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Avis juridique important

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61995J0085

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 5 décembre 1996. - John Reisdorf contre Finanzamt Köln-West. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Taxe sur la valeur ajoutée - Interprétation de l'article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE - Déduction de la taxe payée en amont - Obligation de l'assujetti - Détention d'une facture. - Affaire C-85/95.

Recueil de jurisprudence 1996 page I-06257


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Questions préjudicielles ° Compétence de la Cour ° Limites ° Litige fictif ou demande d' interprétation de dispositions de droit communautaire manifestement inapplicables dans le litige au principal

(Traité CE, art. 177)

2. Dispositions fiscales ° Harmonisation des législations ° Taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée ° Déduction de la taxe payée en amont ° Obligations de l' assujetti ° Détention d' une facture ° Facture ° Notion ° Possibilité pour les États membres d' admettre comme facture des documents autres que l' original de celle-ci

(Directive du Conseil 77/388, art. 18, § 1, a), et 22, § 3)

Sommaire


1. Dès lors que les questions préjudicielles dont elle est saisie portent sur l' interprétation d' une disposition de droit communautaire, la Cour statue sans qu' elle ait, en principe, à s' interroger sur les circonstances dans lesquelles les juridictions nationales ont été amenées à lui poser les questions et se proposent de faire application de la disposition de droit communautaire qu' elles lui ont demandé d' interpréter.

Il n' en irait différemment que dans la hypothèse où soit il apparaîtrait que la procédure de l' article 177 du traité a été détournée de son objet et tend, en réalité, à amener la Cour à statuer par le biais d' un litige construit, soit il serait manifeste que la disposition de droit communautaire soumise à l' interprétation de la Cour ne peut trouver à s' appliquer.

2. Les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388 en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires autorisent, s' agissant du droit pour un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée de déduire de la taxe dont il est redevable le montant de la taxe payée en amont, les États membres, auxquels est reconnu le pouvoir de déterminer les règles relatives au contrôle de l' exercice du droit à déduction et notamment la façon dont l' assujetti doit justifier ce droit, à entendre par "facture" non seulement l' original, mais également tout autre document en tenant lieu, qui répond aux critères fixés par ces États membres, et leur confèrent le pouvoir d' exiger la production de l' original de la facture pour justifier le droit à déduction, ainsi que celui d' admettre, lorsque l' assujetti ne le détient plus, d' autres preuves établissant que la transaction qui fait l' objet de la demande de déduction a effectivement eu lieu.

Parties


Dans l' affaire C-85/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Bundesfinanzhof et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

John Reisdorf

et

Finanzamt Koeln-West,

une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), président de chambre, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet et P. Jann, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: M. H. A. Ruehl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

° pour M. Reisdorf, par M. Hans-Peter Taplick, conseiller fiscal,

° pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Roeder, Ministerialrat au ministère fédéral de l' Économie, et Bernd Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement hellénique, par M. Vassileios Kontolaimos, conseiller juridique adjoint auprès du Conseil juridique de l' État, et Mme Dimitra Tsagkarakis, conseiller du secrétaire d' État aux Affaires étrangères, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement français, par Mmes Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Anne de Bourgoing, chargé de mission à la même direction, en qualité d' agents,

° pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. Stephen Braviner, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d' agent, assisté de Mme Sarah Lee, barrister,

° pour la Commission des Communautés européennes, par M. Juergen Grunwald, conseiller juridique, en qualité d' agent,

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les observations orales de M. Reisdorf, représenté par Me Rainer Olschewski, avocat à Cologne, du gouvernement allemand, représenté par M. Ernst Roeder, du gouvernement hellénique, représenté par M. Vassileios Kontolaimos, du gouvernement français, représenté par M. Frédéric Pascal, attaché d' administration centrale à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, et de la Commission, représentée par M. Juergen Grunwald, à l' audience du 20 juin 1996,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 11 juillet 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 12 octobre 1994, parvenue à la Cour le 20 mars 1995, le Bundesfinanzhof a posé, en application de l' article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles relatives à l' interprétation de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la "sixième directive").

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d' un litige opposant M. Reisdorf au Finanzamt Koeln-West (ci-après le "Finanzamt") à propos de la possibilité de dispenser M. Reisdorf de la production de l' original des factures relatives aux montants de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la "TVA") dont il demande la déduction.

3 L' article 17, paragraphes 1 et 2, sous a), de la sixième directive, qui régit le droit à déduction, dispose:

"1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l' assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti."

4 L' article 18, paragraphes 1, sous a), et 3, de la directive, ajoute:

"1. Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l' assujetti doit:

a) pour la déduction visée à l' article 17, paragraphe 2, sous a), détenir une facture établie conformément à l' article 22, paragraphe 3;

...

3. Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n' a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2."

5 Enfin, l' article 22, paragraphes 2, 3 et 8, de la directive énonce:

"2. Tout assujetti doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l' application de la taxe sur la valeur ajoutée et son contrôle par l' administration fiscale.

3. a) Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu' il effectue pour un autre assujetti, et conserver un double de tous les documents émis.

De même, tout assujetti doit délivrer une facture pour les acomptes qui lui sont versés par un autre assujetti avant que la livraison ne soit effectuée ou que la prestation de services ne soit achevée.

b) La facture doit mentionner, d' une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l' exonération.

c) Les États membres fixent les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture.

...

8. Sans préjudice des dispositions à arrêter en vertu de l' article 17, paragraphe 4, les États membres ont la faculté de prévoir d' autres obligations qu' ils jugeraient nécessaires pour assurer l' exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude."

6 Il ressort du dossier de l' affaire au principal que, en 1988, M. Reisdorf a aménagé, dans un bâtiment lui appartenant, des locaux commerciaux qu' il a loués, à partir de novembre 1988, à l' exploitant d' un commerce de grande distribution. Ayant renoncé à l' exonération de la TVA prévue à l' article 4, paragraphe 12, sous a), de l' Umsatzsteuergesetz (loi allemande sur l' assujettissement à la taxe sur le chiffre d' affaires, ci-après l' "UStG"), il a demandé la déduction des montants correspondant à la taxe en amont sur l' aménagement desdits locaux commerciaux.

7 A l' occasion d' un contrôle spécial de la TVA effectué par le Finanzamt, ce dernier a demandé à M. Reisdorf de produire l' original des factures relatives aux montants dont il était demandé déduction.

8 Il convient de relever que l' article 15, paragraphe 1, point 1, de l' UStG dispose que l' opérateur peut, sous réserve de certaines autres conditions qui ne sont pas pertinentes en l' espèce, déduire, au titre de la taxe en amont, la taxe relative à des fournitures ou à des prestations effectuées pour son entreprise par d' autres opérateurs, spécifiquement mentionnée dans des factures au sens de l' article 14 de l' UStG. L' article 14, paragraphe 4, de l' UStG précise que, par facture, il convient d' entendre tout document par lequel un opérateur ou un tiers agissant en son nom dresse le décompte au bénéficiaire des biens ou des services de la livraison ou de toute autre prestation, quelle que soit la désignation de ce document dans les relations commerciales.

9 M. Reisdorf a présenté diverses factures, notamment des factures intermédiaires du maître d' ouvrage, sous forme de copies, mais n' a pas fourni les originaux. En conséquence, le Finanzamt a réduit le montant de la taxe en amont.

10 Après une réclamation infructueuse contre cette réduction, M. Reisdorf a introduit un recours devant le Finanzgericht qui l' a rejeté. Cette juridiction a en effet considéré que M. Reisdorf n' avait pas établi, bien qu' il y ait été pourtant invité, que les conditions du droit à déduction de la taxe due ou acquittée en amont prévues par l' article 15, paragraphe 1, point 1, de l' UStG étaient réunies, dès lors que M. Reisdorf n' avait pas produit l' original des factures qui existait et qu' il pouvait, selon ses propres indications, se procurer.

11 Se fondant sur les articles 14 et 15 de l' UStG, le Finanzgericht estime que seul l' original de la facture qui est établi et délivré ou envoyé à l' acheteur, en vue de l' apurement des comptes avec le bénéficiaire, peut être considéré comme de nature à prouver le droit à déduction. Il souligne que l' original de la facture se distingue par son caractère unique en ce sens que cette facture est reconnaissable et ne peut pas se confondre avec d' autres exemplaires, des doubles ou des copies de factures. Selon le Finanzgericht, il est indispensable de produire l' original de la facture sauf si cette dernière a été perdue ou s' il n' est pas possible de se la procurer dans un certain délai. Dans ce cas, la preuve requise pourrait être apportée autrement, à l' aide de tous les moyens de preuve admis par le droit national, y compris par une copie des factures et des documents analogues. Or, en l' espèce, le demandeur au principal n' aurait pas invoqué la perte des factures originales. Il devrait donc subir les conséquences juridiques négatives dès lors qu' il lui incomberait d' établir son droit à déduction.

12 M. Reisdorf a déposé une demande en "Revision" de ce jugement devant le Bundesfinanzhof, fondée sur une violation des articles 14 et 15 de l' UStG.

13 Dans l' ordonnance de renvoi, le Bundesfinanzhof constate, d' une part, que le droit national ne règle pas la question de la preuve du droit à déduction et, d' autre part, que l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit que l' assujetti doit, pour pouvoir déduire la taxe dont il est redevable, "détenir une facture établie conformément à l' article 22, paragraphe 3". Se demandant ce qu' il convient d' entendre par "facture" au sens de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) La facture au sens de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE est-elle uniquement l' original, c' est-à-dire l' acte initialement dressé pour la facturation, ou faut-il également entendre par facture, au sens de cet article, les copies, doubles et photocopies?

2) Le terme 'détenir' , au sens de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE, implique-t-il que l' assujetti doive, à tout moment, être en mesure de présenter la facture à l' administration fiscale?

3) Résulte-t-il de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE que le droit à déduction ne peut pas être exercé lorsque l' assujetti ne 'détient' plus de facture?"

Sur la recevabilité

14 M. Reisdorf considère que, en l' espèce, le litige porte sur la définition de la notion de "facture" ouvrant droit à déduction. Or, selon lui, l' article 22, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive confère aux États membres le pouvoir de fixer les critères selon lesquels un document peut être considéré comme tenant lieu de facture. Dès lors, si le Bundesfinanzhof devait considérer que la République fédérale d' Allemagne n' a pas rempli ou a rempli de façon lacunaire son obligation de légiférer conformément à l' article 22, paragraphe 3, sous c), de la directive, il lui appartiendrait de combler cette lacune, mais non de saisir la Cour.

15 Cette exception doit être rejetée. En effet, il ressort des termes mêmes de l' ordonnance de renvoi que le juge national vise à obtenir de la Cour une interprétation de l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. Or, dès lors que les questions préjudicielles portent sur l' interprétation d' une disposition de droit communautaire, la Cour statue sans qu' elle ait, en principe, à s' interroger sur les circonstances dans lesquelles les juridictions nationales ont été amenées à lui poser les questions et se proposent de faire application de la disposition de droit communautaire qu' elles lui ont demandé d' interpréter (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., C-67/91, Rec. p. I-4785, points 25 et 26, et du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 10).

16 Il n' en irait différemment que dans les hypothèses où soit il apparaîtrait que la procédure de l' article 177 du traité a été détournée de son objet et tend, en réalité, à amener la Cour à statuer par le biais d' un litige construit, soit il serait manifeste que la disposition de droit communautaire soumise à l' interprétation de la Cour ne peut trouver à s' appliquer (voir, en ce sens, arrêts Asociación Española de Banca Privada e.a., point 26, et BP Soupergaz, point 10, précités). Or, tel n' est pas le cas en l' espèce.

17 Il y a donc lieu de répondre aux questions posées.

Sur le fond

18 Par ses trois questions, qu' il convient d' examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive autorise les États membres à entendre par "facture" seulement l' original, c' est-à-dire l' acte initialement dressé pour la facturation, ou également d' autres documents tels que les copies, doubles ou photocopies et si l' assujetti qui ne détient plus l' original de la facture peut encore être admis à prouver le droit à déduction par d' autres moyens.

19 Pour répondre à ces questions, il y a lieu d' examiner les dispositions de la sixième directive en distinguant celles qui sont relatives à l' exercice du droit à déduction de celles qui portent sur la preuve de ce droit, après qu' il a été exercé par l' assujetti. Une telle distinction entre l' exercice du droit à déduction et la preuve de celui-ci lors de contrôles effectués ultérieurement est en effet inhérente au fonctionnement même du système de la TVA.

20 S' agissant, en premier lieu, de l' exercice du droit à déduction, l' article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit l' obligation pour l' assujetti de "détenir une facture établie conformément à l' article 22, paragraphe 3". Il convient dès lors d' interpréter la notion de "facture" par référence aux dispositions combinées des articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive.

21 L' article 22, paragraphe 3, de la sixième directive, qui régit en des termes impératifs l' établissement de la facture, dispose, sous a), que tout assujetti doit, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu' il effectue pour un autre assujetti, "délivrer une facture, ou un document en tenant lieu". En outre, l' article 22, paragraphe 3, sous c), confère aux États membres le pouvoir de fixer les critères selon lesquels un document peut être considéré comme "tenant lieu de facture".

22 Il ressort d' une lecture combinée des articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, que l' exercice du droit à déduction est normalement lié à la possession de l' original de la facture ou du document qui, selon les critères fixés par l' État membre concerné, peut être considéré comme en tenant lieu. Ainsi que l' a relevé M. l' avocat général au point 17 de ses conclusions, les différentes versions linguistiques de ces dispositions faisant foi lors de l' adoption de la sixième directive confirment une telle interprétation, même si le libellé de l' article 22, paragraphe 3, sous c), dans sa version allemande, ne reflète pas aussi clairement l' idée qu' il appartient aux États membres de définir les critères selon lesquels un document peut tenir lieu de facture.

23 Si l' article 22, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive confère aux États membres le pouvoir de fixer les critères selon lesquels d' autres documents que l' original de la facture peuvent tenir lieu de factures, ce pouvoir inclut celui de considérer qu' un document ne peut tenir lieu de facture lorsqu' un original a été dressé et que son bénéficiaire est en possession de celui-ci.

24 Il y a lieu de souligner qu' un tel pouvoir des États membres est conforme à l' un des objectifs poursuivis par la sixième directive, qui est d' assurer la perception de la TVA et son contrôle par l' administration fiscale (voir, en ce sens, dix-septième considérant et article 22, paragraphes 2 et 8, de la sixième directive). A cet égard, il convient de rappeler que la Cour a jugé, dans l' arrêt du 14 juillet 1988, Jeunehomme et EGI (123/87 et 330/87, Rec. p. 4517, points 16 et 17), que les États membres peuvent exiger que les factures contiennent des mentions supplémentaires pour assurer l' exacte perception de la TVA ainsi que son contrôle par l' administration, pour autant que de telles mentions ne rendent pas, par leur nombre ou leur technicité, pratiquement impossible ou excessivement difficile l' exercice du droit à déduction.

25 Il y a lieu dès lors de conclure que les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive autorisent les États membres à entendre par "facture" non seulement l' original, mais également tout autre document en tenant lieu qui répond aux critères fixés par ces mêmes États membres.

26 S' agissant, en second lieu, des dispositions de la sixième directive qui concernent la preuve du droit à déduction, après que celui-ci a été exercé par l' assujetti, il y a lieu de constater, ainsi que l' a, à juste titre, relevé le gouvernement allemand, que l' article 18 de la sixième directive ne traite, conformément à son intitulé, que de l' exercice du droit à déduction et ne régit pas la preuve de ce droit, après qu' il a été exercé par l' assujetti.

27 Les obligations qui incombent à l' assujetti après l' exercice du droit à déduction résultent en effet d' autres dispositions de la sixième directive. Ainsi, l' article 22, paragraphe 2, dispose que tout assujetti doit tenir une comptabilité suffisamment détaillée pour permettre l' application de la TVA et son contrôle par l' administration fiscale. Par ailleurs, l' article 22, paragraphe 8, de la sixième directive ajoute que les États membres ont la faculté, pour assurer l' exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude, de prévoir d' autres obligations qu' ils jugeraient nécessaires.

28 Certes, l' article 22 de la sixième directive ne prévoit aucune disposition régissant spécifiquement la preuve par l' assujetti du droit à déduction.

29 Toutefois, il résulte des dispositions susmentionnées, conférant aux États membres le pouvoir de prévoir des mentions supplémentaires concernant la facture ainsi que toute autre obligation nécessaire pour assurer l' exacte perception de la taxe et pour éviter la fraude, que la sixième directive reconnaît aux États membres le pouvoir de déterminer les règles relatives au contrôle de l' exercice du droit à déduction et notamment la façon dont l' assujetti doit justifier ce droit. Ainsi que l' a souligné M. l' avocat général aux points 26 et 27 de ses conclusions, ce pouvoir inclut celui d' exiger la production de l' original de la facture lors de contrôles fiscaux, ainsi que celui d' autoriser l' assujetti à produire, lorsqu' il ne le détient plus, d' autres preuves concluantes établissant que la transaction qui fait l' objet de la demande de déduction a effectivement eu lieu.

30 Il y a donc lieu de conclure que, en l' absence de règles spécifiques relatives à la preuve du droit à déduction, les États membres ont le pouvoir d' exiger la production de l' original de la facture pour justifier ce droit ainsi que celui d' admettre, lorsque l' assujetti ne le détient plus, d' autres preuves établissant que la transaction qui fait l' objet de la demande de déduction a effectivement eu lieu.

31 Il convient dès lors de répondre aux questions préjudicielles que les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive autorisent les États membres à entendre par "facture" non seulement l' original, mais également tout autre document en tenant lieu, qui répond aux critères fixés par ces États membres, et leur confèrent le pouvoir d' exiger la production de l' original de la facture pour justifier le droit à déduction, ainsi que celui d' admettre, lorsque l' assujetti ne le détient plus, d' autres preuves établissant que la transaction qui fait l' objet de la demande de déduction a effectivement eu lieu.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

32 Les frais exposés par les gouvernements allemand, hellénique, français et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 12 octobre 1994, dit pour droit:

Les articles 18, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphe 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d' harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d' affaires ° Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, autorisent les États membres à entendre par "facture" non seulement l' original, mais également tout autre document en tenant lieu, qui répond aux critères fixés par ces États membres, et leur confèrent le pouvoir d' exiger la production de l' original de la facture pour justifier le droit à déduction, ainsi que celui d' admettre, lorsque l' assujetti ne le détient plus, d' autres preuves établissant que la transaction qui fait l' objet de la demande de déduction a effectivement eu lieu.