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Avis juridique important

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61999J0294

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 4 octobre 2001. - Athinaïki Zythopoiia AE contre Elleniko Dimosio. - Demande de décision préjudicielle: Dioikitiko Protodikeio Athinon - Grèce. - Impôt sur les bénéfices des sociétés - Sociétés mères et filiales - Directive 90/435/CEE - Notion de retenue à la source. - Affaire C-294/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page I-06797


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


Rapprochement des législations - Régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents - Directive 90/435 - Exemption, dans l'État membre de la filiale, de la retenue à la source des bénéfices distribués à la société mère - Retenue à la source - Notion - Cas d'espèce

irective du Conseil 90/435, art. 5, § 1)

Sommaire


$$Il y a retenue à la source, au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, lequel prévoit l'exemption de la retenue à la source des bénéfices distribués par une filiale à sa société mère qui détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, lorsqu'une disposition de droit national prévoit, en cas de distribution de bénéfices par une filiale (société anonyme ou société similaire) à sa société mère, que, pour déterminer le revenu imposable de la filiale, doivent être réintégrés dans la base imposable les bénéfices nets totaux réalisés par celle-ci, y compris les revenus qui ont été soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale ainsi que les revenus non imposables, alors que les revenus relevant de ces deux catégories ne seraient pas imposables, sur le fondement de la législation nationale, s'ils étaient restés au sein de la filiale et n'avaient pas été distribués à la société mère.

En effet, une telle imposition a pour effet générateur le versement de dividendes et est directement fonction de l'importance de la distribution opérée.

( voir points 28, 33 et disp. )

Parties


Dans l'affaire C-294/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Dioikitiko Protodikeio Athinon (Grèce) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Athinaïki Zythopoiia AE

et

Elliniko Dimosio,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225, p. 6),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Athinaïki Zythopoiia AE, par Mes I. Stavropoulos et N. Skandamis, dikigoroi,

- pour le gouvernement hellénique, par Mmes G. Alexaki et K. Grigoriou, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes H. Michard et M. Patakia, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales d'Athinaïki Zythopoiia AE, représentée par Mes I. Stavropoulos et N. Skandamis, du gouvernement hellénique, représenté par Mme G. Alexaki et par M. V. Kyriazopoulos, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mmes H. Michard et M. Patakia, à l'audience du 28 mars 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par ordonnance du 26 juillet 1999, parvenue à la Cour le 5 août suivant, le Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d'Athènes) a posé, en application de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225, p. 6, ci-après la «directive»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un recours introduit par la société Athinaïki Zythopoiia AE, requérante au principal, contre le rejet implicite par le chef du service de perception d'Athènes de la réclamation que cette société avait introduite quant à l'imposition de ses revenus.

La directive

3 La directive constitue l'un des trois instruments adoptés le 23 juillet 1990 en vue d'éliminer certains obstacles fiscaux aux regroupements de sociétés d'États membres différents. Les autres instruments sont la directive 90/434/CEE du Conseil concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents (JO L 225, p. 1) et la convention 90/436/CEE relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (JO L 225, p. 10).

4 Conformément à son premier considérant, la directive vise à instaurer des règles fiscales neutres au regard de la concurrence «afin de permettre aux entreprises de s'adapter aux exigences du marché commun, d'accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international». Aux termes de son troisième considérant, elle cherche, en particulier, à éliminer les désavantages fiscaux subis par les groupes de sociétés d'États membres différents par rapport aux groupes de sociétés d'un même État membre.

5 La nécessité de la directive résulte de la double imposition à laquelle peuvent être soumis des groupes de sociétés établis dans plusieurs États.

6 Sous réserve d'exemption particulière accordée par les États soit unilatéralement, soit en vertu de conventions bilatérales, les bénéfices réalisés par une filiale sont susceptibles d'être imposés à la fois dans l'État de la filiale, en tant que revenus d'exploitation de celle-ci, et dans l'État de la société mère, en tant que dividendes.

7 Pour éviter la fraude et simplifier la perception de l'impôt sur les dividendes, les États recourent souvent à la technique de la retenue à la source. Dans ce cas, la société distribuant des dividendes doit en retenir une partie, qu'elle verse aux autorités fiscales. Le montant ainsi retenu sera imputable sur la dette fiscale globale des actionnaires résidant dans l'État où est établie cette société. Par contre, lorsqu'elles portent sur des dividendes distribués à des actionnaires résidant dans un autre État, les retenues représentent la perception à la charge de ceux-ci d'un impôt supplémentaire par l'État où est établie la société et l'État de résidence de ces actionnaires peut ne pas en tenir compte lorsqu'il impose leurs revenus.

8 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive se lit comme suit:

«Chaque État membre applique la présente directive:

- aux distributions de bénéfices reçues par des sociétés de cet État et provenant de leurs filiales d'autres États membres,

- aux distributions de bénéfices effectuées par des sociétés de cet État à des sociétés d'autres États membres dont elles sont les filiales.»

9 L'article 5, paragraphe 1, de la directive, qui est la disposition au coeur de l'affaire au principal, dispose:

«Les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère sont, au moins lorsque celle-ci détient une participation minimale de 25 % dans le capital de la filiale, exemptés de retenue à la source.»

10 L'article 7, paragraphe 1, de la directive précise comme suit la portée de la notion de «retenue à la source»:

«L'expression retenue à la source utilisée dans la présente directive ne comprend pas le paiement anticipé ou préalable (précompte) de l'impôt sur les sociétés à l'État membre où est située la filiale, effectué en liaison avec la distribution des bénéfices à la société mère.»

11 L'article 4, paragraphe 1, de la directive se lit comme suit:

«Lorsqu'une société mère reçoit, à titre d'associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de celle-ci, l'État de la société mère:

- soit s'abstient d'imposer ces bénéfices,

- soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l'impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l'État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l'article 5, dans la limite du montant de l'impôt national correspondant.»

12 L'article 7, paragraphe 2, de la directive prévoit:

«La présente directive n'affecte pas l'application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d'impôts aux bénéficiaires de dividendes.»

La législation nationale

13 Aux termes de l'article 99, paragraphe 1, de la loi hellénique n° 2238/94 relative au code de l'impôt sur le revenu (ci-après le «code de l'impôt sur le revenu»):

«L'impôt frappe:

a) s'agissant, de manière générale, des sociétés anonymes grecques, [...] le revenu ou le bénéfice net total acquis en Grèce ou à l'étranger. Les bénéfices distribués correspondent aux bénéfices restant après déduction de l'impôt sur le revenu correspondant [...]

Pour déterminer la fraction des bénéfices correspondant aux revenus non imposables ou aux revenus soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale, les bénéfices nets globaux sont ventilés proportionnellement au montant des revenus imposables et des revenus non imposables ou des revenus soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale. En outre, en cas de distribution de bénéfices, on ajoute au bénéfice, ainsi obtenu, la partie des bénéfices non imposables ou des bénéfices soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale qui correspond aux bénéfices distribués, de quelque manière que ce soit, après avoir transformé ce montant en un montant brut par l'adjonction de l'impôt y afférent.

[...]»

14 L'article 106 du code de l'impôt sur le revenu, dont les paragraphes 2 et 3 sont considérés comme incompatibles avec la directive par la requérante au principal, se lit comme suit:

«1. Lorsque les revenus des personnes morales visées à l'article 101, paragraphe 1, [du présent code] comprennent également des dividendes ou des bénéfices résultant de la participation à d'autres sociétés, dont les bénéfices ont été imposés conformément aux dispositions du présent article ou de l'article 10, ces revenus sont déduits des bénéfices nets totaux en vue du calcul des bénéfices imposables de la personne morale. Par contre, au cas où les bénéfices nets d'une société anonyme grecque, d'une société à responsabilité limitée ou d'une coopérative comprennent également, outre les dividendes et les bénéfices provenant d'une participation à d'autres sociétés, visées ci-dessus, des revenus soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale, ou des revenus non imposables, et qu'une distribution des bénéfices a en outre eu lieu, pour déterminer les bénéfices distribués correspondant aux revenus visés par les dispositions des paragraphes 2 et 3 du présent article, les bénéfices nets totaux résultant des bilans de ces personnes morales sont pris en considération.

2. Si des revenus non imposables sont également compris dans les bénéfices nets résultant des bilans de coopératives, de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés anonymes grecques, à l'exception des établissements bancaires et des compagnies d'assurances, on ajoute à ceux-ci, pour déterminer les bénéfices imposables de la personne morale, la fraction des revenus non imposables correspondant aux bénéfices distribués, sous quelque forme que ce soit, après transformation, par l'ajout de l'impôt correspondant, du montant ainsi obtenu en montant brut [...]

3. Les dispositions visées au paragraphe précédent s'appliquent également en cas de distribution des bénéfices par des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes grecques, à l'exception des établissements bancaires et des compagnies d'assurances, et par des coopératives, dont les bénéfices comprennent également des bénéfices calculés ou imposés, selon des modalités spéciales, pour leur propre compte.»

15 Il découle des articles 99 et 106 du code de l'impôt sur le revenu que, lorsqu'une société anonyme de droit hellénique disposant, parmi ses revenus bruts, de revenus non imposables ou de revenus soumis à une imposition spéciale, c'est-à-dire à une imposition réduite, distribue des bénéfices, ceux-ci sont réputés provenir proportionnellement de ces revenus. En conséquence, pour déterminer la base imposable, les revenus non imposables et les revenus soumis à une imposition spéciale sont réincorporés dans l'assiette à due concurrence, après avoir été convertis en montants bruts.

La convention relative à la double imposition conclue par la République hellénique et le royaume des Pays-Bas

16 La République hellénique et le royaume des Pays-Bas ont signé à Athènes, le 16 juillet 1981, une convention relative à la double imposition. L'article 10, paragraphes 1 et 2, de cette convention est rédigé comme suit:

«1. Les dividendes payés par une société établie dans l'un des États contractants à un résident de l'autre État sont imposables dans cet autre État.

2. Toutefois, ces dividendes sont également imposables dans l'État du siège de la société qui les paye, conformément à la législation de cet État, étant donné que, lorsque le destinataire est le bénéficiaire, l'imposition ne doit pas excéder:

a) [...]

b) pour ce qui est des dividendes versés par une société établie en Grèce à un résident aux Pays-Bas: 35 % du montant brut des dividendes.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

17 La requérante au principal est une société anonyme de droit hellénique qui a comme objet principal la production et le négoce de produits de brasserie. La société néerlandaise Amstel International participe à son capital social à raison de 92,17 %.

18 La juridiction de renvoi indique que la requérante au principal a, dans sa déclaration relative à l'exercice fiscal 1996, fait état d'un montant d'impôt sur le revenu de 7 026 210 797 GRD. Ce montant incluait une somme de 794 291 553 GRD, qui se rapportait à des revenus non imposables et à des revenus soumis à une imposition spéciale, en application de l'article 106, paragraphes 2 et 3, du code de l'impôt sur le revenu.

19 Sur ce total d'impôts supplémentaires de 794 291 553 GRD, la requérante au principal a réclamé le remboursement de 738 384 406 GRD. À l'appui de cette réclamation, elle a fait valoir que les dispositions de l'article 106, paragraphes 2 et 3, du code de l'impôt sur le revenu prévoient un type d'imposition qui, du seul fait qu'il est lié à la distribution de bénéfices, constitue une retenue à la source prohibée par l'article 5, paragraphe 1, de la directive.

20 Le chef du service de perception d'Athènes chargé des sociétés anonymes n'ayant pas réagi dans le délai légal de trois mois, cette réclamation est réputée avoir été rejetée implicitement.

21 Aussi la requérante au principal a-t-elle introduit devant le Dioikitiko Protodikeio Athinon un recours visant à faire annuler le rejet implicite de sa réclamation et à obtenir le remboursement d'un montant de 738 384 406 GRD.

22 C'est dans ces conditions que le Dioikitiko Protodikeio Athinon a sursis à statuer et a adressé à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Y a-t-il retenue à la source au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, lorsqu'une disposition de droit national prévoit, en cas de distribution de bénéfices par une filiale (société anonyme ou société similaire) à sa société mère, que, pour déterminer le bénéfice imposable de la filiale, on prend en considération les bénéfices nets totaux réalisés par celle-ci, y compris les revenus qui ont été soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale ainsi que les revenus non imposables, alors que ces deux catégories de revenus ne seraient pas imposables, sur le fondement de la législation nationale, s'ils étaient restés au sein de la filiale et n'avaient pas été distribués à la société mère?»

Sur la question préjudicielle

23 Le gouvernement hellénique fait valoir que le seul objectif de la directive est d'éviter la double imposition. La directive ne prévoirait pas d'exonération d'impôt. L'article 4 de la directive supposerait, en effet, une imposition de la filiale et l'article 5, paragraphe 1, de la directive n'exclurait la retenue à la source qu'au moment de la distribution des bénéfices.

24 À cet égard, le gouvernement hellénique soutient que les dispositions en cause au principal ne correspondent pas à une retenue à la source, mais relèvent de l'imposition du revenu de la filiale. Le mode d'imposition des bénéfices distribués qui est prévu à l'article 106, paragraphes 2 et 3, du code de l'impôt sur le revenu n'aurait aucun rapport, en effet, avec la retenue à la source interdite par la directive. Peu importerait que le versement de l'impôt ait lieu au moment de la distribution des bénéfices à la société mère, dès lors que ces bénéfices sont imposés au nom de la filiale.

25 À titre liminaire, il convient de rappeler que la directive, ainsi qu'il ressort notamment de son troisième considérant, vise à éliminer, par l'instauration d'un régime fiscal commun, toute pénalisation de la coopération entre sociétés d'États membres différents par rapport à la coopération entre sociétés d'un même État membre et à faciliter ainsi le regroupement de sociétés à l'échelle communautaire. Afin d'éviter la double imposition, l'article 5, paragraphe 1, de la directive prévoit l'exemption de la retenue à la source dans l'État de la filiale lors de la distribution des bénéfices (arrêt du 17 octobre 1996, Denkavit e.a., C-283/94, C-291/94 et C-292/94, Rec. p. I-5063, point 22).

26 Afin d'apprécier si l'imposition des bénéfices distribués au titre de la législation hellénique en cause au principal relève de l'article 5, paragraphe 1, de la directive, il convient, d'une part, de se référer au libellé de cette disposition et de constater que les termes «retenue à la source» qui y figurent ne sont pas limités à certains types d'impositions nationales précises (voir arrêt du 8 juin 2000, Epson Europe, C-375/98, Rec. p. I-4243, point 22).

27 D'autre part, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, la qualification d'une imposition, d'une taxe, d'un droit ou d'un prélèvement au regard du droit communautaire incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l'imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée en droit national (voir, notamment, arrêt du 13 février 1996, Bautiaa et Société française maritime, C-197/94 et C-252/94, Rec. p. I-505, point 39).

28 Il résulte de l'ordonnance de renvoi et des observations présentées en application de l'article 20 du statut CE de la Cour de justice que l'imposition en cause au principal, décrite aux points 13 à 15 du présent arrêt, a pour fait générateur le versement de dividendes. En outre, l'imposition est directement fonction de l'importance de la distribution opérée.

29 Contrairement à ce que soutient le gouvernement hellénique, elle ne saurait être assimilée à un payement anticipé ou préalable (précompte) de l'impôt sur les sociétés à l'État membre où est située la filiale, effectué en liaison avec la distribution des bénéfices à la société mère, au sens de l'article 7, paragraphe 1, de la directive. L'imposition en cause au principal porte, en effet, sur des revenus qui ne sont taxés qu'en cas de distribution de dividendes et dans la limite des dividendes versés. Une preuve en est que, comme l'ont souligné la requérante au principal et la Commission, la filiale ne peut compenser l'élargissement de sa base imposable généré, conformément à l'article 106, paragraphes 2 et 3, du code de l'impôt sur les revenus, par la distribution de bénéfices avec un revenu négatif qu'elle aurait réalisé au cours d'exercices antérieurs, contrairement au principe fiscal du report des pertes qui est pourtant consacré par le droit hellénique.

30 Le gouvernement hellénique se prévaut également de la convention relative à la double imposition conclue par la République hellénique et le royaume des Pays-Bas pour justifier l'imposition en Grèce des dividendes résultant de la participation de sociétés étrangères dans des sociétés helléniques. Selon lui, une telle convention est autorisée par l'article 7, paragraphe 2, de la directive.

31 Il suffit de relever à cet égard que, bien loin de supprimer ou d'atténuer la double imposition de dividendes, comme le permettrait l'article 7, paragraphe 2, de la directive, la convention entre la République hellénique et le royaume des Pays-Bas organise une telle double imposition. D'une part, l'article 10, paragraphe 1, de cette convention habilite l'État de résidence de l'actionnaire à imposer les dividendes distribués. D'autre part, l'article 10, paragraphe 2, de ladite convention autorise l'État du siège de la société distributrice à les imposer également, à un taux ne devant toutefois pas excéder 35 % pour ce qui est des dividendes versés par une société établie en Grèce à un actionnaire résidant aux Pays-Bas.

32 Pour le reste, lorsque la dérogation visée à l'article 7, paragraphe 2, de la directive n'est pas applicable, les droits découlant pour les opérateurs économiques de l'article 5, paragraphe 1, de la directive sont inconditionnels et un État membre ne saurait faire dépendre leur respect d'une convention conclue avec un autre État membre (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 26).

33 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la juridiction de renvoi qu'il y a retenue à la source, au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la directive, lorsqu'une disposition de droit national prévoit, en cas de distribution de bénéfices par une filiale (société anonyme ou société similaire) à sa société mère, que, pour déterminer le bénéfice imposable de la filiale, doivent être réintégrés dans la base imposable les bénéfices nets totaux réalisés par celle-ci, y compris les revenus qui ont été soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale ainsi que les revenus non imposables, alors que les revenus relevant de ces deux catégories ne seraient pas imposables, sur le fondement de la législation nationale, s'ils étaient restés au sein de la filiale et n'avaient pas été distribués à la société mère.

Sur les effets du présent arrêt dans le temps

34 Au cours de la procédure orale, le représentant du gouvernement hellénique a demandé que, dans l'hypothèse où il serait constaté que le droit communautaire s'oppose à une imposition du type de celle en cause au principal, la Cour limite les effets de son arrêt dans le temps. Il a invoqué, à cet effet, le coût important qu'occasionnerait la restitution des impôts indûment prélevés.

35 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 234 CE, l'interprétation par la Cour d'une disposition de droit communautaire éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de son entrée en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies (voir arrêts du 27 mars 1980, Denkavit italiana, 61/79, Rec. p. 1205, point 16, et Bautiaa et Société française maritime, précité, point 47).

36 Eu égard à ces principes, une limitation des effets d'un arrêt statuant sur une demande d'interprétation doit rester tout à fait exceptionnelle. En effet, la Cour n'a eu recours à cette solution que dans des circonstances bien précises. Tel a été le cas lorsqu'il existait un risque de répercussions économiques graves, dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base d'une réglementation considérée comme étant validement en vigueur, et qu'il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à un comportement non conforme à la réglementation communautaire, en raison d'une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions communautaires, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d'autres États membres ou par la Commission (voir arrêt Bautiaa et Société française maritime, précité, point 48).

37 Dans la présente affaire, il n'existe aucun élément de nature à justifier une dérogation au principe selon lequel les effets d'un arrêt d'interprétation remontent à la date de l'entrée en vigueur de la règle interprétée.

38 En premier lieu, le gouvernement hellénique n'a pas démontré que, à l'époque à laquelle les dispositions nationales prévoyant l'imposition en cause au principal ont été adoptées, le droit communautaire pouvait être raisonnablement compris comme autorisant une telle imposition.

39 En second lieu, l'argument tenant à l'importance du préjudice financier que le gouvernement hellénique aurait à subir ne peut être retenu. Les conséquences financières qui pourraient découler pour un gouvernement de l'illégalité d'une taxe ou d'un impôt n'ont jamais justifié, par elles-mêmes, la limitation des effets d'un arrêt de la Cour. Au demeurant, s'il en était autrement, les violations les plus graves seraient traitées plus favorablement, dans la mesure où ce sont elles qui sont susceptibles d'avoir les implications financières les plus importantes pour les États membres (voir arrêt du 11 août 1995, Roders e.a., C-367/93 à C-377/93, Rec. p. I-2229, point 48). Limiter les effets d'un arrêt en s'appuyant uniquement sur ce type de considérations aboutirait en outre à réduire de façon substantielle la protection juridictionnelle des droits que les contribuables tirent de la réglementation fiscale communautaire (voir arrêt Bautiaa et Société française maritime, précité, point 55).

40 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

41 Les frais exposés par le gouvernement hellénique et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Dioikitiko Protodikeio Athinon, par ordonnance du 26 juillet 1999, dit pour droit:

Il y a retenue à la source, au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, lorsqu'une disposition de droit national prévoit, en cas de distribution de bénéfices par une filiale (société anonyme ou société similaire) à sa société mère, que, pour déterminer le bénéfice imposable de la filiale, doivent être réintégrés dans la base imposable les bénéfices nets totaux réalisés par celle-ci, y compris les revenus qui ont été soumis à une imposition spéciale entraînant l'extinction de la dette fiscale ainsi que les revenus non imposables, alors que les revenus relevant de ces deux catégories ne seraient pas imposables, sur le fondement de la législation nationale, s'ils étaient restés au sein de la filiale et n'avaient pas été distribués à la société mère.