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Avis juridique important

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61996J0043

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 juin 1998. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement - Sixième directive 77/388/CEE du Conseil - Article 17, paragraphes 2 et 6 - Droit à déduction - Exclusions par des règles nationales antérieures à la sixième directive. - Affaire C-43/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-03903


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Déduction de la taxe payée en amont - Dépenses ayant un caractère strictement professionnel - Exclusions par des règles nationales antérieures à la sixième directive - Exclusion du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti - Admissibilité

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, § 2, a), et 6)

Sommaire


Un régime national de taxe sur la valeur ajoutée existant lors de l'entrée en vigueur de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, qui exclut la déductibilité de la taxe afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti, ne constitue pas une violation de l'article 17, paragraphe 2, de la directive, l'article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la même directive autorisant les États membres à maintenir, jusqu'à l'entrée en vigueur de règles à adopter par le Conseil, toutes les exclusions du droit à déduction prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la directive.

Il ressort clairement du libellé de l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive que, s'il appartient au Conseil de déterminer les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, les règles que le Conseil est invité à adopter ne se limitent pas a priori aux dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel. Dans ces conditions, l'expression «toutes les exclusions», utilisée à l'article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la directive comprend les dépenses qui ont un caractère strictement professionnel.

Parties


Dans l'affaire C-43/96,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme H. Michard et M. E. Traversa, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme C. de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, assistée de M. G. Mignot, secrétaire des affaires étrangères au même ministère, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme S. Ridley, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

partie intervenante,

ayant pour objet de faire constater que, en maintenant en vigueur des dispositions législatives aux termes desquelles est exclue la déductibilité de la TVA afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), et notamment aux dispositions de son article 17, paragraphe 2,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. R. Schintgen, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, G. F. Mancini, P. J. G. Kapteyn,

J. L. Murray et G. Hirsch (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 25 septembre 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 novembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 14 février 1996, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que, en maintenant en vigueur des dispositions législatives aux termes desquelles est exclue la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), et notamment aux dispositions de son article 17, paragraphe 2.

La sixième directive

2 L'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive dispose:

«2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou qui lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

...»

3 Le paragraphe 6 du même article prévoit:

«Au plus tard avant l'expiration d'une période de quatre ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu'à l'entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l'entrée en vigueur de la présente directive.»

4 Le 25 janvier 1983, la Commission a présenté au Conseil la proposition de douzième directive en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (JO C 37, p. 8), laquelle a été modifiée par une autre proposition présentée par la Commission au Conseil le 20 février 1984 (JO C 56, p. 7). Cette proposition n'a pas été adoptée par le Conseil.

La réglementation nationale

5 La réglementation française litigieuse est constituée par l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts (ci-après le «CGI»), entré en vigueur le 27 juillet 1967 et qui prévoit:

«Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction».

6 Dans la documentation de base de l'administration fiscale française (série 3 C A, division D, feuillets 1532 à 1533, mise à jour au 1er mai 1990), il est précisé que les véhicules visés par cette disposition sont les bicyclettes, les motocyclettes, les véhicules automobiles routiers, les bateaux, les avions et les hélicoptères. En revanche, ladite règle ne s'applique pas aux véhicules commerciaux tels les triporteurs, les camions, les tracteurs et d'autres «véhicules très spéciaux». De plus, les hélicoptères sont exclus du droit à déduction, même s'ils sont utilisés pour des opérations de photographie, de prises de vues, de publicité, pour l'enseignement du pilotage ou des relevés topographiques ou géodésiques.

La procédure précontentieuse

7 Par lettre du 6 septembre 1991, la Commission a informé la République française qu'elle considérait l'article 237 de l'annexe II du CGI comme incompatible avec les dispositions de la sixième directive et, notamment, avec son article 17, paragraphe 2, en tant qu'il n'ouvre pas le droit à déduction pour les véhicules affectés à l'enseignement de la conduite.

8 Par lettre du 6 décembre 1991, le gouvernement français a informé la Commission que la disposition litigieuse avait été modifiée, avec effet au 1er janvier 1993, de manière à ouvrir le droit à déduction pour les véhicules ou engins affectés de façon exclusive à l'enseignement de la conduite.

9 Par lettre du 12 juillet 1993, la Commission a indiqué au gouvernement français que tant la condition d'affectation exclusive d'un véhicule à l'activité d'auto-école que l'exclusion du droit à déduction qui continuait à frapper les assujettis dont l'activité par sa nature même implique l'utilisation de certains moyens et engins de transport (comme des hélicoptères de levage pour une entreprise de travaux aériens) contrevenaient à l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive.

10 Par lettre du 4 octobre 1993, le gouvernement français a répondu que la condition d'affectation exclusive du véhicule d'auto-école à l'enseignement de la conduite avait été assouplie dans l'instruction administrative du 4 février 1993. Il a fait valoir par ailleurs que l'exclusion du droit à déduction pour les moyens de transport qui constituent l'objet même de l'activité était autorisée par l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

11 S'agissant des véhicules affectés à l'activité d'auto-école, la Commission a décidé de ne pas continuer la présente procédure. Par contre, considérant comme fondamental le principe du droit à déduction pour un moyen de transport qui constitue l'objet même de l'activité de l'assujetti, la Commission a, le 8 novembre 1994, adressé un avis motivé à la République française, l'invitant à prendre les mesures requises dans un délai de deux mois.

12 Dans sa réponse du 9 janvier 1995, le gouvernement français a fait connaître son désaccord total sur l'analyse de la Commission et a précisé les observations qu'il avait formulées dans sa réponse à la lettre de mise en demeure.

Le recours

13 A l'appui de son recours, la Commission soutient que l'exclusion, prévue par l'article 237 de l'annexe II du CGI, du droit à déduction de la TVA afférente aux biens qui constituent l'outil ou l'objet même de l'activité des assujettis est contraire à l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive.

14 Certes, l'article 17, paragraphe 6, second alinéa, de la directive autoriserait expressément les États membres à maintenir des dispositions excluant le droit à déduction qui, comme l'article 237 de l'annexe II du CGI, sont antérieures à l'entrée en vigueur de la sixième directive.

15 Toutefois, selon la Commission, l'exclusion du droit à déduction prévue par l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive porte seulement sur les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel. Ainsi, les dépenses susceptibles d'être exclues du droit à déduction ne seraient que les dépenses engagées par un assujetti sur des biens et services qui ne sont pas absolument indispensables à l'exercice de sa profession. Cette faculté d'exclusion aurait pour objectif d'éviter qu'un assujetti puisse obtenir pour sa consommation personnelle finale des biens et des services non taxés.

16 Cette interprétation ne saurait être accueillie. En effet, elle n'est pas conforme au libellé de l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive.

17 A cet égard, il convient de relever que la première phrase de l'article 17, paragraphe 6, premier alinéa, de la sixième directive prévoit que le Conseil détermine les dépenses n'ouvrant pas droit à déduction de la TVA. La phrase suivante précise que, «En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel». Il découle notamment de cette seconde phrase que les règles que le Conseil est invité à adopter ne se limitent pas a priori aux dépenses n'ayant pas un caractère strictement professionnel.

18 Dans ces conditions, il est clair que l'expression «toutes les exclusions», utilisée à l'article 17, paragraphe 6, second alinéa, comprend les dépenses qui ont un caractère strictement professionnel. Ainsi, cette disposition autorise les États membres à maintenir des règles nationales qui excluent le droit à déduction de la TVA afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti.

19 Comme l'observe M. l'avocat général aux points 14 à 16 de ses conclusions, cette interprétation trouve confirmation dans la genèse de l'article 17, paragraphe 6, de la sixième directive. En effet, d'une part, dans l'exposé des motifs accompagnant sa proposition de sixième directive (Bulletin des Communautés européennes, Supplément 11/73, p. 1), la Commission indiquait que certaines dépenses, bien qu'engagées dans le cadre du fonctionnement normal de l'entreprise, étaient difficiles à ventiler entre partie professionnelle et partie privée. D'autre part, il ressort d'une comparaison du texte de l'article 17, paragraphe 6, proposé par la Commission et de celui adopté par le Conseil que, lors de l'adoption de la sixième directive, les États membres n'ont pas pu s'entendre sur le régime applicable précisément aux dépenses de transport de personnes.

20 Eu égard à ces considérations, il apparaît que, en maintenant en vigueur des dispositions législatives aux termes desquelles est exclue la déductibilité de la TVA afférente aux moyens de transport constituant l'outil même de l'activité de l'assujetti, la République française n'a pas manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la sixième directive, et notamment aux dispositions de son article 17, paragraphe 2. Le recours en manquement doit dès lors être rejeté comme non fondé.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

21 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l'article 69, paragraphe 4, de ce règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

3) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord supporte ses propres dépens.