C-488/18 - Golfclub Schloss Igling

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62018CJ0488

 ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 décembre 2020 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 132, paragraphe 1, sous m) – Exonération de “certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique” – Effet direct – Notion d’“organismes sans but lucratif” »

Dans l’affaire C‑488/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 21 juin 2018, parvenue à la Cour le 25 juillet 2018, dans la procédure

Finanzamt Kaufbeuren mit Außenstelle Füssen

contre

Golfclub Schloss Igling eV,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur), D. Šváby, S. Rodin et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 septembre 2019,

considérant les observations présentées :

pour Golfclub Schloss Igling eV, par MM. J. Hoffmann et M. Mühlbauer, conseillers fiscaux,

pour le gouvernement allemand, initialement par M. T. Henze et Mme S. Eisenberg, puis par M. J. Möller et Mme S. Eisenberg, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Bulterman et M. de Ree, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme J. Jokubauskaitė et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 novembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt Kaufbeuren mit Außenstelle Füssen (administration fiscale de Kaufbeuren, agence de Füssen, Allemagne) (ci-après l’« autorité fiscale ») à Golfclub Schloss Igling eV (ci-après « Golfclub ») au sujet de la décision de cette autorité refusant d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) certaines prestations de services en lien avec la pratique du golf, fournies par Golfclub aux pratiquants de ce sport.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, sont soumises à la TVA « les prestations de services, effectuées à titre onéreux sur le territoire d’un État membre par un assujetti agissant en tant que tel ».

4

Le titre IX de cette directive, relatif aux exonérations, comporte un chapitre 2, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », sous lequel figurent les articles 132 à 134 de ladite directive.

5

L’article 132, paragraphe 1, sous m) et n), de cette même directive dispose :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

m)

certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes qui pratiquent le sport ou l’éducation physique ;

n)

certaines prestations de services culturels, ainsi que les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes culturels reconnus par l’État membre concerné ».

6

L’article 133, premier alinéa, de la directive TVA prévoit :

« Les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, points [...] m) et n), au respect de l’une ou plusieurs des conditions suivantes :

a)

les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ;

[...] »

7

L’article 134 de cette directive est ainsi libellé :

« Les livraisons de biens et les prestations de services sont exclues du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, points [...] m) et n), dans les cas suivants :

a)

lorsqu’elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées ;

[...] »

Le droit allemand

L’UStG

8

En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UStG), sont soumises à la TVA les livraisons de biens et autres prestations de services qu’un entrepreneur effectue en Allemagne à titre onéreux dans le cadre de son entreprise.

9

Aux termes de l’article 4 de l’UStG :

« Parmi les opérations, qui relèvent de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, sont exonérées les opérations suivantes :

22.   a) les conférences, cours et autres manifestations, à caractère scientifique ou éducatif, organisées par des personnes morales de droit public, des écoles supérieures d’administration et d’économie, des universités populaires ou des organismes qui poursuivent des objectifs d’utilité publique ou ceux d’une organisation professionnelle, si la majeure partie des recettes sert à couvrir les charges,

b) d’autres manifestations culturelles et sportives organisées par les opérateurs visés sous a), lorsque la redevance consiste en des frais de participation. »

L’AO

10

L’article 52 de l’Abgabenordnung (code des impôts), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« AO »), intitulé « Buts d’utilité publique », dispose :

« (1)   Un organisme poursuit un but d’utilité publique lorsque son activité vise à apporter de manière désintéressée au public des bienfaits dans le domaine matériel, spirituel ou moral. [...]

(2)   Conformément aux conditions du paragraphe 1 ci‑dessus, sont reconnus comme promotion de l’intérêt public :

[...]

21.

la promotion du sport [...]

[...] »

11

L’article 55 de l’AO, intitulé « Désintéressement », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Une promotion ou un soutien est désintéressé s’il ne poursuit pas à titre principal un but lucratif, par exemple, des fins commerciales ou d’autres fins économiques, et si les conditions suivantes sont remplies :

[...]

2.   Les membres ne recevront pas plus que leurs parts de capital libérées et la valeur vénale de leurs contributions en nature lorsqu’ils quittent l’organisme ou si celui-ci est dissous, volontairement ou non.

[...]

4.   En cas de dissolution volontaire ou non de l’organisme ou en cas de disparition de son objet social, le patrimoine de l’organisme, dans la mesure où il dépasse les parts de capital libérées des membres et la valeur vénale des contributions en nature versées par les membres, ne peut être utilisé qu’à des fins ouvrant droit à des avantages fiscaux (principe d’obligation d’affectation statutaire du patrimoine). Cette condition est également remplie lorsque le patrimoine doit être cédé à un autre organisme bénéficiant d’avantages fiscaux ou à une personne morale de droit public à des fins ouvrant droit à des avantages fiscaux.

[...] »

12

Aux termes de l’article 58 de l’AO, intitulé « Activités non imposables » :

« L’avantage fiscal n’est pas exclu du fait que [...]

[...]

8.   un organisme organise des réunions conviviales, secondaires par rapport à son activité ouvrant droit à des avantages fiscaux,

9.   une association sportive fait la promotion des sports rémunérés en plus de celle des sports non rémunérés,

[...] »

13

L’article 59 de l’AO, intitulé « Condition de l’avantage fiscal », prévoit :

« L’avantage fiscal est accordé si les statuts, l’acte de fondation ou un autre acte constitutif (statuts au sens des présentes dispositions) décrivant la finalité de l’organisme, indiquent que cette finalité satisfait aux exigences des articles 52 à 55 et qu’elle est poursuivie à titre exclusif et de manière directe ; la gestion effective doit être conforme à ces dispositions statutaires. »

14

Aux termes de l’article 61, paragraphe 1, de l’AO, intitulé « Obligation d’affectation statutaire du patrimoine » :

« L’obligation d’affectation statutaire du patrimoine est suffisante sur le plan fiscal (article 55, paragraphe 1, point 4) si la finalité pour laquelle le patrimoine doit être utilisé, en cas de dissolution volontaire ou non de l’organisme ou en cas de disparition de son objet social, est définie dans les statuts de manière suffisamment précise pour que l’on puisse déterminer, sur la base des statuts, si l’utilisation prévue ouvre droit à des avantages fiscaux. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15

Golfclub est une association de droit privé ayant pour objet le maintien et la promotion du golf. À cette fin, elle exploite un terrain de golf et les installations y afférentes, qu’elle loue à Golfplatz-Y-Betriebs-GmbH. Les fonds de Golfclub ne peuvent être utilisés qu’à des fins conformes à ses statuts, ceux-ci prévoyant que les biens de l’association sont, en cas de dissolution volontaire ou forcée, transférés à une personne ou à une institution désignée par l’assemblée générale.

16

Le 25 janvier 2011, Golfclub a acquis l’intégralité des parts de la Golfplatz-Y-Betriebs-GmbH, pour un montant de 380000 euros. Afin de financer cette opération, Golfclub a contracté auprès de ses membres des emprunts portant un taux d’intérêt annuel de 4 % et remboursables à raison de 5 % par an.

17

Au cours de la même année, Golfclub a perçu des revenus d’un montant total de 78615,02 euros, résultant des activités suivantes :

i)

l’utilisation du terrain de golf ;

ii)

la location de balles de golf ;

iii)

la location de caddies ;

iv)

la vente d’un club de golf ;

v)

l’organisation de la tenue de tournois de golf et d’évènements de golf pour lesquels Golfclub a perçu des droits d’inscription.

18

L’administration fiscale a refusé d’exonérer ces activités de la TVA. Elle a estimé que, en vertu de l’article 4, point 22, de l’UStG, seuls les droits d’inscription aux évènements de golf sont exonérés à condition que le demandeur soit un organisme à but d’utilité publique, au sens des articles 51 et suivants de l’AO. Selon elle, tel n’est pas le cas de Golfclub dont l’acte constitutif ne comporte pas de règles suffisamment précises en ce qui concerne l’affectation statutaire de son patrimoine en cas de dissolution. L’acquisition de la Golfplatz-Y-Betriebs-GmbH démontrerait que Golfclub ne poursuit pas exclusivement un but non lucratif.

19

L’administration fiscale a donc émis un avis d’imposition à la TVA, soumettant à cette taxe l’ensemble desdites activités.

20

Cet avis d’imposition a été annulé par le Finanzgericht München (tribunal des finances de Munich, Allemagne). Cette juridiction a estimé que Golfclub est un organisme sans but lucratif, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, et que cette disposition a un effet direct, qui oblige les États membres à exonérer toutes les activités ayant un lien étroit avec la pratique du sport exercées par un tel organisme.

21

L’administration fiscale a introduit un recours en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne). Celle-ci considère que l’issue du litige dépend, d’une part, de la question de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA a un effet direct permettant, en conséquence, à des organismes sans but lucratif de s’en prévaloir directement devant les juridictions nationales en l’absence de transposition dans le droit national ou en cas de transposition incorrecte de celle-ci et, d’autre part, de la définition de la notion d’« organismes sans but lucratif », au sens de cette disposition.

22

Les doutes de la juridiction de renvoi quant au point de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA est doté d’un effet direct découlent de l’arrêt du 15 février 2017, British Film Institute (C‑592/15, EU:C:2017:117, points 23 et 24), par lequel la Cour a jugé que l’article 13 A, paragraphe 1, sous n), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »), dont le libellé est analogue à celui de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, est dépourvu d’un tel effet.

23

La juridiction de renvoi s’interroge également sur le point de savoir si la notion d’« organisme sans but lucratif », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, doit être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union et, dans l’affirmative, si cette notion doit être interprétée en ce sens qu’elle ne couvre que les organismes dont l’acte constitutif prévoit que, en cas de transfert à un autre organisme, à l’occasion de sa dissolution, ce dernier doit également poursuivre un but non lucratif.

24

Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive [TVA], selon lequel [les États membres exonèrent] “certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes qui pratiquent le sport ou l’éducation physique”, est‑il d’[effet direct], permettant ainsi aux organismes sans but lucratif de s’en prévaloir directement en l’absence de transposition ?

2)

En cas de réponse [affirmative] à la première question, l’“organisme sans but lucratif”, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive [TVA], se réfère-t-il :

à une notion qui doit être interprétée de manière autonome sous l’angle du droit de l’Union, ou

les États membres ont-ils le droit de subordonner l’existence d’un tel organisme au respect de conditions telles que celles prévues à l’article 52 de l’[AO], combiné à l’article 55 (ou aux articles 51 et suivants de l’[AO] dans leur intégralité) ?

3)

Dans le cas où il s’agit d’une notion qui doit être interprétée de manière autonome sous l’angle du droit de l’Union, un organisme sans but lucratif, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive [TVA], est-il tenu de prendre des dispositions l’obligeant, en cas de dissolution, à transférer le patrimoine dont il dispose alors à un autre organisme sans but lucratif de promotion du sport et de l’éducation physique ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

25

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’un effet direct, de sorte que, si la législation d’un État membre qui transpose cette disposition n’exonère de la TVA qu’un nombre limité de prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, ladite disposition peut être directement invoquée devant les juridictions nationales par un organisme sans but lucratif, afin d’obtenir l’exonération d’autres prestations ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique que cet organisme fournit aux personnes qui pratiquent ces activités et que cette législation n’exonère pas.

26

Selon une jurisprudence constante, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer contre un État membre devant les juridictions de celui-ci, lorsque cet État membre s’est abstenu de transposer la directive dans le droit national dans le délai imparti ou en a fait une transposition incorrecte (arrêt du 15 février 2017, British Film Institute, C‑592/15, EU:C:2017:117, point 13 et jurisprudence citée).

27

Une disposition du droit de l’Union est inconditionnelle lorsqu’elle énonce une obligation qui n’est assortie d’aucune condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte soit des institutions de l’Union européenne, soit des États membres (arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 49 ainsi que jurisprudence citée).

28

Elle est suffisamment précise lorsque l’obligation qu’elle prévoit est énoncée dans des termes non équivoques (arrêt du 1er juillet 2010, Gassmayr, C‑194/08, EU:C:2010:386, point 45 et jurisprudence citée).

29

En l’occurrence, il ressort des termes mêmes de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA que les États membres doivent exonérer, en tant qu’activités d’intérêt général, « certaines prestations de services », à condition, d’une part, qu’elles aient « un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique » et, d’autre part, qu’elles soient fournies aux « personnes qui pratiquent le sport ou l’éducation physique » par des « organismes sans but lucratif » (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2008, Canterbury Hockey Club et Canterbury Ladies Hockey Club, C‑253/07, EU:C:2008:571, points 21 et 22).

30

L’expression « certaines prestations » indique que cette disposition n’édicte pas une obligation pour les États membres d’exonérer de manière générale l’ensemble des prestations de services qui ont un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique.

31

Par conséquent, dès lors que ladite disposition n’énonce ni une liste exhaustive de prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique que les États membres sont tenus d’exonérer, ni une obligation, pour ceux-ci, d’exonérer toutes les prestations de services présentant une telle caractéristique, elle doit être interprétée en ce sens qu’elle confère aux États membres, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé en substance aux points 35 et 38 de ses conclusions, une certaine marge d’appréciation à cette fin.

32

Le gouvernement néerlandais considère que le terme « certaines » figurant à l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA implique que l’exonération prévue à cette disposition ne s’applique qu’aux prestations de services qui satisfont aux deux conditions découlant de cette disposition, rappelées au point 29 du présent arrêt, ainsi qu’à la condition visée à l’article 134, sous a), de cette directive, selon laquelle ces prestations de services doivent être indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées.

33

Cependant, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 42 de ses conclusions, une telle interprétation ne ressort pas du libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, qui vise clairement « certaines » prestations de services, et non pas « les » ou « toutes » prestations de services qui répondent aux deux conditions fixées à cette disposition. Le fait que l’article 134, sous a), de cette directive, mentionné par le gouvernement néerlandais, exclut du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous m), de ladite directive les prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, « lorsqu’elles ne sont pas indispensables à l’accomplissement des opérations exonérées », est sans incidence sur cette interprétation. En effet, la première disposition ne supprime pas, mais limite uniquement la marge d’appréciation que l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la même directive confère aux États membres pour déterminer les prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, fournies par un organisme sans but lucratif, qui doivent être exonérées de la TVA au titre de cette dernière disposition.

34

Une interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA en ce sens que, nonobstant le terme « certaines » utilisé pour décrire les prestations constitutives de l’opération à exonérer, les États membres sont tenus d’exonérer « toutes » les prestations ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique serait susceptible d’étendre la portée matérielle de ladite exonération au-delà de ce terme, en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour selon laquelle les termes employés pour décrire les exonérations de l’article 132, paragraphe 1, de cette directive sont d’interprétation stricte (voir, par analogie, arrêt du 15 février 2017, British Film Institute, C‑592/15, EU:C:2017:117, point 17 et jurisprudence citée).

35

Cette interprétation littérale de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA s’impose d’autant plus que, sur les 17 opérations exonérées en vertu des points a) à q) de l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA, seules celles décrites aux points m) et n) dudit paragraphe ne visent que certaines des prestations auxquelles elles se réfèrent, le terme « certaines » ou un terme similaire n’étant pas employé aux autres points de ce paragraphe. Dès lors, sauf à méconnaître le libellé même de ces autres points, ce terme ne saurait être interprété en ce sens qu’il renvoie simplement aux conditions d’application de l’exonération qui découlent du libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous m) et n), de cette directive.

36

Or, dans l’arrêt du 15 février 2017, British Film Institute (C‑592/15, EU:C:2017:117), c’est précisément l’emploi du terme « certaines » dans le libellé de l’article 13, A, paragraphe 1, sous n), de la sixième directive – lequel correspond à l’article 132, paragraphe 1, sous n), de la directive TVA – qui a conduit la Cour à considérer que cette disposition laisse aux États membres une marge d’appréciation dans la détermination des prestations de services culturels exonérées, et à en déduire que cette disposition ne remplit pas les conditions pour pouvoir être directement invoquée devant les juridictions nationales (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 2017, British Film Institute, C‑592/15, EU:C:2017:117, points 14, 16, 23 et 24).

37

Compte tenu de la similitude des libellés respectifs des points m) et n) de l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA, ces mêmes motifs doivent être retenus pour l’interprétation de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous m), de cette directive.

38

Une interprétation cohérente de ces deux dispositions est d’autant plus justifiée que les prestations liées à la pratique du sport ou à l’éducation physique et les prestations de services culturels, concernées par les exonérations prévues, respectivement, aux points m) et n) de l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA, constituent toutes deux des activités d’intérêt général de divertissement et de loisir, ce qui les distingue des activités d’intérêt général visées par les quinze autres exonérations prévues à l’article 132, paragraphe 1, de cette directive.

39

Une telle interprétation de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA est également cohérente avec les travaux préparatoires de cette disposition. En effet, dans la proposition initiale relative à la sixième directive, la Commission européenne avait suggéré d’exonérer globalement de la TVA les opérations ayant un lien direct avec la pratique du sport ou de l’éducation physique par des amateurs. Toutefois, le législateur de l’Union, en introduisant l’expression « certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique » à l’article 13, A, paragraphe 1, sous m), de la sixième directive, auquel correspond l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, a conféré aux États membres une marge d’appréciation pour préciser le contenu matériel de ladite exonération.

40

Par ailleurs, aucune autre conclusion ne saurait être déduite des arrêts du 16 octobre 2008, Canterbury Hockey Club et Canterbury Ladies Hockey Club (C‑253/07, EU:C:2008:571), du 21 février 2013, Žamberk (C‑18/12, EU:C:2013:95), ainsi que du 19 décembre 2013, Bridport and West Dorset Golf Club (C‑495/12, EU:C:2013:861).

41

En effet, d’une part, ces arrêts ne portent pas sur la question de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA est doté d’un effet direct. D’autre part, si, dans lesdits arrêts, la Cour a posé des limites à la marge d’appréciation des États membres pour déterminer, notamment, la qualité des bénéficiaires et le mode de délivrance des prestations de services exonérées en vertu de cette disposition, elle n’était toutefois pas saisie de la question de la marge d’appréciation dont disposent les États membres pour déterminer les prestations susceptibles d’être exonérées en vertu de cette disposition. Il s’ensuit que ces arrêts ne sauraient être invoqués au soutien de l’argumentation selon laquelle la disposition en cause est d’effet direct.

42

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas doté d’un effet direct, de sorte que, si la législation d’un État membre qui transpose cette disposition n’exonère de la TVA qu’un nombre limité de prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, ladite disposition ne peut pas être directement invoquée devant les juridictions nationales, par un organisme sans but lucratif, afin d’obtenir l’exonération d’autres prestations ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique que cet organisme fournit aux personnes qui pratiquent ces activités et que cette législation n’exonère pas.

Sur les deuxième et troisième questions

43

Par ses deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la notion d’« organisme sans but lucratif », au sens de cette disposition, constitue une notion autonome du droit de l’Union, qui exige que, en cas de dissolution d’un tel organisme, celui‑ci ne puisse distribuer à ses membres les bénéfices qu’il avait réalisés et qui dépassent les parts de capital libérées par ceux-ci ainsi que la valeur vénale des contributions en nature versées par ces derniers.

44

La juridiction de renvoi pose ces questions dans l’hypothèse où la Cour considérerait que l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA est d’effet direct. Cependant, même si cette disposition est privée d’un tel effet, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. À cette fin, la Cour peut extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments du droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige au principal (voir, notamment, arrêt du 27 mars 2014, Le Rayon d’Or, C‑151/13, EU:C:2014:185, points 25 et 26).

45

En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi ne doit pas apprécier uniquement si Golfclub peut directement invoquer l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA devant le juge national afin d’obtenir l’exonération de la TVA pour des prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique que l’UStG n’exonère pas. Elle doit également déterminer si, s’agissant des prestations de services consistant en l’organisation d’évènements de golf soumis à des droits d’inscription, lesquelles relèvent de l’exonération prévue à l’article 4, point 22, sous b), de l’UStG, Golfclub constitue un organisme sans but lucratif, au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA et peut, à ce titre, bénéficier d’une telle exonération.

46

Conformément à la jurisprudence selon laquelle les exonérations visées à l’article 132, paragraphe 1, de la directive TVA constituent des notions autonomes du droit de l’Union, dont l’objet est d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre (voir, notamment, arrêt du 21 février 2013, Žamberk, C‑18/12, EU:C:2013:95, point 17), il y a lieu de considérer que la notion d’« organismes sans but lucratif » employée à l’article 132, paragraphe 1, sous m), de cette directive constitue une notion autonome du droit de l’Union.

47

La juridiction de renvoi interroge plus particulièrement la Cour sur la question de savoir si l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA subordonne la qualification d’organisme sans but lucratif, au sens de cette disposition, à la condition selon laquelle, en cas de dissolution, un tel organisme doit transférer son patrimoine à un autre organisme sans but lucratif de promotion du sport ou de l’éducation physique.

48

La Cour a jugé, s’agissant de l’article 13, A, paragraphe 1, sous m), de la sixième directive, auquel correspond l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, que la qualification d’organisme « sans but lucratif », au sens de cette première disposition, doit être effectuée au regard du but poursuivi par celui-ci, à savoir que cet organisme ne doit pas avoir pour objectif de générer des profits pour ses membres, contrairement à l’objectif d’une entreprise commerciale. Dès lors que les instances nationales compétentes ont constaté qu’un organisme satisfait à cette exigence eu égard à son objet statutaire, le fait que cet organisme réalise ultérieurement des bénéfices, même s’il les recherche ou les génère de manière systématique, n’est pas de nature à remettre en cause la qualification initiale de cet organisme, aussi longtemps que ces bénéfices ne sont pas distribués à ses membres (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C‑174/00, EU:C:2002:200, points 26 à 28).

49

De même, l’article 133, premier alinéa, sous a), de la directive TVA prévoit que les États membres peuvent subordonner, au cas par cas, l’octroi de l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous m), de cette directive, à des organismes autres que ceux de droit public, à la condition que ceux-ci n’aient pas « pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l’amélioration des prestations fournies ». La condition prévue au point a) de cet article 133, premier alinéa, correspond aux éléments constitutifs de la notion d’ « organisme sans but lucratif », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2002, Kennemer Golf, C‑174/00, EU:C:2002:200, point 33).

50

L’absence de but lucratif de ces organismes présuppose que ces derniers doivent, tout au long de leur existence, y compris lors de leur dissolution, ne pas générer de profits pour leurs membres. S’il en était autrement, un tel organisme pourrait, en effet, contourner cette exigence en distribuant à ses membres, après sa dissolution, les profits qu’il a générés par l’ensemble de ses activités, tout en ayant bénéficié des avantages notamment fiscaux afférents à cette qualification d’« organisme sans but lucratif ».

51

Il s’ensuit que ne peut être qualifié d’« organisme sans but lucratif », au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA, que l’organisme dont le patrimoine est affecté de manière continue à la réalisation de son objet social et ne peut pas être transféré à ses membres après la dissolution de cet organisme, dans la mesure où ce patrimoine dépasse les parts de capital libérées par ces membres et la valeur vénale des contributions en nature versées par ceux-ci.

52

Dès lors, il y a lieu de répondre aux deuxième et troisième questions que l’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que la notion d’« organisme sans but lucratif », au sens de cette disposition, constitue une notion autonome du droit de l’Union, qui exige que, en cas de dissolution d’un tel organisme, celui‑ci ne puisse distribuer à ses membres les bénéfices qu’il a réalisés et qui dépassent les parts de capital libérées par ceux-ci ainsi que la valeur vénale des contributions en nature versées par ces derniers.

Sur les dépens

53

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit :

 

1)

L’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas doté d’un effet direct, de sorte que, si la législation d’un État membre qui transpose cette disposition n’exonère de la taxe sur la valeur ajoutée qu’un nombre limité de prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique, ladite disposition ne peut pas être directement invoquée devant les juridictions nationales, par un organisme sans but lucratif, afin d’obtenir l’exonération d’autres prestations ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l’éducation physique que cet organisme fournit aux personnes qui pratiquent ces activités et que cette législation n’exonère pas.

 

2)

L’article 132, paragraphe 1, sous m), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que la notion d’« organisme sans but lucratif », au sens de cette disposition, constitue une notion autonome du droit de l’Union, qui exige que, en cas de dissolution d’un tel organisme, celui-ci ne puisse distribuer à ses membres les bénéfices qu’il a réalisés et qui dépassent les parts de capital libérées par ceux-ci ainsi que la valeur vénale des contributions en nature versées par ces derniers.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.