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Avis juridique important

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61999J0240

Arrêt de la Cour (première chambre) du 8 mars 2001. - Försäkringsaktiebolaget Skandia (publ). - Demande de décision préjudicielle: Regeringsrätten - Suède. - Sixième directive TVA - Exonérations - Opérations d'assurance et de réassurance. - Affaire C-240/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-01951


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Dispositions fiscales - Harmonisation des législations - Taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée - Exonérations prévues par la sixième directive - Exonération pour les opérations d'assurance et de réassurance - Notion - Prise en charge par une compagnie d'assurances, moyennant une rémunération calculée sur la base des prix du marché, de l'activité d'une autre compagnie d'assurances sans en assumer les risques - Exclusion

irective du Conseil 77/388, art. 2, point 1, et 13, B, a))

Sommaire


$$L'engagement d'une compagnie d'assurances d'exercer, en contrepartie d'une rémunération calculée sur la base des prix du marché, les activités d'une autre compagnie d'assurances, qui est sa filiale à 100 % et qui continuerait de conclure les contrats d'assurance en son propre nom, ne constitue pas une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée. Une telle activité, rémunérée sur la base des prix du marché, constitue un service à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive, soumis à ce titre à la taxe sur la valeur ajoutée.

( voir points 43-44 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-240/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Regeringsrätten (Suède) et tendant à obtenir, dans une procédure engagée par

Försäkringsaktiebolaget Skandia (publ),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),

LA COUR (première chambre),

composée de MM. M. Wathelet (rapporteur), président de chambre, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. A. Saggio,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Försäkringsaktiebolaget Skandia (publ), par M. J.-M. Bexhed, chefjurist,

- pour le gouvernement suédois, par Mme L. Nordling, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et U. Jonsson, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Försäkringsaktiebolaget Skandia (publ), représentée par MM. J.-M. Bexhed et G. Lundsten, bolagjurist, du gouvernement suédois, représenté par Mme L. Nordling, et de la Commission, représentée par M. K. Simonsson, en qualité d'agent, à l'audience du 12 juillet 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 10 juin 1999, parvenue à la Cour le 25 juin suivant, le Regeringsrätten (Cour administrative suprême) a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'une procédure de demande en révision engagée par la compagnie d'assurances Försäkringsaktiebolaget Skandia (publ) (ci-après «Skandia») à l'encontre d'un arrêt du Regeringsrätten, par lequel cette juridiction a jugé que l'engagement consistant pour Skandia à prendre en charge l'activité d'une autre compagnie d'assurances, dont elle détient l'intégralité du capital, ne constituait pas un service d'assurance, exonéré de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») en application de la législation suédoise.

Le droit communautaire

3 L'article 13 de la sixième directive, qui traite des exonérations de TVA à l'intérieur du pays, prévoit:

«[...]

B. Autres exonérations

Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

a) les opérations d'assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance;

[...]»

La législation suédoise

4 L'article 13, B, sous a), de la sixième directive a été mis en oeuvre dans la législation suédoise par le chapitre 3, article 10, de la mervärdesskattelagen (1994:200) (loi relative à la TVA), qui dispose, dans sa version publiée au Svensk författningssamling 1998, n° 300:

«Les chiffres d'affaires résultant de la fourniture de services d'assurance sont exonérés de l'impôt.

Par services d'assurance, on entend

1. les services dont la fourniture constitue des activités d'assurance conformément à la försäkringsrörelselagen (1982:713)[loi relative à l'exercice des activités d'assurance], à la lagen (1989:1079) om livförsäkringar med anknytning till värdepappersfonder [loi sur les assurances vie liées à des fonds de valeurs mobilières] ou conformément à la lagen (1998:293) om utländska försäkringsgivares verksamhet i Sverige [loi relative à l'activité des assureurs étrangers en Suède], et

2. les services fournis par des courtiers ou d'autres intermédiaires d'assurance et qui ont trait aux assurances.»

5 Selon la décision de renvoi, la législation suédoise, y compris les dispositions auxquelles renvoie l'article de la mervärdesskattelagen cité ci-dessus, ne définit pas la notion d'activité d'assurance.

6 Par ailleurs, il existe en Suède depuis 1951 une possibilité d'obtenir, pour les questions fiscales, un avis préalable qui lie l'administration. Les questions sur lesquelles portent les avis préalables en matière fiscale sont examinées par le Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal). En ce qui concerne les avis en matière de TVA, les dispositions applicables au moment des faits au principal figuraient au chapitre 21 de la mervärdesskattelagen et dans la lagen (1951:442) om förhandsbesked i taxeringsfrågor (loi relative aux avis préalables en matière fiscale), qui sont restées en vigueur jusqu'au 1er juillet 1998. Depuis le 1er juillet 1998, les dispositions pertinentes en matière de TVA figurent dans la lagen (1998:189) om förhandsbesked i skattefrågor (loi relative aux avis préalables en matière fiscale).

Les faits au principal et la question préjudicielle

7 Skandia est une compagnie d'assurances qui possède, entre autres, une filiale dénommée Livförsäkringsaktiebolaget Skandia (publ) (ci-après «Livbolaget») dont elle détient l'intégralité du capital.

8 Livbolaget opère dans le domaine de l'assurance vie, en particulier dans le secteur des assurances vieillesse et des «assurances à capital garanti». Livbolaget et Skandia ont étudié la possibilité de réunir, au sens large, leurs activités d'assurance au sein d'une seule compagnie. Elles ont ainsi envisagé de transférer le personnel et les fonctions de Livbolaget à Skandia, de manière à ce que, dans les faits, Skandia exerce toute l'activité de Livbolaget, qu'il s'agisse de la vente de produits d'assurance, du règlement des sinistres, des prévisions actuarielles ou de la gestion des capitaux. En échange des prestations fournies, Skandia percevrait de Livbolaget une rémunération calculée sur la base des prix du marché. Skandia n'assumerait aucun risque découlant desdites activités d'assurance. Tous les risques reposeraient intégralement sur Livbolaget qui continuerait d'agir en qualité d'assureur au sens du droit civil suédois.

9 Le 28 juin 1995, Skandia a sollicité un avis préalable du Skatterättsnämnden sur la possibilité de considérer l'engagement de prendre en charge l'activité de Livbolaget comme une prestation de services en matière d'assurance au sens du chapitre 3, article 10, de la mervärdesskattelagen, ce qui l'exonérerait de la TVA.

10 Par décision du 15 janvier 1996, le Skatterättsnämnden a répondu que, pour qu'il y ait un service d'assurance du type de celui visé par ladite disposition de la mervärdesskattelagen, ce service doit être fourni par un assureur et l'objet du service doit constituer une activité d'assurance. Sur cette base, l'engagement de Skandia en cause dans l'affaire au principal ne constituerait pas un service d'assurance mais devrait au contraire être considéré comme un service d'administration et d'exploitation dont Livbolaget serait le destinataire. Dans ces conditions, selon le Skatterättsnämnden, un tel engagement ne serait pas couvert par l'exonération de TVA dont bénéficient les services d'assurance.

11 Skandia a fait appel de cet avis préalable devant le Regeringsrätten.

12 Par arrêt du 16 juin 1997, le Regeringsrätten a rejeté le recours en affirmant, notamment, que l'exonération prévue au chapitre 3, article 10, de la mervärdesskattelagen s'appliquait exclusivement aux «prestations de services d'assurance». Selon l'usage courant, cette expression désignerait les services fournis directement à un preneur d'assurance par un assureur. Les travaux préparatoires de la mervärdesskattelagen indiqueraient d'ailleurs une volonté de préciser et de limiter la portée de la notion de «prestations de services d'assurance».

13 Le 26 juin 1997, Skandia a introduit devant le Regeringsrätten une demande en révision à l'encontre de son arrêt du 16 juin 1997, en se référant notamment à l'arrêt de la Cour du 5 juin 1997, SDC (C-2/95, Rec. p. I-3017).

14 Dans l'arrêt SDC, précité, la Cour a interprété les dispositions de l'article 13, B, sous d), points 3 et 5, de la sixième directive, qui sont relatives notamment à l'exonération d'opérations concernant entre autres les virements et les paiements, ainsi que des opérations portant sur des actions, des parts de sociétés ou d'associations, des obligations et certains autres titres. La Cour a notamment considéré, au point 33 de l'arrêt SDC, précité, que l'identité du destinataire de la prestation était sans pertinence pour déterminer les opérations exonérées au titre de cette disposition et, au point 57 du même arrêt, qu'une interprétation limitant l'application de l'exonération prévue par l'article 13, B, sous d), point 3, aux services directement fournis au client de la banque n'était pas fondée. En conséquence, la Cour a jugé, au point 59, que l'exonération prévue par l'article 13, B, sous d), points 3 et 5, de la sixième directive n'était pas subordonnée à la condition que la prestation soit effectuée par un établissement qui se trouve en relation juridique avec le client final de la banque.

15 Skandia en déduit que, de manière générale, il n'est pas nécessaire qu'un service soit fourni directement à un client final pour qu'il soit exonéré en vertu de l'article 13, B, de la sixième directive. L'arrêt du Regeringsrätten du 16 juin 1997 s'écarterait pour ce motif de la jurisprudence de la Cour relative à l'interprétation de la sixième directive.

16 La décision de renvoi expose que les circonstances de l'affaire au principal diffèrent de celles dont a connu la Cour dans des affaires antérieures. Elle souligne notamment que la coopération envisagée par Skandia et Livbolaget correspond à des services dont le prestataire n'est pas assureur et dont le destinataire n'est pas preneur d'assurance ou assuré, sans pour autant qu'il s'agisse de services fournis par des courtiers ou des intermédiaires d'assurance.

17 Estimant dès lors que la jurisprudence de la Cour ne permet pas d'établir avec certitude si l'engagement de Skandia dont il est question dans l'affaire au principal constitue ou non une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive, le Regeringsrätten a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Un engagement tel que celui dont fait état la société Skandia dans la présente affaire, contracté par une compagnie d'assurances et consistant à prendre en charge l'activité d'une autre compagnie d'assurances dont elle détient l'intégralité du capital, constitue-t-il une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme?»

Sur le fond

18 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'engagement d'une compagnie d'assurances d'exercer, en contrepartie d'une rémunération calculée sur la base des prix du marché, les activités d'une autre compagnie d'assurances, qui est sa filiale à 100 % et qui continuerait de conclure les contrats d'assurance en son propre nom, constitue une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

19 L'article 13, B, sous a), de la sixième directive porte exonération expresse des opérations d'assurance et de réassurance, y compris les prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance.

20 Il n'a pas été contesté que Skandia envisage d'exercer l'activité de Livbolaget sans assumer un quelconque risque lié à cette activité, en sorte que le service fourni par Skandia ne constitue pas une réassurance. Dans le cadre de la procédure au principal, Skandia a par ailleurs reconnu que la prestation qu'elle envisageait de fournir à Livbolaget ne constituait pas une prestation de services afférente à une opération d'assurance ou de réassurance, qui serait effectuée par un courtier ou un intermédiaire d'assurance.

21 En conséquence, la Cour est invitée dans le cadre de la présente affaire à interpréter exclusivement la notion d'«opérations d'assurance» au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

22 Il y a lieu de relever à cet égard que la sixième directive ne définit pas la notion d'«opérations d'assurance».

23 Selon une jurisprudence constante, les exonérations prévues par l'article 13 de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit communautaire qui ont pour objet d'éviter des divergences dans l'application du régime de la TVA d'un État membre à l'autre (arrêts du 15 juin 1989, Stichting Uitvoering Financiële Acties, 348/87, Rec. p. 1737, point 11, et du 25 février 1999, CPP, C-349/96, Rec. p. I-973, point 15) et qui doivent être replacées dans le contexte général du système commun de la TVA (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 1987, Commission/Pays-Bas, 235/85, Rec. p. 1471, point 18).

24 Skandia soutient que les services qu'elle envisage de fournir à Livbolaget constituent des opérations d'assurance exonérées en vertu de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

25 À cet égard, elle fait valoir qu'il convient de donner au terme «assurance» la même interprétation, qu'il figure dans le texte des directives communautaires relatives à l'assurance ou dans celui de la sixième directive (en ce sens, arrêt CPP, précité, point 18).

26 Skandia soutient notamment qu'est pertinente aux fins de l'interprétation de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive la réglementation contenue à l'article 8, paragraphe 1, de la première directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3), tel que modifié par l'article 6 de la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive «assurance non vie») (JO L 228, p. 1), et à l'article 8, paragraphe 1, de la première directive 79/267/CEE du Conseil, du 5 mars 1979, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe sur la vie, et son exercice (JO L 63, p. 1), tel que modifié par l'article 5 de la directive 92/96/CEE du Conseil, du 10 novembre 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe sur la vie et modifiant les directives 79/267/CEE et 90/619/CEE (troisième directive assurance vie) (JO L 360, p. 1). Selon ces dispositions, une compagnie d'assurances doit limiter son objet social à l'activité d'assurance et aux opérations qui en découlent directement, à l'exclusion de toute autre activité commerciale.

27 Skandia en conclut que toutes les opérations qu'une société agissant dans le secteur des assurances, telle qu'elle-même, peut exercer en vertu des directives relatives à l'assurance devraient par nature être exonérées de la TVA en vertu de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

28 Skandia se fonde également sur l'arrêt SDC, précité, pour soutenir qu'il convient, s'agissant de l'exonération visée à l'article 13, B, sous a), de la sixième directive, d'utiliser les mêmes principes d'interprétation que ceux retenus par la Cour dans ledit arrêt concernant l'exonération des opérations visées à l'article 13, B, sous d), points 3 et 5, de la même directive. Selon Skandia, il ne serait pas nécessaire, aux fins de l'exonération des opérations d'assurance prévue par l'article 13, B, sous a), de la sixième directive, qu'une opération soit effectuée par une société qui se trouve en relation juridique avec le client final de l'assureur. Les services fournis par une compagnie d'assurances à une autre seraient donc exonérés en vertu de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive et la circonstance qu'il n'existe aucune relation juridique directe entre Skandia et les clients de Livbolaget serait sans importance pour apprécier si les prestations que Skandia envisage de fournir à Livbolaget doivent être exonérées de la TVA.

29 Une telle argumentation ne saurait être retenue pour les raisons suivantes.

30 En premier lieu, au point 18 de l'arrêt CPP, précité, la Cour a, certes, jugé qu'aucune raison n'autorise une interprétation différente du terme «assurance» selon qu'il figure dans le texte des directives relatives à l'assurance ou dans celui de la sixième directive.

31 Il est toutefois erroné de soutenir que, dans la mesure où les États membres doivent, en application des directives relatives à l'assurance, exiger des compagnies d'assurances qu'elles limitent leur objet social aux opérations d'assurance et aux opérations qui en découlent directement, à l'exclusion de toute autre activité commerciale, de telles sociétés n'effectuent que des opérations d'assurance, qui seraient exonérées de la TVA en vertu de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

32 En effet, selon une jurisprudence bien établie, les termes employés pour désigner les exonérations visées par l'article 13 de la sixième directive sont d'interprétation stricte, étant donné qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur le chiffre d'affaires est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (en ce sens, arrêts Stichting Uitvoering Financiële Acties, précité, point 13; du 11 août 1995, Bulthuis-Griffioen, C-453/93, Rec. p. I-2341, point 19; du 12 février 1998, Blasi, C-346/95, Rec. p. I-481, point 18, et du 12 novembre 1998, Institute of the Motor Industry, C-149/97, Rec. p. I-7053, point 17).

33 Par ailleurs, il convient de relever que les directives relatives à l'assurance permettent aux compagnies d'assurances d'effectuer non seulement les opérations d'assurance proprement dites, mais aussi «les opérations qui en découlent directement».

34 Le fait qu'une compagnie d'assurances ne saurait exercer d'autre activité commerciale que des opérations d'assurance ou des opérations qui en découlent directement n'implique donc pas que toutes les opérations qu'elle effectue constituent, sur le plan fiscal, des opérations d'assurance au sens strict, telles que visées à l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

35 En second lieu, il convient de rejeter l'argument selon lequel, par analogie avec l'arrêt SDC, précité, il ne serait pas nécessaire, aux fins de l'exonération des opérations d'assurance prévue par l'article 13, B, sous a), de la sixième directive, que l'opération soit effectuée par une société qui se trouve en relation juridique avec le client final, c'est-à-dire l'assuré.

36 À cet égard, il importe de relever à titre liminaire que, à la différence de l'affaire à l'origine de l'arrêt SDC, précité, dans laquelle la Cour devait interpréter l'article 13, B, sous d), de la sixième directive, qui vise de manière générale en ses points 3 et 5 les opérations «concernant» ou «portant sur» des opérations bancaires déterminées, sans se restreindre aux opérations bancaires proprement dites, l'exonération prévue à l'article 13, B, sous a), vise les opérations d'assurance proprement dites.

37 Au point 17 de l'arrêt CPP, précité, la Cour, invitée à interpréter la notion d'«opérations d'assurance» visée à l'article 13, B, sous a), de la sixième directive, a jugé qu'une opération d'assurance se caractérise, de façon généralement admise, par le fait que l'assureur se charge, moyennant le paiement préalable d'une prime, de procurer à l'assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat.

38 Dans le même arrêt CPP, précité, après avoir observé, au point 19, qu'il est constant que les termes «opérations d'assurance» utilisés à l'article 13, B, sous a), de la sixième directive englobent en tout état de cause le cas où l'opération concernée est effectuée par l'assureur même qui a pris en charge la couverture du risque assuré, la Cour a jugé, au point 22, qu'une telle expression ne visait pas uniquement les opérations effectuées par les assureurs eux-mêmes et était en principe suffisamment large pour inclure l'octroi d'une couverture d'assurance par un assujetti qui n'est pas lui-même assureur, mais qui, dans le cadre d'une assurance collective, procure à ses clients une telle couverture en utilisant les prestations d'un assureur qui se charge du risque assuré.

39 Au point 21 de l'arrêt CPP, précité, la Cour a jugé qu'une société telle que Card Protection Plan Ltd, requérante au principal dans cette affaire, pouvait être considérée comme effectuant des opérations d'assurance exonérées dans la mesure où elle était le preneur d'une assurance collective dont ses clients étaient les assurés. Ce faisant, elle procurait à ses clients moyennant rétribution, en son nom propre et pour son propre compte, une couverture d'assurance en ayant recours à un assureur, la Continental Assurance Company of London. Au regard de la TVA, des prestations réciproques étaient donc convenues, d'une part, entre l'assureur Continental Assurance Company of London et Card Protection Plan Ltd et, d'autre part, entre Card Protection Plan Ltd et ses clients, ce qui impliquait une relation juridique entre cette dernière société, qui offrait la couverture d'un risque, et les assurés, à savoir ceux dont les risques étaient couverts par l'assurance.

40 Force est de constater que, dans le cadre de la coopération envisagée par Skandia et Livbolaget dans la présente affaire au principal, pareille relation juridique n'existerait pas entre Skandia et les clients de Livbolaget. En effet, Skandia n'entretiendrait aucune relation contractuelle avec les assurés de Livbolaget et n'assumerait aucun risque découlant des activités d'assurance, tous les risques reposant intégralement sur Livbolaget qui continuerait d'agir en qualité d'assureur au sens du droit civil suédois.

41 Or, conformément à la définition de l'opération d'assurance figurant au point 17 de l'arrêt CPP, précité, et rappelée au point 37 du présent arrêt, il apparaît que l'identité du destinataire de la prestation a une importance aux fins de la définition du type de services visé par l'article 13, B, sous a), de la sixième directive et qu'une opération d'assurance implique par nature l'existence d'une relation contractuelle entre le prestataire du service d'assurance et la personne dont les risques sont couverts par l'assurance, à savoir l'assuré.

42 Par ailleurs, le fait que l'article 13, B, sous a), de la sixième directive vise d'autres opérations que les opérations d'assurance, en l'occurrence les «prestations de services afférentes à ces opérations effectuées par les courtiers et les intermédiaires d'assurance», corrobore l'analyse selon laquelle l'opération d'assurance ne saurait être interprétée de façon large, comme englobant tous les services fournis entre compagnies d'assurances, ainsi que le préconise Skandia. Si la notion d'«opérations d'assurance» devait être interprétée en ce sens, les «prestations de services afférentes [aux] opérations [d'assurance]» seraient comprises dans la notion d'opération d'assurance, en sorte que la précision contenue dans l'article 13, B, sous a), serait dépourvue de toute utilité.

43 Il résulte des considérations qui précèdent qu'une forme de coopération consistant, pour une compagnie d'assurances, à prendre en charge, moyennant une rémunération calculée sur la base des prix du marché, l'activité d'une autre compagnie d'assurances sans en assumer les risques, cette dernière compagnie souscrivant les contrats d'assurance en son propre nom, ne constitue pas une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive. Une telle activité, rémunérée sur la base des prix du marché, constitue un service à titre onéreux au sens de l'article 2, point 1, de la sixième directive, soumis à ce titre à la TVA.

44 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la question préjudicielle que l'engagement d'une compagnie d'assurances d'exercer, en contrepartie d'une rémunération calculée sur la base des prix du marché, les activités d'une autre compagnie d'assurances, qui est sa filiale à 100 % et qui continuerait de conclure les contrats d'assurance en son propre nom, ne constitue pas une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

45 Les frais exposés par le gouvernement suédois et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Regeringsrätten, par ordonnance du 10 juin 1999, dit pour droit:

L'engagement d'une compagnie d'assurances d'exercer, en contrepartie d'une rémunération calculée sur la base des prix du marché, les activités d'une autre compagnie d'assurances, qui est sa filiale à 100 % et qui continuerait de conclure les contrats d'assurance en son propre nom, ne constitue pas une opération d'assurance au sens de l'article 13, B, sous a), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme.