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61999J0206

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 21 juin 2001. - SONAE - Tecnologia de Informação SA contre Direcção-Geral dos Registos e Notariado. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto - Portugal. - Rassemblement de capitaux - Directive 69/335/CEE - Droits ayant un caractère rémunératoire - Droits d'inscription au registre du commerce. - Affaire C-206/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-04679


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Imposition au sens de la directive 69/335 - Notion - Droits d'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux alimentant le budget de l'État - Inclusion

(Directive du Conseil 69/335)

2. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce - Formalité essentielle - Perception de droits d'inscription - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 69/335, art. 10, c))

3. Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce - Droits ayant un caractère rémunératoire - Notion - Droits directement proportionnels au capital souscrit - Exclusion - Droits plafonnés - Élément de solidarité entre grandes et petites sociétés - Incidence

(Directive du Conseil 69/335, art. 12, § 1, e))

Sommaire


1. La directive 69/335 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux doit être interprétée, au vu des objectifs qu'elle poursuit, notamment la suppression des impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport, en ce sens que la perception de droits pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce versés à l'État pour financer des missions de celui-ci constitue une imposition au sens de cette directive.

( voir points 24-26 )

2. Des droits dus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce sont, lorsqu'ils constituent une imposition au sens de la directive 69/335 concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, en principe, prohibés par l'article 10, sous c), de ladite directive, dans la mesure où, l'augmentation du capital social devant obligatoirement faire l'objet d'une inscription au registre du commerce, cette inscription constitue une formalité essentielle liée à la forme juridique de la société et conditionne l'exercice et la poursuite de l'activité de celle-ci.

( voir points 30-31 )

3. L'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, doit être interprété en ce sens que des droits perçus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce et dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital nominal souscrit et n'est pas calculé sur la base du coût du service rendu ne revêtent pas un caractère rémunératoire.

L'existence d'une limite maximale que ces droits ne peuvent dépasser n'est pas, à elle seule, de nature à leur conférer un tel caractère rémunératoire si ladite limite n'est pas établie de manière raisonnable par rapport au coût du service dont les droits constituent la contrepartie. En outre, un État membre ne peut, sans faire perdre aux droits en cause leur caractère rémunératoire, introduire, dans le barème des droits à percevoir en contrepartie d'un service rendu, un élément de solidarité entre grandes et petites sociétés, en instaurant, pour un même service, un droit plus élevé pour les sociétés de capitaux ayant un capital social important que pour celles ayant un capital social moindre, sans que cette différence dans le montant des droits ait un quelconque lien avec le coût du service.

( voir point 43 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-206/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto (Portugal) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

SONAE - Tecnologia de Informação SA

et

Direcção-Geral dos Registos e Notariado,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 10 et 12 de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), dans sa version résultant de la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. V. Skouris, président de chambre, M. R. Schintgen (rapporteur) et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. D. Ruíz-Jarabo Colomer,

greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

- pour SONAE - Tecnologia de Informação SA, par Me C. Osório de Castro, advogado,

- pour le gouvernement portugais, par MM. L. Fernandes, Â. Seiça Neves et R. Barreira, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement espagnol, par M. S. Ortiz Vaamonde, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes H. Michard et A. M. Alves Vieira, en qualité d'agents,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 février 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 16 avril 1999, parvenue à la Cour le 31 mai suivant, le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), cinq questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 10 et 12 de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), dans sa version résultant de la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive 69/335»).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant SONAE - Tecnologia de Informação SA (ci-après «SONAE») au Direcção-Geral dos Registos e Notariado au sujet du paiement de droits exigés pour l'inscription au Registo Comercial (registre du commerce) d'une scission-fusion accompagnée d'une augmentation du capital social de SONAE.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Ainsi qu'il ressort de son premier considérant, la directive 69/335 tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, considérée comme essentielle à la création d'une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur.

4 Selon le sixième considérant de la directive 69/335, la poursuite d'une telle finalité suppose, en ce qui concerne la taxation frappant les rassemblements de capitaux, la suppression des impôts indirects jusqu'alors en vigueur dans les États membres et l'application, à leur place, d'un impôt perçu une seule fois dans le marché commun et d'un niveau égal dans tous les États membres.

5 Aux termes de l'article 4 de la directive 69/335:

«1. Sont soumises au droit d'apport les opérations suivantes:

a) la constitution d'une société de capitaux;

[...]

c) l'augmentation du capital social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature;

[...]

3. N'est pas une constitution au sens du paragraphe 1 sous a), une quelconque modification de l'acte constitutif ou des statuts d'une société de capitaux et notamment:

a) la transformation d'une société de capitaux en une société de capitaux d'un type différent;

b) le transfert d'un État membre dans un autre État membre du siège de direction effective ou du siège statutaire d'une société, association ou personne morale qui est considérée, pour la perception du droit d'apport, comme société de capitaux dans chacun de ces États membres;

c) le changement de l'objet social d'une société de capitaux;

d) la prorogation de la durée d'une société de capitaux.»

6 L'article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 69/335 dispose:

«1. Les États membres exonèrent du droit d'apport les opérations, autres que celles visées à l'article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.

L'exonération est soumise aux conditions qui étaient applicables à cette date, pour l'octroi de l'exonération ou, le cas échéant, pour l'imposition à un taux égal ou inférieur à 0,50 %.

[...]

2. Les États membres peuvent soit exonérer du droit d'apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.»

7 La directive 69/335 prévoit également, conformément à son dernier considérant, la suppression d'autres impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport. Ces impôts, dont la perception est interdite, sont notamment énumérés à l'article 10 de la directive 69/335, aux termes duquel:

«En dehors du droit d'apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

a) pour les opérations visées à l'article 4;

b) pour les apports, prêts ou prestations, effectués dans le cadre des opérations visées à l'article 4;

c) pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.»

8 L'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335 précise:

«Par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11, les États membres peuvent percevoir:

[...]

e) des droits ayant un caractère rémunératoire».

La réglementation nationale

9 Le Código do Registo Comercial (code du registre du commerce portugais), adopté par le Decreto-Lei (décret-loi) n° 403/86, du 3 décembre 1986, prévoit, en son article 3, sous q), que certains actes de société, telles la fusion, la scission, la transformation et la dissolution d'une société ainsi que l'augmentation, la réduction ou la reconstitution du capital social d'une société de capitaux, doivent faire l'objet d'une inscription au registre du commerce.

10 L'article 13 du code du registre du commerce prévoit:

«1. Les faits soumis à enregistrement, même non enregistrés, peuvent être invoqués entre les parties mêmes ou leurs héritiers.

2. Sont exceptés les actes constitutifs des sociétés et leurs modifications auxquels s'appliquent les dispositions du code des sociétés commerciales.»

11 L'article 14, paragraphe 1, du code du registre du commerce dispose:

«Les faits soumis à enregistrement ne produisent des effets à l'égard des tiers qu'après la date de leur enregistrement.»

12 Les émoluments perçus au titre de l'enregistrement des différents actes de société au registre du commerce sont, en vertu de l'article 6 du décret-loi n° 403/86, du 3 décembre 1986, versés au Cofre dos Conservadores, Notários e Funcionários de Justiça (Caisse des conservateurs, notaires et agents de la justice, ci-après la «Caisse»), qui supporte, notamment, les dépenses d'installation et de fonctionnement du registre du commerce.

13 Le montant des émoluments dus pour l'inscription desdits actes au registre du commerce est fixé par la Tabela de Emolumentos do Registo Comercial (tableau des émoluments du registre du commerce, ci-après le «tableau»).

14 Conformément à l'article 1er, paragraphes 1 et 2, du tableau, dans sa version résultant de la Portaria (arrêté ministériel) n° 883/89, du 13 octobre 1989 (Diário da República I, n° 236, du 13 octobre 1989), des droits d'un montant fixe sont dus pour ces inscriptions.

15 Aux termes du paragraphe 3 du même article, si la valeur déterminée de l'acte qui fait l'objet de l'enregistrement est supérieure à 100 000 PTE, il y a lieu d'ajouter aux émoluments fixes, prévus aux paragraphes 1 et 2 du même article, des émoluments variables dont le montant, calculé sur la valeur totale de l'acte, est, pour chaque tranche de 1 000 PTE ou fraction de cette somme, de 10 PTE jusqu'à 200 000 PTE, de 5 PTE entre 200 000 et 1 000 000 PTE, de 4 PTE entre 1 000 000 et 10 000 000 PTE et de 3 PTE au-delà de 10 000 000 PTE.

16 La Portaria (arrêté ministériel) n° 996/98, du 25 novembre 1998 (Diário da República I, série B, n° 273, du 25 novembre 1998), a introduit des limites maximales aux émoluments dus en application du tableau. Aux termes de l'article 23, sous c), du tableau, dans sa version résultant de cet arrêté, les émoluments dus pour l'enregistrement d'un acte de société tel qu'une augmentation du capital social ne peuvent pas dépasser le montant de 15 000 000 PTE.

Le litige au principal

17 Le 30 septembre 1997, SONAE a fait dresser des écritures publiques constatant une modification de ses statuts, une scission-fusion et une augmentation de son capital social. En application des articles 1er, paragraphe 3, et 14 du tableau, dans sa version résultant de l'arrêté n° 883/89, les services du registre du commerce ont fixé le montant des droits d'inscription de ces modifications à 7 662 000 PTE.

18 SONAE a contesté la liquidation de ces droits devant le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto en faisant valoir qu'ils constituaient en réalité un impôt sur le capital social et étaient donc incompatibles avec la directive 69/335.

19 S'interrogeant sur l'interprétation de la directive 69/335 aux fins d'apprécier la conformité avec celle-ci de l'article 1er, paragraphe 3, du tableau, le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Considérant que, dans certains cas (par exemple augmentation de capital, fusion, scission de sociétés), il est obligatoire de procéder par acte authentique avec inscription au registre du commerce et au registre national des personnes morales;

considérant que ces services sont fournis par des services publics dépendant de l'État portugais;

considérant que, postérieurement à l'établissement du décompte attaqué, l'État portugais a approuvé une loi, qui ne s'applique pas rétroactivement, fixant un montant maximal à payer pour ces actes;

considérant les dispositions des articles 10 et 12 de la directive 69/335/CEE,

1) Les émoluments payés pour ces services peuvent-ils être calculés et perçus en fonction de la valeur de l'acte?

a) Cette valeur peut-elle être illimitée?

b) Cette valeur peut-elle être calculée sous la forme exposée sous 1) s'il y a une limite maximale?

2) En application de la directive [69/335], la juridiction de l'État membre doit-elle réduire le montant à payer, conformément à la limite maximale fixée dans la législation nationale postérieure à l'exécution de l'acte?

3) Les émoluments payés pour ces services doivent-ils être calculés compte tenu des coûts inhérents à la prestation du service?

4) Ces coûts sont-ils ceux qui dérivent de la réalisation de l'acte et du maintien des services nécessaires à sa réalisation?

5) Le critère lié à l'avantage économique que l'utilisateur retire de l'acte peut-il être utilisé pour calculer le montant à payer pour l'établissement de l'acte?»

Sur les première, troisième, quatrième et cinquième questions

20 À titre liminaire, il convient de constater qu'il ressort du dossier que les droits dont la liquidation est contestée devant la juridiction de renvoi ont été calculés uniquement sur la base de la valeur de l'augmentation du capital social inscrite au registre du commerce et que l'enregistrement des actes de scission et de fusion n'a pas donné lieu à la perception d'un quelconque droit d'inscription.

21 Dans ces conditions, il y a lieu de comprendre les première, troisième, quatrième et cinquième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, comme visant en substance à savoir si l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens que des droits perçus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce et dont le montant est calculé en fonction de la valeur de l'acte enregistré, tels que ceux en cause au principal, ont un caractère rémunératoire ou si ces droits doivent, pour revêtir un tel caractère, être calculés selon d'autres critères, tels le coût du service rendu, les coûts de fonctionnement du service qui effectue l'inscription ou les avantages économiques ou juridiques retirés par la société à la demande de laquelle l'enregistrement est effectué.

22 En vue de répondre utilement à ces questions, il convient, en premier lieu, de déterminer si la perception de droits tels que ceux en cause au principal constitue une imposition au sens de la directive 69/335 ou si, ainsi que le soutient le gouvernement portugais, elle ne relève pas du champ d'application de celle-ci.

23 À cet égard, force est de constater que, en application de la législation portugaise, les sociétés de capitaux sont obligées de faire inscrire l'augmentation de leur capital social au registre du commerce et de payer, lors de cette inscription, des droits d'enregistrement dont le produit revient à la Caisse. Celle-ci supporte non seulement les dépenses d'installation et de fonctionnement du registre du commerce, mais également les dépenses de fonctionnement du registre national des personnes morales, le paiement de la partie fixe du salaire des notaires et des autres fonctionnaires de justice ainsi que, après autorisation du ministère de la Justice, d'autres dépenses dans le domaine judiciaire (voir arrêt du 29 septembre 1999, Modelo, C-56/98, Rec. p. I-6427, point 20).

24 Il en résulte que les droits en cause au principal, dus en application d'une règle de droit édictée par l'État, sont versés par une personne privée à l'État pour financer des missions de cet État (voir arrêt Modelo, précité, point 21).

25 Au vu des objectifs poursuivis par la directive 69/335, notamment la suppression des impôts indirects présentant les mêmes caractéristiques que le droit d'apport, il convient de qualifier d'imposition, au sens de cette directive, des droits d'inscription perçus par l'État pour une opération relevant de ladite directive et versés à ce dernier pour supporter des dépenses publiques (voir arrêt Modelo, précité, point 22).

26 Il s'ensuit que des droits tels que ceux en cause au principal, perçus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce, constituent une imposition au sens de la directive 69/335.

27 Dès lors, il convient, en second lieu, de déterminer si de tels droits tombent sous l'interdiction édictée à l'article 10 de la directive 69/335 ou s'ils constituent des droits ayant un caractère rémunératoire au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335.

28 S'agissant, d'abord, de l'article 10 de la directive 69/335, il y a lieu de rappeler que, aux termes de son point c), sont interdites, en dehors du droit d'apport, les impositions pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société peut être soumise en raison de sa forme juridique. Cette interdiction se justifie par le fait que, si de telles impositions ne frappent pas les apports de capitaux en tant que tels, elles sont néanmoins perçues en raison de formalités liées à la forme juridique de la société, c'est-à-dire de l'instrument utilisé pour rassembler des capitaux, de sorte que leur maintien risquerait de mettre également en cause les buts poursuivis par la directive 69/335 (arrêts du 11 juin 1996, Denkavit Internationaal e.a., C-2/94, Rec. p. I-2827, point 23, et Modelo, précité, point 24).

29 Aussi est-il de jurisprudence constante que cette interdiction vise non seulement les droits acquittés à l'occasion de l'immatriculation des nouvelles sociétés, mais également les droits dus pour l'enregistrement des augmentations de capital dont ces sociétés font l'objet dès lors qu'ils sont aussi perçus en raison d'une formalité essentielle liée à la forme juridique des sociétés en cause. Sans constituer formellement une procédure préalable à l'exercice de l'activité des sociétés de capitaux, l'enregistrement des augmentations de capital n'en conditionne pas moins l'exercice et la poursuite de cette activité (voir, notamment, arrêt du 26 septembre 2000, IGI, C-134/99, Rec. p. I-7717, point 23).

30 L'augmentation du capital social d'une société de capitaux devant, dans un système juridique tel que celui en cause au principal, obligatoirement faire l'objet d'une inscription au registre du commerce, il convient de constater que cette inscription constitue une formalité essentielle liée à la forme juridique de la société et qu'elle conditionne l'exercice et la poursuite de l'activité de celle-ci.

31 Il s'ensuit que des droits dus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce, tels ceux en cause au principal, sont, lorsqu'ils constituent une imposition au sens de la directive 69/335, en principe, prohibés par l'article 10, sous c), de ladite directive.

32 En ce qui concerne, ensuite, l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335, il y a lieu de relever que la distinction entre les impositions interdites par l'article 10 de ladite directive 69/335 et les droits ayant un caractère rémunératoire dont la perception est autorisée implique que ces derniers comprennent les seules rétributions dont le montant est calculé sur la base du coût du service rendu. Une rétribution dont le montant serait dénué de tout lien avec le coût de ce service particulier ou dont le montant serait calculé non en fonction du coût de l'opération dont elle est la contrepartie, mais en fonction de l'ensemble des coûts de fonctionnement et d'investissement du service chargé de cette opération devrait être regardée comme une imposition relevant de la seule interdiction instituée par l'article 10 de la directive 69/335 (arrêt du 20 avril 1993, Ponente Carni et Cispadana Costruzioni, C-71/91 et C-178/91, Rec. p. I-1915, points 41 et 42).

33 Il y a lieu d'ajouter que, si, pour certaines opérations, telles que l'immatriculation d'une société, il peut être difficile de déterminer le coût de l'opération, de sorte que l'évaluation forfaitaire de ce coût doit être admise, il faut cependant que cette évaluation soit effectuée de façon raisonnable en prenant en compte, notamment, le nombre et la qualification des agents, le temps passé par ces agents ainsi que les divers frais matériels nécessaires à l'accomplissement de cette opération (voir, notamment, arrêt IGI, précité, point 27).

34 De plus, conformément à la jurisprudence de la Cour, un droit dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital nominal souscrit ne saurait, par sa nature même, constituer un droit à caractère rémunératoire au sens de la directive 69/335. En effet, même s'il peut exister, dans certains cas, un lien entre la complexité d'une opération d'enregistrement et l'importance des capitaux souscrits, le montant d'un tel droit sera généralement sans rapport avec les frais concrètement exposés par l'administration lors des formalités d'immatriculation (arrêts du 2 décembre 1997, Fantask e.a., C-188/95, Rec. p. I-6783, point 31, et IGI, précité, point 31).

35 Il s'ensuit que, dans la mesure où ils augmentent directement et sans limites en proportion de la valeur de l'acte enregistré, des droits perçus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux au registre du commerce, tels ceux en cause au principal, ne constituent pas des droits ayant un caractère rémunératoire au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335.

36 Il convient d'ajouter que, si l'absence d'une limite maximale constitue certes un indice qu'un droit calculé en fonction de la valeur de l'acte enregistré ne revêt pas un caractère rémunératoire au sens de la directive 69/335, l'existence d'une telle limite, d'ailleurs ni prescrite ni prohibée par ladite directive, n'est pas, à elle seule, de nature à conférer un caractère rémunératoire audit droit.

37 En effet, dès lors que, ainsi qu'il ressort des points 32 et 33 du présent arrêt, le montant d'un droit perçu en contrepartie d'une opération déterminée doit toujours être calculé par rapport au coût de cette opération pour avoir un caractère rémunératoire au sens de l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335, que ce coût soit précisément chiffrable ou qu'il nécessite une évaluation forfaitaire, une limite maximale qui ne peut pas être considérée comme étant raisonnable par rapport audit coût ne peut pas modifier l'éventuel caractère non rémunératoire du droit en cause.

38 Il y a lieu de relever, en outre, que le fait de calculer le montant du droit sur la base du coût du service rendu, qui est l'unique mode de calcul d'un droit ayant un caractère rémunératoire au sens de la directive 69/335 admis par la Cour, permet, ainsi qu'il ressort du point 30 de l'arrêt Fantask e.a., précité, à un État membre de prendre en compte non seulement les coûts, matériels et salariaux, qui sont directement liés à l'accomplissement des opérations d'enregistrement dont le droit en cause constitue la contrepartie, mais aussi la fraction des frais généraux de l'administration compétente qui sont imputables à ces opérations.

39 Il s'ensuit que, dans la mesure où ni l'avantage économique ni l'avantage juridique découlant de l'inscription d'un acte relatif à une société de capitaux au registre du commerce ne constituent des coûts liés au service rendu, ces avantages ne peuvent être pris en considération lors du calcul du montant d'un droit ayant un caractère rémunératoire.

40 Il importe de souligner, enfin, que, si la Cour a jugé, au point 28 de l'arrêt Fantask e.a., précité, qu'il peut être admis qu'un État membre ne perçoive de droits que pour les opérations d'enregistrement les plus importantes et qu'il répercute sur ceux-ci les coûts d'opérations mineures effectuées gratuitement, il ressort de ce même point que la Cour a raisonné exclusivement par rapport à l'importance respective des différents types d'opérations qui peuvent être effectuées et non pas par rapport à l'importance, notamment au regard de leur capital social ou de leur capacité économique, des sociétés de capitaux à la demande desquelles une opération déterminée est effectuée.

41 Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le gouvernement portugais, la jurisprudence de la Cour n'autorise pas un État membre à introduire, dans le barème des droits à percevoir en contrepartie d'un service rendu, un élément de solidarité entre grandes et petites sociétés en instaurant, pour un même service, un droit plus élevé pour les sociétés de capitaux ayant un capital social important que pour celles ayant un capital social moindre, sans que cette différence dans le montant des droits ait un quelconque lien avec le coût du service.

42 Cette conclusion est en outre conforme à l'interprétation de la directive 69/335 retenue par la Cour dans son arrêt Ponente Carni et Cispadana Costruzioni, précité. Il ressort en effet du point 44 de cet arrêt que, si les droits perçus en contrepartie d'un service rendu peuvent être différents selon la forme juridique de la société, leurs montants ne doivent pas dépasser le coût du service en cause.

43 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première, troisième, quatrième et cinquième questions que l'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335 doit être interprété en ce sens que des droits perçus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce et dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital nominal souscrit et n'est pas calculé sur la base du coût du service rendu, tels que ceux en cause au principal, ne revêtent pas un caractère rémunératoire. L'existence d'une limite maximale que ces droits ne peuvent dépasser n'est pas, à elle seule, de nature à leur conférer un tel caractère rémunératoire si ladite limite n'est pas établie de manière raisonnable par rapport au coût du service dont les droits constituent la contrepartie. En outre, un État membre ne peut, sans faire perdre aux droits en cause leur caractère rémunératoire, introduire, dans le barème des droits à percevoir en contrepartie d'un service rendu, un élément de solidarité entre grandes et petites sociétés, en instaurant, pour un même service, un droit plus élevé pour les sociétés de capitaux ayant un capital social important que pour celles ayant un capital social moindre, sans que cette différence dans le montant des droits ait un quelconque lien avec le coût du service.

Sur la deuxième question

44 S'agissant de la deuxième question, force est de constater que, même dans l'hypothèse où la directive 69/335 imposerait l'application rétroactive de l'arrêté n° 996/98, la juridiction de renvoi ne pourrait procéder à la réduction du montant des droits en cause dans l'affaire au principal dans la mesure où la limite maximale désormais prévue à l'article 23, sous c), du tableau, dans sa version résultant de l'arrêté n° 996/98, à savoir 15 000 000 PTE, est en tout état de cause supérieure au montant des droits dus en l'occurrence par SONAE.

45 Par conséquent, quelle que soit la réponse à la deuxième question, elle serait manifestement sans incidence sur la solution du litige au principal.

46 Selon une jurisprudence constante, il convient, dans de telles circonstances, de considérer que la question préjudicielle soumise à la Cour ne porte pas sur une interprétation du droit communautaire qui réponde à un besoin objectif pour la décision que la juridiction de renvoi doit prendre (voir, notamment, arrêt du 29 octobre 1998, Zaninotto, C-375/96, Rec. p. I-6629, point 79).

47 Il n'y a dès lors pas lieu de répondre à la deuxième question.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

48 Les frais exposés par les gouvernements portugais et espagnol, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal Tributário de Primeira Instância do Porto, par ordonnance du 16 avril 1999, dit pour droit:

L'article 12, paragraphe 1, sous e), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, dans sa version résultant de la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprété en ce sens que des droits perçus pour l'inscription d'une augmentation du capital social d'une société de capitaux à un registre du commerce et dont le montant augmente directement et sans limites en proportion du capital nominal souscrit et n'est pas calculé sur la base du coût du service rendu, tels que ceux en cause au principal, ne revêtent pas un caractère rémunératoire.

L'existence d'une limite maximale que ces droits ne peuvent dépasser n'est pas, à elle seule, de nature à leur conférer un tel caractère rémunératoire si ladite limite n'est pas établie de manière raisonnable par rapport au coût du service dont les droits constituent la contrepartie.

En outre, un État membre ne peut, sans faire perdre aux droits en cause leur caractère rémunératoire, introduire, dans le barème des droits à percevoir en contrepartie d'un service rendu, un élément de solidarité entre grandes et petites sociétés, en instaurant, pour un même service, un droit plus élevé pour les sociétés de capitaux ayant un capital social important que pour celles ayant un capital social moindre, sans que cette différence dans le montant des droits ait un quelconque lien avec le coût du service.