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Avis juridique important

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61998J0420

Arrêt de la Cour (première chambre) du 13 avril 2000. - W.N. contre Staatssecretaris van Financiën. - Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas. - Rapprochement des législations - Directive 77/799/CEE - Assistance mutuelle des autorités des Etats membres dans le domaine des impôts directs - Echange spontané d'informations. - Affaire C-420/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-02847


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Rapprochement des législations - Assistance mutuelle des autorités des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects - Directive 77/799 - Échange spontané d'informations - Exigence d'un acte explicite établissant l'exonération ou la réduction des impôts - Absence

(Directive du Conseil 77/799, art. 4, § 1, a))

2 Droit communautaire - Textes plurilingues - Interprétation uniforme - Divergence entre les versions linguistiques - Économie générale et finalité de la réglementation en cause comme base de référence

3 Rapprochement des législations - Assistance mutuelle des autorités des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects - Directive 77/799 - Échange spontané d'informations - «Réduction ou exonération anormales» au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive - Notion

(Directive du Conseil 77/799, art. 4, § 1, a))

Sommaire


1 L'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 77/799, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, qui oblige l'autorité compétente d'un État membre à communiquer, sans demande préalable, à l'autorité compétente de tout autre État membre les informations susceptibles de permettre l'établissement correct notamment des impôts sur le revenu et sur la fortune lorsqu'elle a des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts dans cet autre État membre, doit être interprété en ce sens qu'il n'est pas nécessaire que l'exonération ou la réduction d'impôts qu'il vise figure dans un acte explicite de l'autorité compétente de ce dernier État membre.

(voir points 13, 19 et disp.)

2 Les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et, dès lors, en cas de divergence entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément.

(voir point 21)

3 L'expression «réduction ou exonération anormales» figurant à l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 77/799, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects, disposition qui oblige l'autorité compétente d'un État membre à communiquer, sans demande préalable, à l'autorité compétente de tout autre État membre les informations susceptibles de permettre l'établissement correct notamment des impôts sur le revenu et sur la fortune lorsqu'elle a des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts dans cet autre État membre, se réfère à une diminution injustifiée d'impôts dans ce dernier État membre.

(voir point 24 et disp.)

Parties


Dans l'affaire C-420/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Nederlandse Raad van State (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

W. N.

et

Staatssecretaris van Financiën,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15),

LA COUR

(première chambre),

composée de MM. L. Sevón, président de chambre, P. Jann (rapporteur) et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le gouvernement néerlandais, par M. M. A. Fierstra, chef du service «droit européen» au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement français, par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. S. Seam, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. E. Mennens, conseiller juridique principal, Mme H. Michard et M. H. Speyart, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement néerlandais et de la Commission à l'audience du 18 novembre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 13 janvier 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par arrêt du 19 novembre 1998, parvenu à la Cour le 23 novembre suivant, le Nederlandse Raad van State a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l'article 4, paragraphes 1 et 3, de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15, ci-après la «directive»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant W. N. (ci-après l'«appelant au principal») au Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d'État aux Finances néerlandais) au sujet de la décision de ce dernier d'informer les autorités compétentes espagnoles du fait que l'appelant au principal avait versé des pensions alimentaires à son épouse en Espagne.

Cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive prévoit:

«Les autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l'établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune.»

4 L'article 4 de la directive, intitulé «Échange spontané», dispose:

«1. L'autorité compétente de chaque État membre communique, sans demande préalable, les informations visées à l'article 1er paragraphe 1, dont elle a connaissance, à l'autorité compétente de tout autre État membre intéressé dans les situations suivantes:

a) l'autorité compétente d'un État membre a des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts dans l'autre État membre;

b) un contribuable obtient, dans un État membre, une réduction ou une exonération d'impôt qui devrait entraîner pour lui une augmentation d'impôt ou un assujettissement à l'impôt dans l'autre État membre;

...

3. Les autorités compétentes des États membres peuvent, dans tout autre cas, se communiquer sans demande préalable les informations visées à l'article 1er paragraphe 1 dont elles ont connaissance.»

La réglementation nationale

5 Conformément à l'article 7, paragraphe 1, de la Wet op de internationale bijstandsverlening bij de heffing van belastingen (loi portant sur l'assistance internationale en matière de perception des impôts, ci-après la «WIB»), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal, le ministre des Finances peut, de sa propre initiative, communiquer à une autorité compétente des informations susceptibles de lui être utiles pour la détermination d'une dette fiscale dans les cas où:

«a. il est présumé que, si ces informations ne sont pas communiquées, une réduction, une exonération, un remboursement ou une exemption d'impôt seront accordés indûment dans l'État de l'autorité compétente ou que la perception de l'impôt y sera indûment omise;

b. une réduction, une exonération, un remboursement ou une exemption d'impôt qui peuvent avoir une influence sur la perception des impôts dans l'État de l'autorité compétente ont été octroyés aux Pays-Bas».

6 Aux termes de l'article 13, paragraphe 1, de la WIB, le ministre ne communique pas de renseignements lorsque:

«a. leur communication ne découle pas d'obligations prévues par la directive ... ou d'autres obligations de droit international ou interrégional;

b. l'ordre public de l'État néerlandais s'y oppose;

c. les informations ne pourraient pas être obtenues aux Pays-Bas en vertu de dispositions légales ou d'une pratique administrative, pour la perception des impôts visés à l'article 4;

d. il paraît vraisemblable que l'autorité compétente n'a pas utilisé en premier lieu les possibilités habituelles dans son propre État pour obtenir les informations qu'elle sollicite;

e. l'autorité compétente à laquelle les informations seraient destinées n'est pas compétente pour communiquer des informations similaires [au] ministre [des Finances] ou n'est pas en mesure de le faire».

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Par lettre du 2 décembre 1992, le secrétaire d'État aux Finances a porté à la connaissance de l'appelant au principal sa décision, prise en application des dispositions de la WIB, d'informer spontanément les autorités compétentes espagnoles au sujet des pensions alimentaires que ce dernier avait versées en Espagne à son épouse, dont il est durablement séparé, au cours des années 1987 à 1991 et payées par l'intermédiaire de la ABN-banque à Genève (Suisse).

8 Le secrétaire d'État aux Finances a considéré, en effet, que ces pensions alimentaires, que l'appelant au principal déduisait de son revenu imposable aux Pays-Bas, pouvaient avoir une incidence sur la perception de l'impôt en Espagne.

9 Le 22 décembre 1992, l'appelant au principal a présenté une réclamation contre ladite décision qui a été rejetée par une décision du secrétaire d'État aux Finances du 25 mai 1993.

10 Celui-ci a estimé que le cas qui lui était soumis relevait de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive et que le terme «anormal» devait être compris dans le sens de «contraire aux règles». Il a considéré que, pour l'application de cette disposition, il était suffisant qu'il existe une présomption que les impôts ne puissent pas être perçus en tout ou en partie.

11 Le 22 juin 1993, l'appelant au principal a introduit devant la juridiction de renvoi un recours contre la décision de rejet susmentionnée.

12 Estimant que le litige soulevait des questions d'interprétation du droit communautaire, le Nederlandse Raad van State a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les trois questions préjudicielles suivantes:

«1) Les termes `exonération ou réduction d'impôts' de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 77/799/CEE doivent-ils être interprétés dans le sens que l'exonération ou la réduction doit figurer dans un acte explicite de l'autorité compétente d'un autre État membre?

2) Comment doit-on interpréter de ce point de vue le terme `anormales' dans le paragraphe précité de l'article 4?

3) Si ce paragraphe n'est pas applicable, une obligation d'échange spontané d'informations peut-elle découler de l'article 4, paragraphe 3, de la directive précitée?»

Sur la première question

13 L'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive oblige l'autorité compétente d'un État membre à communiquer, sans demande préalable, à l'autorité compétente de tout autre État membre les informations susceptibles de permettre l'établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune lorsqu'elle a des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormales d'impôts dans cet autre État membre.

14 Conformément au libellé de cette disposition, il suffit que la réduction ou l'exonération d'impôts en question soient présumées. Il n'est pas nécessaire, en revanche, qu'elles aient été établies.

15 Cette interprétation littérale des termes de la disposition dont il s'agit correspond à l'objectif de la directive. En effet, celle-ci visant, conformément à son sixième considérant, à l'établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune dans les différents États membres, elle prévoit l'échange de toute information qui paraît utile à cet effet.

16 Dans le même sens, l'article 1er, paragraphe 1, de la directive dispose que les autorités compétentes des États membres échangent toutes les informations susceptibles de permettre l'établissement correct des impôts.

17 À cet égard, force est de reconnaître que ce n'est que si lesdites informations parviennent aux autorités auxquelles elles sont destinées avant que n'ait été adopté l'acte établissant les impôts que ces dernières seront en mesure de les utiliser de la manière la plus appropriée à l'objectif de la directive.

18 En outre, si la communication des informations à l'autre État membre était subordonnée à la condition que ce dernier ait préalablement adopté l'acte établissant les impôts, cela impliquerait que les autorités qui détiennent ces informations possèdent une connaissance approfondie du cadre factuel et juridique existant dans cet État. Or, soumettre à une telle exigence l'obligation d'échange spontané des informations irait à l'encontre de l'objectif susmentionné de la directive.

19 Par conséquent, il convient de répondre à la première question que l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens qu'il n'est pas nécessaire que l'exonération ou la réduction d'impôts qu'il vise figure dans un acte explicite de l'autorité compétente d'un autre État membre.

Sur la deuxième question

20 Il y a lieu de constater que, dans les versions de l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive en langues danoise, espagnole, française, italienne, néerlandaise, portugaise et finnoise, il est question d'une réduction ou d'une exonération anormales tandis que les versions en langues allemande, hellénique, suédoise et anglaise, en employant, respectivement, les termes «Steuerverkürzung», «äéáöõãÞ öüñùí», «förlust av skatt» et «loss of tax», font référence à une perte d'impôt.

21 Or, en vertu d'une jurisprudence constante, les diverses versions linguistiques d'un texte communautaire doivent être interprétées de façon uniforme et, dès lors, en cas de divergences entre ces versions, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêts du 27 octobre 1977, Bouchereau, 30/77, Rec. p. 1999, point 14; du 7 décembre 1995, Rockfon, C-449/93, Rec. p. I-4291, point 28, et du 17 décembre 1998, Codan, C-236/97, Rec. p. I-8679, point 28).

22 À la lumière de la finalité de la directive, qui vise non seulement à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, mais encore à permettre l'établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune dans les différents États membres, il convient d'interpréter l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive comme signifiant qu'un État membre communique, sans demande préalable, une information aux autorités fiscales d'un autre État membre lorsqu'il a des raisons de présumer que, sans cette information, une diminution injustifiée d'impôts pourrait exister ou être octroyée dans cet autre État . À cet égard, il n'est pas nécessaire que cette diminution atteigne un montant élevé.

23 Cette interprétation est corroborée par l'économie générale de la directive, selon laquelle l'obligation de communiquer des informations n'est pas liée à une importance particulière de la fraude et de l'évasion fiscales qui pourraient se produire en l'absence d'une telle communication.

24 Il y a lieu, par conséquent, de répondre à la deuxième question que l'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens que l'expression «réduction ou exonération anormales» se réfère à une diminution injustifiée d'impôts dans un autre État membre.

Sur la troisième question

25 Compte tenu des réponses apportées aux première et deuxième questions, il n'y a pas lieu de répondre à la troisième question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

26 Les frais exposés par les gouvernements néerlandais et français, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(première chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Nederlandse Raad van State, par arrêt du 19 novembre 1998, dit pour droit:

L'article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs, doit être interprété de la façon suivante:

- Il n'est pas nécessaire que l'exonération ou la réduction d'impôts qu'il vise figure dans un acte explicite de l'autorité compétente d'un autre État membre.

- L'expression «réduction ou exonération anormales» se réfère à une diminution injustifiée d'impôts dans un autre État membre.