérées comme étant exonérées en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive des prestations effectuées par les services publics postaux dont les conditions ont été négociées individuellement. Par leur nature même, de telles prestations répondent aux besoins particuliers des utilisateurs concernés.

48      Cette interprétation est, au demeurant, confirmée par le quinzième considérant de la directive 97/67 dont il ressort que la possibilité de négocier individuellement des contrats avec les clients ne correspond pas, a priori, à la notion de prestation du service universel.

49      Par conséquent, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive s’applique à des prestations de services et à des livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l’exception des transports de personnes et des télécommunications, que les services publics postaux effectuent en tant que tels, à savoir au titre de leur qualité d’opérateur qui s’engage à assurer dans un État membre la totalité ou une partie du service postal universel. Elle ne s’applique pas à des prestations de services ni à des livraisons de biens accessoires à ces prestations dont les conditions ont été négociées individuellement.

 Sur les dépens

50      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      La notion de «services publics postaux», figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise des opérateurs, publics ou privés, qui s’engagent à assurer dans un État membre la totalité ou une partie du service postal universel, tel qu’il est défini à l’article 3 de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service, telle que modifiée par la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002.

2)      L’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388 s’applique à des prestations de services et à des livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l’exception des transports de personnes et des télécommunications, que les services publics postaux effectuent en tant que tels, à savoir au titre de leur qualité d’opérateur qui s’engage à assurer dans un État membre la totalité ou une partie du service postal universel. Elle ne s’applique pas à des prestations de services ni à des livraisons de biens accessoires à ces prestations dont les conditions ont été négociées individuellement.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais