C-185/89 - Staatssecretaris van Financiën / Velker International Oil Company

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EUR-Lex - 61989C0185 - FR

61989C0185

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 2 mai 1990. - Staatssecretaris van Financiën contre Velker International Oil Company Ltd NV. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas. - TVA - Sixième directive relative aux taxes sur le chiffre d'affaires - Exonération. - Affaire C-185/89.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-02561


Conclusions de l'avocat général


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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A - En fait

1 . Dans la procédure qui donne lieu aux présentes conclusions, la Cour de justice est invitée par le Hoge Raad der Nederlanden à interpréter l' article 15, paragraphe 4, sous a ), de la directive 77/388/CEE en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( 1 ), c' est-à-dire la disposition selon laquelle les États membres exonèrent de la taxe les "livraisons de biens destinés à l' avitaillement des bateaux" de certains types .

2 . Cette interprétation est estimée nécessaire en ce qui concerne la livraison, par la partie défenderesse au principal, de deux lots de mazout de soute à la société Forsythe International BV de La Haye, livraison pour laquelle la défenderesse n' a pas facturé de TVA . Les livraisons en question - il faut le noter - avaient ceci de particulier que :

- l' un des lots provenait de la société Olie Verwerking Amsterdam, qui l' avait vendu à la société Verhoeven Rotterdam, laquelle l' avait revendu à la défenderesse, lot ayant été ensuite livré directement par la société Olie à la société Forsythe;

- l' autre lot avait été acheté par la défenderesse à la société Verhoeven et avait été lui-même livré directement à la société Forsythe; et

- les deux lots avaient été stockés dans des installations louées par la société Forsythe à une entreprise de stockage, puis, de là, livrés sur des bateaux de haute mer en partance, cela pour le compte de la société Forsythe, qui n' exploite pas elle-même de bateaux .

3 . L' inspecteur des impôts compétent considère que l' application du taux zéro par la défenderesse, c' est-à-dire la non-facturation de TVA, n' est pas justifiée . Selon lui, l' "avitaillement de bateaux" au sens de la loi néerlandaise du 28 décembre 1978 ne peut désigner qu' une livraison qui coïncide avec l' avitaillement du bateau, c' est-à-dire une livraison à bord, directement suivie de l' exportation . C' est également l' avis du Staatssecretaris van Financiën, le demandeur au principal . Il estime également que l' article 15, paragraphe 4, sous a ), de la directive TVA, transposé en droit néerlandais par la loi du 28 décembre 1978, précitée, n' englobe pas les livraisons faites à qui destine une marchandise à l' avitaillement de bateaux; cela serait, en effet, trop éloigné de l' avitaillement effectif et n' exclurait notamment pas un nouveau changement de destination avant la livraison à bord . Le demandeur au principal fait remarquer, en outre, que l' extension de l' exonération à des livraisons précédant l' avitaillement proprement dit nécessite la consultation préalable du comité consultatif conformément à l' article 16, paragraphe 2, de la directive, ce qui n' a cependant pas été fait par les Pays-Bas .

4 . La règle de l' article 15, paragraphe 4, soud a ), de la directive TVA ayant été, semble-t-il, reprise sans modification en droit néerlandais, la juridiction saisie de l' affaire a estimé, au vu du litige ci-dessus décrit, qu' il convenait de surseoir à statuer et d' inviter la Cour de justice à se prononcer sur l' interprétation devant être faite de l' article 15, paragraphe 4, sous a ) de la directive TVA; plus précisément, il s' agit de savoir s' il ne vise que les livraisons qui coïncident avec l' avitaillement ( c' est-à-dire les livraisons à bord de bateaux de mer ) ou s' il doit être interprété en un sens plus large et, dans ce cas, s' il vise uniquement les livraisons faites aux entrepreneurs qui utilisent ultérieurement les biens pour l' avitaillement de bateaux ou bien également les livraisons effectuées à un stade commercial antérieur .

5 . Ces questions appellent, selon nous, les observations suivantes .

B - En droit

6 . 1 . Avant de passer au traitement du problème proprement dit, il y a lieu, selon nous, de formuler deux remarques préalables suscitées par certains arguments soulevés au cours de la procédure .

7 . a ) Vous vous souvenez que la Commission a, notamment, formulé des observations écrites sur la notion de "livraison de biens" au sens de l' article 5 de la directive TVA . La raison en était que le mazout en question a été livré directement par les sociétés Olieverwerking et Verhoeven à la société Forsythe, et s' est trouvé, semble-t-il, mélangé à d' autres quantités de mazout dans les installations de stockage louées par cette dernière . On pouvait alors se demander, puisque la défenderesse n' était pas entrée directement en possession de la marchandise, si elle pouvait en disposer comme un propriétaire et s' il s' agissait donc bien d' une livraison au sens de la directive TVA .

8 . Selon nous, nous pouvons nous dispenser d' examiner cet aspect des choses pour répondre à la présente demande de décision préjudicielle . En effet, la juridiction de renvoi n' a pas posé de questions sur ce point, et il faut en conclure qu' il ne lui paraissait pas soulever de difficultés ( vraisemblablement parce qu' elle était parvenue à une appréciation concordant avec celle que la Commission nous a présentée ).

9 . b ) Nous estimons également qu' il n' y a pas lieu, pour examiner le problème qui nous est soumis, de tenir compte du fait que le mazout en question n' a apparemment pas fait l' objet, dans les installations louées par la société Forsythe, d' un stockage séparé permettant de connaître à tout moment sa destination .

10 . Sur ce point, l' ordonnance de renvoi a, en effet, expressément indiqué que cet élément - dont il n' avait pas été question, semble-t-il, auparavant - ne pouvait pas être invoqué dans la procédure pendante devant le Hoge Raad . Celui-ci ne peut donc pas en tenir compte et c' est pourquoi il n' y a pas lieu non plus pour nous de l' examiner davantage dans le cadre de l' interprétation de la directive TVA à laquelle nous devons procéder .

11 . 2 . En ce qui concerne le problème qui nous est effectivement soumis, il s' est avéré non seulement que les parties à la procédure au principal avaient des points de vue différents, mais aussi que celles qui ont pris part à la procédure devant la Cour de justice ne sont pas non plus unanimes . Il y a, d' un côté, la conception des gouvernements néerlandais, portugais et britannique, c' est-à-dire la proposition de répondre par l' affirmative à la première question qui nous est posée et de ne parler de livraison destinée à l' avitaillement de bateaux que lorsque la livraison a lieu sur le bateau . Cette conception est proche de celle de la Commission, laquelle est favorable, en tout état de cause, à une interprétation restrictive de l' article 15, paragraphe 4, sous a ), en ce sens qu' il s' agirait uniquement des livraisons aux exploitants de bateaux ( ce qui n' exclurait pas un stockage intermédiaire avant le chargement à bord ).

12 . On trouve, de l' autre côté, l' opinion du gouvernement de la République fédérale d' Allemagne, selon laquelle une interprétation extensive de l' article 15 au sens de la seconde question qui nous est posée serait adéquate, l' article 15, paragraphe 4, sous a ), englobant donc également les livraisons à des stades commerciaux antérieurs, dès lors que la destination ( l' avitaillement de bateaux ) est clairement établie . Cette dernière solution semble d' ailleurs correspondre - ce qui ne résulte naturellement pas des observations déposées dans le cadre de la présente procédure - à la pratique de certains autres États membres ( le Danemark, la Grèce, l' Italie et la France ). ( A ceci près qu' en France, semble-t-il, seule est prise en considération la dernière livraison précédant celle à l' exploitant du bateau .)

13 . a ) Lorsque l' on recherche, au vu de cette situation, si la jurisprudence existante contient des éléments importants pour la solution du problème visé, il apparaît très rapidement que les quelques arrêts à prendre en considération n' apportent rien de décisif à cet égard .

14 . aa ) On remarque certes que l' arrêt dans l' affaire 348/87 ( 2 ) a souligné que les formules utilisées pour définir les exonérations de taxe étaient d' interprétation stricte . Toutefois, il ne faut pas oublier que le cas visé dans cette affaire était clairement celui de l' article 13 A, paragraphe 1, sous f ) ( prestations de services effectuées par des groupements de personnes à leurs membres ). Les destinataires de la prestation étaient donc ici précisément désignés et il n' était donc pas possible de tenir compte d' opérations effectuées à un stade économique antérieur ( à savoir de prestations de services effectuées par une fondation au bénéfice d' une autre fondation, qui n' était pas membre de la première ).

15 . bb ) Il en allait de même dans l' affaire 107/84 ( 3 ), dans laquelle il s' agissait également d' une exonération au titre de l' article 13 A, paragraphe 1 (( cette fois, sous a )), de la directive ( à savoir celle visant les prestations de services effectuées par les services publics postaux ). Si cet arrêt - se prononçant ainsi en faveur d' une interprétation restrictive - a souligné que cette disposition n' incluait pas les prestations effectuées par d' autres entreprises pour le compte des postes ( et qu' il n' était donc pas possible de l' étendre aux opérations effectuées dans le même but, mais par d' autres services ), il ne faut pas oublier que cela tenait simplement au fait, qui était déterminant, que la disposition visée désigne expressément l' organisme auquel s' adresse l' exonération .

16 . cc ) Par ailleurs, il n' est pas sans intérêt de noter que, dans l' arrêt dans l' affaire 415/85 ( 4 ) ( et de même dans l' affaire 416/85 ( 5 )), au sujet d' exonérations pour des raisons d' intérêt social en faveur des consommateurs finals au titre de l' article 17 de la directive 67/228 ( 6 ), une interprétation restrictive n' a pas été jugée adéquate et qu' au contraire des prestations effectuées à des stades antérieurs ont été considérées comme devant être prises en compte, dès lors qu' elles sont suffisamment proches des consommateurs pour qu' elles profitent à ceux-ci .

17 . b ) En outre, il faut reconnaître ( et ceci, notamment, en relation avec le dernier arrêt cité ) que le libellé de la disposition en cause en l' espèce - comme le gouvernement fédéral l' a souligné à juste titre - ne suggère nullement de manière univoque une interprétation restrictive .

18 . C' est déjà le cas pour la version anglaise (" supply of goods for the fueling and provisioning of vessels ") et pour la version allemande (" Lieferung von Gegenstaenden zur Versorgung von Schiffen "), d' où il ne ressort pas qu' il doive s' agir d' un avitaillement direct . Cela est encore plus clair dans les versions néerlandaise, italienne, française et portugaise, qui se réfèrent à la destination (" levering van goederen, bestemd voor de bevoorrading van de navolgende schepen"; "cessioni di beni destinati al refornimento e al vettovagliamento di navi"; "livraisons de biens destinés à l' avitaillement des bateaux"; "entragas de bens destinados ao abastecimento de bacos ").

19 . Si l' on fait une comparaison avec les dispositions de la directive qui désignent précisément les destinataires des livraisons et des prestations (( telles que l' article 13 A, paragraphe 1, sous f ) et l ): prestations effectuées par des groupements de personnes et par des organismes à leurs membres; l' article 15, paragraphe 11 : livraisons d' or aux banques centrales; l' article 15, paragraphe 12 : livraisons de biens à des organismes agréés )), il n' est pas faux de penser que les livraisons précédant l' avitaillement proprement dit des bateaux doivent également être considérées comme visées par l' article 15, paragraphe 4, dès lors qu' elles correspondent à la destination qu' il mentionne .

20 . En outre, il faut reconnaître ( comme le gouvernement fédéral l' a aussi fait remarquer ) que, si l' on considère la finalité apparente de la disposition prévoyant l' exonération ( il s' agit là non pas d' octroyer des avantages financiers, mais manifestement d' accorder certains allégements fiscaux ), il y aurait quelques raisons de faire relever de l' article 15, paragraphe 4, également les opérations qui précèdent l' avitaillement direct, car les entreprises qui les effectuent sont, de toute façon, exonérées de toute imposition par la voie de la déduction de la taxe en amont . A la vérité, il ne paraît pas abusif de les dispenser d' emblée de certaines étapes fiscales alors que le destinataire final n' a pas à acquitter de taxe .

21 . c ) Il nous paraît clair, par ailleurs, que deux des arguments qui ont été invoqués par les défenseurs d' une interprétation restrictive ne sont guère susceptibles d' étayer cette opinion .

22 . aa ) Il s' agit d' abord de la remarque ayant trait au fait qu' un alinéa de la disposition visée prévoit que les États membres ont la possibilité de "limiter la portée de cette exonération jusqu' à la mise en oeuvre d' une réglementation fiscale communautaire en la matière ". A notre avis, il n' en ressort nullement de façon univoque que l' interprétation doit être restrictive; au contraire, cela suggère plutôt l' opinion inverse, à savoir que si l' introduction d' une possibilité de limitation a été jugée nécessaire, il faut alors en conclure que la disposition, considérée en elle-même, doit faire l' objet d' une interprétation extensive .

23 . Naturellement, cela ne signifie pas nécessairement - et l' on anticipe déjà ici sur un autre argument soulevé au cours de la procédure - que ledit alinéa tranche clairement en faveur d' une interprétation très extensive de l' article 15, paragraphe 4, au sens de la seconde question qui nous est posée, venant ainsi corroborer l' opinion du gouvernement fédéral ( lequel a estimé, comme on le sait, que cet alinéa paraîtrait dépourvu de sens si l' interprétation devait être plus restrictive ). En effet, même s' il faut considérer que l' article 15, paragraphe 4, vise uniquement les livraisons aux exploitants de bateaux, on peut tout à fait imaginer des possibilités de limitation, par exemple en ce qui concerne les biens pris en compte pour une exonération ou en ce sens que seules sont prises en considération les livraisons effectuées directement à bord ( à l' exclusion du stockage qui les précède ). Par conséquent, l' alinéa qui complète le paragraphe 4 de l' article 15 a indubitablement une signification, même dans l' hypothèse d' une interprétation plus restrictive que celle que préconise le gouvernement fédéral .

24 . bb ) Le second argument renvoie à l' article 16, paragraphe 2 ( selon lequel, sous réserve de la consultation du comité consultatif prévu à l' article 29, les États membres ont la faculté d' exonérer, notamment, les livraisons de biens destinés à un assujetti en vue d' être exportés ).

25 . On ne peut assurément pas dire de cette disposition qu' une interprétation extensive de l' article 15, paragraphe 4, la rendrait superflue .

26 . Au vu de son libellé, elle ne semble, en effet, pas du tout directement adaptée à des opérations telles que celles décrites à l' article 15, paragraphe 4, mais plutôt - comme le gouvernement fédéral l' a remarqué à juste titre - en premier lieu aux opérations d' exportation proprement dites(7 ). Pourtant, elle leur est applicable dans tous les cas, c' est-à-dire qu' elle a également une signification si l' opération d' avitaillement de bateaux assimilée à une exportation devait être entendue en un sens extensif et si l' application de l' article 16, paragraphe 2, se trouvait donc exclue .

27 . d ) S' il ne reste néanmoins, en définitive, pas d' autre solution - comme nous le croyons - que de se ranger à l' opinion de ceux qui préconisent une interprétation restrictive de l' article 15, paragraphe 4, de la directive TVA, il faut alors, pour cela, tenir compte des considérations suivantes .

28 . aa ) Tout d' abord, il est important de noter que la directive est sous-tendue par le principe de la taxation de toutes les opérations commerciales effectuées à l' intérieur du pays . Cela implique que - pour autant que des exonérations sont prévues - une extension à plusieurs stades économiques ne paraît justifiée qu' en présence de motifs tout à fait impératifs . Or, on peut se demander si l' idée de simplification administrative invoquée par le gouvernement fédéral est suffisante pour cela ( à savoir celle d' éviter le calcul, la perception et la déduction de la taxe par des opérateurs économiques qui en définitive - dans la mesure où ils ne sont pas des consommateurs finals - n' auront pas, de toute façon, à l' acquitter ). Cette question se pose d' autant plus qu' il est clair - et l' on y reviendra - que l' interprétation préconisée par le gouvernement fédéral pourrait aussi aboutir, d' une autre façon, à une charge pour l' administration .

29 . bb ) En outre, il faut souligner - et cette remarque a trait à l' économie générale de l' article 15 - que les livraisons pour l' avitaillement de bateaux ( comme le montre le titre de l' article 15 ) sont assimilées à des opérations à l' exportation, et ce pour la raison que la consommation doit avoir lieu à l' étranger . Or, si l' observation d' un critère strict ( l' expédition en dehors de la Communauté ) est déterminante pour les opérations d' exportation proprement dites visées aux premiers paragraphes de l' article 15, la seule solution qui puisse être considérée comme adéquate et conforme à l' économie de cette disposition est d' appliquer un critère aussi strict aux opérations assimilées, en exigeant un lien très étroit entre la livraison et l' avitaillement .

30 . cc ) En outre, un raisonnement fondé sur l' article 16, paragraphe 2, de la directive TVA n' est pas à exclure . Si déjà pour les opérations d' exportation - et, de fait, on peut le dire - l' exonération peut être étendue, après simple consultation du comité consultatif, aux personnes qui ont seulement l' intention d' exporter, il ne paraît pas très logique de parvenir au même résultat ( extension aux stades économiques antérieurs ) pour les opérations assimilées au sens de l' article 15, paragraphe 4, par la voie d' une interprétation extensive de l' expression "livraison destinée à l' avitaillement ". Au contraire, il semblerait plus cohérent - même s' il faut reconnaître que l' article 16, paragraphe 2, n' est pas directement adapté aux opérations assimilées - d' aboutir, par la voie de son application par analogie, à une exonération des opérations qui précèdent la livraison pour l' avitaillement des bateaux proprement dite .

31 . dd ) Un élément qui, selon nous, n' est pas à négliger pour l' interprétation de l' article 15, paragraphe 4, est aussi le renvoi au premier alinéa de l' article, qui mentionne la nécessité d' une application correcte et simple des exonérations prévues et celle de prévenir les fraudes et abus éventuels .

32 . Il apparaît d' emblée que cela n' est guère compatible avec une application systématiquement généreuse du paragraphe 4 de l' article 15, en y incluant les livraisons précédant celle destinée à l' avitaillement . En effet, une telle application ( c' est-à-dire le fait de se fonder sur la destination des livraisons antérieures ) n' exclut pas la possibilité que celle-ci soit ensuite changée et que les biens livrés se retrouvent sur le marché intérieur du pays . Cela peut aboutir à des distorsions dans la concurrence et, en cas de découverte ultérieure d' une telle situation, une correction a posteriori du traitement fiscal s' impose ( ce que l' on ne peut pas précisément considérer comme une simplification administrative ). Or, si l' on veut éviter depuis le départ de telles irrégularités, cela nécessite certaines mesures de surveillance qui ( outre le risque d' entraves aux échanges ) n' entraînent pas non plus, à proprement parler, une simplification administrative .

33 . Les arguments invoqués à cet égard par le représentant du gouvernement fédéral lors de l' audience ne sont guère susceptibles de justifier une appréciation différente . On ne saurait admettre, en effet, que la pratique suivie par ce gouvernement ( l' utilisation d' ordinateurs pour les contrôles, notamment, y joue, semble-t-il, un rôle ) peut être aisément généralisée . Or, il paraît tout à fait impensable - présumons-le - que l' on puisse voir dans la partie visée du premier alinéa de l' article 15 quelque chose comme la reconnaissance d' une marge d' application pour les États membres, selon les moyens dont dispose leur administration . En réalité, il faut considérer que, pour le cas d' exonération qui nous intéresse, la formule utilisée au paragraphe 4 est déterminante et qu' elle doit être entendue en un sens uniforme pour toute la Communauté . Des dérogations ne sont envisageables que dans la limite de la remarque complémentaire qui s' ajoute au paragraphe 4 et que l' on a déjà mentionnée . En revanche, le fait d' autoriser de telles dérogations sur la base de la phrase introductive de l' article 15 serait contraire à l' économie de cette disposition et signifierait méconnaître le sens de cette phrase, qui figure également dans d' autres dispositions de la directive .

34 . e ) S' il y a donc lieu de considérer que l' interprétation extensive de l' article 15, paragraphe 4, préconisée par le gouvernement fédéral ne saurait être tenue pour exacte ( et on parvient au même résultat, en tout état de cause, en appliquant par analogie l' article 16, paragraphe 2 ), il nous paraît également clair, par ailleurs, que rien n' oblige non plus à retenir l' interprétation très restrictive recommandée par les gouvernements des Pays-Bas, du Royaume-Uni et du Portugal, c' est-à-dire à n' admettre une livraison destinée à l' avitaillement de bateaux que si la livraison a lieu directement sur le bateau . Le libellé de la disposition à interpréter ne fournit aucun élément en ce sens ( manifestement, le projet de la Commission mentionné par le gouvernement des Pays-Bas, qui n' a pas encore été adopté par le Conseil, n' est pas pertinent en l' espèce ). A l' encontre de cette opinion, on peut aussi renvoyer notamment à la notion de "livraison" ( selon l' article 5, c' est elle qui est à la base du pouvoir de disposer d' un bien comme un propriétaire ); au vu de cette définition, il paraît assurément logique de reconnaître le pouvoir de disposition à celui qui utilise les biens pour l' avitaillement de bateaux, donc à l' exploitant du bateau, ce qui n' exclut pas un stockage intermédiaire par celui-ci avant le chargement à bord .

35 . Tout au plus peut-on encore ajouter à cela que d' éventuels doutes concernant un risque d' abus ( doutes qui sont déterminants pour les partisans d' une interprétation très restrictive ) peuvent être pris en compte en recourant à la remarque complémentaire ajoutée à l' article 15, paragraphe 4; c' est-à-dire que les États membres qui considèrent comme inadmissibles des exigences très strictes quant à l' application de l' article 15, paragraphe 4, demeurent libres de prévoir une limitation de l' exonération sur la base de ladite remarque complémentaire .

C - Conclusion

36 . 3 . Compte tenu de l' ensemble de ce qui précède, nous proposons de répondre comme suit à la demande du Hoge Raad :

"Il y a lieu d' interpréter l' article 15, paragraphe 4, de la sixième directive TVA en ce sens que doivent être considérées comme des livraisons de biens destinés à l' avitaillement des bateaux décrits dans cette disposition les livraisons à l' entrepreneur qui utilise ensuite les biens pour l' avitaillement de bateaux . Il n' est pas nécessaire, pour cela, que la livraison coïncide avec l' avitaillement, c' est-à-dire qu' elle ait lieu directement sur le bateau ."

(*) Langue originale : l' allemand .

( 1 ) JO L 145, p . 1 .

( 2 ) Arrêt du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties ( 348/87, Rec . p . 0000 ).

( 3 ) Arrêt du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne ( 107/84, Rec . p . 2663 ).

( 4 ) Arrêt du 21 juin 1988, Commission/Irlande ( 415/85, Rec . p . 3115 ).

( 5 ) Arrêt du 21 juin 1988, Commission/Royaume-Uni ( 416/85, Rec . p . 3148 ).

( 6 ) JO L 71, p . 1303 .

( 7 ) Voir les titres des articles 15 et 16 .