C-58/20 - DBKAG (Finanzamt Linz)

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62020CJ0058

 ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

17 juin 2021 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Article 135, paragraphe 1 – Exonérations – Gestion de fonds communs de placement – Externalisation – Prestations fournies par un tiers »

Dans les affaires jointes C‑58/20 et C‑59/20,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances, Autriche), par décisions du 29 janvier 2020 (C‑59/20) et du 30 janvier 2020 (C‑58/20), parvenues à la Cour le 4 février 2020, dans les procédures

K (C‑58/20),

DBKAG (C‑59/20)

contre

Finanzamt Österreich, anciennement Finanzamt Linz,

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, faisant fonction de juge de la première chambre, M. L. Bay Larsen, Mme C. Toader et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. D. Dittert, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 février 2021,

considérant les observations présentées :

pour K et DBKAG, par M. G. Aigner, Steuerberater,

pour le gouvernement autrichien, par MM. A. Posch et F. Koppensteiner ainsi que par Mmes J. Schmoll et S. Zolles, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hellénique, par M. K. Georgiadis ainsi que par Mmes A. Dimitrakopoulou et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, initialement par MM. L. Mantl et R. Lyal, puis par M. L. Mantl et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant K (affaire C‑58/20) et DBKAG (affaire C‑59/20) au Finanzamt Österreich, anciennement Finanzamt Linz (administration fiscale d’Autriche, anciennement administration fiscale de Linz, Autriche) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet du refus de cette administration de leur accorder le bénéfice de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive TVA

3

L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA prévoit, en des termes en substance identiques, l’exonération qui était auparavant prévue à l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »).

4

Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

g)

la gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les États membres ;

[...] »

La directive OPCVM

5

La directive 2009/65/CE du Parlement et du Conseil, du 13 juillet 2009, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 2009, L 302, p. 32, ci-après la « directive OPCVM »), a procédé, en l’abrogeant, à la refonte de la directive 85/611/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) (JO 1985, L 375, p. 3), telle que modifiée, notamment, par la directive 2001/107/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 janvier 2002 (JO 2002, L 41, p. 20) (ci-après la « directive 85/611 »).

6

L’article 2 de la directive OPCVM énonce :

« 1.   Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)

“société de gestion”, une société dont l’activité habituelle est la gestion d’OPCVM prenant la forme de fonds communs de placement ou de sociétés d’investissement (gestion collective de portefeuille d’OPCVM) ;

[...]

2.   Aux fins du paragraphe 1, point b), l’activité habituelle d’une société de gestion comprend les fonctions visées à l’annexe II.

[...] »

7

L’annexe II de la directive OPCVM contient une liste non exhaustive de fonctions incluses dans l’activité de gestion collective de portefeuille. Cette liste, identique à celle contenue dans l’annexe II de la directive 85/611, énonce les fonctions suivantes :

« – Gestion de portefeuille

Administration :

a)

services juridiques et de gestion comptable du fonds ;

b)

demandes de renseignement des clients ;

c)

évaluation du portefeuille et détermination de la valeur des parts (y compris les aspects fiscaux) ;

d)

contrôle du respect des dispositions réglementaires ;

e)

tenue du registre des porteurs de parts ;

f)

répartition des revenus ;

g)

émissions et rachats de parts ;

h)

dénouement des contrats (y compris envoi des certificats) ;

i)

enregistrement et conservation des opérations.

Commercialisation. »

Le droit autrichien

8

L’article 6, paragraphe 1, point 8, sous i), de l’Umsatzsteuergesetz 1994 (loi relative à la TVA, BGBI. 663/1994), dans sa version applicable aux faits au principal, prévoit que, sont exonérées de TVA les recettes provenant de la « gestion de fonds communs de placement », de la « gestion de participations dans le cadre de l’activité d’apport de capitaux [...] par des entreprises disposant d’une concession à cet effet », ainsi que de la « gestion de fonds communs de placement tels qu’ils sont définis par les autres États membres ».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C‑58/20

9

Entre les années 2008 à 2014, différentes sociétés de gestion (appelées sociétés de placement de capitaux avant l’année 2011) ont transféré à un tiers, en l’occurrence K, certaines prestations de calcul de valeurs pertinentes aux fins de l’imposition des revenus des participants aux fonds, telles que les décomptes fiscaux. Pour effectuer ces prestations, K devait se fonder sur le calcul des revenus au niveau des fonds tel que déterminé par les sociétés de gestion à partir de la balance générale et de la comptabilité des fonds établies par la banque dépositaire. K reprenait les valeurs indiquées dans la balance générale et dans le calcul des revenus au niveau des fonds après un simple contrôle de plausibilité (sans vérification de l’exactitude). Puis, pour établir le décompte fiscal au niveau des participants, K devait prendre en compte, notamment, les caractéristiques propres aux différents types d’investisseurs mais aussi établir son propre décompte de charges, respecter un ordre d’affectation autonome et un calcul des pertes spécifiques.

10

Pendant la période en cause au principal, les sociétés de gestion qui ont mandaté K demeuraient les mandataires fiscaux chargés de transmettre les valeurs pertinentes aux fins de l’imposition des revenus des participants aux fonds, via une déclaration normalisée, à la cellule de déclaration. Les sociétés de gestion reprenaient ainsi les valeurs pertinentes calculées par K sans les modifier et les transmettaient à la cellule de déclaration. Les sociétés de gestion étaient néanmoins responsables de l’exactitude des montants déclarés à la cellule de déclaration notamment au titre de l’impôt sur le revenu du capital. K était responsable à l’égard de ces sociétés, en vertu du droit civil, en cas de préjudice causé par l’inexactitude fautive de la déclaration des valeurs pertinentes en matière fiscale.

11

K a facturé, sans TVA, les prestations qu’elle fournissait aux sociétés de gestion. En effet, K fait valoir que ces prestations bénéficient de l’exonération relative à la gestion de fonds communs de placement prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, étant donné qu’elles remplissent les conditions prévues par la jurisprudence de la Cour, en particulier celles figurant au point 72 de l’arrêt du 4 mai 2006, Abbey National (C‑169/04, EU:C:2006:289), selon lequel, pour relever de cette exonération, les prestations fournies par un tiers doivent former un ensemble distinct, apprécié de façon globale, et être spécifiques et essentielles pour la gestion de ces fonds communs de placement. Selon K, les prestations de calcul de valeurs pertinentes aux fins de l’imposition des revenus des participants aux fonds dont elle a la charge n’existeraient que dans le domaine des fonds communs de placement de sorte qu’il s’agirait de prestations d’administration spécifiques et essentielles pour la gestion de ces fonds. En outre, K estime que, pour bénéficier de l’exonération, il ne serait pas nécessaire que l’intégralité de ces prestations soit externalisée.

12

Toutefois, selon l’administration fiscale, les prestations fournies par K aux sociétés de gestion ne peuvent pas relever de cette exonération. D’une part, celle-ci estime que la prestation fournie par K qui consiste à calculer des valeurs pertinentes aux fins de l’imposition des revenus des participants aux fonds n’est pas spécifique et essentielle à la gestion de fonds communs de placement. Il s’agirait plutôt d’une prestation spécifique à la profession de conseiller fiscal ou de commissaire aux comptes. D’autre part, selon l’administration fiscale, cette prestation ne serait pas suffisamment autonome pour entrer dans le champ d’application de l’exonération de TVA.

13

K a introduit des recours contre les décisions de l’administration fiscale du 9 septembre 2014, concernant la TVA des années 2008 à 2012, du 25 septembre 2015, concernant la TVA de l’année 2013 et du 23 janvier 2019, concernant la TVA de l’année 2014 devant la juridiction de renvoi qui estime qu’il subsiste des doutes quant à l’interprétation de la notion de « gestion de fonds communs de placement », au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

14

C’est dans ce contexte que le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 135, paragraphe 1, sous g) de la [directive TVA] doit-il être interprété en ce sens que la notion de “gestion de fonds communs de placement” s’entend également des tâches fiscales confiées à un tiers par la société de gestion, consistant à veiller à l’imposition conforme à la loi des revenus du fonds perçus par les participants ? »

L’affaire C‑59/20

15

Par un contrat de licence en date du 11 décembre 2008, DBKAG, qui assure la gestion de fonds communs de placement, s’est vu octroyer par SC GmbH, établie en Allemagne, un droit d’utilisation d’un logiciel servant à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances en contrepartie du paiement d’une redevance (ci-après le « logiciel SC »).

16

Le logiciel SC est spécifiquement adapté à l’activité des fonds d’investissement et aux exigences complexes du législateur dans ces domaines. SC est responsable de la réalisation de calculs corrects des indicateurs de risques et de performances.

17

Le logiciel SC ne peut être utilisé qu’en interaction avec les autres logiciels de DBKAG. En effet, DBKAG a dû adapter son environnement informatique aux besoins du logiciel SC et fixer les paramètres (notamment les méthodes de calcul) que ce logiciel doit utiliser. Grâce à des interfaces avec d’autres programmes de DBKAG, les données relatives aux cours et aux valeurs de marché, qui sont saisies par DBKAG et qui sont nécessaires aux calculs effectués par SC, sont introduites automatiquement et quotidiennement dans le programme du logiciel SC. Ainsi, ce logiciel effectue les calculs des indicateurs de risques et de performance à partir de données saisies par DBKAG. Ensuite, les indicateurs de risques et de performances calculés par le logiciel SC sont utilisés par DBKAG pour rédiger des rapports en vue de se conformer aux obligations légales d’information envers les autorités et les investisseurs relatives à la gestion des risques et des performances.

18

Par d’autres contrats en date du 11 décembre 2008, il a été convenu que SC fournirait à DBKAG diverses prestations de soutien. En particulier, SC s’est engagée à former le personnel de DBKAG aux tâches à accomplir pour configurer le logiciel SC et pour saisir manuellement les données nécessaires au fonctionnement de celui-ci. SC s’est également engagée à réaliser des mises à jour de ce logiciel pour remédier aux éventuelles déficiences de celui-ci.

19

SC a facturé l’octroi de la licence et les autres prestations de services en tant que prestations imposables et soumises à la TVA dans l’État de destination, la République d’Autriche, sans mention de la TVA mais avec mention du transfert de la dette fiscale à DBKAG en vertu du mécanisme d’auto-liquidation.

20

Cependant, DBKAG considère que les prestations fournies par SC doivent relever de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. En effet, DBKAG estime que le logiciel SC fournit des prestations de calcul des indicateurs de risques et de performances qui sont spécifiques et essentielles pour la gestion des fonds communs de placement. Selon DBKAG, le fait qu’elle fournisse elle-même certaines données au logiciel SC ne doit pas avoir d’incidence sur la qualification de ces prestations en tant qu’opérations exonérées.

21

L’administration fiscale, quant à elle, considère que l’octroi du droit d’utilisation du logiciel SC est une prestation soumise à TVA. Selon elle, SC n’apporte qu’une simple assistance technique qui n’est ni spécifique ni essentielle à la gestion du fonds commun de placement. En outre, l’administration fiscale fait valoir que, étant donné que le logiciel SC ne peut pas effectuer les calculs en cause sans la participation de DBKAG, la prestation de SC n’est pas suffisamment autonome pour relever de l’exonération de TVA.

22

DBKAG a introduit un recours contre les décisions de l’administration fiscale du 24 octobre 2014 concernant la réouverture de la procédure d’imposition à la TVA pour les années 2009 et 2010 ainsi que les avis d’imposition à la TVA pour les années 2009 et 2010 devant la juridiction de renvoi.

23

Comme dans l’affaire C‑58/20, la juridiction de renvoi estime qu’il subsiste des doutes quant à l’interprétation de la notion de « gestion de fonds communs de placement » au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. Certes, la juridiction de renvoi considère que les prestations de gestion des risques et de mesure des performances sont des activités spécifiques à la gestion de fonds communs de placement. Toutefois, la juridiction de renvoi se demande si la responsabilité assumée par SC en l’espèce est suffisante pour que la prestation de SC bénéficie de l’exonération prévue par cette disposition.

24

C’est dans ce contexte que le Bundesfinanzgericht (tribunal fédéral des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la [directive TVA] doit-il être interprété en ce sens que, aux fins de l’exonération prévue dans cette disposition relève également de la notion de “gestion de fonds communs de placement” l’octroi par un tiers concédant à une société de placement de capitaux d’un droit d’utilisation d’un logiciel spécialisé spécialement conçu pour la gestion de fonds communs de placement lorsque, comme dans l’affaire au principal, ce logiciel est exclusivement destiné à réaliser des tâches essentielles et spécifiques à la gestion de fonds communs de placement, mais ne peut être utilisé que sur l’infrastructure technique de la société de placement de capitaux et ne peut remplir ses fonctions qu’avec la collaboration secondaire de ladite société, en recourant en permanence à des données de marché fournies par celle-ci ? »

25

Par décision du président de la Cour du 3 mars 2020, les affaires C‑58/20 et C‑59/20 ont été jointes aux fins des procédures écrite et orale ainsi que de l’arrêt.

Sur les questions préjudicielles

26

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que des prestations de services fournies par des tiers à des sociétés de gestion de fonds commun de placement, telles que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition conforme à la loi nationale des revenus du fonds perçus par les participants et l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel qui sert à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, relèvent de l’exonération prévue à cette disposition.

27

À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la directive TVA abroge et remplace la sixième directive, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de cette dernière directive vaut également pour celles de la directive TVA lorsque les dispositions de ces deux instruments de droit de l’Union peuvent être qualifiées d’équivalentes.

28

Par conséquent, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive vaut également pour l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, puisque, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 3 du présent arrêt, ces dispositions sont libellées en des termes en substance identiques et peuvent, dès lors, être qualifiées d’équivalentes.

29

À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, les exonérations visées à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA constituent des notions autonomes du droit de l’Union qui ont pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à un autre [arrêt du 2 juillet 2020, Blackrock Investment Management (UK), C‑231/19, EU:C:2020:513, point 21 et jurisprudence citée].

30

En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 135, paragraphe 1, de la directive TVA sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti [arrêt du 2 juillet 2020, Blackrock Investment Management (UK), C‑231/19, EU:C:2020:513, point 22 et jurisprudence citée].

31

Par ailleurs, en vertu du principe de neutralité fiscale, les opérateurs doivent pouvoir choisir le modèle d’organisation qui, du point de vue strictement économique, leur convient le mieux, sans courir le risque de voir leurs opérations exclues de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA[arrêt du 2 juillet 2020, Blackrock Investment Management (UK), C‑231/19, EU:C:2020:513, point 50 et jurisprudence citée].

32

Ainsi, les services de gestion fournis par un gestionnaire tiers relèvent, en principe, du champ d’application de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA (arrêt du 4 mai 2006, Abbey National, C‑169/04, EU:C:2006:289, point 69).

33

Cependant, pour être qualifiés d’opérations exonérées, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, les services fournis par un gestionnaire tiers doivent former un ensemble distinct, apprécié de façon globale, destiné à satisfaire des fonctions spécifiques et essentielles de la gestion de fonds communs de placement [arrêt du 2 juillet 2020, Blackrock Investment Management (UK), C‑231/19, EU:C:2020:513, point 47 et jurisprudence citée].

34

C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 29 à 33 du présent arrêt que les questions préjudicielles posées par la juridiction de renvoi doivent être examinées.

Sur la condition liée au caractère distinct ou autonome

35

En premier lieu, pour savoir si des prestations de services fournies par des tiers à des sociétés de gestion de fonds communs de placement relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, il convient d’apprécier si ces services forment un ensemble distinct, apprécié de façon globale.

36

À cet égard, il y a lieu de noter que la condition liée au caractère « distinct » ne peut être interprétée en ce sens que, pour relever de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, une prestation de service, spécifique et essentielle à la gestion de fonds communs de placement, devrait être externalisée dans son intégralité.

37

En effet, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour, l’exonération visée à cette disposition a pour objectif de favoriser l’accès des petits investisseurs au marché des valeurs mobilières. En effet, la gestion commune des placements au sein des fonds communs de placement offre à ces derniers la possibilité de détenir, malgré un investissement modeste, un portefeuille diversifié qui les prémunit contre les risques inhérents à la fluctuation de la valeur des titres et leur permet de mutualiser le coût d’une gestion experte. En l’absence d’exonération, les détenteurs de parts dans les organismes de placement collectif seraient plus lourdement taxés que les investisseurs, a priori de plus grande taille, qui placent directement leur argent en titres et qui n’ont pas recours aux prestations de gestion de fonds. Or le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014, ATP PensionService, C‑464/12, EU:C:2014:139, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).

38

Ainsi, même si l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit faire l’objet d’une interprétation stricte, le principe de neutralité fiscale ainsi que les objectifs de cette exonération plaident en faveur d’une interprétation qui ne prive pas celle-ci de son effet (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X, C‑595/13, EU:C:2015:801, point 68).

39

Or, si une prestation spécifique et essentielle à la gestion de fonds communs de placement devait être soumise à la TVA du simple fait qu’elle n’est pas externalisée dans son intégralité, cela favoriserait les sociétés de gestion qui fournissent elles-mêmes cette prestation ainsi que les investisseurs qui placent directement leur argent en titres et qui n’ont pas recours aux prestations de gestion de fonds (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014, ATP PensionService, C‑464/12, EU:C:2014:139, point 72 et jurisprudence citée).

40

Ainsi, une interprétation de la condition liée au caractère « distinct » qui consiste à considérer que, pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, une prestation de service qui est spécifique et essentielle à la gestion de fonds communs de placement doit être externalisée dans son intégralité conduirait à limiter l’effet utile de la possibilité pour une telle prestation de bénéficier de ladite exonération lorsque celle-ci est fournie par un tiers.

41

D’ailleurs, la Cour a considéré que les prestations de conseil en placement de valeurs mobilières et les recommandations d’achat et de vente d’actifs fournies par un tiers à une société de gestion de fonds communs de placement, qui étaient spécifiques et essentielles à la gestion de ce fond, pouvaient relever de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2013, GfBk, C‑275/11, EU:C:2013:141, point 33).

42

En effet, la Cour a estimé qu’il importait peu qu’il incombe à cette société de gestion de mettre en œuvre ces recommandations après avoir vérifié que celles-ci ne violaient aucune restriction légale en matière d’investissement applicable aux fonds communs de placement et que ladite société de gestion conserve ainsi un pouvoir de décision et de responsabilité en dernier ressort (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2013, GfBk, C‑275/11, EU:C:2013:141, point 27).

43

En l’occurrence, s’agissant de l’affaire C‑58/20, pour déterminer si les services fournis par K aux sociétés de gestion concernées, tels que les prestations de calcul de valeurs pertinentes aux fins de l’imposition des revenus des participants aux fonds, relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si ces services doivent être regardés comme étant spécifiques et essentiels à l’activité de gestion de fonds communs de placement. Le fait qu’il incombe aux sociétés de gestion d’établir les déclarations normalisées à partir des calculs effectués par un tiers ainsi que de transmettre ces déclarations à la cellule de déclaration n’est pas en soi déterminant pour décider si de tels services relèvent de ladite exonération.

44

De la même façon, en ce qui concerne l’affaire C‑59/20, pour déterminer si les services fournis par SC à DBKAG, tels que l’octroi du droit d’utilisation du logiciel SC, relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g) de la directive TVA, il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si ces services doivent être regardés comme étant spécifiques et essentiels à l’activité de gestion de fonds communs de placement. Le fait que le logiciel en cause ne peut être utilisé que sur l’infrastructure technique de la société de gestion concernée et ne peut remplir ses fonctions qu’avec la collaboration secondaire de cette société en recourant en permanence à des données de marché fournies par celle-ci n’est pas en soi déterminant pour décider si de tels services relèvent de ladite exonération.

Sur la condition liée au caractère spécifique et essentiel du service

45

En deuxième lieu, afin de déterminer si des prestations de service fournies par des tiers à des sociétés de gestion de fonds communs de placement, telles que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition conforme à la loi nationale des revenus du fonds perçus par les participants et l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel qui sert à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, il convient d’apprécier si ces services sont spécifiques et essentiels à la gestion de fonds communs de placement.

46

Premièrement, s’agissant des tâches fiscales, il convient de rappeler que la Cour a jugé que entrent dans le champ d’application de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, outre les fonctions de gestion de portefeuille, celles d’administration des organismes de placement collectif eux-mêmes, telles que celles indiquées à l’annexe II de la directive OPCVM (arrêt du 4 mai 2006, Abbey National, C‑169/04, EU:C:2006:289, point 64).

47

En effet, l’annexe II de la directive OPCVM prévoit que l’activité de gestion collective de portefeuille comprend notamment des fonctions d’administration telles que des services juridiques et de gestion comptable du fonds ainsi que l’évaluation du portefeuille et la détermination de la valeur des parts (y compris les aspects fiscaux).

48

En outre, le fait que certaines prestations ne soient pas énumérées à l’annexe II de la directive OPCVM ne fait pas obstacle à leur inclusion dans la catégorie des services spécifiques relevant des activités de « gestion » d’un fonds commun de placement, au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA (arrêt du 7 mars 2013, GfBk, C‑275/11, EU:C:2013:141, point 25).

49

En effet, pour déterminer si les prestations fournies par un tiers à une société de gestion relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g) de la directive TVA, il convient de rechercher si le service fourni par ce tiers présente un lien intrinsèque avec l’activité propre à la société de gestion, en sorte qu’il a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles de la gestion d’un fonds commun de placement (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2013, GfBk, C‑275/11, EU:C:2013:141, point 23).

50

À cet égard, relèvent de la notion de « gestion » d’un fonds commun de placement au sens de l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA non seulement la gestion d’investissements, impliquant le choix et la cession des actifs qui font l’objet de cette gestion, mais encore des prestations d’administration et de comptabilité, telles que le calcul du montant des revenus et du prix des parts ou actions du fonds, les évaluations d’actifs, la comptabilité, la préparation de déclarations pour la distribution des revenus, la fourniture d’informations et de documentations pour les comptes périodiques et pour les déclarations fiscales, statistiques et de TVA ainsi que la préparation des prévisions de revenus (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2013, GfBk, C‑275/11, EU:C:2013:141, point 27).

51

En revanche, des prestations qui seraient non pas spécifiques à l’activité d’un fonds commun de placement, mais inhérentes à tout type d’investissement n’entrent pas dans le champ d’application de cette notion de « gestion » d’un fonds commun de placement (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X, C‑595/13, EU:C:2015:801, point 78).

52

Ainsi, dans la mesure où des prestations d’administration et de comptabilité fournies par un tiers à une société de gestion, telles que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition conforme à la loi nationale des revenus du fonds perçus par les participants, présentent un lien intrinsèque avec l’activité de gestion de fonds communs de placement, celles-ci relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA.

53

Deuxièmement, s’agissant de l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel, certes, au point 71 de l’arrêt du 4 mai 2006, Abbey National (C‑169/04, EU:C:2006:289), la Cour s’est fondée sur l’arrêt du 5 juin 1997, SDC (C‑2/95, EU:C:1997:278), pour considérer que de simples prestations matérielle ou technique, telles que la mise à disposition d’un système informatique, n’étaient pas couvertes par l’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 6, de la sixième directive, qui a été remplacé par l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA (arrêt du 9 décembre 2015, Fiscale Eenheid X, C‑595/13, EU:C:2015:801, point 74).

54

Toutefois, cette jurisprudence ne saurait être lue comme signifiant qu’il y a lieu d’exclure d’emblée du champ d’application de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA tout service fourni par un tiers à une société de gestion à travers un système informatique.

55

En effet, la Cour a précisé, au point 37 de l’arrêt du 5 juin 1997, SDC (C‑2/95, EU:C:1997:278), que le seul fait qu’un service soit entièrement effectué par des moyens électroniques n’empêche pas, par lui-même, l’application de l’exonération à ce service.

56

Plus particulièrement, dans l’arrêt du 2 juillet 2020, Blackrock Investment Management (UK) (C‑231/19, EU:C:2020:513), alors qu’il était question de services, notamment de contrôle de performances et des risques, fournis par un tiers à des sociétés de gestion de fonds à travers une plateforme informatique, la Cour n’a pas exclu d’emblée ces services du champ d’application de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA. En revanche, la Cour a considéré que ces services ne pouvaient pas bénéficier de cette exonération en se fondant, aux points 48 et 49 de cet arrêt, sur la circonstance que lesdits services n’étaient pas spécifiques à la gestion de fonds communs de placement, étant donné qu’ils avaient été conçus aux fins de la gestion d’investissements de natures variées et qu’ils pouvaient être indifféremment utilisés pour la gestion de fonds communs de placement et pour celle d’autres fonds.

57

Ainsi, dès lors qu’un service, tel que l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel, est fourni exclusivement aux fins de la gestion de fonds communs de placement, et non à d’autres fonds, il peut être considéré comme étant « spécifique » à cette fin.

58

Il ressort, dès lors, de ce qui précède que des prestations de services, telles que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition conforme à la loi nationale des revenus du fonds perçus par les participants et l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel servant à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, relèvent de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA, si elles présentent un lien intrinsèque avec la gestion de fonds communs de placement et si elles sont fournies exclusivement aux fins de la gestion de tels fonds.

59

En l’occurrence, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si les services fournis par K et SC aux sociétés de gestion en cause au principal remplissent ces conditions.

60

En particulier, dans l’affaire C‑58/20, la juridiction de renvoi devra notamment rechercher si les tâches fiscales effectuées par K répondent aux obligations prévues par la loi autrichienne qui sont spécifiques aux fonds communs de placement et qui se distinguent donc des obligations prévues pour d’autres types de fonds d’investissement.

61

Dans l’affaire C‑59/20, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction de renvoi considère que les prestations de gestion des risques et de mesure des performances sont des activités spécifiques à la gestion de tels fonds. Cette juridiction indique également que les calculs du logiciel en cause au principal constituent une base essentielle pour que DBKAG puisse remplir les fonctions de gestion des risques et de mesure des performances requises par la loi autrichienne. Dès lors, le fait que ce logiciel serve à effectuer des calculs essentiels aux prestations administratives de gestion des risques et de mesure des performances du fonds en cause pourrait permettre de considérer que ledit logiciel est essentiel à la gestion dudit fonds. Il appartiendra néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier si les conditions mentionnées au point 58 du présent arrêt sont remplies.

62

Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive TVA doit être interprété en ce sens que des prestations de services fournies par des tiers à des sociétés de gestion de fonds communs de placement, telles que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition conforme à la loi nationale des revenus du fonds perçus par les participants et l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel qui sert exclusivement à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, relèvent de l’exonération prévue à cette disposition, si elles présentent un lien intrinsèque avec la gestion de fonds communs de placement et si elles sont fournies exclusivement aux fins de la gestion de tels fonds, quand bien même ces prestations de services ne seraient pas externalisées dans leur intégralité.

Sur les dépens

63

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

 

L’article 135, paragraphe 1, sous g), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que des prestations de services fournies par des tiers à des sociétés de gestion de fonds communs de placement, telles que des tâches fiscales qui consistent à veiller à l’imposition conforme à la loi nationale des revenus du fonds perçus par les participants et l’octroi d’un droit d’utilisation d’un logiciel qui sert exclusivement à effectuer des calculs essentiels à la gestion des risques et à la mesure des performances, relèvent de l’exonération prévue à cette disposition, si elles présentent un lien intrinsèque avec la gestion de fonds communs de placement et si elles sont fournies exclusivement aux fins de la gestion de tels fonds, quand bien même ces prestations de services ne seraient pas externalisées dans leur intégralité.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.