Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

References to this case

Share

Highlight in text

Go

Avis juridique important

|

61988J0126

Arrêt de la Cour du 27 mars 1990. - Boots Company plc contre Commissioners of Customs and Excise. - Demande de décision préjudicielle: High Court of justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Taxe sur la valeur ajoutée - Sixième directive - Base d'imposition. - Affaire C-126/88.

Recueil de jurisprudence 1990 page I-01235


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Base d' imposition - Rabais et ristournes de prix - Notion - Réduction du prix de vente contre remise d' un bon acquis gratuitement par le client lors d' un achat antérieur - Inclusion

(( Directive du Conseil 77/388, art . 11, partie A, § 3, sous b ) ))

Sommaire


L' article 11, partie A, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388, relatif aux éléments qui ne sont pas à comprendre, à l' intérieur du pays, dans la base d' imposition de la taxe sur la valeur ajoutée,doit être interprété en ce sens que l' expression, figurant sous b ), rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ... et acquis au moment où s' effectue l' opération' s' applique à la différence entre le prix de vente normal au détail des articles livrés et la somme d' argent effectivement reçue par le détaillant pour ces articles, lorsque celui-ci accepte du client un bon remis à titre gratuit à ce dernier par le détaillant lors d' un achat antérieur effectué au prix de vente normal au détail .

Parties


Dans l' affaire C-126/88,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par la High Court of Justice et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Boots Company PLC

et

Commissioners of Customs and Excise,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( JO L 145, p . 1 ),

LA COUR,

composée de M . O . Due, président, Sir Gordon Slynn, MM . C . N . Kakouris, F . A . Schockweiler, présidents de chambre, T . Koopmans, G . F . Mancini, R . Joliet, T . F . O' Higgins, G . C . Rodríguez Iglesias, juges,

avocat général : M . W . Van Gerven

greffier : M . H . A . Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées :

- pour le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, par Mme Sue J . Hay, en qualité d' agent, assistée par MM . John Laws et Robert Jay, barristers,

- pour la Commission, par M . Johannes Fons Buhl, conseiller juridique, en qualité d' agent,

- pour la société Boots Company PLC, par M . J . P . Lawton, QC, mandaté par Lovell White Durrant, solicitors,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de la société Boots Company PLC, du gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d' Irlande du Nord, et de la Commission, à l' audience du 30 novembre 1989,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 24 janvier 1990,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 17 décembre 1987, parvenue à la Cour le 25 avril 1988, la High Court of Justice a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, six questions préjudicielles relatives à l' interprétation de certaines dispositions de la directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ( JO L 145, p . 1, ci-après "sixième directive ").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' un litige opposant la société Boots Company PLC et ses filiales ( ci-après "Boots ") aux Commissioners of Customs and Excise ( ci-après "Commissioners "), au sujet des décisions de ces derniers portant sur l' évaluation de la taxe sur la valeur ajoutée ( ci-après "TVA ") que Boots devrait payer sur certaines opérations promotionnelles, réalisées en 1984 .

3 Il ressort de l' ordonnance de renvoi et du dossier de l' affaire que Boots pratique la vente au détail de différents articles à travers des magasins répartis dans le Royaume-Uni . Boots utilise, entre autres, un système de promotion comportant des bons imprimés sur l' emballage de certains articles qu' elle diffuse ( ci-après "articles avec bon "). Ces bons sont acquis gratuitement par les clients lors de l' achat desdits articles et donnent droit à celui qui les présente, lors d' un achat ultérieur chez Boots portant sur le même article ou sur des articles différents mentionnés sur le bon ( ci-après "articles à prix réduit "), à une réduction de prix à concurrence de la valeur nominale qui y est indiquée .

4 Le coût de ces opérations promotionnelles pratiquées par Boots est supporté, selon le cas, soit en totalité par Boots, soit par ses fournisseurs lorsque ceux-ci, en application de contrats conclus avec Boots, remboursent à cette dernière la valeur nominale des bons qui leur sont restitués, soit en partie par Boots et en partie par ses fournisseurs .

5 Dans sa déclaration fiscale faite conformément à l' article 29 du Value Added Tax Act de 1983 ( ci-après "VAT Act "), Boots n' a inclus, à propos des bons, dans ses "recettes brutes" que les sommes reçues de ses fournisseurs en échange des bons qui lui avaient été remis lors des ventes pour lesquelles les fournisseurs supportaient en totalité ou en partie le coût des opérations promotionnelles . Elle n' y a pas inclus la valeur nominale des bons qu' elle détruisait lorsqu' elle supportait elle-même en totalité ou en partie le coût des opérations, considérant que la contrepartie des articles à prix réduit se limitait au montant effectivement payé par l' acheteur .

6 Les Commissioners, en revanche, ont estimé que la contrepartie des articles à prix réduit comprenait non seulement la somme d' argent payée, mais également la valeur du bon remis . Ils ont considéré que l' article 10, paragraphe 3, du VAT Act était applicable; cet article dispose que "si la livraison d' un bien n' est pas effectuée à titre onéreux ou si elle est effectuée pour une contrepartie ne consistant pas ou ne consistant pas entièrement en une somme d' argent, la valeur de la livraison est réputée être sa valeur normale ". En application de cet article, les Commissioners ont pris à l' égard de Boots des décisions selon lesquelles cette dernière devrait rectifier ses "recettes brutes", en ajoutant à son encaisse liquide la différence entre les recettes liquides provenant de la vente des articles à prix réduit et leur valeur normale; dans leurs décisions, les Commissioners ont évalué le redressement fiscal imposé à Boots à un montant de 10 727,3 livres sterling pour l' année civile 1984 .

7 Le Value Added Tax Tribunal de Londres, devant lequel Boots avait introduit un recours contre ces décisions des Commissioners, a confirmé, dans un jugement du 18 mars 1986, l' évaluation faite par ceux-ci . Contre ce jugement, Boots a interjeté appel devant la High Court of Justice, en contestant être assujettie à la TVA sur la valeur normale des articles à prix réduit, dans la mesure où le coût de ces opérations promotionnelles était en totalité ou en partie supporté par elle-même .

8 Devant la High Court of Justice, Boots a soutenu que pour ce qui concerne la vente des articles à prix réduit, elle aurait dû être imposée sur la base du prix réduit payé effectivement par l' acheteur; elle a notamment avancé que les bons, n' ayant pas de valeur pour elle, ne font pas partie de la contrepartie au sens de la sixième directive et que la réduction sur le prix des articles à prix réduit constitue un "rabais" ou une "ristourne" au sens de l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive; elle a également soutenu que l' article 10, paragraphe 3, du VAT Act de 1989, en vertu duquel les Commissioners avaient évalué la TVA, est incompatible avec l' article 11 de la sixième directive .

9 Considérant ainsi que le litige comportait une interprétation de la réglementation communautaire en cause, la High Court of Justice a décidé, en application de l' article 177 du traité CEE, de surseoir à statuer jusqu' à ce que la Cour se soit prononcée sur les questions suivantes :

"1 ) L' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive du Conseil doit-il être interprété en ce sens que 'tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire ... de la part de l' acheteur, du preneur ou d' un tiers' consiste seulement dans le paiement par le client d' une somme d' argent?

2 ) Un détaillant obtient-il d' un client une contrepartie au sens de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ). de la sixième directive du Conseil, lorsqu' il accepte du client un bon lui donnant droit à une réduction de prix lors de l' achat des articles spécifiés sur le bon, ce bon ayant été donné au client par le détaillant au moment de l' achat d' autres articles du détaillant à leur prix de vente normal au détail?

3 ) L' expression 'rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ou au preneur et acquis au moment où s' effectue l' opération' employée à l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive du Conseil, doit-elle être interprétée en ce sens qu' elle s' applique à la différence entre le prix de vente normal au détail des articles livrés et la somme d' argent effectivement reçue par le détaillant pour ces articles lorsqu' un bon, obtenu comme il est précisé ci-dessus, lui est remis en même temps?

4 ) Lorsqu' un détaillant livre les articles à prix réduit à un client pour une somme d' argent inférieure au prix de vente normal au détail des articles, parce que le client lui remet au moment de la livraison un bon acquis au moment de l' achat d' autres articles auprès du même détaillant,

a ) la base d' imposition au sens de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive du Conseil est-elle constituée par la somme d' argent reçue par le détaillant pour les articles à prix réduit, ou

b ) par le total de la somme d' argent reçue par le détaillant pour les articles à prix réduit et de la valeur du bon, et, dans ce cas, comment la valeur du bon doit-elle être déterminée, ou

c ) si aucune de ces hypothèses n' est valable, quelle est dans ce cas la base d' imposition?

5 ) Si la 'contrepartie' peut comprendre non seulement le paiement d' une somme d' argent, mais aussi la remise du bon au fournisseur des articles en cause, les dispositions de l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), empêchent-elles un État membre d' évaluer la base d' imposition par référence au prix que le client devrait payer pour obtenir les articles si la contrepartie consistait entièrement en une somme d' argent?

6 ) Une disposition nationale en vigueur au 1er janvier 1978, prévoyant que 'si la livraison d' un bien n' est pas effectuée à titre onéreux, ou si elle est effectuée pour une contrepartie ne consistant pas ou ne consistant pas entièrement en une somme d' argent, la valeur de la livraison est réputée être sa valeur normale' , constitue-t-elle une dérogation aux dispositions de l' article 11 de la sixième directive du Conseil qui, aux termes de l' article 27 de la sixième directive du Conseil, aurait dû être notifiée à la Commission des Communautés européennes avant le 1er janvier 1978?"

10 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, des dispositions communautaires et nationales en cause, du déroulement de la procédure et des observations présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur les caractéristiques du bon

11 Pour répondre utilement au problème d' interprétation soulevé par les questions posées, il faut le circonscrire à la lumière des constatations de fait de la juridiction nationale sur ce que le bon représente dans les relations entre Boots et son client acheteur, du point de vue économique et juridique .

12 Il résulte du dossier que sur le bon remis au client lors de la vente d' articles avec bon figure la clause selon laquelle Boots s' engage à l' égard du porteur du bon à lui accorder, lors de l' achat ultérieur d' un des articles indiqués sur ledit bon, une réduction de prix à concurrence de la valeur nominale indiquée également sur le bon . Ainsi, le bon matérialise le droit du porteur à une réduction de prix à concurrence du montant indiqué sur le bon .

13 Du point de vue économique, l' obligation assumée par Boots faisant partie d' une opération promotionnelle dont le coût est supporté par elle-même, elle ne lui procure d' autre avantage que la perspective d' accroître son chiffre d' affaires, par l' accroissement du volume de ses ventes d' articles avec bon et d' articles à prix réduit . C' est uniquement dans le cas où le bon remis à Boots est ensuite repris par son fournisseur, lorsque celui-ci supporte en totalité ou en partie le coût de l' opération promotionnelle, que le bon représente pour Boots une valeur monétaire à concurrence du montant effectivement payé par le fournisseur à Boots, selon leur propre contrat . Dans le cas litigieux, le bon ne représente pour Boots qu' une obligation d' accorder une réduction, consentie dans le but d' attirer le client .

14 Après ces constatations, il convient de rappeler l' essentiel des règles de la sixième directive relatives à l' assiette de la taxe .

Sur la base de l' imposition

15 Selon l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive, la base d' imposition à l' intérieur du pays est constituée pour les livraisons de biens par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur de la part de l' acheteur . Les paragraphes 2 et 3 du même article énumèrent certains éléments qui sont à comprendre dans la base d' imposition et d' autres qui n' y sont pas à comprendre . Or, selon le paragraphe 3, sous b ), de cet article, ne sont pas à comprendre dans la base d' imposition "les rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ... et acquis au moment où s' effectue l' opération ". Ainsi, les éléments visés au paragraphe 2 sont considérés par la directive elle-même comme constituant la "contrepartie", et donc la base de l' imposition, et les éléments visés au paragraphe 3 sont exclus, également ex lege, de cette notion de contrepartie .

16 Il s' ensuit que, chaque fois que l' on se trouve devant la question de la qualification d' un élément concret, il faut examiner d' abord si celui-ci entre dans l' une des catégories visées dans les paragraphes 2 et 3, et c' est seulement en cas de réponse négative qu' il y a lieu de se référer à la notion générale visée au paragraphe 1, sous a ).

17 En l' espèce, au vu des situations de fait décrites par la juridiction nationale et des arguments de Boots qui soutient que le système de promotion par le moyen d' un bon ne constitue rien d' autre qu' un rabais ou une ristourne, il convient d' examiner d' abord la troisième question préjudicielle .

Sur la troisième question

18 Il y a lieu de relever que les "rabais et ristournes", qui, selon l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive, ne sont pas à comprendre dans la base d' imposition, constituent une réduction du prix auquel un article est régulièrement offert au client, puisque le vendeur accepte de se priver d' encaisser la somme qui représente le rabais, afin justement d' inciter le client à acheter le produit .

19 Cette disposition n' est qu' une application de la règle établie par l' article 11 A, paragraphe 1, sous a ), de la sixième directive, tel qu' interprété par la jurisprudence de la Cour ( voir en dernier lieu l' arrêt du 23 novembre 1988, Naturally Yours Cosmetics, 230/87, Rec . p . 6365 ), selon lequel la base d' imposition est constituée par la contrepartie réellement reçue .

20 Le Royaume-Uni fait observer que le système de promotion utilisé par Boots devrait être distingué de l' exemple typique de rabais ou de ristourne de prix, puisque la réduction consentie à l' acheteur se fait en échange du bon qui a une valeur .

21 Ce point de vue ne saurait être accueilli . En effet, il résulte des caractéristiques juridiques et économiques du bon, relevées ci-dessus, que, bien que sur le bon soit indiquée une "valeur nominale", celui-ci n' est pas acquis par l' acheteur à titre onéreux et ne constitue rien d' autre qu' un document dans lequel s' incorpore l' obligation assumée par Boots de consentir au porteur du bon et en échange de celui-ci une réduction au moment de l' achat d' un article à prix réduit . La "valeur nominale" n' exprime donc que le montant de la réduction promise .

22 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que l' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive, doit être interprété en ce sens que l' expression "rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ... et acquis au moment où s' effectue l' opération" s' applique à la différence entre le prix de vente normal au détail des articles livrés et la somme d' argent effectivement reçue par le détaillant pour ces articles, lorsque celui-ci accepte du client un bon ayant été donné au client par le détaillant lors d' un achat antérieur effectué au prix de vente normal au détail .

Sur les autres questions

23 Eu égard à la réponse donnée à la troisième question, il n' y a pas lieu de répondre aux autres questions .

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

24 Les frais exposés par le Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement . La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens .

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice, par ordonnance du 17 décembre 1987, dit pour droit :

L' article 11 A, paragraphe 3, sous b ), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que l' expression "rabais et ristournes de prix consentis à l' acheteur ... et acquis au moment où s' effectue l' opération" s' applique à la différence entre le prix de vente normal au détail des articles livrés et la somme d' argent effectivement reçue par le détaillant pour ces articles, lorsque celui-ci accepte du client un bon ayant été donné au client par le détaillant lors d' un achat antérieur effectué au prix de vente normal au détail .