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ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

30 juin 2016 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Droit à remboursement – Huitième directive 79/1072/CEE – Conditions d’obtention du remboursement – Imposition de conditions autres que celles visées aux articles 3 et 4 – Obligation d’apporter la preuve du paiement de la taxe – Admissibilité »

Dans l’affaire C-55/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), par décision du 17 décembre 2015, parvenue à la Cour le 1er février 2016, dans la procédure

Evo Bus GmbH

contre

Direcția Generală Regională a Finanțelor Publice Ploiești,

LA COUR (neuvième chambre),

composée de M. C. Lycourgos (président de chambre), MM. E. Juhász et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO 1979, L 331, p. 11, ci-après la « huitième directive »).

2        Cette demande a été introduite dans le cadre d’un litige opposant Evo Bus GmbH à la Direcţia Generală Regională a Finanţelor Publice Ploiești (direction générale régionale des finances publiques de Ploiești, Roumanie, ci-après l’« autorité fiscale ») au sujet de la décision de cette dernière de refuser à Evo Bus le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) facturée à celle-ci par Evo Bus România SRL.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les troisième et cinquième considérants de la huitième directive énoncent :

« [...] il convient de mettre fin aux divergences entre les dispositions actuellement en vigueur dans les États membres et qui sont parfois à l’origine de détournements de trafic et de distorsions de concurrence ;

[...]

[...] une telle réglementation ne doit pas aboutir à soumettre les assujettis à un traitement différent selon l’État membre à l’intérieur duquel ils sont établis ».

4        L’article 1er de la huitième directive dispose :

« Pour l’application de la présente directive, est considéré comme un assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays l’assujetti visé à l’article 4, paragraphe 1, de la [sixième] directive 77/388/CEE [du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (JO 1977, L 145, p. 1)] qui, au cours de la période visée à l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, première et deuxième phrases, n’a eu dans ce pays ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle, et qui, au cours de la même période, n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans ce pays, à l’exception :

a)      des prestations de transport et prestations de services accessoires à ces prestations de transport, exonérées en vertu de l’article 14, paragraphe 1, sous i), de l’article 15 ou de l’article 16, paragraphe 1, sous B, C et D, de la directive [77/388] ;

b)      des prestations de services dans les cas où la taxe est due uniquement par le preneur conformément à l’article 21, paragraphe 1, sous b), de la directive [77/388]. »

5        L’article 2 de la huitième directive prévoit :

« Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, sous a) et b), de la directive [77/388] ou des prestations de services visées à l’article 1er, sous b). »

6        Aux termes de l’article 3 de la huitième directive :

« Pour bénéficier du remboursement, tout assujetti visé à l’article 2 qui n’a effectué aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer à l’intérieur du pays, doit :

a)      déposer, auprès du service compétent visé à l’article 9, premier alinéa, une demande conforme au modèle figurant à l’annexe A à laquelle seront annexés les originaux des factures ou des documents d’importation. Les États membres mettent à la disposition des requérants une notice explicative qui doit contenir en tout cas les éléments d’information minimaux repris à l’annexe C ;

b)      justifier, au moyen d’une attestation délivrée par l’administration de l’État dans lequel il est établi, qu’il est assujetti à la [TVA] dans cet État. Toutefois, lorsque le service compétent visé à l’article 9, premier alinéa, est déjà en possession de cette justification, l’assujetti n’est plus tenu d’en fournir une nouvelle pendant une période d’un an à compter de la date de la délivrance de la première attestation par l’administration de l’État dans lequel il est établi. Les États membres ne délivrent pas d’attestation aux assujettis qui bénéficient d’une franchise de la taxe en vertu de l’article 24, paragraphe 2, de la directive [77/388] ;

c)      certifier par une déclaration écrite qu’il n’a effectué aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer à l’intérieur du pays au cours de la période visée à l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, première et deuxième phrases ;

d)      s’engager à reverser toute somme indûment perçue. »

7        L’article 4 de la huitième directive est rédigé ainsi :

« Pour bénéficier du remboursement, tout assujetti visé à l’article 2 qui n’a effectué à l’intérieur du pays aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer dans le pays, autre que des prestations visées à l’article 1er, sous a) et b), doit :

a)      remplir les obligations visées à l’article 3, sous a), b) et d) ;

b)      certifier par une déclaration écrite qu’il n’a effectué, au cours de la période visée à l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, première et deuxième phrases, aucune livraison de biens ou aucune prestation de services réputée se situer dans le pays, autre que des prestations visées à l’article 1er, sous a) et b). »

8        L’article 6 de la huitième directive prévoit :

« Les États membres ne peuvent imposer aux assujettis visés à l’article 2, outre les obligations visées aux articles 3 et 4, aucune obligation autre que celle de fournir, dans des cas particuliers, les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement. »

 Le droit roumain

9        L’article 147 ter, paragraphe 1, sous a), du Cod fiscal (code des impôts) dispose :

« Dans les conditions fixées par voie réglementaire :

a)      l’assujetti non établi en Roumanie, qui est établi dans un autre État membre, non identifié et non tenu de s’identifier à la TVA en Roumanie, peut bénéficier du remboursement de la taxe acquittée pour des importations et achats de biens ou services effectués en Roumanie ».

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Par contrats datés des 23 décembre 2005 et 10 septembre 2007, ayant pour objet la livraison de bus à la Regia Autonomă de Transport Bucureşti (RATB), Evo Bus s’est engagée à assurer la réparation, l’entretien et la révision des bus livrés. Avec l’accord de la Regia Autonomă de Transport Bucureşti (RATB), Evo Bus a, le 15 décembre 2007, conclu un contrat de prestation de services avec Evo Bus România aux termes duquel celle-ci a repris ces engagements.

11      En vertu de ces contrats, Evo Bus România a facturé à Evo Bus, notamment, le coût de la main d’œuvre, des pièces de rechange et des consommables achetés dans le cadre de la réparation, de l’entretien et de la révision desdits bus.

12      Le 15 décembre 2009, Evo Bus a déposé auprès de l’autorité fiscale une demande de remboursement de la TVA que lui avait facturée Evo Bus România.

13      En ce qui concerne, en particulier, un montant de TVA s’élevant à 662 472 lei roumains (RON) (environ 147 000 euros), cette demande a été refusée au motif qu’Evo Bus n’avait pas apporté la preuve du paiement de cette taxe.

14      La Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a rejeté le recours formé par Evo Bus contre cette décision. Elle a considéré que la circonstance que la huitième directive ne prévoit pas expressément l’obligation de prouver le paiement de la TVA n’implique pas que celle-ci s’oppose à l’existence d’une telle obligation. Elle a également jugé qu’il n’était pas démontré que ladite décision avait enfreint le principe de neutralité fiscale.

15      Saisie d’un pourvoi contre l’arrêt de la Curtea de Apel Bucureşti (cour d’appel de Bucarest), la juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la conformité à la huitième directive de l’obligation de prouver le paiement de la TVA aux fins de l’obtention du remboursement de celle-ci, obligation qui résulte de l’expression « taxe acquittée », figurant à l’article 147 ter, paragraphe 1, sous a), du code des impôts.

16      Dans ces conditions, l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Les dispositions de la huitième directive ainsi que le principe de neutralité fiscale s’opposent-ils/se sont-ils opposés à une législation d’un État membre réglementant/ayant réglementé, en considération du principe de sécurité fiscale, les conditions d’exercice du droit au remboursement de la TVA, telles que, dans le cas d’espèce, la preuve du paiement de la taxe par les fournisseurs ? »

 Sur la question préjudicielle

17      Conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à cette question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, après avoir entendu l’avocat général, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

18      Il convient de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

19      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la huitième directive ainsi que le principe de neutralité fiscale s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle, pour exercer leur droit au remboursement de la TVA, les assujettis sont soumis à une obligation générale d’apporter la preuve du paiement de cette taxe.

20      Conformément à l’article 2 de la huitième directive, un État membre doit rembourser à un assujetti non établi à l’intérieur de cet État, au sens de l’article 1er de cette directive, mais qui est établi dans un autre État membre, la TVA ayant grevé, notamment, des services qui ont été rendus à cet assujetti à l’intérieur du premier État membre par d’autres assujettis, dans les conditions fixées dans ladite directive.

21      Il y a lieu, à cet égard, de préciser que la réponse de la Cour présuppose que les conditions visées audit article 2 soient remplies par l’assujetti qui introduit la demande de remboursement de la TVA.

22      Les articles 3 et 4 de la huitième directive énoncent une série d’obligations que l’assujetti visé à l’article 2 de cette directive doit remplir afin de bénéficier dudit remboursement. Au nombre de ces obligations figure celle, prévue à l’article 3, sous a), de ladite directive, selon laquelle ledit assujetti doit déposer, auprès du service compétent, une demande conforme au modèle figurant à l’annexe A de cette même directive à laquelle sont annexés les originaux des factures ou des documents d’importation.

23      Aux termes de l’article 6 de la huitième directive, les États membres ne peuvent imposer aux assujettis visés à l’article 2 de cette directive, outre les obligations visées aux articles 3 et 4 de ladite directive, aucune obligation autre que celle de fournir, dans des cas particuliers, les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement de la TVA.

24      En l’espèce, il ne ressort pas des éléments transmis par la juridiction de renvoi que l’autorité fiscale ait émis d’objection à l’égard des factures reprenant les coûts des services rendus par Evo Bus România qu’Evo Bus lui a présentées à l’appui de sa demande de remboursement de la TVA.

25      Cette demande de remboursement a été néanmoins rejetée sur la base de l’article 147 ter, paragraphe 1, sous a), du code des impôts, qui prévoit qu’un assujetti non établi en Roumanie, qui est établi dans un autre État membre, non identifié et non tenu de s’identifier à la TVA en Roumanie, peut bénéficier du remboursement de la taxe acquittée pour des importations et des achats de biens ou de services effectués en Roumanie. La juridiction de renvoi indique, à cet égard, que cette disposition impose l’obligation de prouver le paiement de la TVA dans le cas d’une demande de remboursement. Or, force est de constater qu’une telle obligation ne compte pas parmi les obligations énumérées aux articles 3 et 4 de la huitième directive.

26      Il s’ensuit que l’article 6 de cette directive s’oppose à ce que l’assujetti visé à l’article 2 de ladite directive soit obligé, aux fins du remboursement de la TVA, d’apporter la preuve du paiement de cette taxe (voir, par analogie, arrêt du 3 décembre 2009, Yaesu Europe, C-433/08, EU:C:2009:750, point 26).

27      Cette interprétation est corroborée par l’objectif de la huitième directive consistant, ainsi qu’il découle des troisième et cinquième considérants de celle-ci, à harmoniser les modalités de remboursement de la TVA acquittée dans un État membre par des assujettis établis dans un autre État membre en mettant fin aux divergences entre les dispositions en vigueur à l’époque dans les États membres et en s’efforçant de ne pas aboutir à soumettre les assujettis à un traitement différent selon l’État membre à l’intérieur duquel ils sont établis (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2009, Yaesu Europe, C-433/08, EU:C:2009:750, points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée).

28      En effet, permettre à un État membre d’imposer aux assujettis visés à l’article 2 de la huitième directive des obligations autres que celles figurant aux articles 3 et 4 de cette directive reviendrait à instaurer une formalité incompatible avec ledit objectif (voir, par analogie, arrêt du 3 décembre 2009, Yaesu Europe, C-433/08, EU:C:2009:750, point 27).

29      Certes, conformément à l’article 6 de la huitième directive, un État membre peut, dans des cas particuliers, obliger un assujetti à fournir les renseignements nécessaires pour apprécier le bien-fondé de la demande de remboursement de la TVA. Tel pourrait être le cas, notamment, lorsqu’il y a suspicion d’abus fiscal (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg, C-73/06, EU:C:2007:397, points 46 et 47).

30      Toutefois, cette possibilité ne saurait fonder une obligation générale, prévue par le droit national, telle que celle en cause au principal.

31      Par conséquent, il convient de répondre à la question posée que la huitième directive s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle, pour exercer leur droit au remboursement de la TVA, les assujettis sont soumis à une obligation générale d’apporter la preuve du paiement de cette taxe.

 Sur les dépens

32      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

La huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays, s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle, pour exercer leur droit au remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, les assujettis sont soumis à une obligation générale d’apporter la preuve du paiement de cette taxe.

Signatures


* Langue de procédure : le roumain.