Avis juridique important
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 20 juin 2002. - Commission des Communautés européennes contre République fédérale d'Allemagne. - Manquement d'État - Sixième directive TVA - Articles 2, point 1, et 13, A, paragraphe 1, sous i) - Activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur accomplies à titre onéreux - Exonération. - Affaire C-287/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-05811
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Recours en manquement - Procédure précontentieuse - Objet - Avis motivé - Contenu - Délimitation de l'objet du litige
(Art. 226 CE)
2. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Exonération des prestations de services étroitement liées à l'enseignement universitaire - Activités de recherche des universités d'État exercées à titre onéreux - Exclusion
(Directive du Conseil 77/388, art. 2 et 13, A, § 1, i))
1. Dans le cadre du recours en manquement, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission.
La régularité de cette procédure constitue une garantie essentielle voulue par le traité non seulement pour la protection des droits de l'État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini.
L'objet d'un recours intenté en application de l'article 226 CE est, par conséquent, circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé, lequel doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État intéressé a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité.
En invoquant pour la première fois dans la requête un argument en réponse à un moyen de défense soulevé également pour la première fois par l'État membre défendeur en réponse à l'avis motivé, la Commission ne modifie ni la définition ni le fondement du manquement allégué.
( voir points 16-19, 24 )
2. Une législation nationale exonérant des opérations de la taxe sur la valeur ajoutée, qui n'est ni couverte par une exonération prévue par la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ni autorisée conformément à une dérogation prévue par celle-ci, constitue une infraction à l'article 2 de cette directive.
Dès lors, manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive un État membre qui exonère de la taxe sur la valeur ajoutée les activités de recherche exercées à titre onéreux par des établissements publics d'enseignement supérieur.
Ces activités ne sauraient en effet être considérées comme des prestations de services étroitement liées à l'enseignement universitaire au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive.
Si cette notion ne requiert pas une interprétation particulièrement stricte dans la mesure où l'exonération desdites prestations de services est destinée à garantir que le bénéfice de l'enseignement universitaire ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de cet enseignement s'il était lui-même, ou les prestations de services ou les livraisons de biens qui lui sont étroitement liées, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, le fait de soumettre à celle-ci la réalisation à titre onéreux de projets de recherche par des établissements publics d'enseignement supérieur n'a toutefois pas pour effet d'accroître le coût de l'enseignement universitaire.
En outre, bien que la réalisation de tels projets puisse être considérée comme fort utile à l'enseignement universitaire, elle n'est pas indispensable pour atteindre l'objectif visé par celui-ci.
( voir points 40, 47-49, 52 et disp. )
Dans l'affaire C-287/00,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Wilms et K. Gross, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et T. Jürgensen, en qualité d'agents,
partie défenderesse,
"ayant pour objet de faire constater que, en exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires), du 27 avril 1993 (BGBl. 1993 I, p. 565), tel que modifié par l'article 4, paragraphe 5, de l'Umsatzsteuergesetz-Änderungsgesetz, du 12 décembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1851), la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. P. Jann, président de chambre, S. von Bahr (rapporteur), D. A. O. Edward, A. La Pergola et C. W. A. Timmermans, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. R. Grass,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 décembre 2001,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 20 juillet 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires), du 27 avril 1993 (BGBl. 1993 I, p. 565), tel que modifié par l'article 4, paragraphe 5, de l'Umsatzsteuergesetz-Änderungsgesetz, du 12 décembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1851, ci-après l'«UStG»), la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
2 L'article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens ainsi que les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.
3 En vertu de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive, est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d'une façon indépendante, l'une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 de cette disposition. La notion d'«activités économiques» est définie à l'article 4, paragraphe 2, comme englobant toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, et notamment les opérations comportant l'exploitation d'un bien corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.
4 L'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive précise que les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
5 L'article 13, A, paragraphe 1, de ladite directive, qui prévoit des exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général, dispose:
«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:
[...]
i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'État membre concerné».
La réglementation nationale
6 Selon l'article 4, point 21a, de l'UStG, sont exonérées de la TVA «les opérations réalisées par les établissements publics d'enseignement supérieur dans le cadre d'activités de recherche. Ne font pas partie des activités de recherche les activités qui se limitent à appliquer des connaissances établies, la reprise de projets ainsi que les activités sans rapport avec la recherche».
La procédure précontentieuse
7 Considérant que l'exonération de la TVA accordée en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UStG est contraire au droit communautaire, la Commission a, le 6 novembre 1998, adressé à la République fédérale d'Allemagne une lettre de mise en demeure.
8 Dans cette lettre, la Commission, après avoir rappelé le contenu de l'article 4, point 21a, de l'UStG, constatait qu'un établissement public d'enseignement supérieur constitue un assujetti aux fins de la TVA, dans la mesure où, n'agissant pas en tant qu'autorité publique, il effectue des opérations à titre onéreux, et que les activités de recherche effectuées par un assujetti sont, au regard de la sixième directive, des opérations imposables et non exonérées. Elle rappelait également le libellé de l'article 2, point 1, de la sixième directive et faisait valoir que, étant donné que les activités de recherche ne sont pas exonérées, en particulier en vertu de l'article 13 de la sixième directive, elle considérait que, en exonérant de la TVA les activités effectuées par les universités publiques, la République fédérale avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive.
9 La lettre de mise en demeure étant restée sans réponse, bien que, sur demande du gouvernement allemand, une prolongation du délai de réponse jusqu'à la mi-mars 1999 lui ait été accordée, la Commission a, par lettre du 26 août 1999, émis un avis motivé invitant la République fédérale d'Allemagne à prendre les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
10 Dans l'avis motivé, après avoir relevé que, en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UStG, les activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur sont exonérées de la TVA et cité l'article 2, point 1, de la sixième directive, la Commission a réitéré, au point 3 dudit avis, qu'un établissement public d'enseignement supérieur constitue un assujetti aux fins de la TVA dans la mesure où, n'agissant pas en tant qu'autorité publique, il effectue des opérations à titre onéreux et que les activités de recherche effectuées par un assujetti sont, au regard de la sixième directive, des opérations imposables et non exonérées. Selon la Commission, en exonérant de la TVA ces activités effectuées par les universités publiques, la République fédérale d'Allemagne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive. Enfin, la Commission rappelait que, conformément à l'article 226 CE, elle avait informé le gouvernement allemand de cette infraction au droit communautaire par sa lettre de mise en demeure du 6 novembre 1998.
11 Par lettre du 4 avril 2000, le gouvernement allemand a répondu à l'avis motivé, mais cette réponse n'ayant pas satisfait la Commission, celle-ci a introduit le présent recours.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
12 Le gouvernement allemand fait valoir que le recours de la Commission est irrecevable pour deux raisons.
13 En premier lieu, la procédure précontentieuse, telle qu'imposée par l'article 226 CE, n'aurait pas été respectée par la Commission. En effet, contrairement aux exigences de la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêts du 20 mars 1997, Commission/Allemagne, C-96/95, Rec. p. I-1653, points 22 et 24, ainsi que du 28 octobre 1999, Commission/Autriche, C-328/96, Rec. p. I-7479, point 34), l'avis motivé, limité à sept phrases, ne contiendrait pas une présentation matérielle complète ni une appréciation juridique détaillée et cohérente de l'objet du litige, mais il se contenterait essentiellement de répéter le contenu de la lettre de mise en demeure.
14 En second lieu, le gouvernement allemand soutient que, dans la requête, l'objet du litige est plus large que celui qui résulte de l'avis motivé, ce qui constitue une violation du principe de continuité entre la phase précontentieuse et le recours, qui serait l'expression spécifique du principe du droit d'être entendu (voir arrêt du 25 avril 1996, Commission/Luxembourg, C-274/93, Rec. p. I-2019, point 11).
15 À cet égard, le gouvernement allemand fait valoir que, dans sa requête, la Commission ne motive plus son recours uniquement par une violation de l'article 2 de la sixième directive, comme dans l'avis motivé, mais invoque, en outre, l'article 13, A, de la sixième directive. L'argumentation de la Commission, en tant qu'elle est fondée sur ladite disposition, constituerait un aspect essentiel du recours de la Commission et, partant, un nouveau grief. En effet, l'article 2 de la sixième directive ne définirait que l'assiette de la TVA, c'est-à-dire les catégories de chiffres d'affaires qui doivent en principe être intégrées dans le système de ladite taxe, mais il ne résulterait pas directement de cette disposition que les chiffres d'affaires qui y sont décrits sont assujettis à l'impôt. Cet assujettissement résulterait uniquement des critères spécifiques d'exonération fiscale des articles 13 et suivants de la sixième directive.
Appréciation de la Cour
16 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts Commission/Allemagne, précité, point 22, et du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439/99, non encore publié au Recueil, point 10).
17 La régularité de cette procédure constitue une garantie essentielle voulue par le traité non seulement pour la protection des droits de l'État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini (voir arrêt du 13 décembre 2001, Commission/France, C-1/00, non encore publié au Recueil, point 53).
18 Il s'ensuit, premièrement, que l'objet d'un recours intenté en application de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition. Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 11).
19 Deuxièmement, l'avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État intéressé a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir, notamment, arrêt Commission/Italie, précité, point 12).
20 En l'espèce, d'une part, il convient de relever que, tout au long de la procédure, qui a débuté avec l'envoi de la lettre de mise en demeure, le manquement reproché à la République fédérale d'Allemagne est resté identique, à savoir l'exonération de la TVA des activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'UStG. À cet égard, il est clairement indiqué dans ladite lettre que la Commission considère que ces activités constituent des opérations taxables, en vertu de l'article 2, point 1, de la sixième directive, et qu'elles ne sont pas exonérées.
21 D'autre part, il y a lieu de constater que la Commission n'a pas modifié l'objet du litige par un changement des motifs du manquement constaté. Certes, il est vrai que ce n'est que dans sa requête que la Commission présente explicitement ses arguments pour démontrer que l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive n'est pas applicable en l'espèce. Toutefois, il n'en reste pas moins que, dans sa lettre de mise en demeure, la Commission avait déjà indiqué que, d'après elle, les activités de recherche desdits établissements ne sont pas exonérées, «en particulier en vertu de l'article 13 de la directive». À cet égard, il importe de rappeler que l'avis motivé se réfère expressément à la lettre de mise en demeure.
22 Il convient dès lors de considérer que, dans l'avis motivé, la Commission a défini en des termes suffisamment précis l'infraction alléguée et les raisons pour lesquelles elle estime que la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la sixième directive.
23 En outre, il est constant que la lettre de mise en demeure est restée sans réponse, bien que la Commission ait accordé au gouvernement allemand une prolongation du délai de réponse. Si ce dernier avait répondu à ladite lettre, la Commission aurait été en mesure de préciser, dans l'avis motivé, les griefs qu'elle avait déjà fait valoir de manière plus générale dans la lettre de mise en demeure. Dans une situation telle que celle résultant du silence dudit gouvernement, il ne saurait être reproché à la Commission d'avoir, pour l'essentiel, repris en des termes quasi identiques le contenu de la lettre de mise en demeure dans l'avis motivé.
24 Par ailleurs, si la Commission a invoqué, pour la première fois dans la requête, précisément l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, elle s'est bornée ainsi à répondre à un moyen de défense soulevé également pour la première fois par le gouvernement allemand en réponse à l'avis motivé et, ce faisant, elle n'a modifié ni la définition ni le fondement du manquement allégué (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1982, Commission/Danemark, 211/81, Rec. p. 4547, point 16).
25 Dès lors, il y a lieu de considérer que l'avis motivé définit de manière suffisamment précise l'infraction alléguée et que l'argumentation présentée par la Commission dans sa requête, selon laquelle l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive n'est pas applicable en l'espèce, n'a pas pour effet de modifier l'objet du prétendu manquement.
26 Il s'ensuit que le recours est recevable.
Sur le fond
Arguments des parties
27 La Commission fait valoir que l'activité en cause en l'espèce repose sur un contrat privé, relatif à un projet de recherche entre l'établissement public d'enseignement supérieur concerné et un donneur d'ordre, qui régit notamment le type et l'importance des prestations ainsi que la contrepartie de celles-ci. Lorsqu'ils exercent cette activité, les établissements publics d'enseignement supérieur appliqueraient donc les même règles qu'une entreprise privée. Par conséquent, la dérogation prévue à l'article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, concernant les activités ou opérations accomplies par des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques, ne serait pas applicable, en sorte que lesdits établissements seraient en principe considérés comme des assujettis au sens de cette directive en ce qui concerne les contrats de recherche.
28 Étant accomplies à titre onéreux sur la base de contrats de commande, ces activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur seraient des prestations de services soumises à la TVA, conformément à l'article 2 de la sixième directive. Cette disposition définirait la matière taxable en précisant les activités qui, en principe, sont soumises à la TVA. Dès lors que les opérations des organismes de droit public ne relèvent pas de l'exercice de l'autorité publique, l'obligation des États membres de soumettre à la TVA de telles opérations découlerait donc directement de l'article 2 de la sixième directive.
29 Par ailleurs, une exonération des contrats de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur ne saurait être octroyée en vertu de l'article 13, A, de la sixième directive.
30 En effet, selon la jurisprudence constante de la Cour, il ressortirait de l'économie de la sixième directive que les termes employés pour désigner les exonérations visées à son article 13, A, sont d'interprétation stricte. Cette disposition n'exonérerait pas de la TVA toutes les activités d'intérêt général, mais uniquement celles qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée (voir arrêts du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry, C-149/97, Rec. p. I-7053, points 17 et 18, ainsi que du 14 septembre 2000, D., C-384/98, Rec. p. I-6795, points 19 et 20).
31 Or, l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive ne ferait aucunement référence aux activités de recherche des établissements publics d'enseignement supérieur qui sont exonérées de la TVA en vertu de l'article 4, point 21a, de l'UstG. En outre, il résulterait de la jurisprudence citée au point précédent que la définition des «prestations de services étroitement liées à l'enseignement universitaire», au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, couvre les prestations de services ou les livraisons de biens directement nécessaires à l'enseignement, telles que la mise à disposition de matériel pédagogique. Le fait que les activités de recherche au profit de personnes privées puissent être utiles à l'enseignement ne suffirait cependant pas à établir l'existence, entre celui-ci et les activités en cause, d'une relation juridique aussi étroite que celle exigée par ladite disposition.
32 En outre, s'agissant de l'argument du gouvernement allemand selon lequel l'exonération en question permet une simplification fiscale et évite des frais administratifs, la Commission rappelle que, en ce qui concerne les termes de la formule introductive de l'article 13, B, de la sixième directive, dont le libellé est identique à celui de la formule introductive de l'article 13, A, paragraphe 1, de celle-ci, la Cour a jugé que les conditions des exonérations, fixées par les États membres, ne sauraient porter sur la définition du contenu des exonérations prévues (voir arrêt du 28 mars 1996, Gemeente Emmen, C-468/93, Rec. p. I-1721, point 19).
33 Le gouvernement allemand soutient que le recours n'est pas fondé, en premier lieu, parce que l'article 2 de la sixième directive ne constitue ni une obligation ni une interdiction. Cette disposition, précisant que les opérations indiquées sont «soumises» à la TVA, ne contiendrait qu'une définition de l'assiette de la taxe, c'est-à-dire de ce qui est imposable («Steuerbarkeit»), et non pas de l'assujettissement à l'impôt («Steuerpflichtigkeit») (voir arrêt du 29 juin 1999, Coffeeshop «Siberië», C-158/98, Rec. p. I-3971, points 14, 21 et 23). Or, il ne serait pas possible d'enfreindre une disposition qui ne contient qu'une simple définition. L'assujettissement des activités mentionnées à ladite disposition ne serait possible que lorsque celle-ci est lue en combinaison avec l'article 13, A, de la sixième directive, qui énumère les critères des exonérations prévues en faveur de certaines activités. Dès lors, le grief formulé par la Commission dans sa requête ne pourrait prospérer.
34 En second lieu, le gouvernement allemand soutient que le recours n'est pas fondé puisque l'exonération fiscale des activités de recherche des établissements d'enseignement supérieur est justifiée au regard de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive.
35 À cet égard, il soutient que la recherche constitue un service étroitement lié à l'enseignement dans les établissements publics d'enseignement supérieur. Les activités de recherche et de formation dans ces établissements ne pourraient être séparées. Ces derniers auraient précisément besoin des activités de recherche pour mener à bien leurs activités d'enseignement car elles leur permettraient de développer et de transmettre de nouvelles connaissances. Contrairement à ce que prétend la Commission, la collaboration entre les établissements publics d'enseignement supérieur et le monde économique, dans le cadre d'activités de recherche financées par des fonds provenant de tiers, serait non seulement utile à l'enseignement supérieur, mais absolument indispensable, au même titre que le matériel d'enseignement.
36 En effet, dans les établissements d'enseignement supérieur, la formation ne serait pas une occupation scientifique détachée de tout but, mais elle permettrait avant tout d'acquérir une qualification en vue d'exercer une activité professionnelle dans l'économie, ce qui correspondrait également au but des études tel qu'il est défini à l'article 7 du Hochschulrahmengesetz (loi-cadre sur les établissements d'enseignement supérieur), du 9 avril 1987 (BGBl. 1987 I, p. 1170), dans sa version du 19 janvier 1999 (BGBl. 1999 I, p. 18). Dans le cadre de leur travail quotidien, les enseignants des établissements d'enseignement supérieur ne pourraient garantir le lien exigé entre l'enseignement supérieur et la vie professionnelle qu'en entretenant eux-mêmes un tel lien avec celle-ci. Pour cette raison, il ne serait pas possible de renoncer à la réalisation de projets de recherche sous contrat et en collaboration avec les milieux économiques.
37 Quant à l'objectif de la simplification du paiement de la taxe, le gouvernement allemand affirme qu'il constitue non pas une justification des exonérations, mais un aspect supplémentaire qui est apparu dans le cadre d'un critère d'exonération. Si un tel critère est applicable, en l'espèce celui figurant à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, il serait permis de prendre en considération les mesures de simplification fiscale. L'expression «les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées» devrait donc également être interprétée sous l'angle de la simplification fiscale. À cet égard, le gouvernement allemand fait état de l'étroite corrélation entre la recherche et la formation ainsi que de l'inefficacité et des complications d'ordre bureaucratique qu'entraînerait la distinction entre les domaines soumis à la TVA et ceux qui sont exonérés de celle-ci dans les établissements publics d'enseignement supérieur.
Appréciation de la Cour
38 Il convient, en premier lieu, d'écarter l'argument du gouvernement allemand selon lequel l'article 2 de la sixième directive ne contient pas une définition de l'assujettissement à la TVA. En effet, ainsi que la Cour l'a rappelé dans son arrêt du 21 février 1989, Commission/Italie (203/87, Rec. p. 371, point 2), cette disposition définit les opérations qui doivent être soumises à la TVA, à savoir les «livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti en tant que tel» ainsi que les «importations de biens».
39 La sixième directive prévoit des exonérations de la TVA pour certaines catégories de ces opérations, notamment au titre X de celle-ci, sous lequel figure l'article 13. Dans la mesure où une exonération n'est pas prévue par la sixième directive, elle constitue une dérogation à la règle générale de l'article 2 de celle-ci. Une telle dérogation ne saurait être conforme au droit communautaire que si elle est autorisée conformément aux dispositions de ladite directive (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 1989, Commission/Italie, précité, point 10).
40 Partant, une législation nationale exonérant des opérations de la TVA, qui n'est ni couverte par une exonération prévue par la sixième directive ni autorisée conformément à une dérogation prévue par celle-ci, constitue une infraction à l'article 2 de cette directive.
41 En second lieu, il importe de constater que le gouvernement allemand ne conteste pas que, lorsqu'ils exercent les activités de recherche en cause en l'espèce, les établissements publics d'enseignement supérieur doivent, en principe, être considérés comme des assujettis au sens de l'article 4, paragraphe 1, de la sixième directive et il ne prétend pas non plus que le paragraphe 5 de cette disposition soit applicable à de telles activités.
42 Il s'ensuit que le litige porte exclusivement sur la question de savoir si les activités de recherche exercées à titre onéreux par des établissements publics d'enseignement supérieur constituent des prestations de services qui sont «étroitement liées» à l'enseignement universitaire, au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, et qui doivent en tant que telles être exonérées de la TVA en application de cette disposition.
43 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, notamment, arrêt du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, Rec. p. 1737, point 13, ainsi que arrêts précités Institute of the Motor Industry, point 17, et D., point 15).
44 Il est de jurisprudence constante que lesdites exonérations constituent des notions autonomes du droit communautaire ayant pour objet d'éviter des divergences dans l'application du régime de la TVA d'un État membre à l'autre (voir, notamment, arrêts du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 15, et du 8 mars 2001, Skandia, C-240/99, Rec. p. I-1951, point 23).
45 Il y a lieu de rappeler en outre que l'article 13, A, de la sixième directive vise à exonérer de la TVA certaines activités d'intérêt général. Cette disposition n'exclut cependant pas toutes les activités d'intérêt général de l'application de la TVA, mais uniquement celles qui y sont énumérées et décrites de manière très détaillée (voir, notamment, arrêt Institute of the Motor Industry, précité, point 18).
46 Il y a lieu de constater également que l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive ne comporte aucune définition de la notion de prestations de services «étroitement liées» à l'enseignement universitaire.
47 Néanmoins, cette notion ne requiert pas une interprétation particulièrement stricte dans la mesure où l'exonération des prestations de services étroitement liées à l'enseignement universitaire est destinée à garantir que le bénéfice de celui-ci ne devienne pas inaccessible en raison du coût accru de cet enseignement s'il était lui-même, ou les prestations de services et les livraisons de biens qui lui sont étroitement liées, soumis à la TVA (voir, par analogie, concernant l'article 13, A, paragraphe 1, sous b), de la sixième directive, arrêt du 11 janvier 2001, Commission/France, C-76/99, Rec. p. I-249, point 23). Toutefois, soumettre à la TVA la réalisation à titre onéreux de projets de recherche par des établissements publics d'enseignement supérieur n'a pas pour effet d'accroître le coût de l'enseignement universitaire.
48 En outre, contrairement à ce que prétend le gouvernement allemand, bien que la réalisation de tels projets puisse être considérée comme fort utile à l'enseignement universitaire, elle n'est pas indispensable pour atteindre l'objectif visé par celui-ci, à savoir, notamment, la formation des étudiants en vue de leur permettre d'exercer une activité professionnelle. En effet, force est de constater que nombre d'établissements d'enseignement universitaire atteignent ce but sans effectuer des projets de recherche à titre onéreux et qu'il existe d'autres manières de garantir l'existence d'un lien entre l'enseignement universitaire et la vie professionnelle.
49 Dès lors, la réalisation à titre onéreux, par des établissements publics d'enseignement supérieur, de projets de recherche ne saurait être considérée comme une activité étroitement liée à l'enseignement universitaire au sens de l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive.
50 En ce qui concerne l'argument du gouvernement allemand tiré de l'objectif d'une simplification du paiement de la TVA, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si, en vertu de la phrase introductive de l'article 13, A, paragraphe 1, de la sixième directive, les États membres fixent les conditions des exonérations afin d'en assurer l'application correcte et simple et de prévenir toute fraude, toute évasion et tous abus éventuels, ces conditions ne sauraient porter sur la définition du contenu des exonérations prévues (voir, notamment, arrêts du 7 mai 1998, Commission/Espagne, C-124/96, Rec. p. I-2501, points 11 et 12, et du 11 janvier 2001, Commission/France, précité, point 26).
51 Dès lors, dans une situation telle que celle en l'espèce, dans laquelle la réglementation nationale en cause ne satisfait pas aux critères de l'exonération prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous i), de la sixième directive, le fait qu'elle constituerait une mesure de simplification fiscale est dénué de pertinence.
52 Il y a donc lieu de conclure que, en exonérant de la TVA les activités de recherche exercées à titre onéreux par des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'UStG, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive.
Sur les dépens
53 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) En exonérant de la taxe sur la valeur ajoutée les activités de recherche exercées à titre onéreux par des établissements publics d'enseignement supérieur, au titre de l'article 4, point 21a, de l'Umsatzsteuergesetz (loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires) du 27 avril 1993, tel que modifié par l'article 4, paragraphe 5, de l'Umsatzsteuergesetz-Änderungsgesetz du 12 décembre 1996, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.
2) La République fédérale d'Allemagne est condamnée au dépens.