Avis juridique important
Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 17 novembre 1998. - Jennifer Gregg et Mervyn Gregg contre Commissioners of Customs and Excise. - Demande de décision préjudicielle: Value Added Tax and Duties Tribunal, Belfast - Royaume-Uni. - TVA - Sixième directive - Exonérations de certaines activités d'intérêt général - Etablissement - Organisme - Notion - Prestations effectuées par une association constituée par deux personnes physiques ('partnership'). - Affaire C-216/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-04947
I - Introduction
1 Dans la présente affaire, la Cour est invitée à se prononcer à titre préjudiciel sur deux questions qui lui ont été posées par le VAT and Duties Tribunal, Belfast (Royaume-Uni) et qui sont relatives à l'interprétation de l'article 13, A, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (1) (ci-après la «sixième directive»). Précisons à titre préliminaire que ces dispositions, qui régissent les exonérations de la TVA, ont été interprétées par la Cour dans l'arrêt Bulthuis-Griffioen (2); certaines des parties qui ont déposé des observations dans la présente affaire demandent à la Cour de réexaminer ses prises de position dans cet arrêt.
II - Les faits
2 Les demandeurs au principal, Mme Jennifer Gregg et M. Mervyn Gregg, exploitent une entreprise qui opère comme une maison de soins sous le nom de Glenview Nursing Home (3). Glenview est utilisé pour donner des soins à ses pensionnaires. Il comprend 17 chambres, des salles de bains et des espaces communs. M. et Mme Gregg emploient 25 personnes pour assurer la gestion de la maison de soins (4) et leur entreprise cherche systématiquement à faire des profits (5). Glenview Nursing Home est considéré comme une maison de soins selon les dispositions applicables du droit nord-irlandais, c'est-à-dire selon le «Registered Homes (NI) Order 1992» (6) (arrêté relatif aux maisons de soins agréées de 1992, ci-après l'«Order»), mais il n'est pas reconnu comme entreprise «à caractère social» au sens de la législation du Royaume-Uni (7).
3 Pour améliorer le fonctionnement de leur entreprise (8), les demandeurs au principal ont sollicité leur inscription dans les registres de la TVA conformément aux dispositions du Value Added Tax Act 1994 (loi sur la TVA de 1994). L'autorité administrative compétente (les Commissioners) a estimé ne pas pouvoir donner une suite favorable à leur demande au motif que leur entreprise, à savoir Glenview Nursing Home, relève du cas de dérogation de la TVA qui est prévu par l'annexe IX, groupe 7, point 4, du Value Added Tax Act, qui a transposé les dispositions relatives aux exonérations de la TVA, visées à l'article 13, A, de la sixième directive, dans le droit interne.
A - Les dispositions applicables
a) Dispositions du droit communautaire
4 L'article 13, A, de la sixième directive prévoit ce qui suit:
«Exonérations à l'intérieur de l'État
A. Exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général
1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
...
b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus;
...
g) les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'État membre concerné;
...
2. a) Les États membres peuvent subordonner, cas par cas, l'octroi, à des organismes autres que ceux de droit public, de chacune des exonérations prévues au paragraphe 1 sous b), g) et n) au respect de l'une ou plusieurs des conditions suivantes:
- les organismes en question ne doivent pas avoir pour but la recherche systématique du profit, les bénéfices éventuels ne devant jamais être distribués mais devant être affectés au maintien ou à l'amélioration des prestations fournies,
...»
b) Dispositions du droit national
5 Selon le Value Added Tax Act 1994, annexe IX, groupe 7, point 4, qui détermine les cas de dérogations à la TVA qui intéressent la présente affaire, en application des dispositions de droit communautaire applicables,
«[sont exonérés de la TVA] les prestations de soins, les traitements médicaux ou chirurgicaux ainsi que les livraisons de biens qui leur sont liées, dans un hôpital ou tout autre établissement agréé, titulaire d'une autorisation, enregistré ou dispensé d'enregistrement par décision d'un ministre ou d'une autre autorité agissant en vertu d'une disposition de loi d'application générale, ou d'un acte législatif du Parlement d'Irlande du Nord, ou d'une mesure d'application générale de l'assemblée d'Irlande du Nord, ou d'un arrêté royal pris en vertu de l'annexe I du Northern Ireland Act 1974, pour autant qu'il ne s'agit pas d'une disposition susceptible d'entrer en vigueur à des dates différentes sur des territoires relevant de différentes autorités locales».
B - La procédure devant la juridiction de renvoi
6 M. et Mme Gregg ont formé un recours devant le VAT and Duties Tribunal en faisant valoir que leur cas n'entre pas dans les dérogations visées à l'article 13 de la directive. Plus précisément, ils estiment que, pour bénéficier de ces exonérations, l'exploitant doit être une personne morale, alors qu'eux sont simplement des personnes physiques, qui dirigent le Glenview Nursing Home comme des «partners» (9). Ils invoquent à cet effet l'arrêt Kaul, rendu précédemment par la même juridiction nationale (10).
7 La juridiction de renvoi fait remarquer que le recours pendant devant elle soulève le problème de l'interprétation de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive, en particulier l'interprétation des concepts d'«établissement» et d'«organisme», utilisés par le législateur communautaire. Elle se demande dans quelle mesure l'emploi de ces termes implique que l'exonération de la TVA, prévue par les dispositions précitées de la sixième directive, concerne uniquement les personnes morales, à l'exclusion des personnes physiques, même lorsqu'elles exercent les activités d'intérêt général visées à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la directive. La juridiction nationale renvoie tout d'abord à l'affaire Kaul, dans laquelle le VAT and Duties Tribunal a décidé, se fondant sur les motifs de l'arrêt Bulthuis-Griffioen de la Cour, que, à partir du moment où l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive parle expressément d'«organismes» ou d'«établissements», l'exonération fiscale qu'il prévoit est limitée aux personnes morales. La juridiction de renvoi fait toutefois remarquer que l'interprétation donnée dans l'arrêt Bulthuis-Griffioen concernait le point g) du paragraphe 1 de l'article en question de la sixième directive, et non le point b) de cette même disposition. Elle admet néanmoins qu'il existe un lien entre l'interprétation de ces deux dispositions et elle admet aussi que la réponse que la Cour avait donnée à titre préjudiciel est importante pour la solution du litige pendant devant elle. Elle s'interroge toutefois sur le point de savoir si les termes «organisme» et «établissement» ne visent pas aussi conceptuellement les cas dans lesquels une personne physique exerce, seule ou dans le cadre d'une association, une activité d'entreprise, d'autant plus qu'une ou plusieurs personnes physiques sont aptes à exercer leurs activités «dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour les organismes de droit public» et pourraient être qualifiées d'«établissements ... dûment reconnus». Elle souligne encore qu'il existe un risque de distorsion de la concurrence parce que cette activité peut être traitée du point de vue fiscal de différentes manières, en fonction de la personnalité juridique de celui qui exerce cette activité. Enfin, elle fait remarquer que les différences factuelles entre l'affaire Bulthuis-Griffioen et celle dont elle a à connaître ne sont pas sans importance: l'arrêt précité de la Cour concernait une personne physique unique, à savoir une exploitante de garderie d'enfants, et cette garderie, tandis que, dans la présente affaire, M. et Mme Gregg sont des partners dans une entreprise nettement plus importante par sa structure et ses ressources financières.
III - Les questions préjudicielles
8 Eu égard à ce qui précède, la juridiction de renvoi a déféré à titre préjudiciel les questions ci-après à la Cour:
«1) L'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que deux personnes physiques (c'est-à-dire des particuliers) qui exercent en commun une activité en tant qu'associés d'un `partnership' ne peuvent pas invoquer l'exonération prévue au point b), dans les circonstances résumées dans l'annexe jointe aux présentes questions,
i) si leur activité consiste à fournir des soins médicaux et à effectuer des opérations étroitement liées et
ii) si elles sont `dûment reconnues' et que les opérations qu'elles effectuent sont comparables à celles effectuées par des `établissements hospitaliers' et/ou des `centres de soins médicaux et de diagnostic'?
Plus particulièrement, les associés sont-ils exclus de l'exonération:
a) au motif qu'ils ne constituent pas un `organisme' de droit public;
b) au motif que les opérations qu'ils effectuent ne sont pas réalisées dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour des organismes de droit public?
2) L'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que deux personnes physiques (c'est-à-dire des particuliers) qui exercent en commun une activité en tant qu'associés d'un `partnership' ne peuvent pas invoquer l'exonération prévue au point g), si elles se trouvent dans les circonstances résumées dans l'annexe jointe aux présentes questions et fournissent des prestations de services `étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale, y compris celles fournies par les maisons de retraite'?»
IV - Les réponses aux questions préjudicielles
A - Observations préalables
a) En ce qui concerne les marges d'interprétation pour arrêter les dispositions concernées du droit communautaire
9 Il convient de souligner tout d'abord que, lorsque le législateur communautaire a arrêté les règles relatives à l'harmonisation des législations fiscales nationales, il n'a pas édicté les dispositions concernées de la sixième directive d'une manière exempte d'obscurités et de contradictions au niveau de leur interprétation. La responsabilité ne doit pas en être imputée au législateur lui-même, mais à l'incapacité intrinsèque du vocabulaire - surtout lorsqu'on recherche des synonymes dans de nombreuses langues différentes - à rendre compte d'une réalité en évolution constante et à exprimer des concepts juridiques ayant un caractère clair, interétatique et intertemporel.
10 C'est surtout le domaine des soins médicaux et paramédicaux au sens large, sur lequel portent les faits du litige au principal, qui a subi au cours des dernières décennies des changements importants quant à sa nature, son organisation et son contenu; il existe à l'intérieur de chaque État membre des différences considérables quant aux formes institutionnelles de prestation de ces soins - qui a cessé d'être considérée comme ayant un caractère exclusivement public; il est aussi pratiquement impossible de décrire ces formes de manière appropriée par des termes succincts tels que «organismes», «établissements dûment reconnus» ou «organismes ayant un caractère social».
11 Cette observation n'est pas sans importance. Elle nous permet de circonscrire le fond du problème examiné et la méthode adéquate pour le résoudre. On ne saurait, à cet effet, simplement tirer des arguments de la lettre des dispositions en cause et de leur examen comparé. Plutôt que de s'attacher au contenu apparent de la sixième directive, il est préférable de déterminer son sens véritable en l'examinant comme une réglementation globale et rationnelle.
12 Les marges d'appréciation ne sont évidemment pas illimitées. Les limites d'une interprétation par laquelle on tente de réparer les insuffisances terminologiques d'une règle sont énoncées par les termes mêmes de cette règle. Une interprétation qui donnerait à un terme juridique un contenu conceptuel totalement différent de celui que ce terme a lorsqu'il est utilisé dans le langage quotidien ou dans un autre cadre juridique serait malencontreuse. La définition juridique spécifique d'un terme ne peut pas échapper totalement à son objet tel qu'il est généralement accepté jusqu'à présent.
13 Concrètement, en ce qui concerne les dispositions en cause du droit communautaire, admettre que la simple activité d'une seule personne physique entre sans plus dans le champ conceptuel des termes «organismes» ou «établissements» [au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive] nous paraît inacceptable, même lorsque, du point de vue systématique, il semble nécessaire d'admettre pareille chose. Toutefois, cela ne veut pas dire que les possibilités d'interprétation des dispositions concernées du droit communautaire soient tellement limitées; les termes «organisme» et «établissement», utilisés par le législateur, n'autorisent pas seulement une interprétation stricte et formaliste, c'est-à-dire qu'ils ne s'identifient pas à une forme juridique précise de celui qui exerce l'activité hospitalière, médicale ou paramédicale.
b) En ce qui concerne la jurisprudence Bulthuis-Griffioen
14 En outre, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, à la base du litige en cause, il y a la prise de position de la Cour dans l'arrêt Bulthuis-Griffioen, précité. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si quatre États membres sont intervenus pour demander à la juridiction communautaire des précisions sur la solution qu'elle avait adoptée dans cet arrêt ou pour lui demander de redéfinir le point de vue de la jurisprudence. Soulignons que, à l'exception du royaume des Pays-Bas, les États membres n'ont pas eu l'occasion d'exposer leurs propres points de vue quant à l'interprétation des exonérations fiscales visées à l'article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive dans le cadre de l'affaire Bulthuis-Griffioen. La question de savoir dans quelle mesure ces dispositions concernent uniquement des personnes morales, à l'exclusion des personnes physiques, avait été indirectement soulevée dans les observations écrites de la Commission dans l'affaire Bulthuis-Griffioen et résolue par la Cour sans que les autres États membres soient entendus sur ce point. En outre, étant donné la manière dont les parties dans la présente affaire invoquent l'arrêt Bulthuis-Griffioen et nos conclusions sous cet arrêt, il nous paraît indispensable de donner quelques explications sur le sens véritable et les dimensions réelles de la solution jurisprudentielle qui avait été proposée et donnée dans cette affaire.
c) En ce qui concerne la terminologie utilisée par le législateur communautaire dans les dispositions en cause
15 Nous rappellerons que la formulation des dispositions de l'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive dans les langues officielles de la Communauté présente des variantes intéressantes. Alors que le texte grec utilise le terme «ïñãáíéóìüò» ou que le texte français utilise le terme «organisme», le texte anglais utilise les termes «body» et «organization». Inversement, le terme «ßäñõìá» («établissement» en français) correspond à «establishment» en anglais. En revanche, le texte allemand utilise dans tous ces cas le même terme juridique («Einrichtung») (11).
16 Nous estimons que les termes «établissement» et «organisme» (12) sont utilisés dans la directive avec le même contenu conceptuel. Ainsi que la Commission l'observe avec raison, cette interprétation est corroborée par l'approche des dispositions précitées, lues en combinaison avec la disposition de l'article 13, A, paragraphe 2, sous a), de la sixième directive; dans cette dernière disposition, le terme «organisme» couvre tant les «organismes» visés au point b) du paragraphe 1 de l'article précité que les «établissements» visés au point g) de la même disposition. Il s'ensuit que la réponse à donner à la première question préjudicielle quant à l'interprétation de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive ne peut pas être différente de celle qui sera donnée à la deuxième question en ce qui concerne le point g) de la même disposition. Il est donc utile d'examiner les deux questions conjointement.
B - Appréciation des questions préjudicielles sur le fond
a) En ce qui concerne les problèmes examinés
17 Le gouvernement du Royaume-Uni fait remarquer avec pertinence qu'il convient de répondre à ces questions sur la base des données factuelles et juridiques, exposées dans l'ordonnance de renvoi. En ce qui concerne en particulier la première question, il est nécessaire d'apporter certaines précisions sur le point de savoir si les faits de la cause entrent dans le champ d'application de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive. Il faudra considérer comme établis - ou, à tout le moins, comme sortant de la question posée à titre préjudiciel - les faits suivants: premièrement, l'activité de Glenview consiste dans «l'hospitalisation et les soins médicaux» ou dans des opérations qui leur sont «étroitement liées»; deuxièmement, Glenview est «dûment reconnu» en droit national; troisièmement, les activités de Glenview sont «de même nature» que celles exercées par des «établissements hospitaliers» ou par des «centres de soins médicaux et de diagnostic». Le point décisif qui est au centre de la question de la juridiction nationale est celui de savoir dans quelle mesure Glenview, qui opère sous le régime du «partnership» - c'est-à-dire qu'il n'a pas de personnalité juridique -, peut être considéré comme un «établissement» qui assure des soins «dans des conditions sociales comparables» aux organismes publics ayant la même fonction au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, point b), de la sixième directive.
18 A cet égard, aux fins de la réponse à la deuxième question, il n'est pas contesté que Glenview fournit des prestations de services «étroitement liées à l'assistance sociale et à la sécurité sociale, y compris celles fournies par les maisons de retraite» au sens de la sixième directive. Le problème est de savoir s'il est un «organisme reconnu comme ayant un caractère social par l'État membre concerné». Ce sont ces problèmes qui vont nous occuper maintenant.
b) Les arguments contre l'application des exonérations fiscales en cause dans le cas d'espèce.
19 M. et Mme Gregg soutiennent que Glenview Home ne peut pas bénéficier des avantages de l'article 13, A, de la sixième directive. Ils rappellent tout d'abord que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les exonérations visées dans cet article doivent être d'interprétation stricte, étant donné qu'elles introduisent des dérogations au principe général de l'imposition de toutes les activités économiques (13). Ils estiment que les exonérations visées aux points b) et g) de l'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive concernent uniquement les opérateurs dotés d'une personnalité juridique autonome, et non les activités exercées par une ou plusieurs personnes physiques. Selon le raisonnement qu'ils ont développé devant la Cour, les exonérations visées à l'article 13, A, de la directive peuvent se décomposer en deux catégories, en fonction de la forme juridique de celui qui exerce l'activité exonérée: certaines dispositions du paragraphe 1 de cet article - telles que les points b) et g), dont il s'agit en l'espèce - concernent uniquement les personnes morales, tandis que d'autres dispositions - telles que celles des points c), e) et i) du même paragraphe - concernent les personnes physiques (14). Dans les cas où le législateur communautaire a voulu exonérer de la taxe l'activité d'entreprise exercée par des personnes physiques, il a utilisé des termes qui renvoient clairement à ces personnes; en revanche, l'utilisation des termes «établissements» ou «organismes» est une indication de la volonté du législateur de limiter les exonérations, visées aux points b) et g) de l'article 13, A, paragraphe 1, aux seules personnes morales. Selon M. et Mme Gregg, le choix des termes est un élément déterminant, dont découlent non seulement le sens réel des dispositions en cause (15), mais aussi la forme juridique particulière que devront prendre les activités d'entreprise pour bénéficier des exonérations fiscales. Ils prétendent que l'auteur de l'article 13, A, de la sixième directive détermine non seulement les activités exonérées, mais aussi la forme juridique des bénéficiaires de cette exonération (16).
20 En outre, les demandeurs au principal invoquent le point 10 de l'annexe F de la sixième directive, qui parle expressément d'«opérations effectuées par les établissements hospitaliers non visés par l'article 13 sous A paragraphe 1 sous b)» de cette directive. Ils soutiennent qu'une partie des soins hospitaliers échappe aux exonérations fiscales; il s'agit des opérations au sens précité, qui ont pour seul but la recherche du profit. Ils fondent cette interprétation sur le texte même de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive. Ils estiment qu'une entreprise qui cherche à réaliser un profit ne peut pas, par sa nature même, être considérée comme un établissement opérant dans des «conditions sociales comparables» à celles d'un organisme de droit public. Par conséquent, en tant qu'entreprise cherchant systématiquement à réaliser un profit, Glenview ne doit pas entrer dans le champ d'application de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive (17).
21 M. et Mme Gregg pensent que leur argumentation, exposée ci-dessus, trouve un fondement dans l'arrêt Bulthuis-Griffioen, précité, dans lequel il est dit expressément que des personnes physiques ne peuvent pas bénéficier d'exonérations lorsque ce bénéfice est réservé aux «organismes». Ils considèrent même que cette solution jurisprudentielle, qui concernait l'article 13, A, paragraphe 1, sous g), peut et doit aussi être transposée telle quelle dans le cas de l'interprétation du point b) du même paragraphe.
22 Enfin, en ce qui concerne en particulier l'exonération visée à l'article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, les demandeurs au principal, d'une part, invoquent les conséquences de la jurisprudence Bulthuis-Griffioen, selon lesquelles un «organisme» au sens de la disposition précitée est uniquement une personne morale et, d'autre part, font remarquer que leur entreprise n'est pas reconnue par le droit nord-irlandais comme ayant «un caractère social».
c) Réfutation des arguments ci-dessus et interprétation des dispositions concernées du droit communautaire
23 Nous pensons que le raisonnement ci-dessus ne peut pas être accepté. En ce qui concerne le principe général selon lequel une disposition qui prévoit des exonérations fiscales doit être interprétée strictement, lequel principe régit effectivement le système fiscal mis en place par la sixième directive (18), il faut tout d'abord souligner que son application ne peut pas avoir automatiquement pour effet que les personnes physiques sont exclues des exonérations visées à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive. L'interprétation restrictive d'une exonération n'est pas un but en soi et ne peut pas renverser la logique du système que la règle interprétée cherche à mettre en place. Dans le présent cas d'espèce, il est essentiel de déterminer dans quelle mesure l'utilisation des termes «organisme» et «établissement» suppose l'existence d'une forme juridique précise de celui qui exerce l'activité exonérée de la taxe. Or, tel est aussi l'objectif de la recherche juridique, qui ne peut pas être éludé uniquement parce que les termes juridiques précités ont été prévus dans le but d'introduire une disposition dérogatoire.
24 Il faut rejeter, parce que fondé sur une interprétation erronée des dispositions concernées du droit communautaire, l'argument selon lequel l'exonération de la charge fiscale est réservée uniquement à l'exercice d'activités médicales, hospitalières ou autres, qui n'ont pas pour but la recherche systématique du profit. Ainsi que la Commission l'observe avec raison, l'absence de recherche d'un profit n'est pas un critère sine qua non pour que des activités entrent dans le champ d'application de l'article 13, A, paragraphe 1, de la directive. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'article 13, A, paragraphe 2, sous a), prévoit que «les États membres peuvent subordonner» l'octroi à des organismes autres que ceux de droit public de l'exonération, prévue par le paragraphe 1, sous b), de l'article 13, A, à l'absence de «recherche systématique du profit» par cet organisme. En outre, cette conclusion découle de ce que la Cour a affirmé dans l'arrêt du 23 février 1988, Commission/Royaume-Uni, précité, dans lequel elle a interprété la disposition litigieuse de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive. Dans cet arrêt, elle parle de prestations qui sont «effectuées normalement sans but lucratif» (19). On comprend donc, a contrario, que le législateur communautaire ait prévu l'exonération fiscale pour les activités à but lucratif dans le secteur des soins médicaux et de l'hospitalisation.
25 Contrairement à ce que prétendent les demandeurs au principal, le fait que l'exonération visée à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive dépend du caractère d'utilité publique et non lucratif de l'activité hospitalière et médicale exercée ne peut pas être fondé sur le passage de cette disposition qui dit que cette activité doit être exercée «dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour [les organismes de droit public]». Selon les allégations de la Commission, ce passage ne figurait pas dans le projet initial de cette disposition, mais il a été ajouté par le Conseil, sans que l'on sache exactement quel en est le contenu; d'ailleurs, il ne s'agit pas d'un élément sine qua non pour l'interprétation de cette disposition. L'analyse effectuée à cet égard par la Commission a révélé l'existence de deux approches interprétatives de la phrase en cause. D'une part, certains États membres - dont le Royaume-Uni - admettent que les établissements reconnus comme maisons de soins ou de traitement selon les dispositions applicables du droit national sont considérés par définition comme opérant «dans des conditions sociales comparables» à celles qui valent pour les organismes de droit public. D'autre part, d'autres États interprètent cette condition comme imposant aux établissements hospitaliers qui souhaitent bénéficier du régime de l'exonération d'être liés par contrat ou par un autre lien juridique au régime public de santé ou d'admettre un certain pourcentage de patients bénéficiant de l'assistance sociale. En tout état de cause, la recherche systématique d'un profit ne peut pas, à notre avis, être considérée comme un élément qui s'oppose juridiquement à ce qu'un établissement hospitalier ou médical opère dans des «conditions sociales comparables» à celles qui valent pour les organismes de droit public.
26 Cela laisse toutefois ouverte la question de l'interprétation correcte des termes «organisme» et «établissement», utilisés par le législateur communautaire dans les dispositions en cause de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive, compte tenu de la position jurisprudentielle adoptée dans l'arrêt Bulthuis-Griffioen. Il est plus exact d'admettre, comme le font tant les gouvernements des États membres qui sont intervenus dans la présente affaire que la Commission, que l'emploi des termes précités ne concerne nullement la forme juridique de celui qui exerce l'activité hospitalière ou médicale et n'anticipe pas non plus le choix de cette forme. Il ressort clairement de l'économie générale du système des exonérations fiscales que leur raison d'être est la nature et les conditions d'exercice de l'activité concernée, qui sont indépendants de la personnalité juridique de celui qui l'exerce. Contrairement à ce que prétendent les demandeurs au principal, cette appréciation n'est pas invalidée par le point de vue que la Cour a adopté dans l'arrêt Commission/Allemagne (20). Le législateur communautaire peut, dans des dispositions telles que celle qui est en cause en l'espèce, ne pas déterminer uniquement l'activité exonérée, mais déterminer aussi de manière contraignante les opérateurs économiques autorisés à fournir les prestations exonérées; toutefois, il n'en résulte pas que ces opérateurs doivent nécessairement avoir la personnalité juridique.
27 Nous pensons que, dans le cadre réglementaire particulier dans lequel ils sont utilisés, les termes «organisme» et «établissement» renvoient à l'existence d'un opérateur autonome; on entend par opérateur autonome un ensemble de ressources humaines et matérielles qui constituent une entité distincte, par l'intermédiaire de laquelle une activité médicale, hospitalière ou gériatrique est exercée de manière permanente et stable. Par conséquent, il est essentiel d'examiner la structure et les composantes de l'opérateur, et non son caractère juridique apparent. Pour qu'il y ait «organisme» ou «établissement» au sens de l'article 13, A, de la sixième directive, il est indispensable qu'il y ait une entité institutionnelle et organisationnelle indépendante - et, en tout cas, distincte - par sa nature et par son activité de la ou des personnes auxquelles elle appartient. En revanche n'est pas un «établissement» ou «organisme» autonome une entité qui reflète simplement l'activité d'une ou de plusieurs personnes physiques (par exemple des médecins). Dans ce cas, la structure (matérielle et humaine) nécessaire pour que l'activité hospitalière, médicale ou gériatrique exercée par l'entité en question soit imputée à cette entité, et non à la ou aux personnes physiques (qui en sont propriétaires ou la contrôlent), fait défaut. Par conséquent, lorsque celui qui exerce l'activité décrite à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive n'a pas la personnalité juridique, le critère de l'existence d'une structure qui distingue cette personne de la ou des personnes physiques qui en sont propriétaires ou qui en ont la responsabilité est le critère le plus déterminant pour apprécier dans quelle mesure il y a «établissement» ou «organisme» ayant droit à l'exonération fiscale.
28 Les demandeurs au principal reprochent à cette interprétation qu'elle crée une insécurité juridique et fausse les conditions de libre concurrence dans la mesure où, si l'on admet qu'un «organisme» ou un «établissement» peut être dépourvu de personnalité juridique autonome, on introduit dans la disposition en cause un critère subjectif et quantitatif. En effet, déterminer si celui qui exerce une activité exonérée existe de manière indépendante et autonome constitue un problème qui peut faire l'objet d'une interprétation large, dès lors que des litiges juridiques naîtraient manifestement très rarement en raison du critère selon lequel l'application de l'exonération dépend de l'existence de la personnalité juridique dans le chef de celui qui exerce cette activité. Or, nous pensons qu'un traitement fiscal différencié en fonction de la personnalité de celui qui exerce l'activité et, partant, le changement des conditions de concurrence sur la seule base de la qualification juridique de cette activité doivent être évités; ils n'entrent pas dans la logique du système fiscal en vigueur et ne sont pas non plus conformes à la volonté réelle de l'auteur de la sixième directive.
29 En outre, selon le principe général de la neutralité de l'impôt, des prestations similaires doivent en principe être taxées de la même manière. Ce principe constitue la base logique de la taxe sur la valeur ajoutée (21). Par conséquent, lorsqu'une activité est exercée dans les conditions matérielles et institutionnelles prévues par les dispositions de l'article 13, A, de la sixième directive, il est plus correct qu'elle soit exonérée des charges fiscales correspondantes, quels que soient son régime de propriété et sa forme juridique externe. Le principe de neutralité ne peut évidemment jamais constituer le fondement d'une interprétation contra legem des dispositions en cause; en d'autres termes, il ne peut pas fonder une interprétation selon laquelle la simple activité d'une ou de plusieurs personnes physiques constitue, sans autre élément de structure, un «établissement» ou un «organisme» au sens de l'article 13, paragraphe 1, sous b) et g), de la sixième directive.
30 A la lumière de ces précisions, il faudra apprécier les données de l'affaire Bulthuis-Griffioen, précitée, et comprendre la position jurisprudentielle de la Cour dans ce litige; nous pensons que la solution qui a été donnée dans cette affaire, à tout le moins en ce qui concerne la conclusion finale, était absolument correcte. La demanderesse au principal se présentait comme exploitant une garderie d'enfants, sans que l'on sache toutefois si cette garderie était le véritable opérateur qui exerçait l'activité pour laquelle l'exonération fiscale était demandée. En d'autres termes, on ne pouvait pas sérieusement soutenir que cette activité devait être imputée directement et de manière autonome à la garderie d'enfants ni qu'elle ne correspondait pas simplement à l'offre de services de la demanderesse comme exploitante de cette garderie. Inversement, certains éléments semblaient indiquer que la garderie s'identifiait à l'exploitante; par conséquent, celle qui exerçait l'activité en question était en fin de compte directement une personne physique, et non une autre entité ayant les caractéristiques d'un «organisme» selon le sens correct de la disposition de l'article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, telle qu'elle a été interprétée ci-dessus. Par conséquent, Mme Bulthuis-Griffioen, en tant que personne physique, ne pouvait pas relever elle-même du terme «organisme» et n'entrait pas ratione personae dans le champ d'application de la disposition communautaire concernée. Toutefois, si celle qui exerçait l'activité économique à exonérer n'était pas la demanderesse elle-même, mais une autre entité, la solution aurait été différente (22).
31 En ce qui concerne la présente affaire, il résulte des données factuelles du litige dont la Cour est saisie que Glenview Home présente ces éléments, de sorte que c'est lui qui est considéré comme l'opérateur économique exerçant l'activité à exonérer, et non M. et Mme Gregg, qui sont simplement propriétaires et assurent le contrôle. Il emploie 25 personnes et comprend 17 chambres, ainsi que des espaces communs dans lesquels il assure de manière stable et autonome certains services hospitaliers, paramédicaux ou gériatriques. Par conséquent, il constitue un «établissement» au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive et un «organisme» au sens du point g) de la même disposition (23).
32 Il existe toutefois un obstacle juridique qui s'oppose à ce que Glenview bénéficie des exonérations visées à l'article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la directive, étant donné que, selon ce qui est dit dans l'ordonnance de renvoi de la juridiction nationale, cette entreprise n'est pas reconnue comme ayant un «caractère social» au sens de la législation du Royaume-Uni. Nous rappellerons que la nécessité pour l'État membre de reconnaître ce caractère social est une condition énoncée par la disposition concernée du droit communautaire pour pouvoir bénéficier de l'avantage fiscal. La Commission, quant à elle, est d'avis que, sur la base des autres éléments du dossier, Glenview devrait être considéré comme une maison de retraite ayant un caractère social reconnu. Il ne nous paraît toutefois pas utile de nous pencher plus avant sur ce problème, dans la mesure où, selon l'analyse que nous avons faite ci-dessus, nous pensons que Glenview Home entre manifestement dans le champ d'application de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive.
33 En résumé, en ce qui concerne les dispositions en cause du droit communautaire, admettre que la simple activité d'une ou de plusieurs personnes physiques entre, sans autre condition et sans qu'il y ait un opérateur économique autonome, doté d'une structure séparée, dans le champ conceptuel des termes «organisme» ou «établissement» [tels qu'ils sont compris à l'article 13, A, paragraphe 1, points b) et g), de la sixième directive] ne reçoit pas notre adhésion, même s'il est nécessaire d'admettre cela d'un point de vue systématique, pour des raisons de neutralité de l'impôt. Cela ne veut toutefois pas dire que l'exégète du droit n'a aucune possibilité d'interpréter les dispositions concernées du droit communautaire; les termes «organisme» et «établissement», utilisés par le législateur, ne sont pas seulement susceptibles d'une interprétation stricte et formaliste, c'est-à-dire qu'ils ne s'identifient pas à une forme juridique déterminée de celui qui exerce l'activité hospitalière, médicale ou paramédicale.
V - Conclusion
34 Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour de limiter sa réponse à la première question préjudicielle et de se prononcer comme suit:
«Les dispositions concernées du droit communautaire signifient qu'une entité, qui a l'existence et la structure matérielle nécessaire pour exercer directement et de manière autonome une activité dans le secteur des soins médicaux et hospitaliers et qui est aussi dûment reconnue par le droit national, devra être considérée comme un `établissement' qui fournit des soins médicaux et hospitaliers `dans des conditions sociales comparables' à celles des organismes de droit public au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive (directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1997, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme), même si elle n'a pas la personnalité juridique, mais fonctionne sous le régime du partnership de droit nord-irlandais; par conséquent, elle bénéficie de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée, pour autant que les autres conditions, édictées par les dispositions précitées de la sixième directive, sont également remplies.»
(1) - JO L 145, p. 1.
(2) - Arrêt du 11 août 1995 (C-453/93, Rec. p. I-2341).
(3) - Cet établissement a été la propriété et l'exploitation exclusive du père de Mme Gregg jusqu'en avril 1992, époque à laquelle il a été transféré à cette dernière. Depuis mars 1996, il est exploité en commun par les époux Gregg.
(4) - Il y a un «directeur», deux superviseurs, quatorze «aides-soignants», sept auxiliaires et un administrateur. Le personnel comptable est fourni par une société de comptabilité externe.
(5) - M. et Mme Gregg pratiquent un tarif de 203 UKL par semaine pour les soins. Précisons encore que le contrôle gestionnel et financier de Glenview ne constitue pas l'activité professionnelle principale de M. et Mme Gregg. M. Gregg exploite une entreprise de fournitures de téléphones mobiles et Mme Gregg travaille à temps plein comme responsable de l'alimentation dans un hôpital local.
(6) - Selon les informations fournies par la juridiction de renvoi, le droit nord-irlandais interdit l'exploitation d'une maison de soins s'il n'y a pas eu au préalable inscription dans le registre concerné; toute infraction est passible de sanctions pénales. En outre, selon l'article 3 de l'Order, on entend par «foyer pour personnes âgées et handicapées»: «... tout établissement qui fournit ou est destiné à fournir, à titre onéreux ou gratuit, un hébergement permanent qui inclut les repas et les soins personnels pour les personnes qui en ont besoin en raison de a) leur âge et leur infirmité, b) leur invalidité, c) leur dépendance passée ou présente à l'alcool ou aux drogues, ou d) leurs troubles mentaux passés ou présents». L'article 16 de l'Order définit la «maison de soins» comme étant «a)... tout lieu utilisé ou destiné à être utilisé pour recevoir et assurer des soins aux personnes souffrant d'une maladie, d'une blessure ou d'une infirmité, b) toute maternité et c) tout lieu ne relevant pas d'un des sous-paragraphes précédents et utilisé ou destiné à être utilisé pour fournir tout ou partie des services suivants: i) actes chirurgicaux sous anesthésie, ii) endoscopies, iii) hémodialyses ou dialyses péritonéales, iv) traitements administrés par des techniques strictement contrôlées».
(7) - Cette dernière observation est importante pour déterminer si les faits de la cause entrent dans le champ d'application de l'article 13, A, paragraphe 1, sous g), de la directive.
(8) - Ils souhaitent l'agrandir en ajoutant 13 chambres pour les personnes âgées et invalides et 12 salles supplémentaires pour les services de prise en charge et de soins infirmiers.
(9) - La définition du «partnership» figure à l'article 1er du Partnership Act 1890, qui la définit comme suit: «relation existant entre des personnes exerçant en commun une activité à but lucratif». Selon le droit national, le partnership n'a pas de personnalité juridique distincte de celle des partners.
(10) - Arrêt Kaul/Commissioners of Customs and Excise 1996, VAT decision 14028.
(11) - La Cour s'est déjà penchée sur le problème des divergences linguistiques de termes ou d'expressions dans les textes législatifs des institutions communautaires. Dans l'arrêt du 12 novembre 1969, Stauder (29/69, Rec. p. 419, point 3), elle a affirmé ce qui suit: «lorsqu'une décision unique est adressée à tous les États membres, la nécessité d'une application et dès lors d'une interprétation uniformes exclut que ce texte soit considéré isolément dans une de ses versions, mais exige qu'il soit interprété en fonction tant de la volonté réelle de son auteur que du but poursuivi par ce dernier, à la lumière notamment des versions établies dans toutes les langues».
La Cour admet de manière constante que, «en cas de divergence entre différentes versions linguistiques, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément» (voir l'arrêt du 27 mars 1990, Cricket St Thomas, C-372/88, Rec. p. I-1345, point 19, et les conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous cet arrêt, points 6 et suiv. Voir également les arrêts du 28 mars 1985, Commission/Royaume-Uni, 100/84, Rec. p. 1169, point 17; du 17 octobre 1991, Commission/Danemark, C-100/90, Rec. p. I-5089, point 8; du 7 décembre 1995, Rockfon, C-449/93, Rec. p. I-4291, point 28; du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 14, et du 13 juillet 1989, Henriksen, 173/88, Rec. p. 2763, point 11).
(12) - «Body», «organization» et «establishment» dans le texte anglais.
(13) - Voir les arrêts du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas (235/85, Rec. p. 1471, point 19), et du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties (348/87, Rec. p. 1737, points 11 et 13).
(14) - Les points c), e) et i) de l'article 13, A, paragraphe 1, concernent les exonérations en faveur des médecins, des mécaniciens-dentistes et des éducateurs.
(15) - Selon M. et Mme Gregg, cette interprétation est corroborée par le fait que le législateur communautaire ne se borne pas à utiliser les mots «organisme» ou «établissement» à l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la directive, mais qu'il parle aussi d'«organismes autres que ceux de droit public» au point a) du paragraphe 2 du même article. Ils estiment qu'il est évident qu'un tel «organisme» ne peut pas être un opérateur dépourvu de la personnalité juridique, derrière lequel on trouve une ou plusieurs personnes physiques.
(16) - Ils renvoient à cet égard au point 13 de l'arrêt du 11 juillet 1985, Commission/Allemagne (107/84, Rec. p. 2655), dans lequel la Cour a admis ce qui suit: «S'il est vrai que ces exonérations profitent à des activités poursuivant certains objectifs, la plupart des dispositions précisent également les opérateurs économiques qui sont autorisés à fournir les prestations exonérées. Il n'est donc pas exact de dire que ces prestations sont définies par référence à des notions purement matérielles ou fonctionnelles».
(17) - Les parties en question renvoient également au point 32 de l'arrêt du 23 février 1988, Commission/Royaume-Uni (353/85, Rec. p. 817). Dans cet arrêt, le juge communautaire définit l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont strictement liées comme étant des «prestations comprenant un ensemble de soins médicaux, effectués normalement sans but lucratif, dans des établissements qui ont des finalités sociales, telles la sauvegarde de la santé humaine».
(18) - La Cour a jugé que toute interprétation qui aboutirait à élargir la portée de l'article 13, A, serait incompatible avec la finalité de cette disposition (voir l'arrêt Stichting Uitvoering Financiële Acties, précité dans la note 13, points 13 et 14) et que l'article 13 de la sixième directive «ne cite nullement toutes les activités d'intérêt général, mais uniquement certaines d'entre elles, qui sont énumérées soigneusement et décrites de manière très détaillée» (voir les arrêts Commission/Allemagne, précité dans la note 16, point 17, et Stichting Uitvoering Financiële Acties, précité dans la note 13, point 12), et elle a rejeté l'interprétation large des exonérations fiscales en général (voir l'arrêt Commission/Allemagne, précité, point 20, et le point 16 des conclusions de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt du 15 décembre 1993, Lubbock Fine, C-63/92, Rec. p. I-6665).
Sur cette question, voir nos conclusions du 14 mai 1998 sous l'arrêt du 12 novembre 1998, Motor Industry (C-149/97, non encore publié au Recueil, points 43 et suiv.).
(19) - Arrêt précité dans la note 17, point 32.
(20) - Arrêt précité dans la note 16.
(21) - En ce qui concerne le principe de la neutralité dans ce domaine, voir, à titre indicatif, l'arrêt du 24 octobre 1996, Elida Gibbs (C-317/94, Rec. p. I-5339, point 23), et les récentes conclusions de l'avocat général M. Fennelly sous l'arrêt du 12 novembre 1998, Victoria Film (C-134/97, non encore publié au Recueil, conclusions du 18 juin 1998, point 41).
(22) - De ce point de vue, nous maintenons ce que nous avons dit dans nos conclusions sous l'arrêt Bulthuis-Griffioen, en particulier aux points 13 et 15, à savoir que, «dans tous les cas où, en vertu des dispositions de l'article 13, une activité exonérée doit être accomplie par un `organisme', l'exonération prévue ne trouve pas application lorsque l'opérateur économique est une personne physique» (point 13) et qu'«un entrepreneur exerçant, comme la demanderesse, les activités exonérées de la taxe en tant que personne physique ne relève pas du champ d'application personnel de la disposition litigieuse de l'article 13, point A, paragraphe 1, sous g), de la sixième directive, dans la mesure où un tel entrepreneur ne saurait être qualifié d'`organisme' au sens de la disposition en question» (point 15). Dans cette affaire, la Cour a évidemment ajouté un élément supplémentaire conformément à l'interprétation de la disposition concernée; au point 20 de cet arrêt, elle dit expressément que, conformément à l'article 13, A, paragraphe 1, point g), de la sixième directive, «... le bénéfice de l'exonération peut uniquement être invoqué par des personnes morales...». Nous avons déjà expliqué pourquoi, à notre avis, il n'est pas indiqué de faire dépendre la qualité d'«établissement» ou d'«organisme» au sens de la sixième directive de l'existence d'une personnalité juridique autonome dans le chef de celui qui exerce l'activité à exonérer. Or, le dispositif de l'arrêt Bulthuis-Griffioen - selon lequel un entrepreneur, personne physique, ne peut prétendre au bénéfice d'une exonération dans la mesure où les dispositions concernées réservent ce bénéfice aux organismes de droit public ou aux autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'État membre concerné - reçoit notre adhésion totale et nous ne voyons pas pourquoi il faudrait le mettre en cause.
(23) - Nous avons aussi souligné qu'il fallait examiner uniquement les caractéristiques de l'opérateur qui demande l'exonération fiscale en vertu de la sixième directive et les caractéristiques de l'activité exercée, mais non la qualification juridique de cet opérateur, dans nos récentes conclusions sous l'arrêt Motor Industry (conclusions du 14 mai 1998) en rapport avec l'interprétation de l'article 13, A, paragraphe 1, sous l), de la sixième directive. Au point 48 de ces conclusions, nous avons expressément dit que la disposition litigieuse devait être interprétée «en ce sens qu'elle fait référence aux objectifs essentiels de l'activité syndicale et vise donc les organismes sans but lucratif qui, indépendamment de leur forme juridique, poursuivent de tels objectifs».