C-366/12 - Klinikum Dortmund

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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

13 mars 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Sixième directive TVA – Exonérations – Article 13, A, paragraphe 1, sous b) – Livraison de biens – Fourniture de médicaments cytostatiques dans le cadre de soins ambulatoires – Prestations fournies par différents assujettis – Article 13, A, paragraphe 1, sous c) – Prestations de soins – Médicaments prescrits par un médecin exerçant à titre indépendant au sein de l’hôpital – Opérations étroitement liées – Prestations accessoires aux prestations de soins – Opérations matériellement et économiquement indissociables»

Dans l’affaire C‑366/12,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 15 mai 2012, parvenue à la Cour le 1er août 2012, dans la procédure

Finanzamt Dortmund-West

contre

Klinikum Dortmund gGmbH,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. C. G. Fernlund, A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader et M. E. Jarašiūnas, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme A. Impellizzeri, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 juin 2013,

considérant les observations présentées:

–        pour Klinikum Dortmund gGmbH, par Mme G. Ritter, Rechtsanwältin,

–        pour le gouvernement allemand, par Mme K. Petersen, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par M. W. Mölls et Mme C. Soulay, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2005/92/CE du Conseil, du 12 décembre 2005 (JO L 345, p. 19, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Klinikum Dortmund gGmbH (ci-après «KD») au Finanzamt Dortmund-West (administration fiscale de Dortmund-Ouest, ci-après le «Finanzamt»), au sujet du refus de ce dernier d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») la fabrication et la délivrance de médicaments cytostatiques dans le cadre de traitements contre le cancer dispensés au sein de l’hôpital géré par KD.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 5, paragraphe 1, de la sixième directive est libellé comme suit:

«Est considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.»

4        L’article 6, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«Est considérée comme ‘prestation de services’ toute opération qui ne constitue pas une livraison d’un bien au sens de l’article 5.

[...]»

5        Aux termes de l’article 12, paragraphe 3, sous a), de ladite directive:

«Le taux normal de la [TVA] est fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d’imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services. [...]

[...]

Les États membres peuvent également appliquer soit un, soit deux taux réduits. Ces taux réduits sont fixés à un pourcentage de la base d’imposition qui ne peut être inférieur à 5 % et ils s’appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de service des catégories visées à l’annexe H.

[...]»

6        L’article 13, A, paragraphe 1, sous b) et c), de la sixième directive dispose ce qui suit:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[...]

b)      l’hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d’autres établissements de même nature dûment reconnus;

c)      les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’État membre concerné»;←

7        L’article 13, A, paragraphe 2, sous b), de cette directive prévoit:

«Les prestations de services et les livraisons de biens sont exclues du bénéfice de l’exonération prévue au paragraphe 1 sous b), g), h), i), l), m) et n) si:

–        elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées,

–        elles sont essentiellement destinées à procurer à l’organisme des recettes supplémentaires par la réalisation d’opérations effectuées en concurrence directe avec celles d’entreprises commerciales soumises à la [TVA].»

8        Sous la catégorie 3 de l’annexe H de ladite directive, contenant la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet de taux réduits de TVA, figurent notamment les produits pharmaceutiques normalement utilisés pour les soins de santé, la prévention de maladies et le traitement à des fins médicales.

 Le droit allemand

 La loi de 2005 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires

9        L’article 1er, paragraphe 1, point 1, première phrase, de la loi de 2005 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 2005, BGBl. 2005 I, p. 386, ci-après l’«UStG») prévoit que «les livraisons et les autres prestations, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur, dans le cadre de son entreprise», sont soumises à la TVA.

10      Selon l’article 3, paragraphe 1, de l’UStG, la livraison effectuée par un entrepreneur s’entend des «prestations par lesquelles celui-ci ou un tiers mandaté par lui transmet à un acheteur ou à un tiers en son nom le droit de disposer d’un bien en son nom propre (transmission du pouvoir de disposition)».

11      L’article 3, paragraphe 9, de l’UStG précise que les autres prestations sont «des prestations qui ne constituent pas des livraisons».

12      L’article 4, point 14, de l’UStG prévoit que sont exonérées de la TVA:

«les opérations résultant d’une activité en tant que médecin, dentiste, naturopathe, physiothérapeute, (kinésithérapeute), sage-femme ou toute autre activité professionnelle médicale analogue au sens de l’article 18, paragraphe 1, point 1, de la [loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz)] ou en tant que chimiste clinicien. Les autres prestations de communautés dont les membres appartiennent aux professions décrites dans la première phrase sont également exonérées vis-à-vis de leurs membres pour autant que ces prestations sont directement utilisées pour réaliser les opérations exonérées en vertu de la première phrase [...]».

13      Aux termes de l’article 4, point 16, sous b), de l’UStG, sont également exonérées de la TVA:

«les opérations étroitement liées [...] à l’exploitation d’hôpitaux lorsque [...]

b)      au cours de l’année civile précédente, les hôpitaux remplissent [...] les conditions visées à l’article 67, paragraphe 1 ou 2, du code des impôts [...]»

14      L’article 67 du code des impôts (Abgabenordnung, BGBI 2002 I, p. 3866 et BGBI 2003 I, p. 61) visé à l’article 4, paragraphe 16, sous b), de l’UStG, porte sur les activités bénéficiant d’allègements fiscaux («Steuerbegünstigte Zwecke»), à savoir les activités qui poursuivent un but d’utilité publique, caritatif ou religieux. Les entreprises commerciales qui poursuivent de tels buts sont, sous certaines conditions, considérées comme des entreprises exerçant une activité économique dans un but déterminé ouvrant droit à des avantages fiscaux («Zweckbetrieb»). L’article 67 du code des impôts définit les conditions auxquelles ce régime est applicable aux hôpitaux.

15      Sous la section 100 des lignes directrices de 2005 relatives à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuerrichtlinien 2005, BGBI. 2004 I, numéro spécial 3/2004), celles-ci disposent, notamment, ce qui suit concernant les «opérations étroitement liées» à l’hospitalisation et aux soins médicaux:

«1)      Sont réputées étroitement liées à l’exploitation des établissements visés à l’article 4, paragraphe 16, de l’UStG, les opérations qui, selon les usages, sont caractéristiques et indispensables, surviennent régulièrement et généralement dans le cadre de l’exploitation courante et sont directement ou indirectement liées à cette dernière [...]. Ces opérations ne doivent pas être essentiellement destinées à procurer à ces établissements des recettes supplémentaires par des activités réalisées en concurrence directe avec les opérations imposables d’autres entreprises. Par conséquent, de telles prestations ne sont plus exonérées de la taxe en vertu de l’article 4, paragraphe 16, de l’UStG, dès lors qu’une prestation comparable est imposable en vertu de l’article 4, paragraphe 14, de l’UStG.

[...]

3)      Sont notamment exclues des opérations étroitement liées:

[...]

3.      les fournitures de médicaments par une pharmacie hospitalière à une institution autre que celle [qui est] gestionnaire de l’hôpital [...] ainsi que la fourniture à titre onéreux de médicaments à des services de soins ambulatoires agréés de l’hôpital, à des polycliniques, à des instituts de soins ambulatoires, à des centres sociopédiatriques – pour autant qu’il ne s’agit pas, dans ces cas, d’opérations internes non-imposables de l’institution gestionnaire de la pharmacie hospitalière concernée – et à des pharmacies publiques.

4.      la délivrance à des patients, par les services hospitaliers de soins ambulatoires habilités, de médicaments destinés à être directement utilisés pendant le traitement ambulatoire, ainsi que la délivrance de médicaments par les pharmacies hospitalières à des patients dans le cadre de soins ambulatoires en hôpital.

[...]»

 Le code de la sécurité sociale

16      L’article 116 du livre V du code de la sécurité sociale (ci-après le «SGB V») prévoit:

«Avec l’accord de l’institution gestionnaire de l’hôpital, les médecins hospitaliers ayant accompli avec succès une formation continue peuvent être habilités par la commission d’agrément (article 96) à participer au traitement des assurés au titre de la médecine conventionnée [...]»

17      L’article 116a du SGB V dispose:

«Dans les secteurs de planification dans lesquels la commission représentative des médecins conventionnés et des caisses de maladie de Land [(Landesausschuss der Ärzte und Krankenkassen)] a constaté une sous-offre de traitement, la commission d’agrément peut, à leur demande, habiliter les hôpitaux agréés à traiter, dans le domaine spécialisé concerné, les assurés au titre de la médecine conventionnée, pour autant et aussi longtemps que cela est nécessaire pour combler cette sous-offre.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      KD est une société à responsabilité limitée d’utilité publique qui assure la gestion d’un hôpital. Au cours des années 2005 et 2006, elle disposait, conformément à l’article 116a du SGB V, d’un agrément l’autorisant à dispenser des soins ambulatoires en sus des hospitalisations. Les médecins employés par KD qui dispensaient ces soins ambulatoires au sein de cet hôpital intervenaient, quant à eux, au titre d’un agrément personnel accordé conformément à l’article 116 du SGB V.

19      Au cours des années 2005 et 2006, ledit hôpital a accueilli des patients atteints de cancer qui y ont été traités par chimiothérapie. Les médicaments cytostatiques qui étaient administrés à ces patients leur étaient préparés individuellement, sur la base d’une ordonnance médicale, au sein de la pharmacie de l’hôpital. Il est constant que la délivrance des médicaments cytostatiques n’était pas soumise à la TVA si elle intervenait dans l’hôpital, dans le cadre de soins prestés lors d’une hospitalisation.

20      Au cours de ces mêmes années, KD a considéré que la délivrance des médicaments cytostatiques préparés dans sa pharmacie hospitalière était également exonérée de TVA lorsque les traitements ambulatoires étaient dispensés par des médecins exerçant à titre indépendant au sein de l’hôpital géré par elle. En revanche, le Finanzamt a estimé que la délivrance à titre onéreux de médicaments à des patients atteints de cancer dans le cadre de traitements ambulatoires était soumise à la TVA à compter de l’année 2005, date de l’entrée en vigueur de la section 100, paragraphe 3, des lignes directrices de 2005 relatives à la taxe sur le chiffre d’affaires, disposition administrative non contraignante pour les tribunaux. Le Finanzamt a, en conséquence, rectifié les avis d’imposition de KD en soumettant à la TVA la délivrance de ces médicaments préparés au sein de la pharmacie dudit hôpital, mais en accordant à KD le droit de déduire la taxe payée en amont.

21      KD a été déboutée de la réclamation qu’elle a introduite à l’encontre de ces avis d’imposition. En revanche, le Finanzgericht a accueilli son recours, ce qui a mené le Finanzamt à saisir le Bundesfinanzhof d’un recours en «Revision» contre la décision du Finanzgericht.

22      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’opération étroitement liée doit-elle être une prestation de services conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive [...]?

2)      En cas de réponse négative à la première question, une opération étroitement liée à une hospitalisation ou à des soins médicaux n’existe-t-elle que lorsque cette opération est réalisée par le même assujetti que celui qui fournit l’hospitalisation ou les soins médicaux?

3)      En cas de réponse négative à la deuxième question, une opération étroitement liée existe-t-elle également lorsque les soins médicaux ne sont pas exonérés en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive [...], mais en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de cette directive?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la troisième question

23      Par sa troisième question, qu’il convient de traiter en premier lieu, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’une livraison de biens, tels que les médicaments cytostatiques en cause au principal, prescrits dans le cadre d’un traitement ambulatoire contre le cancer par des médecins exerçant à titre indépendant au sein d’un hôpital, peut être exonérée de la TVA en tant qu’opération étroitement liée à des prestations de soins médicaux.

24      Appliquée à l’affaire au principal, la question posée revient à déterminer si la livraison de médicaments cytostatiques par KD dans le cadre d’un traitement ambulatoire contre le cancer peut être exonérée de la TVA en tant qu’opération étroitement liée à des soins médicaux, alors que ceux-ci sont prodigués par des médecins exerçant à titre indépendant dans les locaux de l’hôpital géré par KD.

25      À cet égard, il ressort du dossier soumis à la Cour et des précisions fournies par les parties à l’audience que les soins prodigués par les médecins concernés par l’affaire au principal, agissant indépendamment dudit hôpital mais au sein de celui-ci, sont eux-mêmes exonérés de la TVA en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

26      Il y a lieu de rappeler d’emblée, comme le soutient le gouvernement allemand, que les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, notamment, arrêts du 5 juin 1997, SDC, C‑2/95, Rec. p. I‑3017, point 20; du 10 septembre 2002, Kügler, C‑141/00, Rec. p. I‑6833, point 28, et du 6 novembre 2003, Dornier, C‑45/01, Rec. p. I‑12911, point 42). Toutefois, l’interprétation des termes utilisés par cette disposition doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (voir arrêts précités Kügler, point 29, et Dornier, point 42).

27      De plus, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 13 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets (voir par analogie, notamment, arrêt du 10 juin 2010, Future Health Technologies, C‑86/09, Rec. p. I‑5215, point 30 et jurisprudence citée).

28      Ainsi, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’objectif de réduire le coût des soins de santé et de rendre ces soins plus accessibles aux particuliers est commun tant à l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive qu’à celle prévue au même paragraphe, sous c) (voir arrêts du 11 janvier 2001, Commission/France, C‑76/99, Rec. p. I‑249, point 23; Kügler, précité, point 29, et Dornier, précité, point 43). En outre, il convient de rappeler que le principe de neutralité fiscale s’oppose notamment à ce que des opérateurs qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (arrêts précités Kügler, point 30, et Dornier, point 44).

29      Par ailleurs, les notions de «soins médicaux» figurant à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive et de «prestations de soins à la personne», au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de cette directive, visent toutes les deux des prestations ayant pour but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou des anomalies de santé (voir, en ce sens, arrêts Dornier, précité, point 48 et jurisprudence citée; du 8 juin 2006, L.u.P., C‑106/05, Rec. p. I‑5123, point 27, et du 10 juin 2010, CopyGene, C‑262/08, Rec. p. I‑5053, point 28).

30      Il en résulte que les prestations de nature médicale effectuées dans le but de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes bénéficient de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous b) et c), de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2003, Unterpertinger, C‑212/01, Rec. p. I‑13859, points 40 et 41; D’Ambrumenil et Dispute Resolution Services, C‑307/01, Rec. p. I‑13989, points 58 et 59, ainsi que L.u.P., précité, point 29).

31      Partant, même si les dispositions de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b) et c), de la sixième directive ont des champs d’application distincts, la portée de ces dispositions a pour objet de réglementer la totalité des exonérations des prestations médicales au sens strict (voir arrêts précités Kügler, point 36; L.u.P., point 26, ainsi que CopyGene, point 27).

32      Toutefois, contrairement au libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, le libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de celle-ci ne contient aucune référence à des opérations étroitement liées aux prestations de soins médicaux, malgré le fait que cette disposition suit immédiatement celle dudit article 13, A, paragraphe 1, sous b). Force est ainsi de constater que, en principe, cet article ne vise pas des opérations étroitement liées à des prestations de soins médicaux et que cette notion n’a aucune pertinence concernant l’interprétation de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

33      En ce qui concerne la possibilité d’exonérer une livraison de biens en vertu de cette disposition, la Cour a constaté que, mis à part les petites fournitures qui sont strictement nécessaires au moment de la prestation de soins à la personne, la livraison des médicaments et des autres biens est matériellement et économiquement dissociable de la prestation de services et ne peut donc pas être exonérée en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 1988, Commission/Royaume-Uni, 353/85, Rec. p. 817, point 33).

34      Il en ressort que, à moins qu’elle soit strictement nécessaire au moment de la prestation de soins à la personne, une livraison de médicaments et d’autres biens ne peut pas bénéficier de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

35      À cet égard, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général aux points 46 et 47 de ses conclusions, il ne peut pas être nié que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice d’une profession médicale, au sens de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, d’une part, et la fourniture des médicaments cytostatiques, d’autre part, s’inscrivent dans une continuité thérapeutique. La fourniture de médicaments, tels que les cytostatiques en cause au principal, est en effet indispensable au moment de la prestation de soins à la personne dans le traitement ambulatoire du cancer, étant donné que, à défaut, une telle prestation de soins n’aurait pas d’objet.

36      Cependant, malgré cette continuité thérapeutique, les intéressés ont confirmé lors de l’audience que le traitement en cause dans l’affaire au principal implique une suite d’opérations et d’étapes qui, si elles sont liées entre elles, sont individuellement distinctes. Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 48 et 49 de ses conclusions, le patient semble bénéficier de différentes opérations, à savoir la prestation de soins à la personne de la part du médecin, d’une part, et la fourniture des médicaments de la part de la pharmacie de l’hôpital géré par KD, d’autre part, ce qui empêcherait de les considérer comme matériellement et économiquement indissociables.

37      Toutefois, il ne ressort pas clairement des éléments fournis à la Cour que, dans l’affaire au principal, la délivrance des médicaments peut être considérée comme matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux dans le cadre de ce traitement. Une telle constatation nécessiterait une appréciation approfondie de la continuité thérapeutique en cause. De ce point de vue, il appartient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour apprécier les faits, d’effectuer les vérifications nécessaires à cet égard.

38      Sous réserve de ces vérifications, la délivrance des médicaments cytostatiques, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, n’est pas susceptible d’être considérée comme exonérée de la TVA.

39      Cette conclusion est corroborée par le fait que les produits pharmaceutiques figurent, en tant que tels, sur la liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l’objet de taux réduits de TVA, figurant à l’annexe H de la sixième directive, et sont ainsi, en principe, soumis à un régime de TVA distinct.

40      Contrairement à ce que fait valoir KD, le principe de neutralité fiscale ne saurait remettre en cause cette conclusion. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 53 de ses conclusions, ce principe ne permet pas d’étendre le champ d’application d’une exonération en l’absence d’une disposition non équivoque. En effet, ledit principe est non pas une règle de droit primaire pouvant déterminer la validité d’une exonération, mais un principe d’interprétation qui doit être appliqué parallèlement au principe selon lequel les exonérations sont d’interprétation stricte (voir arrêt du 19 juillet 2012, Deutsche Bank, C-44/11, point 45).

41      Il convient dès lors de répondre à la troisième question posée qu’une livraison de biens, tels que les médicaments cytostatiques en cause au principal, prescrits dans le cadre d’un traitement ambulatoire contre le cancer par des médecins exerçant à titre indépendant au sein d’un hôpital, ne peut être exonérée de la TVA en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, à moins que cette livraison soit matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux principale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 Sur les première et deuxième questions

42      Compte tenu de la réponse de la Cour à la troisième question, il n’y a pas lieu de répondre aux deux premières questions.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Une livraison de biens, tels que les médicaments cytostatiques en cause au principal, prescrits dans le cadre d’un traitement ambulatoire contre le cancer par des médecins exerçant à titre indépendant au sein d’un hôpital, ne peut être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 2005/92/CE du Conseil, du 12 décembre 2005, à moins que cette livraison soit matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux principale, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.