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Avis juridique important

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61997J0134

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 novembre 1998. - Victoria Film A/S. - Demande de décision préjudicielle: Skatterättsnämnden - Suède. - Acte d'adhésion du royaume de Suède - Sixième directive TVA - Dispositions transitoires - Exonérations - Prestations de services des auteurs, artistes et interprètes d'oeuvres d'art - Incompétence de la Cour. - Affaire C-134/97.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-07023


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité - Notion - «Skatterättsnämnden» (commission de droit fiscal) exerçant essentiellement une fonction administrative - Exclusion

(Traité CE, art. 177)

Sommaire


Les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d'une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel. Ne peut donc saisir la Cour le «Skatterättsnämnden» (commission de droit fiscal) qui exerce essentiellement une fonction administrative. En effet, n'ayant pas pour mission de contrôler la légalité des décisions des autorités fiscales, mais plutôt de prendre position, pour la première fois, quant à l'imposition d'une opération particulière, le «Skatterättsnämnden» n'est pas appelé à trancher un litige.

Parties


Dans l'affaire C-134/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Skatterättsnämnden (Suède) et tendant à obtenir, dans la procédure de demande d'avis préalable engagée devant lui par

Victoria Film A/S,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21), en liaison avec l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), et avec l'annexe F, point 2, de cette directive,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. G. Hirsch (rapporteur), président de la deuxième chambre faisant fonction de président de la sixième chambre, G. F. Mancini, H. Ragnemalm, R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. N. Fennelly,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Riksskatteverket, par M. Leif Krafft, avocat à Solna,

- pour le gouvernement suédois, par M. Erik Brattgård, departementsråd au département du commerce extérieur du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement finlandais, par Mme Tuula Pynnä, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. Knut Simonsson et Enrico Traversa, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Riksskatteverket, du gouvernement suédois et de la Commission à l'audience du 30 avril 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 juin 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par décision du 20 février 1997, parvenue à la Cour le 7 avril suivant, le Skatterättsnämnden (la commission de droit fiscal) a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, ci-après l'«acte d'adhésion»), en liaison avec l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), et avec l'annexe F, point 2, de cette directive.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une demande d'avis préalable présentée par la société Victoria Film A/S (ci-après «Victoria») auprès du Skatterättsnämnden.

3 Victoria, dont le siège est au Danemark, exerce, par l'intermédiaire de sa filiale suédoise, l'activité de production de films commerciaux en Suède. Le 1er août 1996, Victoria a commencé la production, dans ce pays, de certains films dont les droits de diffusion télévisée et sur grand écran devaient être cédés à d'autres sociétés.

4 Or, en Suède, conformément au chapitre 3, article 11, paragraphe 1, de la mervärdesskattelagen (loi sur la TVA, 1994:200), dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996, lu en combinaison avec les dispositions de lagen om upphovsrätt till litterära och konstnärliga verk (loi relative au droit de la propriété littéraire et artistique, 1960:729), la cession des droits d'auteur sur des oeuvres cinématographiques était exonérée de la TVA. A la suite d'une modification législative, ce n'est plus le cas depuis le 1er janvier 1997.

5 Le 6 mars 1996, Victoria a saisi le Skatterättsnämnden d'une demande d'avis préalable aux fins de faire dire à ce dernier que la cession des droits sur les films était, même avant le 1er janvier 1997, soumise à la TVA de sorte qu'elle pouvait prétendre à la déduction de la TVA payée en amont.

6 Victoria a fait valoir que le royaume de Suède n'était pas autorisé à maintenir une telle exonération en vertu de l'annexe XV, section IX, point 2, sous aa), de l'acte d'adhésion en liaison avec l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive et avec son annexe F, point 2.

7 Le Skatterättsnämnden peut, à la demande d'un contribuable, rendre des avis préalables en matière fiscale. Le fonctionnement de cette commission fiscale et les conditions qui président à l'adoption de ses avis sont régis par la lagen om förhandsbesked i taxeringsfrågor (loi relative aux avis préalables en matière fiscale, 1951:442), ainsi que, en ce qui concerne les avis en matière de la TVA, par le chapitre 21 de la mervärdesskattelagen.

8 Conformément à ces dispositions, le Skatterättsnämnden tient des réunions dans le cadre de deux sections distinctes, respectivement compétentes en matière d'impôts directs et indirects. Le gouvernement en désigne les dix-huit membres titulaires et suppléants pour une durée qui ne peut excéder quatre ans. Parmi les membres, les présidents des deux sections ont une formation de juge et sont employés à plein temps. Les autres membres sont, dans leur emploi ordinaire à plein temps, au service de juridictions, d'autorités publiques, d'entreprises privées ou d'organisations professionnelles.

9 Lorsque le Skatterättsnämnden considère, eu égard à son contenu, qu'il n'y a pas lieu de rejeter d'emblée la demande d'avis, les observations du Riksskatteverket (l'administration fiscale) doivent être jointes au dossier. Lorsqu'il décide de donner suite à la demande, il rend, dans la mesure qui lui semble appropriée, un avis sur la manière dont la question qui lui a été soumise doit être tranchée lors de l'imposition ou de la taxation du demandeur.

10 L'avis préalable peut faire l'objet d'un recours devant le Regeringsrätten (la Cour administrative suprême), à l'initiative du demandeur ou de l'administration fiscale. L'avis préalable devenu définitif sert de base à la taxation si et dans la mesure où la personne qui a sollicité l'avis le demande. En conséquence, si le demandeur forme expressément une demande en ce sens, l'avis lie l'État, sauf en cas de modification législative ou réglementaire ultérieure.

11 C'est dans ces conditions que le Skatterättsnämnden a soumis à la Cour les questions suivantes:

«1) Résulte-t-il de l'article 28, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive sur la TVA, envisagée en liaison avec le point 2 de l'annexe F de la directive et compte tenu de la teneur de l'annexe XV, section IX. Fiscalité, paragraphe 2, sous aa), de l'acte d'adhésion, conclu entre les États membres de l'Union européenne et la Suède, concernant l'adhésion de la Suède à l'Union européenne, que la Suède est autorisée à conserver dans sa législation nationale des dispositions telles que celles du chapitre 3, article 11, paragraphe 1, de la loi sur la TVA, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996?

En cas de réponse négative, la Cour est invitée à se prononcer également sur la question suivante:

2) La circonstance que l'article 28, paragraphe 3, sous b), n'autorise pas les États membres à exonérer de la TVA, dans leur législation nationale, les actes d'exploitation visés à la première question implique-t-elle que ces dispositions, celles de l'article 6, paragraphe 1, ou éventuellement d'autres dispositions de la sixième directive, sont directement applicables dans la présente espèce, et peuvent à ce titre être invoquées, à l'encontre d'une autorité d'un État membre, par une personne qui exploite de tels droits, comme fondement de sa demande de voir cette exploitation traitée comme une opération soumise à la TVA?

En cas de réponse négative à cette question également, la Cour est invitée à se prononcer en outre sur la question suivante:

3) La personne qui exploite les droits peut-elle néanmoins faire valoir un droit à déduction, sur la base de l'article 17, paragraphe 2, ou sur la base d'une autre disposition de la directive; en d'autres termes, cette disposition est-elle directement applicable nonobstant le fait que l'exploitation ne donne pas lieu au paiement d'une TVA en aval?»

12 La Commission soutient que la Cour n'est pas compétente pour répondre aux questions posées par le Skatterättsnämnden. Elle fait notamment valoir que celui-ci n'exercerait pas de fonction juridictionnelle au sens de l'article 177 du traité, ses activités semblant plutôt revêtir un caractère administratif. Dans ce contexte, la Commission souligne que, même s'il paraît vraisemblable qu'une demande d'avis préalable est souvent déposée parce qu'il y a divergence de vues entre le contribuable et l'administration fiscale, il ne paraît pas y avoir de différence essentielle entre l'avis rendu et une décision prise par l'administration fiscale en matière d'imposition.

13 Le gouvernement suédois, en revanche, soutient que le Skatterättsnämnden possède le caractère d'une juridiction au sens de l'article 177 du traité. Il rappelle que les procédures devant le Skatterättsnämnden sont introduites en cas de litiges étant donné que le contribuable n'aurait nul besoin d'un avis préalable si lui-même et l'administration fiscale étaient d'accord sur la question fiscale en cause.

14 A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il découle d'une jurisprudence constante que les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d'une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir ordonnance du 5 mars 1986, Greis Unterweger, 318/85, Rec. p. 955, point 4, et arrêt du 19 octobre 1995, Job Centre, C-111/94, Rec. p. I-3361, point 9).

15 Or, même s'il existe, en l'espèce, des éléments qui pourraient permettre de considérer le Skatterättsnämnden comme exerçant une fonction juridictionnelle, notamment le statut d'indépendance que lui confère son origine légale et le pouvoir de rendre des décisions de caractère obligatoire en appliquant les règles de droit, d'autres éléments conduisent à conclure que celui-ci exerce essentiellement une fonction administrative.

16 Il convient de tenir compte, notamment, du fait que la situation du contribuable n'a donné lieu à aucune décision, de la part des autorités fiscales, avant l'introduction d'une demande d'avis préalable devant le Skatterättsnämnden. Ce dernier n'a donc pas pour mission de contrôler la légalité des décisions desdites autorités, mais plutôt de prendre position, pour la première fois, quant à l'imposition d'une opération particulière.

17 Lorsque le Skatterättsnämnden rend, à la demande d'un contribuable, un avis préalable en matière d'imposition ou de taxation, il exerce une fonction non juridictionnelle, qui, au demeurant, est confiée expressément à l'administration fiscale dans d'autres États membres. A cet égard, en ce qui concerne le caractère de l'avis préalable du Skatterättsnämnden, une comparaison peut être faite avec la situation qui existe en matière de dédouanement où ce sont les autorités douanières nationales qui délivrent préalablement des renseignements tarifaires contraignants à un particulier, à sa demande, en vertu de l'article 12 du règlement (CEE) n_ 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1).

18 Le Skatterättsnämnden fait donc oeuvre d'administration en rendant un avis préalable contraignant, auquel le contribuable trouve intérêt dans la mesure où il peut mieux planifier ses activités, mais il n'est pas appelé à trancher un litige. Ce n'est qu'au cas où le contribuable ou bien le Riksskatteverket introduiraient un recours à l'encontre d'un avis préalable que la juridiction, ainsi saisie, pourrait être considérée comme exerçant, au sens de l'article 177 du traité, une fonction de nature juridictionnelle ayant pour objet le contrôle de la légalité d'un acte réglant l'imposition à laquelle un contribuable a été assujetti.

19 Il s'ensuit que la Cour n'a pas compétence pour statuer sur les questions posées par le Skatterättsnämnden.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

20 Les frais exposés par les gouvernements suédois et finlandais et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant le Skatterättsnämnden, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

La Cour n'est pas compétente pour répondre aux questions posées par le Skatterättsnämnden par sa décision de renvoi du 20 février 1997.