C-28/16 - MVM

Printed via the EU tax law app / web

Édition provisoire

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

12 janvier 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 – Déduction de la taxe payée en amont – Assujetti accomplissant à la fois des activités économiques et non économiques – Société holding fournissant des services à ses filiales à titre gratuit »

Dans l’affaire C‑28/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Kúria (Cour suprême, Hongrie), par décision du 7 janvier 2016, parvenue à la Cour le 18 janvier 2016, dans la procédure

MVM Magyar Villamos Művek Zrt.

contre

Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebbviteli Igazgatóság,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et C. G. Fernlund (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procedure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour MVM Magyar Villamos Művek Zrt., par Mes Sz. Vámosi-Nagy et P. Vaszari, ügyvédek,

–        pour le gouvernement hongrois, par MM. M. Bóra, G. Koós et M. Z. Fehér, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme J. Kraehling, en qualité d’agent, assistée de Mme H. L. McCarthy, solicitor,

–        pour la Commission européenne, par M. V. Bottka et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MVM Magyar Villamos Művek Zrt. au Nemzeti Adó- és Vámhivatal Fellebviteli Igazgatósága (Direction des réclamations de l’administration nationale des Impôts et des Douanes, Hongrie, ci-après l’« administration fiscale ») au sujet du droit de MVM à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ayant grevé, en amont, des services acquis au bénéfice de ses filiales.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/112 dispose :

« Sont soumises à la TVA les opérations suivantes :

[...]

c)      les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ;

[...] »

4        Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive :

« Est considéré comme “assujetti” quiconque exerce, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Est considérée comme “activité économique” toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est en particulier considérée comme activité économique, l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en tirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

5        L’article 26, paragraphe 1, de ladite directive prévoit : 

« Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux les opérations suivantes :

[...]

b)      la prestation de services à titre gratuit effectuée par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise. »

6        Selon l’article 167 de cette même directive :

« Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. »

7        L’article 168 de la directive 2006/112 dispose :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

8        L’article 173, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« En ce qui concerne les biens et les services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux articles 168, 169 et 170 et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

[...] »

 Le droit hongrois

9        Les articles 2, 6, 14, 119, 120 et 123 de l’az általános forgalmi adóról szóló 2007. évi CXXVII. törvény (loi n° CXXVII de 2007 relative à la TVA) transposent dans l’ordre juridique hongrois respectivement les articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 de la directive 2006/112. La rédaction de ces dispositions de droit interne est, en substance, identique à celle des articles de ladite directive qu’elles transposent.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

10      MVM est une société commerciale d’État active dans le secteur de l’énergie. D’une part, elle met en location des centrales électriques et des réseaux optiques. D’autre part, elle est propriétaire de nombreuses sociétés qui, principalement, produisent ou distribuent de l’énergie électrique.

11      En concluant un contrat dit « de domination », au sens du droit hongrois, avec ses filiales, MVM a constitué un groupe de sociétés reconnu en vertu du même droit (ci-après le « groupe »). La constitution d’un tel groupe n’a toutefois pas eu pour effet de créer une personne morale distincte ou d’enlever aux membres du groupe leur personnalité juridique. En outre, ces membres n’ont pas adhéré à un régime d’assujettissement de groupe à la TVA.

12      Le litige au principal concerne la décision prise par l’administration fiscale à la suite d’un contrôle des déclarations de MVM relatives à la TVA portant sur les années 2008 à 2010.

13      Au cours de cette période, MVM était chargée de la gestion stratégique du groupe. Elle a eu recours, à cet effet, à des services juridiques, de gestion d’entreprise et de relations publiques au profit, premièrement, d’elle-même, ces services ayant été prestés dans le cadre de son activité de location de centrales électriques et de réseaux optiques, soumise, comme telle, à la TVA, deuxièmement, de l’ensemble du groupe et, troisièmement, de chacun des membres de ce groupe. MVM a porté en déduction la TVA relative à l’ensemble de ces services. Cependant, même lorsque lesdits services servaient les intérêts de l’ensemble du groupe ou se rapportaient directement aux activités taxées des autres membres de ce groupe, MVM ne les a pas, à quelques exceptions près, facturés à ses filiales. MVM n’imposait pas non plus, au sein du groupe, une rémunération générale pour sa gestion stratégique, de telle sorte que cette gestion était opérée à titre gratuit.

14      L’administration fiscale a considéré que la TVA afférente aux services juridiques, de gestion d’entreprise et de relations publiques n’était déductible, en vertu de la loi n° CXXVII de 2007 relative à la TVA, que dans la mesure où MVM avait utilisé ces services aux fins d’effectuer des livraisons de biens ou des prestations de services. Ainsi, cette administration a refusé à MVM le droit à la déduction de la TVA afférente auxdits services, lorsque ceux-ci avaient été utilisés dans l’intérêt des autres membres du groupe ou lorsqu’il s’agissait de services de gestion d’entreprise concernant notamment l’acquisition de participations (ci-après les « services en cause »). En effet, dans ces circonstances, l’administration fiscale a estimé que MVM était le bénéficiaire final de ces services.

15      MVM a introduit un recours contre la décision de l’administration fiscale, en soutenant que les services en cause étaient constitutifs de frais généraux afférents à son activité imposable, étant donné qu’elle a la qualité d’assujettie à la TVA n’exerçant aucune activité exonérée d’impôt. Dans le cadre de ce recours, MVM a également fait valoir que l’absence de facturation à ses filiales n’affectait pas son droit à la déduction de la TVA.

16      Le juge de première instance a rejeté ce recours, au motif que les services en cause n’avaient pas été utilisés aux fins de l’exercice d’une activité d’assujetti à la TVA et qu’il n’existait pas de droit de déduction de la TVA payée en amont pour de tels services.

17      MVM a formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi, la Kúria (Cour suprême, Hongrie).

18      La juridiction de renvoi constate que, pendant la période en cause dans l’affaire dont elle est saisie, MVM s’est comportée comme une société holding passive sur le plan de la facturation, dans la mesure où ses filiales ne lui payaient, en principe, rien d’autre que des dividendes, mais active quant à l’exercice de la gestion centralisée des activités du groupe.

19      Or, cette juridiction observe que, d’un point de vue économique, la facturation de services par une société holding à ses filiales n’est, au niveau des groupes de sociétés purement nationaux, qu’une question technique. Il ne saurait, par ailleurs, pas être question de gratuité, dès lors que MVM recevrait des dividendes plus élevés pour les services qu’elle fournit, prétendument sans contrepartie, à ses filiales.

20      C’est dans ces circonstances que la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      Une société holding qui joue un rôle actif dans la gestion de certaines activités des filiales et du groupe de sociétés dans son ensemble, mais qui ne répercute sur les filiales ni le prix payé pour les services qu’elle a utilisés dans le cadre de son activité de holding active ni la TVA grevant lesdits services, est-elle un assujetti à la TVA en ce qui concerne ces derniers ?

2)      Si la première question appelle une réponse positive, la société holding active peut-elle, et – dans l’affirmative – de quelle façon, exercer son droit à la déduction de la TVA se rapportant aux services utilisés par elle en rapport direct avec l’activité économique soumise à la TVA de certaines des filiales ?

3)      Si la première question appelle une réponse positive, la société holding active peut-elle, et – dans l’affirmative – de quelle façon, exercer son droit à la déduction de la TVA se rapportant aux services utilisés pour servir les intérêts de l’ensemble du groupe de sociétés ?

4)      Convient-il de modifier, et – dans l’affirmative – dans quelle mesure, les réponses aux questions qui précèdent lorsque la société holding active facture à son tour aux filiales les services utilisés en question en tant que prestations intermédiaires ? »

 Sur les questions préjudicielles

21      Conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle celle-ci a déjà statué, lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

22      Il y a lieu de faire application de cet article dans la présente affaire.

23      Par ses quatre questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que l’immixtion d’une société holding, telle que celle en cause au principal, dans la gestion de ses filiales, lorsqu’elle n’a facturé à ses dernières ni le prix des services qu’elle a acquis dans l’intérêt de l’ensemble du groupe de sociétés ou de certaines de ses filiales ni la TVA y afférente, peut être considérée comme une « activité économique », au sens de cette directive, ouvrant le droit à la déduction de la TVA payée en amont pour ces services.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler que, si la directive 2006/112 assigne un champ d’application très large à la TVA, seules les activités ayant un caractère économique sont visées par cette taxe (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑246/08, EU:C:2009:671, point 34 et jurisprudence citée). En effet, il ressort de l’article 2 de cette directive que, parmi les prestations de services effectuées sur le territoire d’un État membre, sont soumises à la TVA uniquement les prestations effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

25      À cet égard, la Cour a déjà jugé qu’une activité est, en règle générale, qualifiée d’« économique » lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (arrêt du 29 octobre 2009, Commission/Finlande, C‑246/08, EU:C:2009:671, point 37 et jurisprudence citée).

26      Il y a également lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit à déduction de la TVA, tel que prévu aux articles 167 et suivants de la directive 2006/112, constitue un principe fondamental du système commun de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, points 37 et 38 ainsi que jurisprudence citée).

27      Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 39 et jurisprudence citée).

28      En ce qui concerne les conditions matérielles requises pour la naissance du droit à déduction de la TVA, il ressort de l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 que les biens ou services invoqués pour fonder ce droit doivent être utilisés en aval par l’assujetti pour les besoins de ses propres opérations taxées et que, en amont, ces biens ou services doivent être fournis par un autre assujetti (arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 – Investimentos Imobiliários e Turísticos, C‑516/14, EU:C:2016:690, point 40 et jurisprudence citée).

29      À cet égard, il convient de rappeler que pour que la TVA soit déductible, les opérations effectuées en amont doivent présenter un lien direct et immédiat avec des opérations en aval ouvrant droit à déduction. Ainsi, le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux‑ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 23 et jurisprudence citée).

30      En ce qui concerne, plus particulièrement, le droit à déduction d’une société holding, la Cour a déjà jugé que n’a ni la qualité d’assujetti à la TVA, au sens de l’article 9 de la directive 2006/112, ni de droit à déduction selon l’article 167 de cette directive une société holding dont l’objet unique est la prise de participations dans d’autres entreprises sans qu’elle s’immisce directement ou indirectement dans la gestion de ces entreprises, sous réserve des droits que cette société holding détient en sa qualité d’actionnaire ou d’associé (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 18 et jurisprudence citée).

31      La simple acquisition et la simple détention de parts sociales ne doivent pas être considérées comme des activités économiques au sens de la directive 2006/112, conférant à leur auteur la qualité d’assujetti. En effet, la simple prise de participations financières dans d’autres entreprises ne constitue pas une exploitation d’un bien visant à produire des recettes ayant un caractère de permanence parce que l’éventuel dividende, fruit de cette participation, résulte de la simple propriété du bien (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 19 et jurisprudence citée).

32      Il en va différemment lorsque la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés où s’est opérée la prise de participations, sans préjudice des droits que détient l’auteur des participations en sa qualité d’actionnaire ou d’associé (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 20 et jurisprudence citée).

33      À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’immixtion d’une société holding dans la gestion des sociétés dans lesquelles elle a pris des participations constitue une activité économique, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, dans la mesure où elle implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l’article 2 de cette directive, telle que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques par la société holding à ses filiales (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 21 et jurisprudence citée).

34      Il s’ensuit que la simple immixtion d’une société holding dans la gestion de ses filiales, sans la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA en vertu de l’article 2 de la directive 2006/112, ne saurait être considérée comme une « activité économique », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive (voir, en ce sens, ordonnance du 12 juillet 2001, Welthgrove, C‑102/00, EU:C:2001:416, points 16 et 17). Partant, une telle gestion ne relève pas du champ d’application de la directive 2006/112.

35      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, pendant la période en cause dans l’affaire au principal, MVM ne recevait normalement aucune rémunération de ses filiales pour sa gestion centralisée des activités du groupe. Ainsi, conformément aux considérations qui précèdent, il convient de constater que l’immixtion de MVM dans la gestion de ses filiales ne saurait être considérée comme une « activité économique », au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2006/112, susceptible de relever du champ d’application de cette directive.

36      Or, la Cour a déjà jugé que la TVA ayant grevé en amont des dépenses encourues par un assujetti ne saurait ouvrir droit à déduction dans la mesure où elle se rapporte à des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d’application de la directive 2006/112 (arrêts du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, point 30, et du 29 octobre 2009, SKF, C‑29/08, EU:C:2009:665, point 59).

37      Il en découle que MVM ne peut pas bénéficier du droit à déduction de la TVA payée pour les services en cause, dans la mesure où ceux-ci se rapportent à des opérations ne relevant pas du champ d’application de la directive 2006/112.

38      Cette considération n’est pas remise en cause par le fait que MVM a exercé d’autres activités, telles que la location de centrales électriques et de réseaux optiques, dès lors que les services en cause ne semblent pas avoir un lien direct et immédiat avec une quelconque activité économique imposable, au sens de la jurisprudence citée au point 29 de la présente ordonnance, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

39      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi que la Cour l’a déjà jugé au point 24 de l’arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt (C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496), un droit à déduction est admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti.

40      En l’occurrence, il est constant que, pendant la période en cause dans l’affaire au principal, MVM a exercé une activité économique imposable, à savoir la location de centrales électriques et de réseaux optiques. Or, il apparaît difficilement concevable que les services en cause, à savoir des services ayant été utilisés dans l’intérêt des autres membres du groupe et des services de gestion d’entreprise concernant notamment l’acquisition de participations, puissent avoir un lien direct et immédiat avec cette activité de location, fût-elle considérée dans son ensemble, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

41      Par ailleurs, MVM soutient, dans ses observations déposées devant la Cour, qu’elle génère, depuis le 1er janvier 2015, une marge bénéficiaire sur les opérations de gestion stratégique des sociétés faisant partie du groupe.

42      À cet égard, il suffit de constater que, même dans l’hypothèse où cette gestion devrait être considérée comme une activité économique à partir de cette date, les dépenses déclarées entre les années 2008 et 2010 pour l’acquisition des services en cause ne sauraient faire partie des éléments constitutifs du prix de ces nouvelles opérations imposables, et ne pourraient partant pas ouvrir droit à déduction de la TVA.

43      Devant la Cour, MVM a également soutenu que les services en cause ont servi les intérêts du groupe et, étant donné que ses filiales exerçaient des activités donnant droit à déduction, que ces services ont un lien avec les activités économiques de l’ensemble de ce groupe.

44      Toutefois, en l’occurrence, il y a lieu de relever que l’impossibilité de déduire la TVA afférente aux services en cause résulte du choix fait par MVM de ne pas facturer ses services de gestion aux membres du groupe.

45      À cet égard, il suffit de rappeler que, d’une part, les entrepreneurs sont généralement libres de choisir les structures organisationnelles et les modalités transactionnelles qu’ils estiment les plus appropriées pour leurs activités (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2013, Le Crédit Lyonnais, C‑388/11, EU:C:2013:541, point 46) et, d’autre part, le principe de neutralité fiscale n’implique pas qu’un assujetti qui a le choix entre deux opérations puisse en choisir une et faire valoir les effets de l’autre (arrêt du 9 octobre 2001, Cantor Fitzgerald International, C‑108/99, EU:C:2001:526, point 33).

46      Enfin, si la juridiction de renvoi devait constater, au terme de l’examen visé aux points 38 et 40 de la présente ordonnance, que certains des services en cause se rapportent à la fois à des activités économiques et non économiques de MVM, il convient de rappeler que les dispositions de la directive 2006/112 ne comportent pas de règles ayant pour objet les méthodes ou les critères que les États membres sont tenus d’appliquer lorsqu’ils adoptent des dispositions permettant une ventilation des montants de TVA acquittés en amont selon que les dépenses correspondantes se rapportent à des activités économiques ou à des activités non économiques (arrêt du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, point 33).

47      Dans ces conditions, et afin que les assujettis puissent effectuer les calculs nécessaires, il appartient aux États membres d’établir des méthodes et des critères appropriés à cette fin, dans le respect des principes qui sous-tendent le système commun de TVA. En particulier, les États membres doivent exercer leur pouvoir d’appréciation de façon à garantir que la déduction ne s’effectue que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction. Ils doivent donc veiller à ce que le calcul du prorata entre activités économiques et activités non économiques reflète objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités (arrêt du 13 mars 2008, Securenta, C‑437/06, EU:C:2008:166, points 34 et 37).

48      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens que l’immixtion d’une société holding, telle que celle en cause au principal, dans la gestion de ses filiales, n’étant pas, lorsqu’elle n’a facturé à ses dernières ni le prix des services qu’elle a acquis dans l’intérêt de l’ensemble du groupe de sociétés ou de certaines de ses filiales ni la TVA y afférente, une « activité économique », au sens de cette directive, une telle société holding ne peut pas bénéficier du droit à déduction de la TVA payée en amont pour ces services acquis, dans la mesure où ceux-ci se rapportent à des opérations ne relevant pas du champ d’application de cette directive.

 Sur les dépens

49      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

Les articles 2, 9, 26, 167, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que l’immixtion d’une société holding, telle que celle en cause au principal, dans la gestion de ses filiales, n’étant pas, lorsqu’elle n’a facturé à ses dernières ni le prix des services qu’elle a acquis dans l’intérêt de l’ensemble du groupe de sociétés ou de certaines de ses filiales ni la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, une « activité économique », au sens de cette directive, une telle société holding ne peut pas bénéficier du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont pour ces services acquis, dans la mesure où ceux-ci se rapportent à des opérations ne relevant pas du champ d’application de cette directive.

Signatures


* Langue de procédure : le hongrois.