C-269/20 - Finanzamt T

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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

1er décembre 2022 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Sixième directive 77/388/CEE – Article 4, paragraphe 4, second alinéa – Assujettis – Faculté pour les États membres de considérer comme un seul assujetti des personnes indépendantes du point de vue juridique mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation (“groupement TVA”) – Réglementation nationale désignant l’organe faîtier du groupement TVA comme seul assujetti – Prestations internes au groupement TVA – Article 6, paragraphe 2, sous b) – Prestations de services fournies à titre gratuit – Notion de “fins étrangères à l’entreprise” »

Dans l’affaire C‑269/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne), par décision du 7 mai 2020, parvenue à la Cour le 18 juin 2020, dans la procédure

Finanzamt T

contre

S,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Arabadjiev, président de chambre, MM. P. G. Xuereb (rapporteur), T. von Danwitz, A. Kumin et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme S. Heimerl, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. R. Pethke, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 27 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 4, et de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1, ci-après la « sixième directive »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt T (administration fiscale T, Allemagne) (ci-après l’« administration fiscale ») à S, une fondation allemande de droit public, au sujet de l’imposition de cette fondation à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour l’exercice fiscal 2005.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        La sixième directive a été abrogée et remplacée, à compter du 1er janvier 2007, par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1). Toutefois, compte tenu de la date des faits en cause dans le litige au principal, celui-ci demeure régi par la sixième directive.

4        L’article 2 de la sixième directive disposait :

« Sont soumises à la [TVA] :

1.      les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel

[...] »

5        L’article 4 de cette directive prévoyait :

« 1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

[...]

4.      Le terme “d’une façon indépendante” utilisé au paragraphe 1 exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l’employeur.

Sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, chaque État membre a la faculté de considérer comme un seul assujetti les personnes établies à l’intérieur du pays qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

5.      Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d’assujettis notamment pour les opérations énumérées à l’annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.

Les États membres peuvent considérer comme activités de l’autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28. »

6        Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de ladite directive :

« Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux :

a)      l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la [TVA] ;

b)      les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence. »

7        L’article 17, paragraphe 2, de la même directive énonçait :

« Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable :

a)      la [TVA] due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti ;

[...] »

 Le droit allemand

8        L’article 2, paragraphe 2, de l’Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UStG »), est ainsi libellé :

« L’activité industrielle, commerciale, artisanale ou professionnelle n’est pas exercée d’une façon indépendante :

[...]

2.      lorsque l’architecture globale des liens effectifs montre qu’une personne morale est intégrée à l’entreprise de l’organe faîtier (unité fiscale) sur les plans financier, économique et de l’organisation. Les effets de l’affiliation se limitent aux prestations internes entre les branches de l’entreprise sises dans le pays. Ces branches doivent être traitées comme une seule entreprise. [...]

[...] »

9        L’article 3, paragraphe 9a, de l’UStG dispose :

« Sont assimilées à une autre prestation à titre onéreux :

1.      l’utilisation par un entrepreneur d’un bien affecté à l’entreprise, ayant donné droit à une déduction totale ou partielle de la taxe payée en amont, pour des fins étrangères à l’entreprise ou pour les besoins privés de son personnel, pour autant qu’il ne s’agisse pas de petites attentions [à l’égard de celui–ci] ; cela n’est pas applicable lorsque la déduction de la taxe payée en amont est exclue en vertu de l’article 15, paragraphe 1b, ou lorsqu’une régularisation de la déduction de la taxe payée en amont doit être effectuée au titre de l’article 15a, paragraphe 6a ;

2.      la fourniture à titre gratuit par l’entrepreneur d’une autre prestation pour des fins étrangères à l’entreprise ou pour les besoins privés de son personnel, pour autant qu’il ne s’agisse pas de petites attentions [à l’égard de celui–ci]. »

10      L’article 73 de l’Abgabenordnung (code des impôts), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« AO »), prévoit :

« Une société organiquement liée est redevable des impôts de l’entité faîtière pour lesquels l’unité fiscale qu’elles composent est pertinente sur le plan fiscal. [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      S, une fondation allemande de droit public, est l’organe faîtier tant d’un département de médecine universitaire, que de U-GmbH. Elle est assujettie à la TVA pour les services qu’elle fournit à titre onéreux, tout en n’étant pas considérée comme assujettie pour les activités qu’elle accomplit dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique.

12      Pour l’exercice fiscal en cause au principal, U-GmbH a fourni à S des services de nettoyage, d’hygiène et de blanchisserie, ainsi que de transport de patients. S’agissant, en particulier, des services de nettoyage, ceux-ci auraient été fournis pour l’ensemble du complexe immobilier que constitue le département de médecine universitaire, dont feraient partie les chambres des patients, les couloirs, les salles d’opérations, les salles de cours et les laboratoires.

13      Il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que, d’une part, l’espace hospitalier, en tant que tel, pour autant qu’il serait dédié aux soins prodigués aux patients, relèverait de l’exercice des activités économiques accomplies par S, pour lesquelles celle-ci serait assujettie à la TVA. D’autre part, les salles de cours, les laboratoires et les autres locaux seraient utilisés pour la formation des étudiants, activité que cette fondation effectuerait dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique et pour laquelle elle ne serait pas considérée comme étant assujettie à cette taxe. La proportion de la surface du complexe immobilier en question, pour laquelle des services de nettoyage avaient été fournis au titre de ce dernier type d’activités, s’élèverait à 7,6 % de la surface totale dudit complexe immobilier. Pour ses services, U-GmbH aurait reçu de la part de S une rémunération s’élevant à 76 085,48 euros.

14      À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a rectifié l’avis de taxation de S pour l’exercice fiscal en cause, considérant que les établissements de celle-ci formaient une entreprise unique, pour laquelle une seule déclaration de TVA devait être établie et, partant, un seul avis de taxation devait être émis.

15      Selon l’administration fiscale, les services de nettoyage dont S avait bénéficié au titre des activités relevant de ses prérogatives de puissance publique lui auraient été fournis par U-GmbH dans le cadre de l’unité fiscale (Organschaft) que ces entités composaient, au sens de l’article 2, paragraphe 2, point 2, de l’UStG, qui vise à mettre en œuvre, en droit allemand, la possibilité, prévue à l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, de considérer comme constituant un seul assujetti les personnes qui sont indépendantes du point de vue juridique, mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

16      Dès lors, ces services de nettoyage auraient ainsi soutenu une activité étrangère à l’entreprise et auraient généré en faveur de S une « valeur remise à titre gratuit », conformément à l’article 3, paragraphe 9a, point 2, de l’UStG, lu à la lumière de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive.

17      Eu égard à ces éléments, l’administration fiscale a estimé, en tenant compte de la proportion, à hauteur de 7,6 % de la surface du complexe immobilier en question, attribuée aux activités accomplies par S dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, que la somme correspondant au nettoyage de cette proportion de la surface, par U-GmbH, s’élevait à 5 782,50 euros. Après déduction d’une majoration au titre des bénéfices, évaluée à 525,66 euros, l’administration fiscale a fixé à 5 257 euros la base d’imposition pour la « valeur remise à titre gratuit » et, ainsi, une charge fiscale augmentée de 841,12 euros.

18      Le rejet de la réclamation administrative formée par S contre cet avis de taxation rectificatif a fait l’objet d’un recours devant le Finanzgericht (tribunal des finances, Allemagne). Cette juridiction a accueilli ce recours, faisant valoir, en substance, que l’unité fiscale (Organschaft)  réunissant, en une seule entreprise, l’organe faîtier S et U-GmbH, en tant que société organiquement liée, s’étendait également aux activités accomplies par cet organe faîtier dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique. Par ailleurs, selon ladite juridiction, les conditions d’une « valeur remise à titre gratuit », en vertu de l’article 3, paragraphe 9a, point 2, de l’UStG ne seraient pas réunies.

19      L’administration fiscale a formé un recours en Revision contre ce jugement devant le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne).

20      La juridiction de renvoi souligne d’emblée que, aux termes de l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, une société organiquement liée et intégrée à l’entreprise de l’organe faîtier d’un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation (ci-après le « groupement TVA »), n’est pas considérée comme exerçant son activité économique de manière indépendante. Cette société organiquement liée, qui, si elle était prise en compte séparément devrait être assujettie à la TVA, serait, en réalité, eu égard aux liens financiers, économiques et organisationnels qu’elle entretient avec cet organe faîtier, considérée comme étant une employée de celui-ci. Cela aurait des répercussions en ce qui concerne les opérations qu’elle accomplit tant à l’égard des tiers qu’auprès dudit organe faîtier.

21      La juridiction de renvoi précise, d’une part, s’agissant des opérations qu’une société organiquement liée effectue à l’égard des tiers, que l’exigence relative à la nécessité d’y avoir un assujetti unique, au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive serait garantie, quand bien même cet assujetti serait non pas la société organiquement liée, mais l’organe faîtier du groupement. Ce dernier serait ainsi redevable de la TVA, non seulement pour ses propres opérations, mais également pour celles réalisées par la société organiquement liée à l’égard des tiers. Partant, en l’occurrence, S serait redevable de cette taxe pour les opérations accomplies par U-GmbH à l’égard des tiers.

22      D’autre part, s’agissant des opérations réalisées entre une société organiquement liée et l’organe faîtier d’un groupement TVA, celles-ci seraient réputées être effectuées au sein d’un même assujetti, de sorte qu’elles devraient être considérées comme ne relevant pas du champ d’application de la TVA. Or, en l’occurrence, les services de nettoyage, fournis par U-GmbH à S, constitueraient justement de telles opérations internes.

23      Compte tenu des éléments qui précèdent, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si la faculté dont disposent les États membres au titre de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, de désigner un assujetti unique d’un groupement TVA, doit être interprétée en ce sens que cet assujetti doit être considéré comme étant soit un membre de ce groupement, lequel serait redevable de la TVA pour toutes les opérations effectuées par les autres membres dudit groupement (« proposition de réponse A »), soit le groupement TVA lui-même, qui serait distinct de ses membres. Dans cette seconde configuration, un tel groupement serait appréhendé comme une entité fictive créée aux seules fins de la TVA (« proposition de réponse B »).

24      Si, selon la juridiction de renvoi, la proposition de réponse A correspondait à des décennies de jurisprudence du Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances), il serait toutefois nécessaire que la Cour fournisse des éclaircissements supplémentaires au regard, en particulier, des enseignements ressortant de l’arrêt du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige  (C‑7/13, EU:C:2014:2225, points 28 et 29), en ce qui concerne le point de savoir si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive  peut être interprété en ce sens qu’il autorise un État membre à désigner en tant qu’assujetti unique, au lieu du groupement TVA lui-même, un membre de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci.

25      À cet égard, la juridiction de renvoi considère que l’article 2, paragraphe 2, point 2, première phrase, de l’UStG, pour autant qu’il concentre le paiement de la TVA dans le chef de l’un des membres du groupement, procède à une simplification de l’application du droit de la TVA, répondant ainsi à l’objectif de « simplification administrative » poursuivi à l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive.

26      En revanche, selon cette juridiction, aucune simplification administrative ne saurait ressortir de l’approche en vertu de laquelle il serait nécessaire de créer un groupement TVA indépendant, au sens d’une « entité fictive ».

27      En outre, les arrêts  du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin  (C‑162/07, EU:C:2008:301, point 19), du 9 avril 2013, Commission/Irlande (C‑85/11, EU:C:2013:217, points 40 et 48), ainsi que du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige (C‑7/13, EU:C:2014:2225, points 28, 29, 35 et 37), ne sauraient être interprétés comme laissant entendre qu’un État membre n’est pas autorisé à désigner, en tant qu’assujetti unique d’un groupement TVA, un membre représentatif de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci.

28      Par ailleurs, la circonstance qu’un seul membre du groupement TVA soit assujetti pour l’ensemble du groupement ne s’opposerait pas à la responsabilité solidaire des autres membres du groupement. À ce titre, l’article 73, première phrase, de l’AO prévoirait, en substance, la responsabilité solidaire des sociétés organiquement liées en ce qui concerne la dette fiscale de l’organe faîtier dudit groupement.

29      Selon ladite juridiction, si l’interrogation soulevée au point 23 du présent arrêt devait appeler la proposition de réponse B, relevée à ce point 23, cela impliquerait, en substance, que, en l’occurrence, il ne saurait être considéré qu’il existe une unité fiscale entre l’organe faîtier S et la société organiquement liée U-GmbH. Ainsi, l’application de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive serait exclue, étant donné que, en l’absence d’unité fiscale, cette dernière société devrait être considérée en tant qu’assujettie indépendante ayant fourni des services à S, pour lesquels elle serait redevable de la TVA, au titre de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive.

30      Dans l’hypothèse où la proposition de réponse A, relevée au point 23 du présent arrêt, devait toutefois l’emporter, la juridiction de renvoi s’interroge, en outre, sur le point de savoir si la jurisprudence de la Cour portant sur l’article 6, paragraphe 2, de la sixième directive et, en particulier, celle issue de l’arrêt du 12 février 2009, Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie  (C‑515/07, EU:C:2009:88), doit être interprétée en ce sens que, dans un cas de figure tel que celui au principal − concernant une entité, telle que S, qui exerce, d’une part, des activités économiques pour lesquelles elle est assujettie et, d’autre part, des activités qu’elle accomplit dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, pour lesquelles elle n’est pas considérée comme assujettie à la TVA au titre de l’article 4, paragraphe 5, de cette directive −, la fourniture à titre gratuit d’une prestation de services relevant du domaine d’activité économique de l’entité concernée et destinée à son domaine d’activité de puissance publique pourrait être taxée, au titre de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de ladite directive.

31      Elle précise que, s’il devait être répondu à la première question par la proposition de réponse A et que, partant, il convenait d’interpréter l’article 2, paragraphe 2, point 2, de l’UStG comme étant conforme à la sixième directive, cela aurait pour conséquence que, en l’occurrence, U-GmbH devrait être considérée, conformément à cette disposition de droit allemand, comme n’exerçant pas son activité de manière indépendante, de sorte qu’elle constituerait un assujetti unique avec l’organe faîtier S. Ainsi, aucune prestation de services à titre onéreux, au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive n’aurait été fournie par cette société à S, l’activité de ladite société devant être considérée comme étant une activité propre audit organe faîtier.

32      Il y aurait donc lieu de déterminer si ce dernier doit être considéré comme ayant fourni, au moyen des ressources de son entreprise – dont ferraient partie, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, point 2, de l’UStG et de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, également les ressources de U-GmbH –, des prestations de nettoyage à titre gratuit, à des fins étrangères à son entreprise, au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive, en raison du fait que ces prestations ont été fournies pour son domaine d’activité de puissance publique, en tant qu’« activité non économique ».

33      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La faculté pour les États membres, prévue à l’article 4, paragraphe 4, deuxième alinéa, de la [sixième directive], de considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur leur territoire qui sont indépendantes du point de vue juridique, mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, doit-elle être exercée de manière que

a)      le traitement comme un seul assujetti porte sur l’une de ces personnes, qui est assujettie pour toutes les opérations de ces personnes, ou de manière que

b)      le traitement comme un seul assujetti aboutisse obligatoirement – y compris, par conséquent, au prix de pertes de recettes fiscales considérables – à un groupement TVA distinct de ces personnes étroitement liées entre elles, groupement constituant une entité fictive créée aux seules fins de la TVA ?

2)      Dans l’hypothèse où [la proposition de réponse A] serait la réponse correcte à la première question : découle-t-il de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne relative aux fins étrangères à l’entreprise, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la [sixième directive] (arrêt du 12 février 2009, Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie, C‑515/07, EU:C:2009:88) que, dans le cas d’un assujetti

a)      qui exerce, d’une part, une activité économique et qui effectue ainsi des prestations à titre onéreux au sens de l’article 2, point 1, de la sixième directive [...] et

b)      qui exerce en même temps, d’autre part, une activité qu’il accomplit en tant qu’autorité publique (activité de puissance publique), pour laquelle il n’est pas considéré comme un assujetti en vertu de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive [...],

la fourniture à titre gratuit d’un service relevant du domaine de l’activité économique de cet assujetti et destiné au domaine de son activité de puissance publique ne doit pas être taxée en vertu de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive [...] ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

34      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti unique à la TVA, non pas le groupement TVA lui-même, mais un membre de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci.

35      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, afin d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il convient de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir, notamment, arrêt du 24 février 2022, Airhelp (Retard de vol de réacheminement), C‑451/20, EU:C:2022:123, point 22 et jurisprudence citée].

36      En outre, il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme (voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2013, Commission/Suède, C‑480/10, EU:C:2013:263, point 33 et jurisprudence citée).

37      Il importe spécifiquement, pour une application uniforme de la sixième directive, que la notion de « liens étroits sur le plan financier », au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de cette directive, reçoive une interprétation autonome et uniforme. Une telle interprétation s’impose, malgré le caractère facultatif, pour les États membres, du régime que cet article prévoit, afin d’éviter, lorsqu’il est mis en œuvre, des divergences dans l’application de ce régime d’un État membre à l’autre (voir en ce sens, par analogie, arrêt du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C‑868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 44 et jurisprudence citée).

38      À cet égard, il résulte du libellé de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive que ce dernier permet à chaque État membre de considérer plusieurs entités comme un seul assujetti lorsque celles-ci sont établies sur le territoire de ce même État membre et que, bien qu’elles soient indépendantes du point de vue juridique, elles sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation. Cet article, selon son libellé, ne soumet pas son application à d’autres conditions. Il ne prévoit pas non plus la possibilité, pour les États membres, d’imposer d’autres conditions aux opérateurs économiques pour pouvoir constituer un groupe TVA (voir, en ce sens, arrêt du 25 avril 2013, Commission/Suède, C‑480/10, EU:C:2013:263, point 35 et jurisprudence citée).

39      La mise en œuvre du régime prévu à l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive implique que la réglementation nationale prise sur le fondement de cette disposition autorise les entités présentant des liens sur les plans financier, économique et de l’organisation à cesser d’être considérées comme des assujettis distincts à la TVA pour être considérées comme un assujetti unique. Ainsi, lorsqu’il est fait application, par un État membre, de ladite disposition, la ou les entités subordonnées au sens de cette même disposition ne peuvent être considérées comme un ou des assujettis au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin, C‑162/07, EU:C:2008:301, point 19 ainsi que jurisprudence citée).

40      Il en résulte que l’assimilation à un assujetti unique en vertu de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive exclut que les membres du groupement TVA continuent à souscrire séparément des déclarations de TVA et continuent à être identifiés, dans et hors de leur groupe, comme des assujettis, dès lors que seul l’assujetti unique est habilité à souscrire lesdites déclarations. Cette disposition suppose donc nécessairement, lorsqu’il en est fait application par un État membre, que la réglementation nationale de transposition fasse en sorte que l’assujetti soit unique et qu’un seul numéro de TVA soit octroyé pour le groupe (arrêt du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin, C‑162/07, EU:C:2008:301, points 19 et 20).

41      Il s’ensuit que, dans une telle situation, les prestations de services fournies par un tiers en faveur d’un membre d’un groupement TVA doivent être considérées, aux fins de la TVA, comme ayant été fournies en faveur non pas de ce membre, mais du groupement TVA lui-même auquel ce membre appartient (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2020, Kaplan International colleges UK, C‑77/19, EU:C:2020:934, point 46 et jurisprudence citée).

42      En ce qui concerne le contexte de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, il ne ressort ni de cette disposition ni du système instauré par cette directive, que celle-ci constitue une disposition dérogatoire ou particulière qui devrait être interprétée de manière restrictive. Ainsi qu’il découle de la jurisprudence de la Cour, la condition relative à l’existence d’un lien étroit sur le plan financier ne saurait être interprétée de manière restrictive (voir par analogie, en ce qui concerne l’article 11 de la directive TVA, arrêts du 25 avril 2013, Commission/Suède, C-480/10, EU:C:2013:263, point 36, et du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C‑868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 45).

43      S’agissant des objectifs poursuivis par l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, il convient de rappeler d’emblée qu’il ressort des motifs de la proposition de la Commission [COM(73) 950 final] ayant conduit à l’adoption de la sixième directive que le législateur de l’Union, en adoptant cette disposition, a voulu permettre aux États membres de ne pas lier systématiquement la qualité d’assujetti à la notion d’« indépendance purement juridique », soit dans un souci de simplification administrative, soit pour éviter certains abus tels que le fractionnement d’une entreprise entre plusieurs assujettis dans le but de bénéficier d’un régime particulier (voir, en ce sens, arrêts du 25 avril 2013, Commission/Suède, C‑480/10, EU:C:2013:263, point 37 ainsi que jurisprudence citée, et du 15 avril 2021, Finanzamt für Körperschaften Berlin, C‑868/19, non publié, EU:C:2021:285, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

44      À cet égard, si la sixième directive ne comportait pas, jusqu’à l’entrée en vigueur du troisième alinéa de son article 4, paragraphe 4, issu de la directive 2006/69/CE du Conseil, du 24 juillet 2006, modifiant la directive 77/388/CEE en ce qui concerne certaines mesures visant à simplifier la perception de la taxe sur la valeur ajoutée et à lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, et abrogeant certaines décisions accordant des dérogations (JO 2006, L 221, p. 9), de dispositions explicites conférant aux États membres la faculté d’adopter des mesures nécessaires aux fins de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, cette circonstance ne privait pas les États membres de la possibilité d’adopter, avant cette entrée en vigueur, de telles mesures, dès lors que la lutte, par les États membres, contre la fraude et l’évasion fiscales constitue un objectif reconnu et encouragé par la sixième directive, même en l’absence d’habilitation expresse du législateur de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

45      Ainsi, pour l’application de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, les États membres, dans le cadre de leur marge d’appréciation, pouvaient soumettre l’application du régime du groupement TVA à certaines restrictions pourvu qu’elles s’inscrivent dans les objectifs de cette directive visant à prévenir les pratiques ou les comportements abusifs ou à lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Larentia + Minerva et Marenave Schiffahrt, C‑108/14 et C‑109/14, EU:C:2015:496, point 41 ainsi que jurisprudence citée).

46      En l’occurrence, il découle des explications fournies par la juridiction de renvoi et par le gouvernement allemand que le législateur allemand a fait usage de la faculté offerte par l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, au moyen de l’article 2, paragraphe 2, point 2, de l’UStG, qui prévoit la possibilité de former des « unités fiscales ».

47      Il résulte également de ces mêmes explications que, en vertu du droit allemand, si l’organe faîtier d’un groupement TVA est considéré comme étant l’assujetti unique de ce groupement, au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, l’article 73 de l’AO prévoit, toutefois, qu’une société organiquement liée peut, le cas échéant, être redevable des impôts correspondant aux autres membres de l’unité fiscale dont elle fait partie, y compris de l’organe faîtier de celle-ci, pour lesquels l’unité fiscale qu’ils composent est pertinente sur le plan fiscal.

48      S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive s’oppose à la pratique allemande consistant en la désignation, en tant qu’assujetti unique, non pas du groupement TVA lui-même, mais d’un membre de celui-ci, à savoir de son organe faîtier, il y a lieu de préciser que, si la Cour a, en substance, dit pour droit, dans les arrêts du 22 mai 2008, Ampliscientifica et Amplifin (C‑162/07, EU:C:2008:301, points 19 et 20), ainsi que du 17 septembre 2014, Skandia America (USA), filial Sverige (C–7/13, EU:C:2014:2225, points 34, 35 et 37), que le groupement TVA est, en tant qu’assujetti, redevable de la TVA, il n’en reste pas moins que, lorsque plusieurs membres, juridiquement indépendants, d’un groupement TVA constituent ensemble un seul assujetti, un interlocuteur unique doit assumer les obligations de ce groupement TVA à l’égard des autorités fiscales. Or, l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive ne contient aucune prescription concernant la désignation de l’entité représentative du groupement TVA, ni sur la forme sous laquelle celle-ci assume les obligations d’assujetti d’un tel groupement.

49      À cet égard et indépendamment de la possibilité de prévoir une représentation du groupement TVA par un de ces membres, les objectifs visés au point 43 peuvent justifier que l’organe faîtier du groupement TVA est désigné en tant qu’assujetti unique, lorsque cet organe est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie de ce groupement, permettant d’assurer l’exacte perception de la TVA.

50      Cela étant, encore faut-il que la circonstance que ce n’est non pas le groupement TVA lui-même, mais son organe faîtier le représentant qui remplit le rôle d’assujetti unique, au sens de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, n’entraîne pas de risque de pertes fiscales.

51      Or, il ressort de ces explications fournies par la juridiction de renvoi, telles que relevées au point 28 du présent arrêt, ainsi que par le gouvernement allemand, dans ses observations écrites, que, pour autant que l’obligation de déclaration incombant à cet organe faîtier s’étend aux prestations fournies et reçues par tous les membres de ce groupement et que la dette fiscale qui en résulte comprend l’intégralité de ces prestations, cela conduirait au même résultat que si le groupement TVA était, lui-même, assujetti à cette taxe.

52      Il ressort également de ces explications que, quand bien même, en vertu du droit allemand, l’ensemble des obligations en matière de TVA pèseraient sur ledit organe faîtier, en sa qualité de représentant du groupement TVA auprès des administrations fiscales compétentes, il n’en reste pas moins que ces administrations fiscales peuvent, le cas échéant, se retourner vers les autres entités faisant partie dudit groupement, en prenant appui sur l’article 73 de l’AO.

53      Compte tenu des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti unique à la TVA, non pas le groupement TVA lui-même, mais un membre de ce groupement, à savoir l’organe faîtier de celui-ci, lorsque cet organe est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie de ce groupement et à condition que cette désignation n’entraîne pas un risque de pertes fiscales.

 Sur la seconde question

54      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans le cas de figure d’une entité qui constitue l’assujetti unique d’un groupement TVA et qui effectue, d’une part, des activités économiques pour lesquelles elle est assujettie et, d’autre part, des activités qu’elle accomplit dans le cadre de l’exercice des prérogatives de puissance publique, pour lesquelles elle n’est pas considérée comme assujettie à la TVA en vertu de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, la fourniture, par une entité faisant partie de ce groupement d’une prestation de services en lien avec ledit exercice, doit être considérée comme une prestation de services relevant du domaine d’activité économique dudit assujetti unique et destinée à son domaine d’activité de puissance publique, pouvant être taxée au titre de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de cette directive.

55      Il convient de rappeler d’emblée que, conformément à l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive, sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux les prestations de services effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

56      La Cour a déjà jugé que l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive empêche qu’un assujetti ou des membres de son personnel obtiennent en franchise de taxe des prestations de services de l’assujetti pour lesquelles une personne privée aurait dû acquitter la TVA (arrêt du 20 janvier 2005, Hotel Scandic Gåsabäck, C‑412/03, EU:C:2005:47, point 23).

57      En revanche, l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive n’a pas vocation à établir une règle selon laquelle des opérations qui se situent en dehors du champ d’application du régime de la TVA peuvent être considérées comme étant effectuées à des « fins étrangères » à l’entreprise au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2009, Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie, C‑515/07, EU:C:2009:88, point 38).

58      Il s’ensuit que, lorsqu’un assujetti unique d’un groupement TVA bénéficie d’une prestation de services par une entité faisant partie de ce groupement destiné à son domaine d’activité de puissance publique, considérer qu’une telle prestation est imposable en vertu de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive reviendrait à considérer que ladite prestation est effectuée à des fins étrangères à l’entreprise et donc à assimiler l’activité de puissance publique qui se situe en dehors du champ d’application de la TVA, conformément à l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, à une telle activité.

59      Une telle interprétation reviendrait à vider de son sens tant l’article 2, point 1, que l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive.

60      En outre, il convient de préciser que, en tout état de cause, l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive ne vise que  les opérations réalisées « à titre gratuit » qui sont assimilées à des opérations effectuées à titre onéreux, aux fins de l’imposition de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2005,  Hotel Scandic Gåsabäck,  C‑412/03, EU:C:2005:47, point 24).

61      Or, en l’occurrence, ainsi que cela a été souligné, aux points 13 et 17 du présent arrêt, et comme Mme l’avocate générale l’a également relevé, au point 50 de ses conclusions, il ressort clairement de la décision de renvoi qu’une contrepartie financière avait été fournie par l’organe faîtier S pour les prestations de nettoyage réalisées par U–GmbH, que ce soit dans le cadre de son domaine d’activité économique ou de celui de son activité de puissance publique.

62      Partant, les prestations concernées étant fournies à titre onéreux, au sens de l’article 2 de la sixième directive, l’article 6, paragraphe 2, sous b), de celle-ci n’a aucune vocation à s’appliquer.

63      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la seconde question que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens que, dans le cas de figure d’une entité qui constitue l’assujetti unique d’un groupement TVA et qui effectue, d’une part, des activités économiques pour lesquelles elle est assujettie et, d’autre part, des activités qu’elle accomplit dans le cadre de l’exercice des prérogatives de puissance publique, pour lesquelles elle n’est pas considérée comme assujettie à la TVA en vertu de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, la fourniture, par une entité faisant partie de ce groupement d’une prestation de services en lien avec ledit exercice, ne doit pas être taxée au titre de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de cette directive.

 Sur les dépens

64      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme,

doit être interprété en ce sens que :

il ne s’oppose pas à ce qu’un État membre désigne, en tant qu’assujetti unique d’un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, l’organe faîtier de celui-ci, lorsque cet organe est en mesure d’imposer sa volonté aux autres entités faisant partie de ce groupement et à condition que cette désignation n’entraîne pas un risque de pertes fiscales.

2)      Le droit de l’Union

doit être interprété en ce sens que :

dans le cas de figure d’une entité qui constitue l’assujetti unique d’un groupement formé par des personnes indépendantes du point de vue juridique, mais étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation, et qui effectue, d’une part, des activités économiques pour lesquelles elle est assujettie et, d’autre part, des activités qu’elle accomplit dans le cadre de l’exercice des prérogatives de puissance publique, pour lesquelles elle n’est pas considérée comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive, la fourniture, par une entité faisant partie de ce groupement, d’une prestation de services en lien avec ledit exercice, ne doit pas être taxée au titre de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de cette directive.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.