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Avis juridique important

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61998J0200

Arrêt de la Cour du 18 novembre 1999. - X AB et Y AB contre Riksskatteverket. - Demande de décision préjudicielle: Regeringsrätten - Suède. - Liberté d'établissement - Paiement effectué par une société suédoise à sa filiale - Exemption de l'impôt sur les sociétés. - Affaire C-200/98.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-08261


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Questions préjudicielles - Saisine de la Cour - Juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité (devenu article 234 CE) - Notion - «Regeringsrätten» (Cour administrative suprême) - Inclusion

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

2 Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Demande d'interprétation ne posant pas un problème de nature hypothétique - Obligation de statuer

(Traité CE, art. 177 (devenu art. 234 CE))

3 Libre circulation des personnes - Liberté d'établissement - Législation fiscale - Impôt sur les sociétés - État membre refusant des allégements fiscaux aux transferts financiers intragroupe impliquant des filiales ayant leur siège dans plusieurs autres États membres - Inadmissibilité

(Traité CE, art. 52, 54, 56 et 57 (devenus, après modification, art. 43 CE, 44 CE, 46 CE et 47 CE), art. 53 (abrogé par le traité d'Amsterdam) et art. 55 et 58 (devenus art. 45 CE et 48 CE))

Sommaire


1 Les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d'une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel. Peut donc saisir la Cour le «Regeringsrätten» (Cour administrative suprême) saisi d'un appel contre les décisions du Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal). En effet, en cas d'appel, la procédure devant le Regeringsrätten a pour objet de contrôler la légalité d'un avis qui, dès lors qu'il est devenu définitif, lie l'administration fiscale et sert de base à la taxation si et dans la mesure où la personne qui a sollicité cet avis poursuit l'action prévue par sa demande.

2 Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 177 du traité (devenu article 234 CE), il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour, est, en principe, tenue de statuer.

Il n'en irait autrement que si la Cour était appelée à statuer sur un problème de nature hypothétique, mais tel n'est pas le cas lorsque, bien que le juge national ait été appelé à statuer dans le cadre d'un litige concernant la possibilité pour une société d'effectuer, dans l'avenir, un transfert financier intragroupe au bénéfice d'une autre société dans certaines conditions, elle dispose d'informations suffisantes sur la situation faisant l'objet du litige au principal lui permettant d'interpréter les règles de droit communautaire et de répondre de façon utile à la question qui lui est posée.

3 Lorsqu'un État membre octroie certains allégements fiscaux aux transferts financiers intragroupe effectués entre deux sociétés anonymes établies dans cet État membre et que la seconde de ces sociétés est détenue intégralement par la première, soit directement, soit conjointement avec

- une ou plusieurs filiales elles-mêmes établies dans cet État membre et qu'elle détient entièrement, ou

- une ou plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans un autre État membre avec lequel le premier État membre a conclu une convention destinée à éviter la double imposition qui comporte une clause de non-discrimination,

les articles 52 du traité (devenu, après modification, article 43 CE), 53 du traité (abrogé par le traité d'Amsterdam), 54 du traité (devenu, après modification, article 44 CE), 55 du traité (devenu article 45 CE), 56 et 57 du traité (devenus, après modification, articles 46 CE et 47 CE) et 58 du traité (devenu article 48 CE) s'opposent à ce que ces mêmes allégements fiscaux soient refusés aux transferts effectués entre deux sociétés anonymes établies dans cet État membre, lorsque la seconde de ces sociétés est détenue en totalité par la première conjointement avec plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans plusieurs autres États membres avec lesquels ce premier État membre a conclu des conventions destinées à éviter la double imposition qui comportent une clause de non-discrimination.

En effet, une telle législation consacre une différence de traitement entre divers types de transfert financier intragroupe en se fondant sur le critère du siège des filiales.

Parties


Dans l'affaire C-200/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Regeringsrätten (Suède) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

X AB,

Y AB

et

Riksskatteverket,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), 53 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam), 54 du traité CE (devenu, après modification, article 44 CE), 55 du traité CE (devenu article 45 CE), 56 et 57 du traité CE (devenus, après modification, articles 46 CE et 47 CE), 58, 73 B et 73 D du traité CE (devenus articles 48 CE, 56 CE et 58 CE),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida, D. A. O. Edward (rapporteur), L. Sevón et R. Schintgen, présidents de chambre, C. Gulmann, P. Jann, H. Ragnemalm et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Riksskatteverket, par M. K.-G. Kjell, avdelningsdirektör de cette administration,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. K. Simonsson, membres du service juridique, ainsi que Mme F. Riddy, fonctionnaire nationale détachée dans le même service, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement suédois, représenté par M. A. Kruse, departementsråd au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. A. Fierstra, chef du département de droit européen au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. K. Simonsson et Mme F. Riddy, à l'audience du 20 avril 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 3 juin 1999,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 29 avril 1998, parvenue à la Cour le 22 mai suivant, le Regeringsrätten a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), 53 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam), 54 du traité CE (devenu, après modification, article 44 CE), 55 du traité CE (devenu article 45 CE), 56 et 57 du traité CE (devenus, après modification, articles 46 CE et 47 CE), 58, 73 B et 73 D du traité CE (devenus articles 48 CE, 56 CE et 58 CE).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un recours introduit par deux sociétés suédoises, X AB et Y AB, à l'encontre d'un avis préalable rendu par le Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal).

3 Dans l'ordre juridique suédois, le Regeringsrätten (Cour administrative suprême) constitue l'organe d'appel contre les décisions du Skatterättsnämnden. Aux termes de la lagen (1951:442) om förhandsbesked i taxeringsfrågor (loi relative aux avis préalables en matière fiscale), ce dernier est compétent pour émettre, à la demande des contribuables, des avis contraignants sur l'application de la législation fiscale, en particulier des impôts directs nationaux ou communaux.

4 Dans le cadre d'une opération de réorganisation d'un groupe, les sociétés suédoises X AB, qui est la société mère, et Y AB, sa filiale, ont demandé en juin 1996 au Skatterättsnämnden un avis préalable relatif à l'application à leur égard, pour les années 1997 à 1999, des dispositions relatives aux transferts financiers intragroupe qui figurent à l'article 2, paragraphe 3, de la lagen (1947:576) om statlig inkomstskatt (loi relative à l'impôt national sur le revenu, ci-après la «SIL»), qui prévoient que les transferts entre sociétés d'un même groupe peuvent, dans certaines conditions, bénéficier d'allégements fiscaux. Aux termes de cette règle, si une société suédoise détient plus des neuf dixièmes des actions d'une autre société suédoise, les transferts intragroupe effectués de la première société à l'autre sont considérés comme une charge déductible pour la société auteur du transfert et comme une recette imposable pour celle qui en est destinataire. L'objet de cette règle est d'éviter que la charge fiscale soit aggravée lorsque l'activité est exercée par plusieurs sociétés au sein d'un groupe plutôt que par une seule société.

5 À la date de la demande d'avis, le groupe possédait 99,8 % des actions de Y AB. Environ 58 % de ces actions étaient détenues directement par X AB. Des filiales contrôlées entièrement par cette dernière détenaient le reste du capital de Y AB.

6 L'avis préalable du Skatterättsnämnden a été sollicité notamment en ce qui concerne la possibilité d'obtenir les allégements fiscaux prévus par l'article 2, paragraphe 3, de la SIL dans trois cas différents.

7 Dans le premier cas, les actions de Y AB seraient exclusivement détenues par X AB et sa filiale suédoise qu'elle contrôle totalement. Dans le second cas, la société Z BV, une filiale néerlandaise que X AB détient entièrement, acquerrait 15 % des actions de Y AB. Dans le troisième cas, Z BV et la société Y GmbH, qui est une filiale allemande détenue en totalité par X AB, feraient chacune l'acquisition de 15 % des actions de Y AB.

8 Le 22 novembre 1996, le Skatterättsnämnden a rendu son avis préalable sur la demande présentée par les sociétés X AB et Y AB. En ce qui concerne le premier cas, il a estimé que la règle de l'article 2, paragraphe 3, premier alinéa, de la SIL ne permettait pas d'effectuer un transfert financier intragroupe assorti des effets prévus dans cette disposition. En effet, cette règle exige que la société suédoise détienne plus des neuf dixièmes des actions de l'autre société suédoise. En revanche, ce transfert pouvait bénéficier de tels effets sur le fondement de la règle relative à la fusion figurant au deuxième alinéa, qui étend ces allégements aux transferts effectués par une société mère à une filiale qu'elle ne détient pas entièrement si, durant tout l'exercice fiscal, les rapports de propriété ont été tels que, du fait des fusions entre la société mère et la filiale, cette dernière a pu être absorbée par la société mère.9 En ce qui concerne le second cas, le Skatterättsnämnden a considéré que la même règle était applicable. À cet égard, il a précisé que, quand bien même seules les sociétés suédoises peuvent bénéficier de ladite règle, il ressort de la jurisprudence du Regeringsrätten qu'il serait contraire à la clause interdisant toute discrimination en raison de la propriété figurant dans une convention destinée à éviter les doubles impositions, telle que celle conclue entre le royaume de Suède et le royaume des Pays-Bas, de refuser aux sociétés établies dans ces États membres la possibilité d'effectuer des transferts financiers intragroupe assortis des avantages fiscaux prévus par la SIL.10 Toutefois, dans le troisième cas, le Skatterättsnämnden a déclaré que la règle relative à la fusion ne s'appliquait pas, cet avis étant fondé sur le fait que la jurisprudence du Regeringsrätten interdisait l'application cumulative de deux conventions destinées à éviter les doubles impositions telles que celles qui ont été conclues entre le royaume de Suède, d'une part, et la République fédérale d'Allemagne et le royaume des Pays-Bas, d'autre part. En effet, selon la jurisprudence du Regeringsrätten, une application simultanée de plusieurs conventions est exclue parce que les dispositions de chacune de ces conventions sont destinées à être appliquées aux seules entreprises des États signataires et non à celles d'un État tiers. Le Skatterättsnämnden excluait, en outre, que le résultat auquel il était parvenu puisse être affecté par le droit communautaire.11 Les sociétés X AB et Y AB ont fait appel de cet avis préalable devant le Regeringsrätten. Elles soutenaient que la solution retenue par le Skatterättsnämnden constituait, en ce qui concerne le refus des allégements fiscaux pour les transferts financiers intragroupe dans le troisième cas, une discrimination interdite par le traité, en ce qu'elle méconnaissait notamment les articles 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE), 52, 58 et 73 B du même traité.12 Estimant qu'une interprétation du droit communautaire était nécessaire à la solution du litige au principal, le Regeringsrätten a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:«En vertu de l'article 2, paragraphe 3, de la lagen (1947:576) om statlig inkomstskatt, un transfert financier intragroupe se voit conférer, sous certaines conditions, des effets fiscaux s'il est effectué entre une société anonyme suédoise et une autre société anonyme suédoise détenue intégralement par la première société soit directement soit conjointement avec une ou plusieurs filiales suédoises qu'elle détient entièrement. Le résultat fiscal est le même si une ou plusieurs des filiales détenues entièrement sont étrangères mais ont leur siège dans un seul et même État membre et si la Suède a conclu avec cet État une convention contre la double imposition qui comporte une clause de non-discrimination. Dans ces conditions, est-il compatible avec le droit communautaire en vigueur, et en particulier avec les dispositions combinées des articles 52, 58, 73 B et 73 D du traité de Rome, d'appliquer un régime juridique qui implique que l'on ne reconnaît pas à un transfert financier intragroupe les mêmes effets fiscaux si la société mère suédoise détient au contraire la société bénéficiaire conjointement avec deux ou plusieurs filiales étrangères détenues entièrement, qui ont leur siège dans différents États membres avec lesquels la Suède a conclu des conventions contre la double imposition qui comportent une clause de non-discrimination?»Sur la recevabilité du renvoi préjudiciel13 Avant de répondre à la question posée, il convient, en premier lieu, d'examiner si le Regeringsrätten peut être considéré comme une «juridiction nationale» au sens de l'article 177 du traité, lorsqu'il se prononce en appel sur un avis préalable émis par le Skatterättsnämnden. En deuxième lieu, il est nécessaire de vérifier que la Cour est saisie d'une demande d'interprétation du droit communautaire dans le cadre d'un litige réel et non pas purement hypothétique.14 Il est de jurisprudence constante que, pour apprécier si l'organisme de renvoi possède le caractère d'une juridiction au sens de l'article 177 du traité, question qui relève uniquement du droit communautaire, la Cour tient compte d'un ensemble d'éléments, tels l'origine légale de l'organe, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l'application, par l'organe, des règles de droit, ainsi que son indépendance (voir arrêts du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels, 61/65, Rec. p. 377, 394, 395, et du 17 septembre 1997, Dorsch Consult, C-54/96, Rec. p. I-4961, point 23).15 En outre, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d'une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, notamment, ordonnance du 18 juin 1980, Borker, 138/80, Rec. p. 1975, point 4, et arrêt du 12 novembre 1998, Victoria Film, C-134/97, Rec. p. I-7023, point 14).16 Ainsi que le relève M. l'avocat général, au point 12 de ses conclusions, étant donné qu'il n'est pas contestable que le Regeringsrätten satisfait à toutes les autres conditions posées par la jurisprudence de la Cour, il convient seulement de déterminer si ce dernier, saisi d'un appel contre les décisions du Skatterättsnämnden, est appelé à statuer dans le cadre d'une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel.17 À cet égard, il suffit de constater que, en cas d'appel, la procédure devant le Regeringsrätten a pour objet de contrôler la légalité d'un avis qui, dès lors qu'il est devenu définitif, lie l'administration fiscale et sert de base à la taxation si et dans la mesure où la personne qui a sollicité cet avis poursuit l'action prévue par sa demande. Dans ces conditions, le Regeringsrätten doit être considéré comme exerçant une fonction de nature juridictionnelle (voir, notamment, arrêt Victoria Film, précité, point 18).18 Pour ce qui concerne la nature hypothétique de la question posée, il convient de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 177 du traité, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, par exemple, arrêts du 27 octobre 1993, Enderby, C-127/92, Rec. p. I-5535, point 10, et du 5 octobre 1995, Aprile, C-125/94, Rec. p. I-2919, point 16).19 En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêts du 16 juillet 1992, Meilicke, C-83/91, Rec. p. I-4871, point 24, et Aprile, précité, point 17). 20 Il n'en irait autrement que si la Cour était appelée à statuer sur un problème de nature hypothétique (voir arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, Rec. p. 3045, points 18 et 20, et Meilicke, précité, point 25).21 S'agissant des conditions dans lesquelles la Cour est en l'occurrence saisie par le juge national, il est vrai que celui-ci est appelé à statuer dans le cadre d'un litige concernant la possibilité pour X AB d'effectuer, dans l'avenir, un transfert financier intragroupe au bénéfice de Y AB dans certaines conditions. En effet, à la date de la décision de renvoi, X AB n'avait pas encore réalisé ce transfert.22 Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à rendre la question préjudicielle irrecevable. En effet, il existe un litige réel devant la juridiction nationale, de sorte que la Cour, loin d'être appelée à statuer sur un problème qui serait de nature hypothétique, dispose d'informations suffisantes sur la situation faisant l'objet du litige au principal lui permettant d'interpréter les règles de droit communautaire et de répondre de façon utile à la question qui lui est posée (voir arrêt Aprile, précité, point 20).23 Cette condition étant satisfaite par la décision de renvoi, le Regeringsrätten doit être considéré, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la présente question préjudicielle, comme une juridiction nationale au sens de l'article 177 du traité, en sorte que ladite question est recevable.Sur le fond24 À titre liminaire, il y a lieu de constater que trois types de transferts financiers intragroupe sont en cause au principal:- des transferts effectués entre deux sociétés anonymes établies dans un État membre, alors que la seconde de ces sociétés est détenue intégralement par la première, soit directement, soit conjointement avec une ou plusieurs filiales elles-mêmes établies dans cet État membre et que celle-ci détient entièrement (ci-après le «transfert financier intragroupe de type A»);- des transferts effectués entre deux sociétés anonymes établies dans un État membre, alors que la seconde de ces sociétés est détenue intégralement par la première conjointement avec une ou plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans un seul et même autre État membre avec lequel le premier État membre a conclu une convention destinée à éviter la double imposition qui comporte une clause de non-discrimination (ci-après le «transfert financier intragroupe de type B»);- des transferts effectués entre deux sociétés anonymes établies dans un État membre, alors que la seconde de ces sociétés est détenue intégralement par la première conjointement avec plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans plusieurs autres États membres avec lesquels ce premier État membre a conclu des conventions destinées à éviter la double imposition qui comportent une clause de non-discrimination (ci-après le «transfert financier intragroupe de type C»).25 La juridiction nationale demande en substance si les articles 52 et 58 du traité, relatifs à la liberté d'établissement, ainsi que 73 B et 73 D du même traité, relatifs à la libre circulation des capitaux, s'opposent à des dispositions nationales telles que celles en cause au principal qui réservent l'octroi de certains allégements fiscaux aux transferts financiers intragroupe de types A et B, alors qu'ils sont refusés aux transferts de type C.26 Pour ce qui est des dispositions relatives à la liberté d'établissement, il importe de préciser que, même si, selon leur libellé, ces dispositions visent notamment à assurer le bénéfice du traitement national dans l'État membre d'accueil, elles s'opposent également à ce que l'État d'origine entrave l'établissement dans un autre État membre d'un de ses ressortissants ou d'une société constituée en conformité avec sa législation, répondant, par ailleurs, à la définition de l'article 58 du traité (arrêts du 27 septembre 1988, Daily Mail and General Trust, 81/87, Rec. p. 5483, point 16, et du 16 juillet 1998, ICI, C-264/96, Rec. p. I-4695, point 21).27 Il convient de constater à cet égard que la législation en cause au principal refuse aux sociétés suédoises qui ont fait usage de leur droit de libre établissement pour créer des filiales dans d'autres États membres le droit de bénéficier de certains allégements fiscaux lors d'un transfert financier intragroupe de type C.28 Ainsi, une telle législation consacre une différence de traitement entre divers types de transfert financier intragroupe en se fondant sur le critère du siège des filiales. En l'absence de justification, cette différence de traitement est contraire aux dispositions du traité concernant la liberté d'établissement. Il est indifférent à cet égard que la jurisprudence du Regeringsrätten permette d'accorder aux transferts de type B le traitement relatif aux transferts de type A.29 Dans l'affaire au principal, le gouvernement suédois n'a pas tenté de justifier la différence de traitement qui vient d'être constatée au regard des dispositions du traité sur la liberté d'établissement. Au demeurant, lors de l'audience, ce gouvernement a expressément reconnu que la législation en cause est contraire à l'article 52 du traité.30 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il n'est pas nécessaire d'examiner si les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux s'opposent à une législation telle que celle en cause au principal.31 En conséquence, il convient de répondre à la question posée que, lorsqu'un État membre octroie certains allégements fiscaux aux transferts financiers intragroupe effectués entre deux sociétés anonymes établies dans cet État membre et que la seconde de ces sociétés est détenue intégralement par la première, soit directement, soit conjointement avec- une ou plusieurs filiales elles-mêmes établies dans cet État membre et qu'elle détient entièrement, ou- une ou plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans un autre État membre avec lequel le premier État membre a conclu une convention destinée à éviter la double imposition qui comporte une clause de non-discrimination,les articles 52 à 58 du traité s'opposent à ce que ces mêmes allégements fiscaux soient refusés aux transferts effectués entre deux sociétés anonymes établies dans cet État membre, lorsque la seconde de ces sociétés est détenue en totalité par la première conjointement avec plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans plusieurs autres États membres avec lesquels ce premier État membre a conclu des conventions destinées à éviter la double imposition qui comportent une clause de non-discrimination.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

32 Les frais exposés par les gouvernements suédois et néerlandais, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur la question à elle soumise par le Regeringsrätten, par ordonnance du 29 avril 1998, dit pour droit:

Lorsqu'un État membre octroie certains allégements fiscaux aux transferts financiers intragroupe effectués entre deux sociétés anonymes établies dans cet État membre et que la seconde de ces sociétés est détenue intégralement par la première, soit directement, soit conjointement avec

- une ou plusieurs filiales elles-mêmes établies dans cet État membre et qu'elle détient entièrement, ou

- une ou plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans un autre État membre avec lequel le premier État membre a conclu une convention destinée à éviter la double imposition qui comporte une clause de non-discrimination,

les articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), 53 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam), 54 du traité CE (devenu, après modification, article 44 CE), 55 du traité CE (devenu article 45 CE), 56 et 57 du traité CE (devenus, après modification, articles 46 CE et 47 CE) et 58 du traité CE (devenu article 48 CE) s'opposent à ce que ces mêmes allégements fiscaux soient refusés aux transferts effectués entre deux sociétés anonymes établies dans cet État membre, lorsque la seconde de ces sociétés est détenue en totalité par la première conjointement avec plusieurs filiales qu'elle détient entièrement et ayant leur siège dans plusieurs autres États membres avec lesquels ce premier État membre a conclu des conventions destinées à éviter la double imposition qui comportent une clause de non-discrimination.