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Avis juridique important

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61991J0208

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 16 décembre 1992. - Raymond Beaulande contre Directeur des services fiscaux de Nantes. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Nantes - France. - Interprétation de l'article 33 de la sixième directive TVA. - Affaire C-208/91.

Recueil de jurisprudence 1992 page I-06709


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


++++

Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Interdiction de percevoir d' autres impôts nationaux ayant le caractère de taxes sur le chiffre d' affaires - Objectif - Notion de "taxes sur le chiffre d' affaires" - Portée - Imposition nationale du type des droits d' enregistrement français - Exclusion

(Directive du Conseil 77/388, art. 33)

Sommaire


Si l' article 33 de la sixième directive 77/388, dans le but d' éviter que soient instaurés des impôts, droits et taxes qui, du fait qu' ils grèvent la circulation des biens et des services d' une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettraient le fonctionnement du système commun de cette dernière, interdit de maintenir ou d' introduire des impositions qui présentent les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée, il ne fait pas obstacle au maintien ou à l' introduction d' autres types d' impôts, droits et taxes, et notamment de droits d' enregistrement, dès lors que ceux-ci n' ont pas ces caractéristiques.

Il s' ensuit que la disposition précitée doit être interprétée en ce sens qu' elle ne s' oppose pas à l' introduction ou au maintien d' une imposition nationale du type des droits d' enregistrement institués en France et perçus sur l' acquisition de terrains à bâtir, en cas de non-respect de l' engagement de construire dans le délai fixé par la réglementation applicable. En effet, ces droits d' enregistrement ne constituent pas un impôt général; ils ne s' appliquent pas aux différents stades d' un processus de production et de distribution puisqu' ils sont perçus uniquement lorsque le bien immobilier entre dans le patrimoine du consommateur final; ils ne sont pas déductibles de droits de même nature acquittés lors de mutations ultérieures et leur perception ne tient pas compte de la valeur ajoutée, mais se fonde sur la totalité de la valeur du bien.

Parties


Dans l' affaire C-208/91,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CEE, par le tribunal de grande instance de Nantes et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Raymond Beaulande

et

Directeur des services fiscaux de Nantes,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (quatrième chambre),

composée de MM. C. N. Kakouris, président de chambre, M. Díez de Velasco et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. M. Darmon

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. R. Beaulande, par lui-même;

- pour le gouvernement français, par MM. P. Pouzoulet, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et G. de Bergues, secrétaire adjoint principal à ce même ministère, en qualité d' agents;

- pour la Commission, par M. Johannes Foens Buehl, conseiller juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales des parties à l' audience du 11 juin 1992, au cours de laquelle M. Beaulande a été représenté par Mes J. C. Bouchard et X. Casal, avocats au barreau des Hauts-de-Seine,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 17 septembre 1992,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 7 mai 1991, parvenue à la Cour le 2 août suivant, le tribunal de grande instance de Nantes a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l' interprétation de l' article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après "sixième directive").

2 Cette question a été posée dans le cadre d' un litige opposant M. R. Beaulande à M. le directeur des services fiscaux de Loire Atlantique au sujet de la perception des droits d' enregistrement sur un terrain à bâtir.

3 Il ressort du dossier que M. Beaulande a acquis le 16 janvier 1980 une maison à Nantes en prenant l' engagement de la démolir et d' édifier, à la place, un immeuble à usage d' habitation dans un délai de quatre ans.

4 L' acquisition ayant été placée sous le régime de la TVA immobilière conformément à l' article 257 du code général des impôts français (ci-après "CGI"), M. Beaulande a acquitté cette taxe et s' est vu exonéré du paiement des droits d' enregistrement par application de l' article 691 du CGI. Cette disposition prévoit, en effet, que les acquisitions de terrains nus ou recouverts de bâtiments destinés à être démolis sont exonérées de droit d' enregistrement, lorsqu' elles donnent lieu au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, à condition notamment que l' acte d' acquisition contienne l' engagement de construire un immeuble dans un délai de quatre ans à compter de la date de l' acte et que l' acquéreur justifie de l' exécution des travaux à l' expiration de ce délai.

5 L' article 1840 G ter du CGI dispose qu' en cas de défaut de production de la justification prévue à l' article 691 l' acquéreur est tenu d' acquitter, à première réquisition, le droit d' enregistrement dont il avait été exonéré et, en outre, un droit supplémentaire de 6 %. Toutefois, et conformément à l' article 291 de l' annexe II du CGI, la TVA payée lors de l' achat et non encore déduite peut être imputée sur les droits d' enregistrement réclamés.

6 La construction de l' immeuble n' ayant pas été réalisée dans le délai prescrit, M. Beaulande s' est vu réclamer, par l' administration fiscale, les droits dûs en application de l' article 1840 G ter du CGI.

7 A la suite du rejet de la réclamation qu' il avait introduite auprès des services fiscaux de Loire Atlantique, M. Beaulande a assigné, le 14 septembre 1989, le directeur de ces mêmes services devant le tribunal de grande instance de Nantes. A l' appui de son recours tendant à obtenir l' annulation de l' avis de recouvrement, il a fait valoir notamment que le droit d' enregistrement qui lui est réclamé présente le caractère d' une taxe sur le chiffre d' affaires, de sorte que sa coexistence avec la TVA à l' occasion d' une même mutation constituerait une violation de l' article 33 de la sixième directive.

8 Considérant que la solution du litige dépendait de l' interprétation de la sixième directive, cette juridiction a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"Les droits d' enregistrement perçus sur les acquisitions de terrains à bâtir en cas de non-respect de l' engagement de construire dans le délai de 4 ans éventuellement prolongé, qui sont proportionnels à la valeur de l' immeuble, n' ont-ils pas le caractère de taxe sur le chiffre d' affaires et ne sont-ils pas en conséquence incompatibles, au regard des dispositions de l' article 33 de la sixième directive du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977, avec la taxe sur la valeur ajoutée perçue au moment de l' acquisition?"

9 Pour un plus ample exposé du cadre juridique et des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites déposées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d' audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

10 La question préjudicielle vise, en substance, à savoir si l' article 33 de la sixième directive s' oppose à l' introduction ou au maintien d' une imposition nationale qui présente les caractéristiques de droits d' enregistrement perçus sur l' acquisition de terrains à bâtir en cas de non-respect de l' engagement de construire dans le délai fixé par la réglementation nationale applicable.

11 Il y a lieu de rappeler tout d' abord que, aux termes de l' article 33 de la sixième directive "sans préjudice d' autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l' introduction par un État membre des taxes sur les contrats d' assurance, sur les jeux et paris, d' accises, de droits d' enregistrement et plus généralement de tous les impôts, droit et taxes n' ayant pas le caractère de taxe sur le chiffre d' affaires".

12 Il convient de relever ensuite que, selon la jurisprudence constante de la Cour (voir en dernier lieu arrêt du 7 mai 1992, Bozzi, point 9, C-347/90, Rec. p. I-2947), l' objet de l' article 33, précité, est d' éviter que soient instaurés des impôts, droits et taxes qui, du fait qu' ils grèvent la circulation des biens et des services d' une façon comparable à la TVA, compromettraient le fonctionnement du système commun de cette dernière. Doivent en tout cas être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d' une façon comparable à la TVA les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA.

13 Il s' ensuit que l' article 33 de la sixième directive ne fait pas obstacle au maintien où à l' introduction de droits d' enregistrement ou d' autres types d' impôts, droits et taxes, dès lors que ceux-ci n' ont pas les caractéristiques essentielles de la TVA.

14 S' agissant de ces caractéristiques, il convient d' abord de rappeler que, comme la Cour l' a déjà précisé à plusieurs reprises (voir notamment arrêts du 3 mars 1988, Bergandi, point 15, 252/86, Rec. p. 1343; du 13 juillet 1989, Wisselink, point 18, 93/88 et 94/88, Rec. p. 2671; du 19 mars 1991, Giant, points 11 et 12, C-109/90, Rec. p. I-1385; du 31 mars 1992, Dansk Denkavit, point 11, C-200/90, Rec. p. I-2217, et du 7 mai 1992, Bozzi, précité, point 12), la TVA s' applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, elle s' applique sur la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d' une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente.

15 Il y a lieu ensuite de constater qu' une taxe du type de celle visée par la juridiction nationale ne revêt pas les caractéristiques essentielles de la TVA, susmentionnées.

16 En effet, en premier lieu, des droits d' enregistrement, tels que ceux décrits par la juridiction nationale, ne constituent pas un impôt général puisqu' ils ne concernent que des biens immobiliers, cédés à titre onéreux, dont le transfert donne lieu à un certain nombre de formalités. De tels droits n' ont pas, par conséquent, pour objet d' appréhender l' ensemble des opérations économiques dans l' État membre concerné.

17 En second lieu, il n' y a pas question de processus de production et de distribution puisque les droits d' enregistrement sont perçus uniquement lorsque le bien immobilier entre dans le patrimoine du consommateur final. De plus, ils ne sont pas déductibles de droits de même nature, acquittés lors de mutations ultérieures.

18 Enfin, la perception de tels droits ne tient pas compte de la valeur ajoutée, mais se fonde sur la totalité de la valeur du bien.

19 En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée par le tribunal de grande instance de Nantes que l' article 33 de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu' il ne s' oppose pas à l' introduction ou au maintien d' une imposition nationale qui présente les caractéristiques de droits d' enregistrement perçus sur l' acquisition de terrains à bâtir, en cas de non-respect de l' engagement de construire dans le délai fixé par la réglementation nationale applicable.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

20 Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (quatrième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le tribunal de grande instance de Nantes, par ordonnance du 7 mai 1991, dit pour droit:

L' article 33 de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu' il ne s' oppose pas à l' introduction ou au maintien d' une imposition nationale qui présente les caractéristiques des droits d' enregistrement perçus sur l' acquisition de terrains à bâtir, en cas de non-respect de l' engagement de construire dans un délai de quatre ans prévu par la réglementation nationale.