C-507/16 - Entertainment Bulgaria System

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ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

15 novembre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Directive 2006/112/CE – Article 168, sous a), article 169, sous a), article 214, paragraphe 1, sous d) et e), et articles 289 et 290 – Déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) due ou acquittée en amont – Opérations réalisées en aval dans d’autres États membres – Régime de franchise de la taxe dans l’État membre dans lequel le droit à déduction est exercé »

Dans l’affaire C‑507/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie), par décision du 12 septembre 2016, parvenue à la Cour le 26 septembre 2016, dans la procédure

Entertainment Bulgaria System EOOD

contre

Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » Sofia,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), faisant fonction de président de chambre, MM. S. Rodin et E. Regan, juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Entertainment Bulgaria System EOOD, par Mme S. Georgieva, en qualité d’agent,

–        pour le Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » – Sofia, par M. A. Georgiev, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement bulgare, par Mmes E. Petranova et M. Georgieva, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes L. Lozano Palacios et P. Mihaylova, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 168, sous a) et b), de l’article 169, sous a), et de l’article 214 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1), telle que modifiée par la directive 2009/162/UE du Conseil, du 22 décembre 2009 (JO 2010, L 10, p. 14) (ci-après la « directive 2006/112 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Entertainment Bulgaria System EOOD (ci-après « EBS ») au Direktor na Direktsia « Obzhalvane i danachno-osiguritelna praktika » – Sofia (directeur de la direction « Recours et pratique en matière de fiscalité et de sécurité sociale » de Sofia, Bulgarie) au sujet d’un avis de redressement imposant à cette entreprise le paiement d’un rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et d’intérêts de retard.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 168 de la directive 2006/112 prévoit :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a)      la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[...] »

4        L’article 169 de cette directive dispose :

« Outre la déduction visée à l’article 168, l’assujetti a le droit de déduire la TVA y visée dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes :

a)      ses opérations relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, effectuées en dehors de l’État membre dans lequel cette taxe est due ou acquittée, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées dans cet État membre ;

[...] »

5        L’article 214 de ladite directive précise :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient identifiées par un numéro individuel les personnes suivantes :

a)      tout assujetti, à l’exception de ceux visés à l’article 9, paragraphe 2, qui effectue sur leur territoire respectif des livraisons de biens ou des prestations de services lui ouvrant droit à déduction, autres que des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la TVA est due uniquement par le preneur ou le destinataire conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199 ;

[...]

d)      tout assujetti qui reçoit, sur leur territoire respectif, des prestations de services pour lesquelles il est redevable de la TVA en vertu de l’article 196 ;

e)      tout assujetti qui est établi sur leur territoire respectif et qui effectue, sur le territoire d’un autre État membre, des prestations de services pour lesquelles seul le preneur est redevable de la TVA en vertu de l’article 196.

[...] »

6        L’article 196 de la même directive dispose :

« La TVA est due par l’assujetti ou la personne morale non assujettie identifiée à la TVA, à qui sont fournis les services visés à l’article 44, si ces services sont fournis par un assujetti qui n’est pas établi dans cet État membre. »

7        Aux termes de l’article 282 de la directive 2006/112, les franchises et les atténuations prévues à la section 2 de cette directive s’appliquent aux livraisons de biens et aux prestations de services effectuées par les petites entreprises.

8        L’article 287 de cette directive prévoit :

« Les États membres ayant adhéré après le 1er janvier 1978 peuvent octroyer une franchise de taxe aux assujettis dont le chiffre d’affaires annuel est au maximum égal à la contre-valeur en monnaie nationale des montants suivants au taux du jour de leur adhésion :

[...]

17)      la Bulgarie : 25 600 [euros] ;

[...] »

9        L’article 289 de ladite directive dispose :

« Les assujettis qui bénéficient de la franchise de taxe n’ont pas le droit de déduire la TVA conformément aux articles 167 à 171 et aux articles 173 à 177 ni de la faire apparaître sur leurs factures. »

10      L’article 290 de la directive 2006/112 précise :

« Les assujettis susceptibles de bénéficier de la franchise de taxe peuvent opter soit pour le régime normal d’application de la TVA, soit pour l’application des modalités simplifiées visées à l’article 281. Dans ce cas, ils bénéficient des atténuations dégressives de la taxe prévues éventuellement par la législation nationale. »

 Le droit bulgare

11      L’article 70, paragraphe 4, du Zakon za danak varhu dobavenata stoynost (loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, DV n° 63, du 4 août 2006, ci-après le « ZDDS ») prévoit qu’une personne immatriculée conformément à l’article 97a du ZDDS n’a pas droit à la déduction de la TVA en amont.

12      L’article 94 du ZDDS prévoit, à son paragraphe 3, que l’immatriculation aux fins de la TVA est effectuée soit à titre obligatoire, soit à titre facultatif.

13      L’article 96 du ZDDS précise, à son paragraphe 1, que tout assujetti qui a réalisé un chiffre d’affaires imposable supérieur ou égal à 50 000 leva bulgares (BGN) (environ 25 600 euros), sur une période qui ne dépasse pas les douze mois consécutifs précédant le mois en cours, est tenu de déposer une demande d’immatriculation conformément à la présente loi dans un délai de quatorze jours après la fin de la période au cours de laquelle il a atteint ce chiffre d’affaires.

14      L’article 97a du ZDDS dispose :

« 1.      Est soumis à l’immatriculation conformément à la présente loi tout assujetti au sens de l’article 3, paragraphes 1, 5 et 6, qui est destinataire de prestations de services dont le lieu d’exécution est le territoire national, qui sont imposables et pour lesquelles la TVA est exigible du destinataire conformément à l’article 82, paragraphe 2.

2.      Est soumis à l’immatriculation conformément à la présente loi tout assujetti au sens de l’article 3, paragraphes 1, 5 et 6, établi sur le territoire national, qui fournit des prestations de services conformément à l’article 21, paragraphe 2, dont le lieu d’exécution est le territoire d’un autre État membre.

3.      Un assujetti immatriculé conformément au paragraphe 1 est également réputé immatriculé conformément au paragraphe 2, et inversement.

[...] »

15      Aux termes de l’article 100, paragraphe 1, du ZDDS :

« Tout assujetti qui ne remplit pas les conditions de l’immatriculation obligatoire conformément à l’article 96, paragraphe 1, a le droit de s’immatriculer conformément à la présente loi. »

16      L’article 113, paragraphe 9, du ZDDS prévoit :

« Les assujettis qui ne sont pas immatriculés conformément à la présente loi ou qui sont immatriculés sur la base de l’article 97a, paragraphes 1 et 2 [...], n’ont pas le droit de faire figurer la TVA sur les factures qu’ils émettent. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

17      Il ressort de la décision de renvoi qu’EBS est une société établie en Bulgarie, qui fournit des prestations de services dans le domaine des services en ligne, telles que la conception de sites Internet, le développement multimédia ou la conception graphique.

18      À compter du 21 décembre 2010, EBS a été identifiée aux fins de la TVA au titre de l’article 97a, paragraphe 2, du ZDDS, qui prévoit l’immatriculation des assujettis établis en Bulgarie qui fournissent des services dont le lieu d’exécution est situé sur le territoire d’un autre État membre.

19      Selon la décision de renvoi, EBS a bénéficié de prestations de services fournies par des assujettis établis sur le territoire d’États membres autres que la République de Bulgarie, dont elle s’est servie pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres et en Suisse.

20      EBS a procédé à la déduction de la TVA afférente aux prestations de services ainsi reçues en amont, dans le cadre du régime d’autoliquidation.

21      Lors d’un contrôle fiscal, la Natsionalnata agentsia za prihodite, (Agence nationale des recettes publiques, Bulgarie) a constaté qu’EBS avait atteint, depuis le 30 novembre 2013, le chiffre d’affaires à partir duquel les entreprises ne bénéficient plus du régime de franchise de la TVA dans cet État membre et doivent, en vertu du droit national, s’immatriculer à la TVA, conformément à l’article 96, paragraphe 1, du ZDDS.

22      Par un avis de redressement du 16 septembre 2015, l’Agence nationale des recettes publiques a, d’une part, estimé qu’EBS avait indûment exercé son droit à déduction de la TVA afférente aux prestations dont elle a bénéficié en amont, au motif que l’article 70, paragraphe 4, du ZDDS interdit l’exercice de ce droit pour les assujettis identifiés au titre de l’article 97a du ZDDS et, d’autre part, imposé à EBS le paiement d’un rappel de TVA assorti d’intérêts de retard (ci-après l’« avis de redressement »).

23      Par décision du 30 novembre 2015, le directeur de la direction « Recours et pratique en matière de fiscalité et de sécurité sociale » de Sofia a partiellement fait droit à la demande de rectification de l’avis de redressement, estimant que l’interdiction de déduire la TVA due ou acquittée en amont ne pouvait pas être opposée à EBS jusqu’à son identification à la TVA au titre de l’article 96, paragraphe 1, du ZDDS, mais uniquement jusqu’à la date à laquelle les conditions pour déposer une demande d’immatriculation au titre de cette disposition étaient remplies.

24      Tenue de payer un montant de 2 094 196 BGN (environ 1 070 741 euros) de TVA, majoré d’intérêts de retard, EBS a saisi l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de la ville de Sofia, Bulgarie) d’une demande d’annulation de l’avis de redressement ainsi rectifié.

25      Cette juridiction s’interroge sur la conformité de l’article 70, paragraphe 4, du ZDDS à la directive 2006/112.

26      Elle relève que, si les assujettis identifiés à la TVA au titre de l’article 97a du ZDDS, auquel se réfère l’article 70, paragraphe 4, du ZDDS, ne peuvent pas faire figurer la TVA sur leurs factures pour les livraisons qu’ils effectuent en Bulgarie, ils devraient, en revanche, pouvoir facturer cette taxe pour les livraisons de biens ou les prestations de services dont le lieu d’exécution se situe en dehors du territoire de cet État membre. Elle estime que ces assujettis peuvent, par conséquent, déduire la TVA due ou acquittée en amont pour les prestations de services qui leur ont été fournies par des assujettis établis sur le territoire d’autres États membres.

27      C’est dans ce contexte que l’Administrativen sad Sofia-grad (tribunal administratif de la ville de Sofia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La disposition de l’article 214 de la [directive 2006/112] doit-elle être interprétée en ce sens que, dans le contexte du droit à déduction, elle accorde une importance différente aux cas de figure d’immatriculation aux fins de la TVA, ou elle permet aux États membres d’accorder une importance différente aux cas de figure d’immatriculation, comme le font les dispositions des articles 97a et 70, paragraphe 4, du ZDDS ?

2)      Faut-il interpréter les dispositions de l’article 168, sous a), et de l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 en ce sens qu’une personne immatriculée selon les modalités de l’article 214, paragraphe 1, sous e), de la[dite] directive, n’a pas le droit de déduire la TVA afférente aux prestations de service qui lui ont été fournies par des assujettis d’autres États membres, alors qu’elle utilise ces mêmes prestations de services pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres et que sont remplies les autres conditions matérielles et formelles d’exercice du droit à déduction ?

3)      Les dispositions de l’article 168, sous a), et de l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles permettent une disposition nationale comme l’article 70, paragraphe 4, du ZDDS, prévoyant que les personnes immatriculées aux fins de la TVA en vertu de l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), et non pas en vertu de l’article 214, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/112, n’ont en aucun cas le droit de déduire la TVA en amont ? »

 Sur les questions préjudicielles

28      Par ses trois questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 168, sous a), et l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 s’opposent à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre, de déduire la TVA due ou acquittée en amont dans cet État membre pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti, au motif que celui-ci est identifié à la TVA au titre de l’un ou l’autre des deux cas visés à l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive 2006/112.

29      Il convient, tout d’abord, de préciser que l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive 2006/112 vise, respectivement, le cas où l’assujetti reçoit, sur le territoire d’un État membre, des prestations de services pour lesquelles il est redevable de la TVA en vertu de l’article 196 de cette directive et celui dans lequel l’assujetti est établi sur le territoire d’un État membre et effectue, sur le territoire d’un autre État membre, des prestations de services pour lesquelles seul le preneur est redevable de la TVA en vertu de ce même article 196. Il ressort de la décision de renvoi que cette disposition a été transposée en droit bulgare à l’article 97a, paragraphes 1 et 2, du ZDDS.

30      Il importe, ensuite, de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour, le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de la TVA due ou acquittée en amont soit accordée si les exigences de fond sont satisfaites, même si certaines exigences formelles ont été omises par les assujettis (arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 58 et jurisprudence citée).

31      La Cour a également jugé que l’identification à la TVA, prévue à l’article 214 de la directive 2006/112, ne constitue qu’une exigence formelle à des fins de contrôle, laquelle ne peut pas mettre en cause, notamment, le droit à déduction de la TVA, dans la mesure où les conditions matérielles qui font naître ce droit sont remplies (arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 60 et jurisprudence citée).

32      Il en résulte notamment qu’un assujetti à la TVA ne saurait être empêché d’exercer son droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont au motif qu’il n’était pas identifié à la TVA avant d’utiliser les biens acquis dans le cadre de son activité taxée (arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 61 et jurisprudence citée).

33      Il en résulte également, a fortiori, qu’une législation nationale ne saurait empêcher un assujetti d’exercer son droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont au motif qu’il est identifié à la TVA au titre de l’un ou l’autre des deux cas visés à l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive 2006/112.

34      Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux questions posées que la directive 2006/112 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre, de déduire la TVA due ou acquittée en amont dans cet État membre pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti, au motif que celui-ci est identifié à la TVA au titre de l’un ou l’autre des deux cas de figure visés à l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive 2006/112.

35      Cependant, il ressort de la décision de renvoi qu’une interprétation différente de la législation nationale pourrait également être retenue.

36      En effet, il ressort de la décision de renvoi que, dès lors qu’EBS ne pouvait plus bénéficier du régime de franchise de taxe en Bulgarie, compte tenu du niveau de son chiffre d’affaires, elle ne pouvait plus être identifiée à la TVA au titre de l’article 97a, paragraphes 1 et 2, du ZDDS, mais devait, en revanche, relever du régime d’immatriculation « obligatoire », conformément à l’article 96 du ZDDS.

37      Il semble, dès lors, en résulter que seuls peuvent être identifiés à la TVA, au titre de l’article 97a, paragraphes 1 et 2, du ZDDS, les assujettis soumis au régime de franchise de taxe en Bulgarie.

38      Si tel est le cas, ce qu’il revient à la juridiction de renvoi, seule compétente pour interpréter le droit national, de vérifier, il conviendrait de reformuler les questions posées et de considérer que celles-ci portent, en substance, sur la question de savoir si l’articles 168, sous a), et l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 s’opposent à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre et qui y bénéficie d’un régime de franchise de taxe, d’exercer le droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont dans cet État pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti.

39      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 168, sous a), de la directive 2006/112 prévoit que, dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable, la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti.

40      Toutefois, une entreprise établie sur le territoire d’un État membre et bénéficiant du régime de franchise de taxe dans cet État ne pourrait se prévaloir du droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont en vertu de cette disposition. En effet, l’article 289 de la directive 2006/112 prévoit que les assujettis soumis à ce régime de franchise de taxe « n’ont pas le droit de déduire la TVA conformément aux articles 167 à 171 [...] ni de la faire apparaître sur leurs factures ».

41      Par ailleurs, l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 précise que, outre la déduction visée à l’article 168 de cette directive, l’assujetti a le droit de déduire la TVA y visée dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, second alinéa, de la même directive, effectuées en dehors de l’État membre dans lequel cette taxe est due ou acquittée, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées dans cet État membre.

42      En vertu de l’article 169, sous a), de la directive 2006/112, l’exercice du droit à déduction dépend, par conséquent, de la question de savoir si un tel droit existe lorsque l’ensemble des opérations sont effectuées à l’intérieur du même État membre (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2010, RBS Deutschland Holdings, C‑277/09, EU:C:2010:810, point 32). La Cour a jugé, à cet égard, que le droit à déduction peut être mis en œuvre indépendamment même de la soumission effective à la TVA de l’opération, en aval, dans les autres États membres (voir également, par analogie, arrêt du 22 décembre 2010, RBS Deutschland Holdings, C‑277/09, EU:C:2010:810, point 41).

43      Cependant, dès lors qu’une entreprise bénéficiant du régime de franchise de taxe en Bulgarie ne pourrait se prévaloir, dans cet État membre, du droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont pour des prestations de services fournies dans cet État membre, l’une des conditions énoncées à l’article 169, sous a), de la directive 2006/112, pour bénéficier du droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont, pour des prestations de services fournies en dehors de cet État membre, ne serait pas non plus remplie.

44      Il y a lieu, dès lors, de considérer que l’article 168, sous a), et l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire d’un État membre et qui y bénéficie d’un régime de franchise de taxe, d’exercer le droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont dans cet État pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti.

45      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que la directive 2006/112 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre, de déduire la TVA due ou acquittée en amont dans cet État membre pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti, au motif que celui-ci est identifié à la TVA au titre de l’un ou l’autre des deux cas visés à l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive 2006/112. En revanche, l’article 168, sous a), et l’article 169, sous a), de la directive 2006/112 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre et qui y bénéficie d’un régime de franchise de taxe, d’exercer le droit à déduction de la TVA due ou acquittée en amont dans cet État pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

La directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telle que modifiée par la directive 2009/162/UE du Conseil, du 22 décembre 2009, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée en amont dans cet État membre pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti, au motif que celui-ci est identifié à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l’un ou l’autre des deux cas visés à l’article 214, paragraphe 1, sous d) et e), de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2009/162. En revanche, l’article 168, sous a), et l’article 169, sous a), de la directive 2006/112, telle que modifiée par la directive 2009/162, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui empêche un assujetti, établi sur le territoire de cet État membre et qui y bénéficie d’un régime de franchise de taxe, d’exercer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée en amont dans cet État pour des services fournis par des assujettis établis dans d’autres États membres et utilisés pour fournir des prestations de services dans d’autres États membres que l’État membre dans lequel est établi cet assujetti.

Signatures


*      Langue de procédure : le bulgare.