C-10/87 - The Queen / Customs and Excise, ex parte Tattersalls Ltd

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EUR-Lex - 61987C0010 - FR

61987C0010

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 24 mars 1988. - The Queen contre Commissioners of Customs and Excise ex parte Tattersalls Ltd. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - TVA - Exonération pour importations temporaires. - Affaire 10/87.

Recueil de jurisprudence 1988 page 03281


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . I - La High Court of Justice, Queen' s Bench Division, de Londres, cherche à savoir comment doivent être interprétées certaines dispositions de la dix-septième directive ( directive 85/362/CEE ) du Conseil, du 16 juillet 1985 ( 1 ), relative à l' exonération de la TVA en matière d' importations temporaires de biens autres que les moyens de transport .

2 . Elle veut essentiellement savoir si un cheval, acheté en Irlande en exonération de la TVA, conformément à la réglementation irlandaise, et importé ensuite à titre temporaire au Royaume-Uni, doit ou non bénéficier de l' exonération de la TVA britannique .

3 . La procédure devant la juridiction nationale résultait précisément d' un recours formé par une agence anglaise spécialisée dans la vente aux enchères de chevaux pur-sang, à savoir "Tattersalls Ltd", ayant son siège social dans le Suffolk, en vue de contester la manière dont les articles 10, sous c ), et 11, sous b ), de la dix-septième directive ont été interprétés par les "Commissioners of Customs and Excise", qui ont accordé, en application de l' article 5 du "Value Added Tax ( Temporarily Imported Goods ) Relief Order de 1985" ( 2 ), le régime de l' admission temporaire en exonération de la TVA pour les chevaux de course importés d' Irlande pour une durée maximale de deux ans en vue de subir un entraînement ou de participer à des courses au Royaume-Uni, bien que la vente de ces chevaux soit exonérée de la TVA en Irlande .

4 . En fait, les parties au principal s' opposent sur la question de savoir si les biens ( en l' espèce, des chevaux de course ), que la législation de l' État membre d' exportation exonère de la TVA, doivent ou non être considérés comme "acquis conformément aux règles régissant l' application de la TVA dans l' État membre d' exportation" ( voir les articles précités ) et si ces biens peuvent ou non bénéficier de ce fait du régime de l' admission temporaire en exonération de la TVA dans l' État membre d' importation .

5 . Confrontée au problème d' interprétation susmentionné, la High Court a décidé de déférer à titre préjudiciel à la Cour les questions reproduites dans le rapport d' audience .

6 . II - Seule la demanderesse au principal ( à savoir Tattersalls Ltd ) estime que les biens ne doivent être considérés comme "acquis conformément aux règles régissant l' application de la TVA dans l' État membre d' exportation" que si ladite taxe a été acquittée au titre de l' achat en question . Dans le cas contraire, elle estime que l' acquisition n' est pas effectuée conformément aux règles régissant l' application de la TVA .

7 . Cette interprétation n' est de toute évidence pas confortée par le texte littéral des dispositions en cause .

8 . Bien qu' ils soient énoncés en termes légèrement différents ( 3 ), les articles 10, sous c ), et 11, sous b ), subordonnent l' exonération aux mêmes conditions :

a ) les biens doivent avoir été acquis conformément aux règles régissant l' application de la TVA dans l' État membre d' exportation;

b ) ils ne doivent pas avoir bénéficié, du fait de leur exportation, d' une quelconque exonération de la TVA .

9 . Or, rien ne permet de dire que l' acquisition d' un cheval pur-sang, qui est exonérée de la TVA en Irlande en vertu de la réglementation irlandaise, n' a pas été effectuée conformément à cette réglementation . Celle-ci, quant à elle, est conforme au droit communautaire, qui prévoit qu' au cours de la période transitoire l' exonération s' applique dans les conditions prévues à l' article 28, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive du Conseil ( 77/388/CEE ), du 17 mai 1977 ( 4 ), combiné avec le point 4 de l' annexe F de ladite directive, lesquelles conditions sont remplies en Irlande .

10 . Cette exonération fait donc valablement partie intégrante des règles qui régissent l' application de la TVA dans l' État membre d' exportation .

11 . Une exégèse rationnelle devra nous conduire à la conclusion que, si le législateur n' avait voulu permettre l' exonération temporaire que dans les cas où l' acquisition a été soumise à la TVA dans le pays d' exportation, il l' aurait dit en termes totalement différents ( par exemple, en disposant que la TVA a été acquittée, ou que l' acquisition a été soumise à l' application de la TVA ). S' il ne l' a pas fait, c' est précisément parce qu' il a voulu que la solution soit différente .

12 . De plus, il ne faut pas oublier que nous nous trouvons dans le domaine du droit fiscal, constitué par ce qu' il est convenu d' appeler les règles d' imposition, qui définissent l' assiette de l' impôt et au sujet desquelles une partie de la doctrine fiscale - au nom du principe nullum vectigal sine lege ou, comme corollaire, du principe de légalité ou de spécificité de l' impôt - refuse non seulement l' application par analogie, mais aussi l' interprétation extensive .

13 . Même si on rejette cette interprétation - et en admettant par ailleurs que certains principes traditionnels du droit fiscal national ne peuvent pas être transposés tels quels dans le domaine du droit fiscal communautaire -, force est de constater que même les tenants de la doctrine la plus "permissive" rejettent l' idée que l' interprétation extensive puisse faire totalement abstraction du sens littéral de la règle .

14 . Les tenants de ce qu' il est convenu d' appeler l' Andeutungstheorie, en vigueur en Allemagne ( 5 ), considèrent généralement que l' interprétation extensive trouve sa limite dans le "sens possible" de la lettre de la loi et que seule cette interprétation nous permettra dès lors d' attribuer à la norme en question un sens qui, bien qu' il ne soit pas exprimé en termes appropriés et corrects dans la lettre de la loi, corresponde encore d' une certaine manière à ladite norme, fût-ce de manière moins heureuse ( 6 ).

15 . Or, l' interprétation proposée par la demanderesse au principal paraît avoir un caractère correctif, voire partiellement abrogatoire ( 7 ), dans la mesure où elle conduit à exclure une exonération qui est de toute évidence prévue expressément par la lettre de la loi .

16 . Pourra-t-on dans ce cas, à l' instar de certaines décisions des juridictions allemandes ( 8 ), recourir à une interprétation manifestement contraire à la lettre de la loi, afin d' éviter "un résultat absurde et économiquement indéfendable"?

17 . Ou - sans vouloir être aussi radical - doit-on encore admettre qu' ayant pris en considération l' élément rationnel ou téléologique de l' interprétation, c' est-à-dire le sens et l' objectif des règles en cause ou leur place dans l' économie générale du système fiscal, il faut adopter une interprétation autre que celle qui résulte, prima facie, du texte littéral de la règle, qui aurait ainsi mal traduit l' intention du législateur?

18 . C' est ce que la demanderesse prétend déduire de l' articulation nécessaire entre les deux parties des articles 10, sous c ), et 11, sous b ).

19 . Selon elle, l' article 10, sous c ), exige que les deux conditions qu' il édicte soient remplies conjointement pour pouvoir bénéficier de l' admission temporaire en exonération de la taxe . Or, selon elle, la deuxième condition ( ne pas avoir bénéficié, du fait de l' exportation, d' une quelconque exonération de la TVA ) n' a de sens que si la première condition concerne un propriétaire qui a acquitté la TVA dans l' État membre d' exportation au moment de l' achat des biens . En fait, s' il y avait eu exonération au moment de l' achat, il ne serait pas question d' une TVA dont le propriétaire pourrait être exonéré du fait de l' exportation .

20 . Ce raisonnement est habile, certes, mais fallacieux .

21 . Il est vrai que, dans l' économie générale de la TVA, la règle est que les opérations imposables sont soumises à la taxe ( article 2 de la sixième directive ), leur exonération étant l' exception; on est dès lors en droit d' affirmer que, dans la situation normale visée par la première partie de la lettre c ), la transaction dans l' État membre d' exportation est soumise à la TVA .

22 . Or, étant donné que les exonérations sont obligatoirement prévues en droit communautaire, cette situation n' est pas la seule dans laquelle les biens ont été acquis "conformément aux règles régissant l' application de la TVA dans l' État membre d' exportation ".

23 . L' utilisation de la conjonction "et" entre les deux parties de cette lettre veut dire qu' il faut ( deuxième condition ) que, lorsqu' il y a exonération dans l' État membre d' exportation, cette exonération ne soit pas due à l' exportation des biens . Cela confirme déjà que la conformité avec les règles régissant l' application de la TVA, dont il s' agit dans la première partie du précepte en question, vise l' hypothèse de l' exonération de la taxe; sinon, on ne comprendrait pas que la condition, prévue dans la deuxième partie de ladite lettre, soit limitée au cas où l' exonération est due à l' exportation du bien . Il s' ensuit que, si la première partie de ladite lettre signifie en soi que le régime de l' admission temporaire en exonération de la TVA n' est pas accordé pour une transaction légalement exonérée de la TVA dans l' État membre d' exportation, il ne serait pas nécessaire de prévoir une nouvelle condition selon laquelle le régime précité n' est pas accordé dans le seul cas où les biens ont bénéficié de l' exonération de la TVA du fait de leur exportation . Ainsi, c' est l' interprétation de la demanderesse qui aboutit à rendre illogique la disposition en cause .

24 . La deuxième partie de cette lettre c ), considérée en liaison avec la première partie, signifie alors que, si le propriétaire a acquitté la TVA, à quelque titre que ce soit, au moment de l' acquisition, il ne pourra pas bénéficier de l' exonération pour cause d' importation temporaire s' il a été exonéré du fait de l' exportation et que, s' il n' a pas payé la taxe pour cause d' exonération, celle-ci peut ne pas avoir été motivée par l' exportation . En d' autres termes, il est en tout cas exclu que l' exonération soit accordée pour cause d' exportation des biens en question .

25 . La formulation de l' article 11, sous b ), paraît confirmer l' exactitude de l' interprétation que nous préconisons . En effet, la disposition en question prévoit que l' admission temporaire en exonération de la TVA n' est pas accordée soit lorsque les biens n' ont pas été acquis conformément aux règles régissant l' application de la TVA, soit lorsque, tout en respectant ces règles, ils ont bénéficié, du fait de leur exportation, de l' exonération de la TVA .

26 . Il s' agit de toute évidence de deux situations différentes dans lesquelles l' admission temporaire en exonération de la TVA ne peut pas être accordée - inobservation des règles régissant l' application de la TVA ou exonération du fait de l' exportation - et non de deux phases du même processus, comme la demanderesse au principal paraît le supposer .

27 . Or, c' est sur la base de cette supposition et en concentrant son argumentation sur l' article 11, sous b ), que la demanderesse a réaffirmé son point de vue à l' audience, en insistant une fois de plus sur le fait que seule l' interprétation combinée des deux parties de la disposition en cause permettait de conférer un sens cohérent à celles-ci .

28 . Selon Tattersalls, la deuxième partie de la lettre b ) concerne les cas dans lesquels la TVA, payée au moment de l' acquisition dans l' État membre d' exportation conformément aux règles régissant l' application de la TVA dans cet État, est, dans un deuxième stade, remboursée au moment de l' exportation .

29 . Selon la demanderesse, la première partie de la lettre b ) concerne alors les cas dans lesquels il n' y a pas eu paiement de la TVA au moment de l' acquisition, parce que cette transaction était exonérée de la TVA : dans ces conditions, l' importateur ne peut pas bénéficier d' une nouvelle exonération au moment de l' importation temporaire .

30 . L' argumentation de Tattersalls est affectée d' une erreur - et le Royaume-Uni a eu raison de la mettre en évidence .

31 . En effet, Tattersalls part du principe que la TVA est tout d' abord acquittée du fait de l' acquisition des marchandises et, ensuite, remboursée au moment de l' exportation .

32 . Or, cette thèse ne correspond pas au système général de la TVA : les marchandises acquises en vue de l' exportation sont une catégorie de marchandises dont l' acquisition est exonérée de la TVA, ainsi qu' il résulte de l' article 15 de la sixième directive . Ce sont les livraisons de biens expédiés ou transportés, selon le cas, par le vendeur ou l' acquéreur hors du territoire du pays d' exportation qui, conformément, respectivement, aux paragraphes 1 et 2 de l' article 15, précité, sont exonérées de la TVA .

33 . La logique qui préside à la structure de l' article 11, sous b ), de la dix-septième directive (( comme de l' article 10, sous c ) )) est donc différente de celle qui lui est attribuée par Tattersalls et elle se fonde sur l' idée suivante : si le bien n' est pas destiné à l' exportation, l' acquéreur acquittera la taxe si elle est due; l' exonération du fait de l' exportation ne jouera que si l' exportation est définitive et il serait alors illogique d' appliquer le régime de l' admission temporaire en exonération de la taxe dans l' État d' importation .

34 . C' est ce cas - et seulement ce cas - d' exonération dans l' État membre d' exportation que les articles 10 et 11 ont cherché à exclure du bénéfice de l' admission temporaire sur le territoire du pays d' importation en exonération de la TVA . Le législateur n' ignorait certainement pas qu' en dehors de l' exonération du fait de l' exportation il existait d' autres cas d' exonération : s' il n' a exclu que celle-là du régime de l' importation temporaire, prévu par la dix-septième directive, c' est parce qu' il a voulu ou admis que cette exonération pouvait coexister avec les autres cas d' exonération .

35 . En fait, le régime de la dix-septième directive signifie qu' en cas d' importation temporaire les biens restent soumis pendant la période correspondante au régime de la TVA de l' État d' exportation, peu importe qu' il comporte l' application effective de la taxe ou prévoie une exonération ou que le taux de la TVA soit, dans le pays d' exportation, identique, supérieur ou inférieur ( voire très inférieur ) au taux applicable dans le pays d' importation .

36 . L' exonération, visée aux articles 10 et 11 de la dix-septième directive, est justifiée non par le fait que la taxe a été acquittée dans le pays d' exportation ( c' est en cela que réside l' erreur fondamentale de la demanderesse Tattersalls ), mais par le fait qu' il s' agit d' une importation temporaire - et cette raison joue tant lorsque l' acquisition du bien était soumise à la TVA dans l' État d' exportation que lorsqu' elle n' y était pas soumise parce qu' elle était exonérée dans ce pays pour une raison quelconque autre que l' exportation définitive ( par exemple, comme c' est le cas en l' espèce, parce qu' il s' agissait d' une exonération par l' article 28, paragraphe 3, de la sixième directive ) ou lorsque le bien a été acquis par succession ou donation ou transaction effectuée par un non-assujetti ( 9 ). L' argument contraire, que la demanderesse a déduit, à l' audience, de la possibilité que le propriétaire d' une jument exporte temporairement un poulain, né de cette jument, en vue d' être entraîné ou de courir dans un autre État membre, se retourne facilement contre son auteur : selon son interprétation, ce poulain ne pourrait être admis à participer à aucune course dans un autre État membre sans acquitter la TVA qui y est applicable, sauf s' il a été soumis à taxation dans l' État d' exportation pour le simple fait qu' il y est né!

37 . La justification de ce régime d' exonération à l' importation temporaire figure dans le préambule de la dix-septième directive, comme différents intervenants dans la procédure l' ont souligné : "... il importe de réduire les entraves fiscales à la circulation des biens à l' intérieur de la Communauté pour faciliter les prestations de services et développer et renforcer ainsi le marché intérieur" ( premier considérant ); or, "... l' octroi d' exonérations de la TVA aussi larges que possible pour les biens importés temporairement dans un État membre en provenance d' un autre État membre peut contribuer à la réalisation de cet objectif" ( deuxième considérant ).

38 . Nous n' ignorons pas que le système de la dix-septième directive n' a pas été élaboré en tenant compte des exonérations temporaires prévues à l' annexe F de la sixième directive et que, dans pareils cas, l' applicabilité du régime de ladite directive entraîne des distorsions dans les échanges commerciaux et dans le jeu de la concurrence, dues aux différences entre les États membres en ce qui concerne les dispositions relatives à l' assiette fiscale ( 10 ). Or, dans ce cas, la solution consistera non à proposer une interprétation de la dix-septième directive ayant par elle-même des conséquences indésirables, mais à abroger la disposition ( qui, à l' origine, était conçue comme limitée et temporaire ) permettant, par dérogation au système général de la sixième directive, à l' Irlande d' exonérer l' acquisition de chevaux pur-sang de la TVA .

39 . Or, dès le 4 décembre 1984, la Commission a présenté au Conseil une proposition d' une dix-huitième directive en matière de TVA ( 11 ), qui supprimait de l' annexe F de la sixième directive les livraisons de chevaux pur-sang et de lévriers . Toutefois, le Conseil n' a pas adopté la proposition de la Commission, ce qui fait que la dérogation a subsisté . L' interprétation de Tattersalls constitue en fait une tentative de corriger, dans les circonstances du cas d' espèce, les effets pratiques de l' omission du Conseil, en s' arrogeant son pouvoir législatif . Cette façon d' agir n' est pas licite, ce qui fait que, dans l' état actuel du droit communautaire, nous devons constater qu' il existe une distorsion du jeu de la concurrence, ayant des effets aussi perturbateurs que ceux qui résultent de l' absence d' uniformité des taux d' imposition entre les différents États membres, mais qui sont tout aussi inévitables .

40 . A cette conclusion, on ne saurait opposer l' article 14, paragraphe 2, de la sixième directive, qui prévoit en son alinéa 2 que, jusqu' à l' entrée en vigueur des règles fiscales communautaires, dont il est question à l' alinéa 1 de la même disposition et qui précisent le champ d' application des exonérations visées au paragraphe 1 de l' article 14, précité, les États membres peuvent adapter les dispositions nationales en vigueur afin de réduire les distorsions de concurrence . C' est en application de ce paragraphe 2 que, dans le domaine des importations temporaires, la dix-septième directive a réglementé, sur le plan communautaire, l' octroi de l' exonération prévue par l' article 14, paragraphe 1, sous c ). On ne saurait donc déduire de l' article 14, paragraphe 2, alinéa 2, un argument susceptible de prévaloir sur les dispositions expresses de la dix-septième directive et de l' article 28, paragraphe 3, sous b ), et l' annexe F de la sixième directive .

41 . Les cas de distorsion, résultant de ce système, sont du reste limités par les conditions imposées par la dix-septième directive pour l' application du régime d' admission temporaire en exonération de la TVA . En effet, les articles 10, sous c ), et 11, sous b ), font chacun partie d' un ensemble de conditions qui délimitent le champ d' application du régime en question et qui sont particulièrement restrictives dans le cas de l' article 11, c' est-à-dire dans le cas où les biens en question appartiennent à une personne résidant sur le territoire de l' État membre d' importation - Tattersalls paraissant particulièrement préoccupée par cette situation, étant donné qu' elle entraîne une distorsion susceptible de lui causer un préjudice . Par exemple, une des conditions prévues dans ce dernier cas est que l' exonération pour importation temporaire ne soit pas accordée si l' importateur n' est pas un assujetti ( 12 ).

42 . Après avoir rejeté l' interprétation proposée par la demanderesse en ce qui concerne la première partie des lettres c ) et b ) en question, force est de comprendre celles-ci en ce sens que, pour bénéficier de l' admission temporaire en exonération de la TVA, le propriétaire du bien importé à titre temporaire doit s' être conformé aux règles régissant l' application de la TVA dans l' État membre d' exportation . Comme la Commission l' a souligné, cette règle vise à éviter que le bénéfice de l' exonération soit accordé à celui qui, par fraude ou évasion fiscale, ne s' est pas conformé aux règles fiscales applicables à l' acquisition des biens .

43 . Contrairement à la thèse de la demanderesse, nous ne pensons pas que la nécessité de vérifier si l' État membre d' importation remplit cette condition rende la disposition inapplicable ou constitue une exigence impossible à satisfaire .

44 . D' une part, on peut se demander si la condition relative à la conformité avec les règles régissant l' application de la TVA, établie dans la première partie des lettres en question, doit être considérée comme se référant à autre chose que la dernière acquisition, c' est-à-dire l' acquisition par la personne qui exporte ou importe temporairement le bien concerné . Apparemment, le législateur n' a pas voulu exiger que le respect des règles en matière de TVA par le vendeur du bien ou par les propriétaires ultérieurs de celui-ci fasse l' objet d' un contrôle . C' est ce que laissent entendre les termes utilisés par la directive et la logique avec laquelle ils doivent être interprétés .

45 . En tout état de cause, rien ne permet de penser que ce contrôle présente des difficultés particulières .

46 . La preuve de l' observation des règles en matière de TVA lors de l' acquisition peut être exigée directement, d' autant que l' importation temporaire est normalement effectuée par la personne qui acquiert la marchandise ou qui en était déjà propriétaire .

47 . De plus, le droit communautaire prévoit en cas de doute des procédures de coopération et d' assistance mutuelle entre les administrations fiscales des États membres en vue de combattre les pratiques de fraude et d' évasion fiscale . Depuis la directive 79/1070/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979 ( 13 ), qui a modifié la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977 ( 14 ), les obligations de coopération et d' échange d' informations, qui permettent une imposition correcte, s' appliquent également à la taxe sur la valeur ajoutée .

48 . III - Dans ces conditions, nous vous proposons de répondre dans les termes suivants aux questions déférées par la High Court :

"Les dispositions des articles 10, sous c ), et 11, sous b ), de la dix-septième directive, relative à la TVA, doivent être interprétées en ce sens qu' elles accordent le régime de l' admission temporaire avec exonération de la TVA pour les biens dont l' acquisition dans l' État membre d' exportation était légalement exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, pour autant que cette exonération n' a pas été accordée du fait de l' exportation des biens en question ."

(*) Traduit du portugais .

( 1 ) JO L 192 du 24.7.1985, p . 20 .

( 2 ) Remplacé depuis le 1er janvier 1987 par un texte de loi de 1986, ayant le même contenu .

( 3 ) Cette différence résulte du fait que, dans un cas ( article 10 ), les différentes conditions sont énoncées en termes positifs comme conditions d' octroi de l' exonération et que, dans l' autre cas ( article 11 ), elles sont énoncées en termes négatifs comme conditions de refus de l' exonération . La version anglaise de la directive comporte encore l' utilisation de deux expressions différentes à la lettre c ) de l' article 10 (" subject to the rules ") et à la lettre b ) de l' article 11 (" pursuant to the rules" . Cette différence de terminologie ne saurait revêtir une quelconque signification, d' autant qu' elle est totalement absente des autres versions linguistiques ( telles que les versions française et italienne ).

( 4 ) JO L 145 du 13.6.1977, p . 1 .

( 5 ) Voir les références dans English K ., Einfoehrung in das juristische Denken, 4e éd ., Kohlhammer Verlag, 1968, p . 82, 104 et 105, 146 et 149 ( traduction portugaise de la troisième édition : "Introduçaeo ao Pensamento Jur*dico", Gulbenkian, 1965, p . 119, 162 et suiv ., 239 et 243 ).

( 6 ) Voir Cardoso da Costa J . M ., Curso de Direito Fiscal, Almedina, 1970, p . 191, note 1 ), à 193, note 2 ).

( 7 ) Voir Oliveira Ascensaeo J ., O Direito - Introduçaeo e Teoria Geral, Gulbenkian, 1980, p . 373 et suiv .

( 8 ) Voir la référence dans Kruse, Steuerrecht, I, Munich, 1973, paragraphe 8 .

( 9 ) Cela découle du fait que ce sont aussi "les règles régissant l' application de la TVA" ( en particulier l' article 2 de la sixième directive, qui est nécessairement transposé dans les législations nationales ) qui excluent la taxation dans les cas de transactions à titre gratuit ou effectuées par un non-assujetti .

( 10 ) En l' espèce, ces distorsions n' existeraient pas si, par hypothèse, le Royaume-Uni pouvait accorder la même exonération en vertu de l' article 28 de la sixième directive .

( 11 ) JO C 347 du 29.12.1984, p . 3 .

( 12 ) La traduction officielle portugaise de la directive ( Ëd . spéciale, vol . 9, fasc . 2, p . 9 ), qui péchait déjà pour avoir omis toute la lettre c ) de l' article 10 et pour avoir écrit "sÔ" au lieu de "naeo" au début du paragraphe 2 de l' article 11, devient totalement incompréhensible et ne reproduit pas le sens exact de la règle .

( 13 ) JO L 331 du 27.12.1979, p . 8 .

( 14 ) JO L 336 du 27.12.1977, p . 15 .