C-320/88 - Staatssecretaris van Financiën / Shipping and Forwarding Enterprise Safe

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EUR-Lex - 61988C0320 - FR

61988C0320

Conclusions de l'avocat général Van Gerven présentées le 9 novembre 1989. - Staatssecretaris van Financiën contre Shipping and Forwarding Enterprise Safe BV. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas. - Taxe sur la valeur ajoutée - Interprétation de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive - Livraison d'un bien immeuble - Transfert économique du bien. - Affaire C-320/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-00285
édition spéciale suédoise page 00295
édition spéciale finnoise page 00311


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le Hoge Raad der Nederlanden a déféré à la Cour deux questions préjudicielles relatives à l' interprétation de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ( 1 ). Cette disposition se lit comme suit :

"Est considéré comme 'livraison d' un bien' le transfert du pouvoir de disposer d' un bien corporel comme un propriétaire ."

Résumé des faits dans le litige au principal

2 . Les questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige trouvant son origine dans des opérations immobilières dans lesquelles trois entreprises étaient concernées : Shipping and Forwarding Enterprise Safe BV ( ci-après "Safe "), Kats Bouwgroep NV ( ci-après "Kats ") et Abreka BV ( ci-après "Abreka "). Par acte notarié du 19 juin 1979 - portant la mention "transfert économique" -, Safe a vendu à Kats des droits relatifs à une villa avec terrains adjacents, pour le prix de 2 250 000 HFL, sans la TVA .

Les dispositions suivantes de cette convention nous semblent importantes :

- Safe s' oblige à transférer à Kats un droit de propriété inconditionnel;

- à dater de la convention, tous les produits et charges du bien vendu sont pour le compte de Kats;

- à dater de la convention, Kats supporte tous les risques relatifs au bien vendu;

- Safe s' oblige à effectuer la livraison juridique du bien à Kats dès que celle-ci le souhaite et au plus tard le 31 décembre 1982;

- à dater de la convention, l' exploitation du bien s' effectue par, pour le compte et aux risques de Kats; à partir de ce moment, Kats détient également le pouvoir d' accomplir tous actes ( juridiques ) relatifs au bien; Safe s' engage à ne pas accomplir, de son côté, d' actes ( juridiques ) relatifs au bien;

- Safe donne à Kats mandat irrévocable pour opérer la livraison juridique .

3 . En 1980, sur ordre de Kats, la villa a été démolie et le bien a été transformé en terrain viabilisé . En 1982, soit dès avant que la livraison juridique ait eu lieu, Kats a été déclarée en faillite . Par acte notarié du 11 août 1983, les curateurs à la faillite de Kats ont vendu à Abreka tous les droits de Kats relatifs au bien . Le prix s' élevait à 425 000 HFL, augmentés de la TVA y afférente, d' un montant de 76 500 HFL . Simultanément, la propriété juridique du bien a été transférée par Safe à Abreka .

4 . En 1984, l' inspecteur des droits de douane et des accises de Leyde a imposé à Safe un avis de redressement au titre de la taxe sur le chiffre d' affaires, d' un montant de 343 125 HFL, au motif que le paiement de 2 250 000 HFL effectué en 1979 par Kats en faveur de Safe était à considérer comme un acompte relatif à une livraison imposable au titre de la TVA . Safe a formé un recours en justice contre cet avis de redressement . Le Gerechtshof de La Haye a annulé l' avis de redressement . Le Staatssecretaris van Financiën s' est pourvu en cassation contre cet arrêt . Dans le cadre de ce pourvoi, le Hoge Raad a demandé à la Cour de statuer sur les questions suivantes :

"1 ) L' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens qu' il ne saurait être question de livraison d' un bien au sens de ladite disposition que s' il y a transfert de la propriété juridique du bien en question?

2 ) En cas de réponse négative à la première question, peut-on également parler de livraison d' un bien au sens susvisé, lorsque le propriétaire juridique du bien en question :

- a souscrit par contrat vis-à-vis de son cocontractant des engagements tels que tous les changements de valeur de même que tous les produits et charges du bien sont désormais pour le compte et aux risques de ce cocontractant;

- s' est engagé en vertu dudit contrat à transférer à son cocontractant la propriété juridique du bien à un moment futur;

- a donné par ledit contrat mandat irrévocable à son cocontractant d' accomplir les actes opérant ce transfert;

- a effectivement mis le bien à la disposition de son cocontractant conformément audit contrat?"

5 . Pour une bonne compréhension des questions préjudicielles, il nous semble utile de situer brièvement, en droit néerlandais, la notion de "propriété économique", de tracer le cadre dans lequel cette notion est utilisée dans la pratique aux Pays-Bas et de résumer la jurisprudence néerlandaise en ce qui concerne les effets que cette notion peut entraîner pour l' application de la loi néerlandaise sur la taxe sur le chiffre d' affaires .

La législation, la jurisprudence et la pratique aux Pays-Bas

6 . La notion de "propriété économique" a été développée dans la jurisprudence fiscale néerlandaise . Dans un arrêt du 19 octobre 1955 ( 2 ), le Hoge Raad a, pour la première fois, expressément mentionné ce terme :

"que la circonstance qu' une personne est propriétaire d' un bien et, en tant que telle, est titulaire d' un droit réel sur ce bien n' exclut pas qu' une autre personne détienne l' intérêt économique qui s' y attache et que cet intérêt, qui pourrait être appelé propriété économique, puisse faire partie du patrimoine de l' entreprise de cette autre personne ".

L' abondante doctrine suscitée par cet arrêt et par d' autres arrêts ultérieurs mentionne de nombreuses définitions de la notion de "propriété économique ". Toutes mettent l' accent sur le fait que l' intérêt est entre les mains d' une personne autre que le propriétaire au sens du droit civil, ce qui suppose essentiellement la réunion de deux critères :

- que toutes les modifications de valeur et tous les produits et charges du bien soient pour le compte et aux risques de cette autre personne;

- que le pouvoir de disposition effectif relatif à ce bien soit également entre les mains de cette autre personne .

7 . Dans le cas des biens meubles, le transfert de la "propriété économique" coïncide normalement avec le transfert de la propriété au sens du droit civil, c' est-à-dire, selon le droit néerlandais ( à la différence, entre autres, du droit français, dans lequel le principe du consensualisme s' applique aux choses non fongibles ), au moment de la livraison . Dans le cas des biens immeubles, la situation est différente . Conformément à l' article 671 du "Nederlands Burgerlijk Wetboek" ( code civil néerlandais ), le transfert de la propriété juridique d' un bien immeuble ne s' effectue, tant entre les parties qu' à l' égard des tiers, que par la transcription de l' acte notarié de transmission dans les registres destinés à cette fin . En revanche, lorsqu' il est séparé du transfert de la "propriété juridique", le transfert de la "propriété économique" d' un bien immeuble s' effectue au moment de la mise à disposition effective .

8 . Aux Pays-Bas, plus particulièrement dans le secteur immobilier, la pratique a trouvé dans le transfert de la propriété économique - dont, comme nous l' avons relevé ci-dessus, la validité en droit a été reconnue par le Hoge Raad - une construction juridique permettant d' échapper au droit de mutation . L' article 2 de la Wet op belastingen van rechtsverkeer ( loi sur l' imposition des transactions juridiques ) ( 3 ) prévoit, notamment, la perception d' un droit de mutation lors de l' acquisition de biens immeubles sis dans le royaume . Il est de jurisprudence constante que le terme "acquisition" vise le transfert de la propriété au sens du droit civil . Lorsqu' un bien immeuble qui n' a pas été exonéré du droit de mutation est acheté par un acquéreur dans l' intention de le revendre à un tiers, les parties, dans de telles circonstances, ont intérêt à ne transférer à l' acheteur initial que la propriété économique et à faire en sorte que la propriété juridique puisse être transférée directement du vendeur initial à l' acquéreur final . En effet, en procédant de la sorte, le droit de mutation n' est dû qu' une seule fois .

9 . Dans la réalité, la situation est généralement plus complexe . Ainsi, en cas de transfert d' un bien immeuble, il convient de tenir compte de l' interaction du droit de mutation et de la taxe sur le chiffre d' affaires . En effet, même s' ils ne sont pas susceptibles d' être "consommés", les biens immeubles n' échappent pas, en raison de leur nature, au champ d' application de la taxe sur le chiffre d' affaires, bien qu' ils posent des problèmes spécifiques . A cet égard, la législation néerlandaise part du principe selon lequel il convient, autant que possible, d' éviter le cumul de ces deux impositions . Ainsi, l' article 15 de la loi sur l' imposition des transactions juridiques, qui régit le droit de mutation, prévoit que la livraison d' un bien immeuble qui a été soumise à la taxe sur le chiffre d' affaires est, en principe, exonérée du droit de mutation .

En outre, il faut tenir compte du fait que la nature du bien immeuble se modifie souvent au cours du processus de transfert et que cette modification peut entraîner des conséquences fiscales importantes, comme le révèle l' espèce présente, dans laquelle une villa est transformée en un terrain viabilisé . Conformément au régime d' exonération de l' article 11 de la Wet op de omzetbelasting 1968 ( loi de 1968 sur la taxe sur le chiffre d' affaires ), le transfert d' un logement "ancien" est, en principe, exonéré de la taxe sur le chiffre d' affaires ( mais pas nécessairement du droit de mutation ). En revanche, le transfert d' un terrain viabilisé est soumis à la taxe sur le chiffre d' affaires ( mais pas au droit de mutation ).

10 . La notion de livraison, telle qu' elle a été définie à l' article 3 de la loi néerlandaise de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d' affaires ( ci-après "loi "), constitue le point central du présent litige . Cette notion inclut, notamment :

"1 ) a ) le transfert de la propriété de biens en vertu d' un contrat;

...

1 ) e ) le transfert de biens en vertu duquel ces biens quittent la patrimoine de l' entreprise de l' entrepreneur ".

Dans les conclusions qu' il a prononcées dans la procédure pendante devant le Hoge Raad, l' avocat général M . Van Soest a relevé que la disposition de l' article 3, paragraphe 1, sous e ), avait été ajoutée à la législation en 1954 pour combler une "lacune" existant à l' époque, et non pour faire relever de cette disposition le transfert de la propriété économique . Jusqu' à présent, la jurisprudence ( 4 ) a déduit de l' historique tout comme de l' économie de cet article que ( tout comme en matière de droit de mutation, voir ci-dessus point 8 ) c' est le transfert de la propriété au sens du droit civil, dont il est question à l' article 3, paragraphe 1, sous a ), qui doit servir de fondement à l' interprétation de la notion de livraison, tandis que l' article 3, paragraphe 1, sous e ), ne revêt qu' une fonction complémentaire . Cette jurisprudence en tire la conséquence que la perception de la taxe sur le chiffre d' affaires ne s' impose qu' au moment de la livraison juridique, à moins que les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu ou des éléments ultérieurs ne fassent apparaître que le transfert juridique ne s' effectuera pas ( ne s' effectuera plus ) ou s' effectuera beaucoup plus tard, auquel cas il convient de se reporter à la livraison économique . Les observations présentées en l' espèce à la Cour par le gouvernement néerlandais correspondent pour l' essentiel à cette juridisprudence .

11 . La thèse de Safe, dont la teneur a été admise par le Gerechtshof de La Haye, est différente . Selon cette thèse, la notion de livraison qui est définie dans la législation nationale doit être interprétée conformément à la notion de livraison qui est définie à l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive . La disposition de l' article 3, paragraphe 1, sous e ), de la loi correspondrait le mieux à cette notion communautaire de livraison . Ladite disposition légale devrait, dès lors, se voir reconnaître une fonction autonome et donc non plus seulement une fonction complémentaire .

L' adoption de cette thèse conduirait, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, à une imposition favorable à Safe . En effet, le transfert de la propriété économique de ce qui était à ce moment-là un logement ancien est et reste alors exonéré d' impôt, quel que soit le moment auquel, par la suite, la propriété juridique de ce bien est transférée et quelle que soit sa nature ( imposable ) à ce moment ultérieur . Toutefois, examinée sous l' angle plus général de l' économie de la réglementation, cette thèse implique que l' article 3, paragraphe 1, sous e ), de la loi soit à considérer comme la disposition centrale en ce qui concerne la notion de livraison et que, dès lors, pour le cas où la propriété économique et la propriété juridique sont transférées séparément, d' autres dispositions, telles que l' article 3, paragraphe 1, sous a ), soient à considérer comme superflues ou à tout le moins comme subsidiaires . Suivre la thèse de Safe pourrait ainsi obliger le législateur néerlandais à revoir l' économie de la loi sur la taxe sur le chiffre d' affaires et éventuellement même le rapport existant entre cette taxe et le droit de mutation . C' est dans ce contexte qu' à notre avis il convient d' examiner les questions posées par le Hoge Raad .

Sur la première question

12 . Par la première question, le Hoge Raad souhaite savoir si les livraisons comportant le transfert de la propriété juridique d' un bien sont les seules livraisons visées par l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive .

La réponse à donner à cette question ne donne lieu à aucune contestation entre les parties . Aussi bien le gouvernement néerlandais que Safe et la Commission estiment que cette question appelle une réponse négative . Telle est également notre opinion, pour les motifs suivants .

13 . Un premier motif réside dans le texte de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive . Cet article considère comme livraison d' un bien le "transfert du pouvoir de disposer d' un bien corporel comme un propriétaire ". Cette disposition met l' accent sur le transfert du pouvoir de disposition, lequel doit revêtir une ampleur telle que l' acheteur puisse disposer du bien "comme un propriétaire ". A notre avis, ce membre de phrase entend exprimer que l' acheteur ne doit pas devenir propriétaire juridique formel, mais qu' il suffit qu' il obtienne un pouvoir de disposition si, de ce fait, le cocontractant acquiert une position qui, de facto, est analogue à celle du propriétaire juridique formel .

14 . Un second motif pour répondre à cette question par la négative réside dans l' obligation de conférer un sens de droit communautaire aux notions utilisées dans les directives en matière de TVA, à moins que ces directives ne laissent elles-mêmes aux États membres le soin de déterminer le contenu d' une notion ( 5 ). L' application uniforme du système communautaire de la taxe sur le chiffre d' affaires est de la sorte garantie . La notion de "livraison d' un bien" ne saurait, pour cette raison, être assimilée à la notion de "livraison formelle, au sens du droit civil, de la propriété juridique d' un bien ". En effet, cette dernière notion n' a pas été définie dans les directives en matière de TVA, de sorte que, pour en définir la portée, il faudrait se reporter au régime, à notre connaissance très divers, du transfert, de la livraison et de l' opposabilité de la propriété juridique dans les États membres, tranchant éventuellement avec le régime applicable en ce qui concerne la propriété économique .

Sur la deuxième question

15 . La deuxième question posée par le Hoge Raad est plus compliquée : alors que la première question a pour objet le point de savoir si d' autres transferts que les transferts de la propriété juridique formelle relèvent de la notion communautaire de livraison, la présente question porte sur le point de savoir quels sont les autres transferts qui peuvent être rattachés à cette notion . Plus précisément, le Hoge Raad souhaite savoir si l' on se trouve en présence d' un tel autre transfert lorsque les parties concluent un contrat par lequel, en résumé, elles conviennent ce qui suit :

a ) en vertu du contrat, tous les changements de valeur de même que tous les produits et charges du bien sont pour le compte et aux risques du cocontractant du propriétaire juridique; en outre, ce cocontractant acquiert le pouvoir de disposer du bien;

b ) le propriétaire juridique s' engage à transférer au cocontractant la propriété juridique du bien à un moment ultérieur; il donne au cocontractant mandat irrévocable d' accomplir les actes opérant le transfert de la propriété juridique .

A notre avis, les clauses visées sous a ) doivent être distinguées de celles visées sous b ). Les premières correspondent aux critères conformément auxquels le Hoge Raad définit la notion de "propriété économique ". Les secondes sont des modalités du transfert de la propriété juridique .

16 . Personnellement, nous sommes peu enclin à affirmer d' une manière générale - et de surcroît en des termes empruntés à l' ordre juridique d' un seul État membre - qu' il y ait eu livraison au sens de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive dès qu' il a été satisfait aux critères mentionnés au sous a ). Comme nous l' avons indiqué ci-dessus, pour délimiter la notion communautaire de livraison, le législateur communautaire a mis l' accent sur un pouvoir de disposition analogue à celui du propriétaire juridique formel . Ainsi sommes-nous d' accord avec la Commission pour estimer que le juge national doit, cas par cas, en se fondant sur les particularités de l' espèce, vérifier si le cocontractant obtient le pouvoir de disposer du bien "comme un propriétaire ". Tel nous paraît certainement être le cas lorsque le droit de propriété que le vendeur initial conserve est à ce point vidé de son contenu qu' il se réduit à une simple détention du titre juridique de propriétaire .

17 . Il reste encore à examiner les répercussions des clauses visées sous b ). A cet égard, il s' agit essentiellement de savoir si le fait que, dans un contrat portant transfert immédiat de la seule "propriété économique", les parties ont souscrit des engagements relatifs aux modalités du transfert ultérieur de la propriété juridique est de nature à influencer l' appréciation cas par cas du pouvoir de disposition au sens de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive .

Le gouvernement néerlandais répond à cette question par l' affirmative . Comme nous l' avons déjà indiqué précédemment ( voir ci-dessus point 10 ), il est d' avis que, dans le cadre de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, le transfert juridique de la propriété est prépondérant . Le gouvernement néerlandais estime dès lors que, lorsque, dans un contrat relatif au transfert de la propriété économique d' un bien, les parties conviennent que le transfert de la propriété juridique aura lieu à un stade ultérieur, ce dernier transfert de propriété constitue une livraison au sens de la directive . Toutefois, le gouvernement néerlandais reconnaît que le transfert de la propriété économique peut lui aussi, dans certains cas, être déterminant, à savoir lorsque aucun délai n' a été convenu pour le transfert de la propriété juridique ou lorsque ce dernier transfert a lieu largement après le transfert de la propriété économique .

18 . Tout comme la Commission, nous pensons que ce point de vue ne saurait être étayé dans le cadre de la législation communautaire . Dès lors que, eu égard aux circonstances particulières de l' espèce, un transfert de la propriété économique d' un bien doit être considéré comme un transfert "du pouvoir de disposer d' un bien corporel comme un propriétaire", il constitue, à notre avis, une livraison au sens de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive . Le fait que les parties aient souscrit des engagements relatifs au transfert ultérieur de la propriété juridique n' enlève rien à cette constatation . En décider autrement reviendrait à conférer à la condition d' imposition de l' article 5, paragraphe 1, une portée qui dépend de conventions particulières entre parties, ce qui nuit à la sécurité juridique et compromet l' application uniforme des conditions d' imposition établies par le droit communautaire .

Conclusion

19 . En résumé, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles de la façon suivante :

"1 ) La livraison, entendue au sens de l' article 5, paragraphe 1, de la sixième directive, ne recouvre pas uniquement le transfert de la propriété juridique d' un bien .

2 ) La livraison, entendue au sens de l' article précité, recouvre tout transfert du pouvoir de disposer d' un bien par lequel le cocontractant acquiert une position qui, de facto, est analogue à celle d' un propriétaire juridique formel . Il appartient au juge national d' établir, en fonction des circonstances particulières de l' espèce, si un tel pouvoir de disposition a été transféré . Il importe peu, à cet égard, que, dans un contrat portant transfert d' un tel pouvoir de disposition relatif à un bien, les parties aient souscrit des engagements relatifs au transfert ultérieur de la propriété juridique ."

(*) Langue originale : le néerlandais .

( 1 ) Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( JO L 145, p . 1 ).

( 2 ) BNB ( Beslissingen Nederlandse Belastingsrechtspraak - décisions de la jurisprudence fiscale néerlandaise ) 1955/377 .

( 3 ) Wet houdende vervanging van de wetgeving betreffende de registratie - en de zegelbelasting door een nieuwe wettelijke regeling ( Wet op belastingen van rechtsverkeer ) (( loi remplaçant la législation relative au droit d' enregistrement et au droit de timbre par un nouveau régime légal ( loi sur l' imposition des transactions juridiques ) )) du 24 décembre 1970 ( Staatsblad, 1970, 611 ).

( 4 ) Voir, en particulier, l' arrêt du Gerechtshof de Bois-le-Duc du 8 décembre 1978, BNB 1980/208 .

( 5 ) Voir arrêt de la Cour du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen, points 10 et 11 ( 51/76, Rec . p . 113 ).