Avis juridique important
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 23 septembre 1997. - Jessica Safir contre Skattemyndigheten i Dalarnas län, anciennement Skattemyndigheten i Kopparbergs län. - Demande de décision préjudicielle: Länsrätten i Dalarnas län - Suède. - Libre prestation des services - Libre circulation des capitaux - Fiscalité de l'épargne constituée sous forme d'assurance vie - Législation d'un Etat membre instaurant des régimes d'imposition distincts selon le lieu d'établissement de l'entreprise prestataire de services. - Affaire C-118/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-01897
1 La question préjudicielle faisant l'objet de la présente procédure, soulevée par le Länsrätten i Kopparbergslän, porte sur la compatibilité avec le droit communautaire d'une loi suédoise sur la taxation de certaines primes versées en exécution de contrats d'assurance vie [lag (1990: 662) om skatt på vissa premiebetalningar; ci-après la «premieskattelag»].
Plus précisément, le juge national interroge la Cour sur la compatibilité de cette réglementation - qui soumet à prélèvement fiscal les primes versées par les preneurs d'assurance souscrivant des contrats d'assurance vie avec des compagnies non établies en Suède - avec les dispositions communautaires en matière de libre circulation des services et des capitaux, ainsi qu'avec le principe de non-discrimination.
La réglementation nationale
2 Pour mieux comprendre le sens et la portée de la question préjudicielle, il est opportun tout d'abord de résumer les aspects pertinents en l'espèce de la réglementation suédoise relative à la taxation de l'épargne collectée par les compagnies d'assurance vie, telle qu'elle a été décrite par le juge national dans l'ordonnance de renvoi.
- La taxation relative aux compagnies établies en Suède
3 La taxation de l'épargne collectée par les compagnies d'assurance sur la vie «suédoises ou établies en Suède» (1) frappe tant les compagnies que les assurés. Une distinction est opérée, à des fins fiscales, entre deux catégories d'assurance sur la vie: l'assurance pension (ci-après l'«assurance P») et l'assurance capital (ci-après l'«assurance C»). Pour pouvoir être classées parmi les assurances P, les assurances doivent satisfaire à des conditions déterminées spécifiques, ayant trait à l'épargne pension, parmi lesquelles la circonstance que le contrat y relatif ait été souscrit auprès d'une compagnie établie en Suède.
Les compagnies d'assurance établies en Suède sont tenues de verser un impôt sur le revenu en vertu de la lag (1990: 661) om avkastningsskatt på pensionsmedel. L'impôt est calculé suivant une méthode forfaitaire, qui prend pour base le patrimoine de la compagnie tel qu'il s'établissait à la fin de l'année précédant la taxation. Plus précisément, la base imposable est constituée par le montant qui résulte de la multiplication des actifs, sous déduction des dettes financières, par le taux d'intérêt moyen des obligations d'État durant l'année précédant l'année en question. Les taux applicables s'élèvent à 15 % pour les assurances P et à 27 % pour les assurances C.
La taxation des preneurs d'assurance diffère selon qu'ils ont souscrit une assurance de type P ou C. Dans le premier cas, la prime versée est déductible des impôts dans l'année du versement lui-même, alors que sont imposables les montants venant à échéance. Dans le second cas, les primes versées ne sont pas déductibles, mais les montants échus ne sont pas soumis à l'impôt.
- L'imposition des compagnies non établies en Suède
4 La taxation de l'épargne collectée par les compagnies établies à l'étranger se fait au contraire sur la base de la premieskattelag, entrée en vigueur le 1er janvier 1991. L'article 1er de cette loi prévoit que les personnes physiques ou morales domiciliées en Suède, ou y résidant de manière permanente, qui souscrivent des contrats d'assurance vie avec des compagnies non établies en Suède, sont tenues de payer à l'État un impôt sur les primes versées. En vertu de l'article 3 de cette même loi, le taux de l'impôt est de 15 % du montant de la prime (2).
L'article 5 de la premieskattelag dispose en outre que les autorités nationales compétentes peuvent, sur demande de l'assuré, accorder une exemption du paiement de l'impôt, ou en réduire le montant de 50 %, lorsque la compagnie contractante est soumise, dans l'État où elle est établie, à un impôt sur le revenu comparable à celui qui pèse sur les compagnies d'assurance établies en Suède.
5 De la description de la réglementation nationale pertinente, il apparaît donc que l'épargne collectée par les compagnies établies en Suède est imposée (pour partie) sur la base du montant de leur patrimoine et (pour partie) au moyen d'un prélèvement sur le rendement offert aux assurés; par contre, l'épargne collectée par les compagnies non établies en Suède, qui n'ont pas elles-mêmes été soumises à l'impôt, est taxée à travers la prime versée par les assurés. En d'autres termes, ainsi que l'observe le juge national, «l'impôt sur l'épargne en assurance souscrite auprès de compagnies d'assurance vie suédoises frappe le rendement des assurances vie individuelles, alors que l'épargne correspondante souscrite auprès de compagnies d'assurance vie étrangères frappe les primes».
Ce mécanisme différencié, qui prévoit un traitement différent, du point de vue fiscal, entre assurés résidant en Suède qui ont stipulé des contrats d'assurance avec des compagnies établies dans ce pays et ceux qui au contraire ont eu recours à des compagnies non établies en Suède, a été introduit, toujours selon l'ordonnance de renvoi, dans le but de garantir «la neutralité, sous l'angle de la concurrence, entre les compagnies d'assurance suédoises et étrangères qui collectent l'épargne». L'intention du législateur suédois serait démontrée par la possibilité d'exemption du paiement de l'impôt (ou de réduction du montant de celui-ci) offerte par la loi aux assurés qui souscrivent des contrats avec des compagnies non établies et soumises à une imposition analogue à celle qui frappe les compagnies établies.
Les faits
6 Les faits à l'origine du litige au principal sont simples et remontent au début de 1995, quand Mme Jessica Safir (ci-après la «requérante»), ayant souscrit une police d'assurance vie auprès de Skandia Life Assurance Company Ltd, compagnie d'assurance anglaise opérant également sur le marché suédois (3), a sollicité de l'administration fiscale l'exemption du versement de l'impôt sur la prime en vertu de l'article 5 de la premieskattelag.
L'administration fiscale a décidé de réduire l'impôt de 50 %, de sorte que la requérante, ayant déclaré avoir versé une prime d'une valeur de 1 000 SKR, a acquitté un impôt égal à 75 SKR. Par la suite toutefois, à la suite de l'issue négative de deux procédures de réexamen de la décision de réduction de l'impôt mises en oeuvre par cette même administration fiscale, la requérante a attaqué cette décision en en demandant l'annulation devant le tribunal administratif régional compétent.
La question préjudicielle
7 Nourrissant des doutes sur la compatibilité avec le droit communautaire du traitement fiscal différent auquel sont soumises, en vertu de la premieskattelag, les personnes assurées auprès d'une compagnie non établie en Suède, le juge saisi du recours a décidé de suspendre la procédure et de soumettre à la Cour la question suivante:
«Au cas où, dans un État membre, l'imposition de l'épargne en assurance vie à l'égard des compagnies d'assurance nationales et des compagnies d'assurance étrangères exerçant leurs activités dans l'État membre au moyen d'un établissement présente les caractéristiques techniques d'un impôt sur le rendement du capital d'assurance, calculé de manière forfaitaire, et imposé dans le chef de l'assureur,
l'imposition des primes d'assurance payées par le preneur domicilié dans l'État membre en vertu du contrat d'assurance vie conclu avec un assureur établi dans un autre État membre et exerçant son activité dans le premier État membre conformément aux règles relatives à l'activité d'assurance transfrontière, aux fins de maintenir la neutralité en termes de concurrence entre épargnants en assurance nationaux et étrangers, enfreint-elle les articles 6, 59, 60 ou 73 b et 73 d du traité de Rome,
étant entendu que l'impôt sur lesdites primes d'assurance peut être supprimé ou réduit de moitié par l'administration fiscale au cas où la compagnie d'assurance établie à l'étranger est soumise dans l'État de son établissement à un impôt sur le revenu comparable à l'imposition de l'épargne en assurance nationale dans l'autre État membre?»
En ce qui concerne les dispositions communautaires applicables
8 Le juge national interroge donc la Cour sur la compatibilité de la premieskattelag avec les dispositions du traité CE en matière de libre circulation des services et des capitaux ainsi qu'avec l'article 6 de celui-ci, qui établit en termes généraux l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité. En effet, prima facie, la loi litigieuse comporte une discrimination formelle, du point de vue fiscal, entre assurés auprès de compagnies étrangères (non établies) et assurés auprès de compagnies nationales, de nature, entre autres, à faire obstacle tant à la prestation de services transfrontaliers qu'aux mouvements de capitaux y relatifs.
Nous exclurons tout de suite l'application de l'article 6. En effet, selon une jurisprudence constante, cette disposition n'a vocation à s'appliquer de façon autonome que dans des situations, régies par le droit communautaire, pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (4). C'est donc par rapport aux articles 59 et 73 B du traité, dispositions qui concrétisent ce principe de non-discrimination dans le secteur spécifique de la libre circulation des services et des capitaux, qu'il y aurait lieu de vérifier la légalité de la réglementation litigieuse.
9 A cet égard, nous considérons toutefois qu'une précision supplémentaire s'impose. De l'analyse des règles régissant la libre circulation des services et celle des capitaux, de leur place dans le traité, ainsi que d'une lecture attentive de la jurisprudence d'ensemble en la matière, il apparaît que les dispositions des articles 59 et suivants, d'une part, et celles des articles 73 B et suivants, d'autre part, n'ont pas vocation à s'appliquer cumulativement, et encore moins indifféremment; elles concernent et régissent plutôt, du moins en principe, des hypothèses différentes: les premières imposent la suppression des restrictions à la libre prestation des services - répétons-le, même des services financiers - à l'intérieur de la Communauté; les secondes, quant à elles, interdisent les entraves aux mouvements de capitaux et aux paiements entre États membres, ainsi qu'entre États membres et pays tiers.
Il en résulte que la compatibilité avec le droit communautaire de la mesure nationale en cause doit être appréciée - à moins qu'elle ne comporte à la fois des obstacles à la libre circulation des services et à celle des capitaux et des paiements - soit par rapport aux articles 59 et suivants, soit par rapport aux articles 73 B et suivants. Ajoutons qu'une application cumulative des dispositions dont il s'agit, qui rattacherait indistinctement les faits de la cause à la libre circulation des capitaux ou à la libre prestation des services serait à tout le moins peu rigoureuse.
10 Une telle approche, outre qu'elle est suggérée par les dispositions en question, est aussi confortée par la place de ces dispositions dans le traité, qui y consacre deux chapitres distincts (respectivement le troisième et le quatrième) du titre III.
La distinction, qui a été voulue par les auteurs du traité, entre la sphère d'application des dispositions en matière de services et celle des dispositions en matière de capitaux trouve sa confirmation dans l'article 60, qui identifie la notion de services à des prestations fournies normalement contre rémunération, «dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes». Est en outre significatif à cet égard le libellé de l'article 61, paragraphe 2, aux termes duquel «la libération des services des banques et des assurances qui sont liées à des mouvements de capitaux doit être réalisée en harmonie avec la libération progressive de la circulation des capitaux» (5).
11 Également la jurisprudence de la Cour semble pour l'essentiel orientée dans le même sens. Déjà dans l'arrêt Société générale alsacienne de banque, la Cour, partageant les réflexions approfondies de l'avocat général sur ce point, avait en effet manifesté l'exigence de déterminer si les opérations objet de cette procédure (l'exécution d'ordres de bourse et autres opérations en compte courant) devaient être qualifiées de services ou de mouvements de capitaux; et cela, bien entendu, avant d'examiner la compatibilité avec le droit communautaire des restrictions que la réglementation nationale litigieuse imposait à ces opérations (6).
Dans l'arrêt Casati, légèrement postérieur, la Cour a ensuite précisé la différence de portée, tant sous l'angle de l'étalement dans le temps que des modalités d'application, des dispositions en matière de capitaux par rapport à celles relatives aux autres libertés garanties par le traité. En particulier, elle a mis en évidence que la libre circulation des capitaux ne pouvait, à la différence des autres libertés, être considérée comme automatiquement réalisée à l'expiration de la période de transition et que l'article 67, alors en vigueur (7), comportait seulement l'obligation de libérer les mouvements de capitaux «dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun» (8).
12 Encore plus claire est la position prise par la Cour dans l'affaire Bachmann. Appelée à se prononcer sur la compatibilité avec le droit communautaire d'une réglementation belge subordonnant la déductibilité de cotisations d'assurance maladie, vieillesse et décès à la condition que ces cotisations aient été versées dans ce même État, la Cour a examiné le cas d'espèce uniquement sous l'angle des articles 48 et 49 du traité. En outre, en excluant l'application des dispositions en matière de capitaux, qui avaient pourtant été expressément invoquées, elle a précisé que «l'article 67 n'interdit pas les restrictions qui ne visent pas les transferts de capitaux, mais qui résultent indirectement de restrictions aux autres libertés...» (9).
13 La même logique peut se retrouver dans la jurisprudence ultérieure. Dans l'affaire Bordessa e.a., par exemple, la Cour a expressément exclu qu'une réglementation qui subordonne à autorisation préalable l'exportation de valeurs telles que pièces, billets de banque ou chèques au porteur puisse rentrer dans le champ d'application de l'article 59 (et de l'article 30) et l'a examinée exclusivement sous l'angle de l'article 67 (et de la directive qui en constitue la mise en oeuvre) (10). Dans le cas d'espèce, en effet, le mouvement de capitaux n'était pas lié à des échanges de services (ou de marchandises). Sur ce point, en outre, la Cour n'a pas manqué de mettre en lumière le fait que l'opération de qua, même s'il avait été démontré qu'elle constituait un paiement de marchandises ou de services, aurait de toute façon été régie par l'article 106 et non par les articles 30 et 59 du traité (11).
Dans le même sens, encore qu'en parvenant au résultat opposé, la Cour a établi que la compatibilité avec le droit communautaire d'une réglementation britannique qui interdisait la promotion et la vente de billets de loteries étrangères ainsi que le déroulement de celles-ci sur le territoire national devait être appréciée par rapport à l'article 59 du traité; elle a exclu expressément, quoique de façon incidente, l'application aux faits de la cause considérée des dispositions relatives aux capitaux (ainsi que de celles relatives aux marchandises et aux personnes) (12).
14 L'arrêt Svensson et Gustavsson (13) s'éloigne du cadre normatif et jurisprudentiel - dans l'ensemble, assez cohérent - qui vient d'être décrit. En l'espèce, le juge national demandait à la Cour de se prononcer sur la compatibilité avec les articles 67 et 71 du traité d'une réglementation luxembourgeoise qui subordonnait l'octroi d'une aide sociale au logement, sous forme de bonification d'intérêts, à la condition que les prêts destinés au financement de la construction, de l'acquisition ou de l'amélioration du logement aient été contractés auprès d'un institut de crédit agréé (et donc établi) au Luxembourg.
Écartant les suggestions de l'avocat général qui, dans le droit fil de la jurisprudence Bachmann, proposait d'examiner le cas d'espèce seulement par rapport aux articles 59 et suivants du traité (14), la Cour a opté au contraire pour une application combinée des dispositions en matière de services et de capitaux, en concluant à l'incompatibilité de la réglementation nationale tant avec les premières qu'avec les secondes. Plus précisément, elle a en premier lieu déclaré que la réglementation en cause, dans la mesure où elle était de nature «à dissuader les intéressés de s'adresser à des banques établies dans un autre État membre», avait pour effet d'entraver les mouvements de capitaux tels que les prêts bancaires. En second lieu, la Cour a affirmé que cette même réglementation était contraire à l'article 59 - reconnaissant par là même dans l'opération en question un service au sens de cette disposition - en raison de la discrimination opérée au détriment des instituts de crédit établis dans d'autres États membres.
15 Sans vouloir entrer dans le fond de la qualification attribuée à l'opération en cause (mouvement de capitaux et/ou prestation de services), il reste néanmoins à se demander pourquoi la Cour a ressenti l'exigence d'évaluer la réglementation litigieuse, après en avoir constaté le caractère contraire aux prescriptions de l'article 67 du traité, également par rapport à l'article 59 (15).
Il s'agit d'une solution qui, à notre avis, n'est parfaitement en phase ni avec la lettre ni avec l'esprit des dispositions communautaires en cause, compte tenu, en particulier, de la valeur résiduelle expressément et incontestablement attribuée par le traité aux règles sur la prestation des services. Il s'agit, en outre, d'une solution qui s'oppose, sans motivation adéquate, à la précédente jurisprudence en la matière, susrappelée (16).
16 Mais il y a plus. Une application indistincte des dispositions du traité sur les services et sur les capitaux pourrait se heurter à un obstacle supplémentaire lié à la portée différente que le traité assigne à l'interdiction visée à l'article 59 et à celle visée à l'article 73 B. Comme on le sait, en effet, si la libre circulation des services est soumise aux seules limitations admises à titre exceptionnel par l'article 56 du traité et préfigurée par celui-ci (ainsi que, aux conditions que nous verrons ci-après, à celles justifiées par des exigences impératives), la libre circulation des capitaux trouve, par contre, une limite de portée plus générale dans les prescriptions de l'article 73 D, sous a), qui autorise expressément l'adoption de dispositions fiscales prévoyant des traitements discriminatoires sur la base de la résidence (même si, selon la formule «classique», ces dispositions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée). Il s'agit d'une différence subtile dans le régime de ces deux normes, qui confirme toutefois la nécessité de délimiter avec exactitude leurs champs d'application respectifs.
17 Les observations qui précèdent nous amènent à la conclusion qu'il importe donc toujours de procéder à une qualification précise de la réglementation nationale dont il s'agit, en particulier lorsqu'elle se rapporte aux banques ou aux assurances, en tant que restriction (potentielle) à la libre circulation des services ou à celle des capitaux, en fonction de la nature et du type de restriction que son application est de nature à comporter; cela, dans le but - que nous définirions comme impératif - d'en déterminer le paramètre de légalité correct.
Cette qualification devrait intervenir, à notre avis, sur la base des critères que l'on peut inférer de la jurisprudence de la Cour antérieure à l'arrêt Svensson et Gustavsson: si la mesure en cause entrave directement le transfert des capitaux, en le rendant impossible ou plus difficile, par exemple en prévoyant l'obligation d'une autorisation ou, en tout cas, en imposant des restrictions de type monétaire, elle sera régie par les articles 73 B et suivants du traité (17); si par contre l'entrave aux mouvements de capitaux n'est qu'indirecte et que la mesure constitue in primis une restriction non monétaire à la libre circulation des services, ce sont les articles 59 et suivants du traité qui s'appliqueront (18). L'hypothèse d'une application combinée des deux groupes de normes reste certes possible, mais seulement par rapport à des mesures entravant simultanément, bien entendu sous des aspects différents, tant la prestation de services que la circulation des capitaux (19).
18 Si l'on applique ces critères à l'affaire présentement en cause, il apparaît évident que la réglementation nationale en question pourrait bien constituer un obstacle pour les compagnies d'assurance qui ont l'intention d'exercer leur activité en Suède sans y avoir un siège permanent. Les modalités d'imposition de l'épargne collectée par celles-ci sont en effet différentes, de par la loi, de celles prévues pour les compagnies établies. A cet égard, il suffit pour le moment d'observer que le prélèvement fiscal opéré sur les primes versées par les assurés peut certainement constituer, pour ces derniers, une dissuasion considérable de souscrire des polices avec des compagnies non établies, spécialement si, à l'opposé, les compagnies établies offrent des produits d'assurance de nature analogue et dont les primes sont exonérées d'impôt.
Pour ce qui est, en revanche, des mouvements de capitaux (et des paiements), il n'apparaît pas que la réglementation en question empêche ces mouvements ou les rende plus difficiles, sinon comme simple conséquence de l'entrave à la libre prestation des services, ce qui est tout à la fois évident et sans importance. La réglementation en effet n'exige pas des formalités particulières (autorisations ou déclarations), ni n'impose de restrictions monétaires au transfert des fonds versés à titre de primes pour les contrats souscrits avec des compagnies non établies; au contraire, le transfert de ces fonds à l'étranger apparaît tout à fait libre.
19 Ces éléments nous semblent suffisants pour exclure l'application de l'article 73 B et, en même temps, pour rapporter le cas d'espèce dans le cadre résiduel de l'article 59 du traité. C'est donc par rapport à cette disposition qu'il convient d'examiner la compatibilité avec le droit communautaire de la réglementation nationale en cause.
En ce qui concerne les effets restrictifs de la mesure litigieuse
20 Venons-en à présent au fond de la question. Les gouvernements intervenus dans la procédure s'accordent à considérer la réglementation suédoise compatible avec le droit communautaire, en soutenant que, dans la mesure où elle n'est pas discriminatoire, elle ne serait pas contraire au prescrit de l'article 59. La récente jurisprudence de la Cour aurait en effet reconnu le principe de la territorialité fiscale, dont la réglementation en cause constituerait une application. Sur la base de ce principe, en matière d'impositions directes, dont le régime relève de la compétence des États membres, on admet le traitement différencié des résidents par rapport aux non-résidents. A cet égard, ils renvoient, en particulier, à l'arrêt Schumacker (20).
Selon ces mêmes gouvernements, la réglementation en question, même si l'on établissait son caractère discriminatoire, serait néanmoins justifiée en raison de ses objectifs. Elle viserait en effet à préserver l'efficacité des contrôles fiscaux et, en même temps, la cohérence du système fiscal national: intérêts généraux déjà expressément reconnus dignes de protection par la jurisprudence (respectivement, les arrêts Futura Participations et Singer et Bachmann). Cette même réglementation serait en outre nécessaire et proportionnée, étant donné que ces objectifs ne pourraient être efficacement atteints par des mesures moins restrictives (21).
21 La réglementation litigieuse, rappelons-le, soumet à un prélèvement fiscal les primes versées par les preneurs d'assurance qui souscrivent des contrats d'assurance vie avec des compagnies non établies en Suède; par contre, les primes versées en exécution de contrats souscrits avec des compagnies nationales ou, en tout état de cause, avec des compagnies établies en Suède ne sont pas soumises à un tel prélèvement, étant donné que la taxation de l'épargne collectée par celles-ci se fait selon des modalités et des mécanismes différents. Rappelons aussi que les assurés auprès de compagnies non établies ont le droit, lorsqu'ils le demandent, à l'exemption du paiement de l'impôt sur les primes ou, selon le cas, à une réduction de cet impôt, au cas où les autorités compétentes constatent que la compagnie contractante est soumise, dans l'État d'établissement, à une imposition analogue à celle prévue pour les compagnies établies en Suède.
22 La premieskattelag, en d'autres termes, introduit un traitement différencié entre plusieurs catégories de sujets juridiques. En premier lieu, il est tout à fait évident que les assurés (destinataires de services) sont traités différemment selon qu'ils ont contracté une assurance vie avec des compagnies non établies en Suède, auquel cas ils sont tenus de verser l'impôt sur la prime, ou avec des compagnies établies en Suède, auquel cas ils ne sont pas assujettis à cette obligation. En second lieu, il peut y avoir un traitement différencié entre les clients eux-mêmes des différentes compagnies non établies en Suède, lesquels pourront ou non bénéficier de l'exemption du paiement de l'impôt sur les primes ou, le cas échéant, d'une réduction du montant, selon l'issue de la vérification effectuée par les autorités suédoises quant aux modalités d'imposition auxquelles ces compagnies sont soumises dans l'État d'établissement.
S'il est vrai, en outre, que ce traitement différencié concerne de la même manière tous ceux qui résident ou qui sont domiciliés dans un même État membre et que, par conséquent, ce traitement n'est pas, en tant que tel, pertinent aux fins de l'application de la réglementation communautaire sur les services, il n'en reste pas moins qu'il est inévitablement destiné à être répercuté sur les prestataires du service en question, selon qu'ils disposent ou non d'un établissement stable en Suède. En d'autres termes, les compagnies d'assurance non établies - étant donné que seules les primes versées par leurs assurés sont soumises à un prélèvement fiscal - souffrent d'un désavantage évident par rapport aux compagnies établies, ce qui entraîne - ou en tout état de cause peut entraîner - une restriction non négligeable à l'exercice de leur activité sur le territoire de l'État en question.
23 A l'évidence, il s'agit de restrictions fondées, même si c'est indirectement, sur l'établissement du prestataire (22), donc de nature à en entraver l'activité transfrontalière et, par conséquent, manifestement contraires à la lettre de l'article 59 du traité (23).
Cette disposition, rappelons-le, interdit en effet toutes «les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté ... à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation». Ajoutons par ailleurs que, comme précisé à plusieurs reprises par la Cour, les articles 59 et 60 «exigent l'élimination non seulement de toutes discriminations à l'encontre du prestataire en raison de sa nationalité, mais également de toutes restrictions à la libre prestation de services imposées en raison de la circonstance qu'il [le prestataire] est établi dans un État membre autre que celui où la prestation doit être fournie» (24). La réglementation litigieuse, indubitablement, constitue un bon exemple de mesure restrictive rentrant dans la seconde des catégories rappelées dans le passage que nous venons de citer.
24 Dans ces conditions, la thèse selon laquelle la réglementation en cause échapperait, en vertu du principe de la territorialité fiscale, à l'interdiction visée à l'article 59 apparaît tout à fait dépourvue de fondement. Nous estimons donc suffisantes, sur ce point, les brèves explications qui suivent.
En premier lieu, la jurisprudence Schumacker elle-même part de la prémisse explicite suivant laquelle, «bien que la matière des impôts directs ne relève pas, en tant que telle, du domaine de la compétence de la Communauté, l'exercice par les États membres de cette compétence retenue ne peut s'affranchir du respect du droit communautaire» (25), et les États doivent donc «s'abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité» (26). En second lieu, s'il est bien vrai, comme l'a précisé la Cour, qu'un traitement différencié, sous l'angle fiscal, des résidents et des non-résidents n'implique pas, par lui-même, une discrimination interdite par le traité, il est tout aussi vrai qu'il y a lieu de tenir compte de la différence objective entre les deux catégories de contribuables, en particulier, «tant du point de vue de la source du revenu que de la capacité contributive personnelle ou de la situation personnelle et familiale» (27).
25 Or, à première vue déjà, une différence substantielle par rapport à la présente espèce saute aux yeux, étant donné que le traitement discriminatoire prévu par la premieskattelag concerne des contribuables résidant dans le même État membre et les frappe distinctement en fonction de la compagnie (établie ou non établie) avec laquelle ils ont choisi de souscrire un contrat d'assurance.
A cela s'ajoute que le principe de la territorialité fiscale, reconnu par la Cour en liaison avec des réglementations restrictives de la libre circulation des travailleurs et de la liberté d'établissement, ne saurait être transposé purement et simplement en matière de libre prestation des services. Les dispositions mêmes du traité qui garantissent cette liberté imposent en effet que soit respectée au minimum l'égalité de traitement entre le prestataire qui exerce son activité dans un État membre différent de celui dans lequel il est établi et le prestataire qui est au contraire établi dans ce même État. Il en résulte que l'admissibilité d'un principe qui consentirait la disparité de traitement entre destinataires de services en fonction de l'établissement des prestataires non seulement serait manifestement contraire à l'idée même de libre prestation des services, mais finirait, tout bien considéré, par la rendre parfaitement vaine (28).
A cet égard, rappelons enfin que dans l'arrêt Bachmann, concernant un cas d'espèce à bien des égards semblable à celui présentement en cause, la Cour a expressément déclaré que «des dispositions qui impliquent l'établissement de l'assureur dans un État membre pour que les assurés puissent bénéficier, dans cet État, de certaines déductions fiscales, découragent les assurés de s'adresser aux assureurs établis dans un autre État membre et, partant, constituent, pour ces derniers, un obstacle à la libre prestation des services» (29).
26 En définitive, la réglementation en question est certainement de nature à entraver la libre prestation des services et donc est contraire, par principe, à l'article 59 du traité. Cette conclusion - il est à peine besoin de le souligner - n'est pas susceptible d'être remise en cause en raison de la possibilité, prévue par la même réglementation en faveur des assurés auprès de compagnies non établies, d'une exemption du paiement de l'impôt ou de sa réduction. Il s'agit en effet d'une possibilité seulement éventuelle et de toute façon subordonnée, d'une part, à l'initiative de l'intéressé et, d'autre part, aux vérifications que l'administration nationale compétente est appelée à effectuer en ce qui concerne le système fiscal de l'État d'établissement de l'assureur.
En ce qui concerne les motifs invoqués à l'appui de la justification de la mesure litigieuse
27 Il ne reste sur ce point qu'à vérifier si, compte tenu de ses caractéristiques et de sa ratio, cette réglementation peut néanmoins être justifiée. Tant le gouvernement suédois que le gouvernement anglais invoquent, à cet égard, l'exigence tirée de l'intérêt général, plus précisément la sauvegarde de la cohérence du système fiscal national et l'efficacité des contrôles fiscaux.
28 Or, commençons par rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, une mesure nationale ne peut être justifiée et donc déclarée compatible avec le droit communautaire que lorsqu'elle rentre dans l'une des dérogations expressément prévues par le traité. Dans l'arrêt Bond van Adverteerders e.a., ultérieurement confirmé à plusieurs reprises, la Cour a en effet affirmé clairement que «des réglementations nationales qui ne sont pas indistinctement applicables aux prestations de services quelle qu'en soit l'origine et qui sont, dès lors, discriminatoires ne sont compatibles avec le droit communautaire que si elles peuvent relever d'une disposition dérogatoire expresse» (30).
Pour autant qu'il importe en l'espèce, il y a lieu de rappeler la dérogation prévue à l'article 56 du traité, à laquelle renvoie l'article 66, sur la base de laquelle les États membres peuvent appliquer un régime spécial pour les ressortissants étrangers, justifié par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Ajoutons que cette disposition, précisément parce qu'elle est dérogatoire, est d'application stricte, de sorte qu'elle n'englobe certainement pas les objectifs de nature économique d'une mesure restrictive (31).
29 Rappelons en outre que des mesures nationales restrictives de la libre prestation des services peuvent être justifiées (également) quand elles sont prises pour la sauvegarde d'exigences relevant de l'intérêt général, mais cela seulement en présence de conditions bien définies. Selon la jurisprudence, en effet, la libre prestation des services, en tant que liberté fondamentale garantie par le traité, ne peut être limitée que par des règles qui satisfont cumulativement à des conditions déterminées, à savoir: d'être justifiées par l'intérêt général et d'être applicables (indistinctement) vis-à-vis de toute personne ou entreprise exerçant une activité sur le territoire de l'État destinataire, d'être objectivement nécessaires à la réalisation de l'objectif poursuivi et d'être proportionnées à celui-ci; enfin, que l'intérêt qu'elles protègent ne soit pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l'État membre où il est établi (32).
En reconnaissant l'incompatibilité avec le droit communautaire de règles nationales indistinctement applicables, lorsqu'elles sont restrictives et non justifiées par des raisons d'intérêt général, la Cour a en substance appliqué, également en matière de services, la même approche déjà utilisée en matière de marchandises, à partir de l'arrêt bien connu «Cassis de Dijon» (33).
30 Tout cela posé, il importe à présent de vérifier, pour se prononcer sur le type de justification admissible, si la mesure litigieuse doit être considérée comme formellement discriminatoire ou, au contraire, comme indistinctement applicable. Ajoutons tout de suite que la question n'est pas aussi banale qu'elle pourrait sembler, étant donné qu'en matière de prestations il n'est pas toujours aisé de procéder à une telle qualification ou, plus exactement, il n'est pas aisé de se rapporter, compte tenu de la jurisprudence en la matière, à une définition claire et uniforme des mesures discriminatoires.
Il est hors de doute qu'une mesure nationale qui comporte une disparité de traitement basée sur la nationalité est qualifiée de formellement discriminatoire (34). Moins évidente, toutefois, est la qualification de cette mesure lorsque la disparité de traitement est au contraire fondée sur la résidence ou sur l'établissement du prestataire. S'il est vrai, en effet, que la Cour a jugé discriminatoires, et donc uniquement susceptibles d'être justifiées sur la base de la dérogation visée à l'article 56, des réglementations nationales prévoyant des régimes distincts en fonction de l'établissement (35), il est tout aussi vrai qu'elle a justifié au nom de l'intérêt général ou, en tout cas examiné à la lumière de l'objectif spécifique qu'elles poursuivaient des réglementations nationales qui imposaient, aux fins de l'exercice de l'activité en question, la condition de résidence (36) ou de l'établissement (37). Et cela, malgré le fait que cette condition, ainsi que la Cour l'a observé à plusieurs reprises, entraîne l'impossibilité absolue d'exercer l'activité en question (seulement) occasionnellement et revient donc à dénier aux prestataires établis dans d'autres États membres le bénéfice des règles communautaires sur la libre prestation des services (38).
31 Tout bien considéré, toutefois, la jurisprudence que nous venons de rappeler a sa logique propre, en ce sens qu'elle qualifie d'indistinctement applicables (également) les mesures nationales qui, bien que prévoyant, aux fins de l'exercice d'une activité donnée, l'exigence de la résidence ou de l'établissement, s'appliquent néanmoins à tous ceux qui désirent exercer cette activité sur le territoire de cet État membre. En d'autres termes, la Cour ne considère comme formellement discriminatoires que les réglementations nationales prévoyant un régime distinct pour les ressortissants étrangers et/ou les prestataires de services «originaires» d'un autre État membre. Par contre, dans l'hypothèse où la réglementation en cause a vocation à s'appliquer à tous ceux qui exercent l'activité en question sur le territoire d'un État membre donné, même lorsque la réglementation prévoit expressément la condition de résidence ou de l'établissement (rendant par là même impossible l'exercice de l'activité aux prestataires établis dans un autre État membre), elle est qualifiée d'indistinctement applicable.
La conséquence, par trop évidente, est qu'une réglementation qui soumet les prestataires établis dans un autre État membre à des conditions différentes de celles auxquelles sont soumis les prestataires établis sur le territoire national ne peut être justifiée qu'en vertu de dérogations expressément prévues par le traité, alors qu'une réglementation déniant directement aux prestataires établis dans un autre État membre l'accès à une profession donnée, précisément parce qu'elle leur impose une résidence ou un établissement dans l'État dans lequel la prestation doit être effectuée, peut être justifiée en vertu de «raisons impérieuses d'intérêt général». Un tel résultat, reconnaissons-le, n'est pas satisfaisant, tout comme peut être considérée perverse la logique qui y conduit; il n'en reste pas moins qu'une mesure imposant une condition d'établissement en matière de services est, bien entendu formellement, indistinctement applicable.
32 Venons-en à présent à la mesure qui nous occupe. A l'évidence, elle ne prévoit pas, du moins pas directement, un régime distinct pour les entreprises d'assurance non établies en Suède. La différence de traitement concerne en effet, au moins formellement, les assurés, qui résident tous en Suède. Compte tenu toutefois de ce que ce traitement différencié dépend du choix de la compagnie d'assurance, si elle est ou non établie, il est par trop évident que la mesure en question donne lieu à une disparité de traitement en fonction de l'établissement du prestataire.
Dans de telles conditions, établir si elle rentre parmi les mesures formellement discriminatoires ou parmi celles indistinctement applicables dépendra de l'aspect que l'on met en exergue: soit la circonstance qu'elle n'est pas directement discriminatoire en fonction de l'établissement, soit la circonstance qu'il s'agit, en définitive, malgré tout, d'une mesure déterminant un régime distinct selon que les compagnies d'assurance dont il s'agit sont ou non établies sur le territoire national. Ajoutons que la jurisprudence plus particulièrement pertinente, concernant donc les réglementations structurées de manière analogue à celle qui nous occupe, n'aide pas à résoudre le problème, bien au contraire.
33 Tel est le cas, tout d'abord, de l'arrêt Bachmann, relatif à une réglementation nationale qui subordonnait la déductibilité de certaines cotisations à la condition qu'elles aient été versées dans l'État même. En effet, la Cour a estimé que cette réglementation était justifiée par l'exigence de garantir la cohérence du système fiscal national, en lui reconnaissant par là même le caractère d'une mesure indistinctement applicable. Pour ce faire, il convient de le noter, elle s'est limitée à rappeler que «l'exigence d'un établissement est ... compatible avec l'article 59 du traité si elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif d'intérêt général recherché» (39). Il semblerait, au vu de cette affirmation, que puisqu'au nom de l'intérêt général on peut justifier même l'interdiction - imposée à travers l'exigence de l'établissement - d'exercer des activités données sur le territoire de l'État considéré, des réglementations comportant certains désavantages, ou en tout cas ne reconnaissant pas certains avantages à ceux qui choisissent de recourir à des prestataires non établis dans l'État en question, devraient a fortiori pouvoir être justifiées.
Certes, dans l'arrêt Svensson et Gustavsson, qui est postérieur, la Cour semble prendre les distances qui conviennent par rapport à l'arrêt Bachmann, mais il n'en demeure pas moins que l'arrêt Svensson et Gustavsson engendre à son tour bon nombre d'incertitudes précisément sur le point présentement en cause. En effet, pour répondre à l'argument du gouvernement luxembourgeois, qui faisait valoir la nécessité d'une réglementation nationale en vue d'assurer la cohérence du régime fiscal, la Cour a observé que «la réglementation en cause comporte une discrimination en raison de l'établissement» et qu'elle ne saurait donc «être justifiée que par les raisons d'intérêt général mentionnées à l'article 56, paragraphe 1, du traité, auquel renvoie l'article 66, dans lesquelles ne figurent pas les objectifs de nature économique» (40). Toutefois, la Cour, non sans une contradiction évidente, est quand même entrée dans le fond de l'argumentation soutenue par le gouvernement luxembourgeois, pour conclure que contrairement à ce qui avait été constaté dans l'arrêt Bachmann, la réglementation en cause n'était pas nécessaire pour préserver la cohérence du système fiscal (41).
34 Or, il nous semble qu'une même réglementation peut être justifiée ou en vertu des dérogations expressément prévues par le traité ou en vertu d'exigences liées à l'intérêt général (42): et cela, selon qu'elle est discriminatoire ou indistinctement applicable. En somme, même si l'on admet qu'il n'est pas toujours aisé de qualifier une mesure nationale déterminée - soit parce que l'effet discriminatoire (en fait) est par trop évident, soit parce que la nature particulière d'un service déterminé conduit à une plus grande prudence - il va de soi qu'un troisième type de mesures (indistinctement applicables et formellement discriminatoires ou distinctement applicables mais non discriminatoires) ne peut et ne doit pas exister. La présente procédure offre à la Cour l'occasion de faire la clarté sur ce point, en indiquant expressément si la réglementation nationale en cause doit être considérée comme discriminatoire - et ne pouvant donc être justifiée que sur la base des dérogations prévues par le traité même - ou si, au contraire, en tant qu'indistinctement applicable, elle peut être justifiée également par des raisons impérieuses d'intérêt général.
Plus précisément, il nous semble que la Cour devrait, par rapport à l'affaire qui nous occupe, ou bien déclarer que dans les mesures formellement discriminatoires rentrent également celles qui indirectement introduisent une disparité de traitement entre prestataires de services selon qu'ils sont ou non établis dans l'État dont s'agit, comme semble le suggérer l'arrêt Svensson et Gustavsson, ou bien affirmer, comme semble au contraire le suggérer l'arrêt Bachmann, que des mesures qui formellement ne prévoient pas de régime distinct entre prestataires établis et non établis restent des mesures indistinctement applicables.
35 Si l'on applique la première approche au présent cas d'espèce, il nous suffira ici d'observer que la réglementation nationale en cause ne rentre dans aucune des hypothèses dérogatoires prévues à l'article 56 du traité, auquel renvoie l'article 66 du même traité. Il est en outre indéniable que la cohérence du régime fiscal et l'efficacité des contrôles fiscaux, c'est-à-dire les motifs invoqués par le gouvernement suédois, poursuivent un but essentiellement économique, de sorte que la mesure en cause ne peut en aucun cas être considérée comme justifiée, et donc compatible avec le droit communautaire, en vertu de ces motifs.
36 Ajoutons que l'on ne peut pas non plus, à notre avis, parvenir à une conclusion différente dans l'hypothèse dans laquelle la Cour devrait décider - privilégiant ainsi la seconde approche - de qualifier la mesure en cause d'indistinctement applicable. S'il est en effet incontesté que les motifs invoqués pour sa justification sont reconnus dignes de protection par la jurisprudence en la matière (43), il n'en reste pas moins que la mesure en question est loin d'être nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, et ne satisfait pas au critère de proportionnalité.
Tout d'abord, la prétendue exigence de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux est manifestement inopérante en l'espèce. Compte tenu des caractéristiques et de la ratio de la réglementation en question, telle que celle-ci a été explicitement énoncée par le gouvernement suédois lui-même, force est en effet de reconnaître que cette réglementation ne présente pas de lien causal significatif avec l'objectif poursuivi.
37 Nous estimons en outre que la mesure nationale en cause ne peut pas non plus être justifiée par l'exigence de garantir la cohérence du système fiscal national et qu'il ne suffit certainement pas à cette fin de renvoyer à l'arrêt Bachmann. Il est vrai, en effet, qu'en l'espèce la Cour a estimé que la cohérence du système fiscal aurait été gravement compromise au cas où l'État belge aurait été tenu d'étendre les avantages fiscaux également aux preneurs d'assurance qui s'étaient assurés auprès de compagnies établies à l'étranger, étant donné la difficulté de percevoir l'impôt sur les intérêts versés à partir de l'étranger. Il est tout aussi vrai, toutefois, que la Cour n'est parvenue à cette conclusion qu'après avoir mis en évidence le fait que la réglementation nationale en question avait pour objectif de créer un mécanisme de compensation directe entre la déductibilité des cotisations litigieuses et l'imposition fiscale à laquelle étaient assujettis les revenus ultérieurement perçus par l'assuré.
Sans vouloir entrer dans le fond de cette analyse, il nous suffit donc d'observer que le cas d'espèce qui nous occupe aujourd'hui est très différent. Dans notre cas, en effet, le traitement discriminatoire se situe au niveau des modalités d'imposition, en ce sens que la taxation des preneurs d'assurance assurés auprès de compagnies établies à l'étranger porte sur les primes, alors que celle des preneurs d'assurance assurés auprès de compagnies établies en Suède frappe partiellement l'épargne collectée par la compagnie et partiellement le revenu de l'assuré. Cela, dans le but déclaré, ainsi que précisé par le juge de renvoi, de garantir «la neutralité, en termes de concurrence, entre les compagnies d'assurance suédoises et étrangères qui collectent l'épargne». Il n'apparaît toutefois pas que le produit de l'impôt perçu sur les primes ait une destination pertinente au sens de la jurisprudence Bachmann et il n'apparaît pas non plus que celui-ci soit utilisé pour compenser des avantages obtenus par ailleurs. Il en résulte qu'il serait à tout le moins inapproprié de transposer cette jurisprudence au cas d'espèce.
38 En outre, et en tout état de cause, la réglementation suédoise apparaît indubitablement disproportionnée par rapport au but qu'elle s'est expressément fixé. Elle pourrait en effet préserver la neutralité concurrentielle entre compagnies établies et compagnies non établies en empruntant des méthodes assurément moins restrictives de la libre prestation des services et, en même temps, respectueuses du principe de la territorialité fiscale. Une possibilité, par exemple, pourrait consister à étendre le régime de l'imposition sur les primes également aux assurés qui souscrivent des contrats auprès de compagnies établies en Suède; on pourrait également imaginer d'assujettir à l'impôt, sous forme de revenu produit à l'intérieur de l'État, la rente perçue par les assurés, sans opérer de distinction entre ceux-ci.
Enfin, nous estimons qu'il n'est pas superflu de souligner que, postérieurement aux faits de la cause, la loi litigieuse a fait l'objet d'une modification substantielle. Cette modification, selon ce qui a été affirmé par la requérante, aurait désormais introduit le système indifférencié de la taxation sur les rendements offerts aux assurés, indépendamment donc du lieu d'établissement de la compagnie d'assurance. Cette circonstance, qui a une seule clé de lecture, nous semble à tout le moins significative.
Conclusion
39 A la lumière des observations qui précèdent, nous proposons donc à la Cour de répondre de la manière suivante à la question du Länsrätten i Kopparbergs län:
«L'article 59 du traité doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation d'un État membre qui assujettit au paiement d'un impôt les primes versées par un assuré résidant dans cet État, en exécution d'un contrat d'assurance vie conclu avec un assureur établi dans un autre État membre, même si cet impôt peut être supprimé ou réduit de moitié au cas où la compagnie d'assurance ayant son siège à l'étranger est soumise, dans l'État où elle est établie, à un impôt sur le revenu analogue à celui perçu sur le capital d'épargne déposé auprès de compagnies d'assurance nationales.»
(1) - Le juge de renvoi utilise, parfois indistinctement, d'une part, les notions de «compagnie suédoise» et «compagnie établie en Suède» et, d'autre part, les notions de «compagnie étrangère» et «compagnie non établie en Suède». Toutefois, compte tenu des caractéristiques et de la ratio de la réglementation litigieuse, des motifs allégués par le gouvernement suédois en vue de justifier cette réglementation, ainsi que de certaines affirmations contenues dans l'ordonnance de renvoi, nous considérons que le critère déterminant pour l'application de la premieskattelag - au lieu du régime d'imposition normal - est celui de l'établissement des sociétés (en dehors du territoire suédois) plutôt que celui de leur nationalité. Au cours de la discussion, donc, nous partirons de ce présupposé et nous entendrons les termes «compagnies nationales» et «compagnies étrangères», parfois utilisés par le juge de renvoi et repris entre guillemets dans le texte, comme se référant, respectivement, aux entreprises établies et non établies.
(2) - Le montant de cette prime n'est pas déductible des impôts payés dans l'année fiscale, mais les montants échus ne sont pas soumis à d'autres impôts.
(3) - Et, paradoxalement, contrôlée à 100 % par la compagnie suédoise Skandia.
(4) - Voir, entre autres, arrêts du 30 mai 1989, Commission/Grèce (305/87, Rec. p. 1461, point 13), et du 14 juillet 1994, Peralta (C-379/92, Rec. p. I-3453, point 18).
(5) - La portée pratique de cette disposition peut être considérée aujourd'hui, par suite de la quasi complète libération des mouvements de capitaux intervenue avec l'entrée en vigueur de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en oeuvre de l'article 67 du traité (JO L 178, p. 5), et du traité de Maastricht, comme fortement limitée. Elle peut toutefois encore servir de critère opérationnel pour des affaires qui remontent à un moment antérieur à cette libération (pour un exemple récent, voir arrêt du 9 juillet 1997, Parodi (C-252/95, non encore publié au Recueil).
(6) - Arrêt du 24 octobre 1978 (15/78, Rec. p. 1971, point 3); voir, en particulier, les conclusions de l'avocat général M. Reischl dont les points I-1 et I-2 sont entièrement consacrés à la nécessité de distinguer la sphère d'application des règles sur les services de celle des règles sur les capitaux: en particulier lorsqu'on est confronté à une hypothèse limite (comme celle alors en cause) de services prestés par des instituts de crédit.
(7) - Il est à peine besoin de rappeler que les articles 67 à 73 du traité CEE ont été remplacés par les articles 73 B à 73 G du traité CE.
(8) - Arrêt du 11 novembre 1981 (203/80, Rec. p. 2595, point 10).
(9) - Arrêt du 28 janvier 1992 (C-204/90, Rec. p. I-249, point 34). Voir en outre les conclusions, sous le même arrêt, de l'avocat général M. Mischo, lequel, en suggérant à la Cour la solution qu'elle allait ensuite adopter sur ce point, a observé que le transfert des capitaux nécessaires au versement de primes à l'étranger ne rencontrait aucune difficulté et que, par conséquent, le lien de causalité entre la mesure en question et la libre circulation des capitaux («parfaitement libre») était trop ténu et indirect.
(10) - Arrêt du 23 février 1995 (C-358/93 et C-416/93, Rec. p. I-361, points 13 et 14).
(11) - Arrêt Bordessa e.a. (précité à la note précédente), point 14. En raisonnant en ces termes, la Cour a en substance développé la distinction entre paiements et capitaux, déjà présente dans l'arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377, points 21 et 22): «les paiements courants sont des transferts de devises qui constituent une contre-prestation dans le cadre d'une transaction sous-jacente, alors que les mouvements de capitaux sont des opérations financières qui visent essentiellement le placement ou l'investissement du montant en cause et non la rémunération d'une prestation». Par ailleurs, en soulignant l'importance propre de la catégorie des paiements par rapport à celle des capitaux et en reliant expressément les seuls premiers - et non les seconds - à l'échange de marchandises ou de services sous-jacents au transfert, la Cour a en définitive opéré une distinction, dès cet arrêt, entre la catégorie des mouvements de capitaux et celle des services (et des marchandises).
(12) - Arrêt du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, Rec. p. I-1039, point 30).
(13) - Arrêt du 14 novembre 1995 (C-484/93, Rec. p. I-3955).
(14) - Conclusions de l'avocat général M. Elmer, présentées le 17 mai 1995 (Rec. p. I-3957, points 8 à 11).
(15) - L'arrêt dont il s'agit, en raison précisément de cette «double» évaluation, a été accueilli de façon unanimement défavorable par la doctrine. Voir, parmi beaucoup d'autres, Bentley P.: «Tax obstacles to the free movement of capitals», in The EC tax journal, 1996-1997, p. 49; Devroe W. et Wouters J.: «Liberté d'établissement et libre prestation de services», in Journal des tribunaux, droit européen, 1996, p. 49.
(16) - Tout à fait différente, à l'évidence, est l'affaire Veronica Omroep Organisatie, dans laquelle la Cour a déclaré compatible avec le droit communautaire la réglementation en cause (la Mediawet néerlandaise, en matière de transmission des programmes radiophoniques et télévisés), attendu qu'elle ne portait préjudice ni à la libre circulation des services ni à celle des capitaux (arrêt du 3 février 1993, C-148/91, Rec. p. I-487).
(17) - Plus précisément, par l'article 73 B, paragraphe 1, dans l'hypothèse d'un mouvement de capitaux non lié à des échanges de marchandises ou services; ou, au contraire, par l'article 73 B, paragraphe 2, relatif aux paiements, dans l'hypothèse où le capital en question représente la contrepartie d'échanges de services ou marchandises.
(18) - Sur ce point, outre les arrêts rappelés ci-dessus (voir points 11 à 13 ci-dessus), rappelons le récent arrêt Parodi (précité à la note 5), dans lequel la Cour - après avoir exclu que la réglementation française qui subordonnait à la délivrance d'une autorisation l'octroi d'un prêt hypothécaire par un institut de crédit étranger puisse être justifiée, en application de l'article 61, paragraphe 2, du traité, par des restrictions aux mouvements de capitaux (à l'époque des faits) non libérés - a ensuite examiné le cas d'espèce uniquement par rapport à l'article 59, en qualifiant expressément de service l'opération en cause (prêt hypothécaire concédé par une banque).
(19) - A titre d'exemple, on peut imaginer le cas d'une réglementation du type de celle examinée dans l'affaire Svensson et Gustavsson, mais prévoyant galement l'interdiction de contracter les prêts conclus avec des instituts établis à l'étranger dans une monnaie autre que celle nationale.
(20) - Arrêt du 14 février 1995 (C-279/93, Rec. p. I-225), mais également arrêts du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493), et du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089), ainsi que, en dernier lieu, l'arrêt du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C-250/95, Rec. p. I-2471).
(21) - A vrai dire, le gouvernement du Royaume-Uni propose de laisser cette dernière évaluation au juge national, en raison de la spécificité des faits de la cause.
(22) - La discrimination ne serait que plus évidente - il est à peine besoin de le souligner - si le régime de la premieskattelag était appliqué non en raison de l'établissement de la compagnie d'assurance, mais en raison de sa nationalité. Sur ce point, voir note 1.
(23) - Rappelons d'autre part que le programme général pour la suppression des restrictions à la libre prestation des services (approuvé le 18 décembre 1961, JO 1962, p. 32) incluait déjà, parmi les restrictions à supprimer, celles qui frappent indirectement le prestataire, par exemple à travers le destinataire du service.
(24) - Arrêts du 4 décembre 1986, Commission/Allemagne (205/84, Rec. p. 3755, point 25), ci-après l'«arrêt assurances», et du 26 février 1991, Commission/Italie (C-180/89, Rec. p. I-709, point 15).
(25) - Arrêts Schumacker, Wielockx et Asscher (précités à la note 20), respectivement point 21, point 16 et point 36.
(26) - Arrêt Futura Participations et Singer (précité à la note 20), point 19.
(27) - Arrêt Wielockx (précité à la note 20), point 18; dans le même sens, voir arrêts Schumacker et Asscher (précités à la note 20), respectivement points 31 et suiv. et point 41. Ajoutons que la Cour n'a pas estimé, dans ces arrêts, que les hypothèses de traitement différencié étaient, sur la base des critères par elle utilisés, objectivement justifiées.
(28) - Rappelons, à cet égard, l'affirmation bien connue de la Cour suivant laquelle «si l'exigence d'un agrément constitue une restriction à la libre prestation des services, l'exigence d'un établissement stable est en fait la négation même de cette liberté» (arrêt assurances, précité à la note 24, point 52; c'est nous qui soulignons). Même si elle ne subordonne pas formellement à la condition de l'établissement la prestation des services de la part des compagnies d'assurance étrangères, la réglementation en cause comporte néanmoins, comme on l'a vu, des effets semblables, dans la mesure où elle subordonne à cette condition la concession d'avantages significatifs de nature fiscale dans le chef des destinataires.
(29) - Arrêt Bachmann (précité à la note 9), point 31.
(30) - Arrêt du 26 avril 1988 (352/85, Rec. p. 2085, point 32); mais également arrêts du 25 juillet 1991, Collectieve Antennevoorziening Gouda (C-288/89, Rec. p. I-4007, point 11), et Commission/Pays-Bas (C-353/89, Rec. p. I-4069, point 15); du 4 mai 1993, Fedicine (C-17/92, Rec. p. 2239, point 16), ainsi que, en dernier lieu, arrêt Svensson et Gustavsson (précité à la note 13), point 15.
(31) - Voir, par exemple, arrêts Bond van Adverteerders e.a., point 34, et Fedicine, points 16 et 21.
(32) - Voir arrêt assurances (précité à la note 24), point 27, ainsi que, en dernier lieu, arrêt Parodi (précité à la note 5), point 21.
(33) - Arrêt du 20 février 1979, Rewe-Zentral (120/78, REc. p. 649). La reconnaissance explicite de cette approche est intervenue en particulier dans les arrêts Collectieve Antennevoorziening Gouda et Commission/Pays-Bas (précités à la note 30), ainsi que dans l'arrêt du 25 juillet 1991, Säger (C-76/90, Rec. p. I-4221), dans lequel la Cour, alignant la terminologie utilisée en matière de services sur celle utilisée en matière de marchandises, définit comme «raisons impérieuses d'intérêt général» celles qu'elle avait jusqu'alors qualifiées de raisons d'intérêt général, et rappelle les exigences reconnues, jusqu'alors, dignes de protection. Compte tenu, toutefois, de ce que la Cour avait considéré justifié par l'intérêt général des mesures restrictives de la libre prestation des services dès les premiers arrêts en la matière (voir, par exemple, arrêt du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, 33/74, Rec. p. 1299), il n'est que trop évident que les arrêts Collectieve Antennevoorziening Gouda, Säger et Commission/Pays-Bas, loin d'innover, se limitent à rendre explicite l'approche utilisée et à en fournir une reconstruction systématique et théorique plus complète.
(34) - Voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 1993, Hubbard (C-20/92, Rec. p. I-3777, points 14 et 15), et du 15 mars 1994, Commission/Espagne (C-45/93, Rec. p. I-911, points 9 et 10).
(35) - Voir, entre autres, arrêts Bond van Adverteerders e.a. (précité à la note 30), points 26 et 29; du 16 décembre 1992, Commission/Belgique (C-211/91, Rec. p. I-6757, points 9 à 11), ainsi que Fedicine (précité à la note 30), point 14.
(36) - En ce sens, par exemple, les arrêts Van Binsbergen (précité à la note 33), point 14, ainsi que du 26 novembre 1975, Coenen e.a. (39/75, Rec. p. 1547, points 7/8 et 9/10).
(37) - Voir, en particulier, les arrêts assurances (précité à la note 24), points 52 à 57, ainsi que du 6 juin 1996, Commission/Italie (C-101/94, Rec. p. I-2691, point 31). Ajoutons que, dans ces deux arrêts, la Cour est néanmoins parvenue à la conclusion que l'exigence de l'établissement n'était pas indispensable pour atteindre le but poursuivi.
(38) - Voir en ce sens, en dernier lieu, l'arrêt Parodi (précité à la note 5), dans lequel la Cour a encore une fois souligné que l'exigence de l'établissement «a pour conséquence d'enlever tout effet utile à l'article 59 du traité, dont l'objet est précisément d'éliminer les restrictions à la libre prestation des services de la part de personnes non établies dans l'État sur le territoire duquel la prestation doit être fournie». Elle a néanmoins ajouté que «pour qu'une telle exigence soit admise, il faut établir qu'elle constitue une condition indispensable pour atteindre l'objectif recherché» (point 31).
(39) - Arrêt Bachmann (précité à la note 9), point 32.
(40) - Arrêt Svensson et Gustavsson (précité à la note 13), point 15.
(41) - Idem, points 16 à 18.
(42) - A propos de cet aspect, il y a toutefois lieu de souligner que ce n'est pas la première fois que la Cour prend en considération, pour se prononcer sur la compatibilité avec le droit communautaire d'une mesure nationale restreignant la libre prestation des services tant les exigences visées à l'article 56 que les raisons impérieuses d'intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 1996, Commission/Italie, précité à la note 37, points 31 et 32).
(43) - Rappelons en effet que la Cour a reconnu comme raisons d'intérêt général tant l'efficacité des contrôles fiscaux, en particulier dans l'arrêt Futura Participations et Singer (précité à la note 20), que la sauvegarde de la cohérence du système fiscal, en particulier dans l'arrêt Bachmann (précité à la note 9). A cet égard, voir les observations que nous avons développées dans nos conclusions du 16 septembre 1997 concernant les affaires Decker, (C-120/95) et Kohll (C-158/96), en particulier le point 53.