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Affaire C-428/02


Fonden Marselisborg Lystbådehavn
contre
Skatteministeriet



et



SkatteministerietcontreFonden Marselisborg Lystbådehavn



(demande de décision préjudicielle, introduite par le Vestre Landsret)

«Sixième directive TVA – Article 13, B, sous b) – Exonérations – Location de biens immeubles – Locations d'emplacement pour le stationnement des véhicules – Emplacements pour bateaux sur l'eau – Entreposage à terre de bateaux»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 14 octobre 2004
    
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 3 mars 2005
    

Sommaire de l'arrêt

1.Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Exonérations prévues par la sixième directive – Exonération de la location de biens immeubles – Notion – Location d'emplacements pour bateaux sur l'eau et à terre
(Directive du Conseil 77/388, art. 13, B, b))

2.Dispositions fiscales – Harmonisation des législations – Taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Exonérations prévues par la sixième directive – Exonération de la location de biens immeubles – Exception visant les locations d'emplacements pour le stationnement de véhicules – Notion de véhicules – Tous moyens de transport, y compris les bateaux
(Directive du Conseil 77/388, art. 13, B, b), point 2)

1.L’article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 92/111, doit être interprété en ce sens que la notion de location de biens immeubles englobe la location d’emplacements prévus pour l’amarrage de bateaux sur l’eau, ainsi que d’emplacements pour l’entreposage de ces bateaux à terre dans l’aire portuaire. S’agissant plus particulièrement des premiers, un emplacement dans un bassin portuaire répond à la définition de bien immeuble au sens de la disposition en cause, dans la mesure où la location ne porte pas sur une quelconque quantité d’eau, mais sur une portion déterminée dudit bassin, qui est délimitée de manière permanente et ne peut être déplacée.

(cf. points 34-36, disp. 1)

2.L’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive 77/388, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, telle que modifiée par la directive 92/111, qui exclut de l’exception à l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée la location d’emplacements pour le stationnement de véhicules, doit être interprété en ce sens que la notion de «véhicules» employée dans cette disposition englobe tous les moyens de transport, y compris les bateaux.

(cf. points 44, 46-47, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
3 mars 2005(1)

«Sixième directive TVA – Article 13, B, sous b) – Exonérations – Location de biens immeubles – Locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules – Emplacementspour bateaux sur l’eau – Entreposage à terre de bateaux»

Dans l'affaire C-428/02,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, introduite par le Vestre Landsret (Danemark), par décision du 15 novembre 2002, parvenue à la Cour le 26 novembre 2002, dans la procédure

Fonden   Marselisborg   Lystbådehavn  

et

Skatteministeriet

Skatteministeriet ,

et

Fonden Marselisborg Lystbådehavn,



LA COUR (troisième chambre),,



composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, J.-P. Puissochet, J. Malenovský et U. Lõhmus (rapporteur), juges,

avocat général: M me J. Kokott,
greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du
23 septembre 2004,
considérant les observations présentées:

– pour la Fonden Marselisborg Lystbådehavn, par M es L. Henriksen et M. Andersen, advokaterne,

– pour le Skatteministeriet et le gouvernement danois, par M. J. Molde, en qualité d'agent, assisté de M e P. Biering, advokat,

– pour le gouvernement hellénique, par MM. M. Apessos et K. Georgiadis, en qualité d'agents,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. E. Traversa et T. Fich, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 octobre 2004,

rend le présent



Arrêt



1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 92/111/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992 (JO L 384, p. 47, ci-après la «sixième directive»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant respectivement la Fonden Marselisborg Lystbådehavn [fondation du port de plaisance de Marselisborg (Danemark), ci-après la «FML»] au Skatteministeriet (ministère des Impôts danois) et ce dernier à la FML au sujet de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») d’opérations de location, dans un port de plaisance, d’emplacements sur l’eau ainsi que de places d’hivernage à terre concernant des bateaux de plaisance.


Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Selon son onzième considérant, la sixième directive vise, notamment, à établir une liste commune d’exonérations de la TVA en vue d’une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres.

4 L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

5 L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive prévoit:

«1.     Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.       Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.»

6 L’article 13, B, sous b), de la sixième directive, qui figure sous le titre X de celle-ci, intitulé «Exonérations», dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

b)l’affermage et la location de biens immeubles, à l’exception:

1.des opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper;

2.des locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules;

3.des locations d’outillages et de machines fixés à demeure;

4.des locations de coffres-forts.

Les États membres ont la faculté de prévoir des exclusions supplémentaires au champ d’application de cette exonération;

[…]»

La réglementation nationale

7 L’article 13, paragraphe 1, point 8, de la momsloven (loi relative à la TVA) dispose:

«Les marchandises et prestations suivantes sont exonérées de TVA:

[...]

8)L’administration, la location et l’affermage de biens immeubles ainsi que la fourniture de gaz, d’eau, d’électricité et de chauffage liée à la location ou à l’affermage. L’exonération ne couvre cependant pas la location de chambres dans des hôtels ou des établissements assimilés, la location de chambres dans des établissements qui louent pour une durée inférieure à un mois, la location de places de camping, de parking ou d’emplacements publicitaires ainsi que la location de consignes.»


Le litige au principal et les questions préjudicielles

8 La gestion du port de plaisance de Marselisborg est confiée à la FML. Cette institution autonome a notamment pour activité la location d’emplacements pour bateaux sur l’eau et de places à terre pour l’hivernage de ceux-ci.

9 Un emplacement pour bateaux sur l’eau peut être loué soit pour une année, soit sur une base mensuelle, soit encore pour une période plus courte, c’est-à-dire pour un ou plusieurs jours.

10 En cas de location à l’année, le locataire acquiert le droit d’utiliser un emplacement fixe et délimité ainsi que celui d’utiliser les facilités communes du port, telles que les toilettes et les douches. Les emplacements sont adaptés aux bateaux en fonction de leur taille. Chacun d’eux est doté d’un numéro individuel et il est marqué par des pieux ou des perches à flotteurs ou par un pont flottant avec des perches à flotteurs. Lorsque le locataire d’un tel emplacement ne souhaite pas utiliser celui-ci pendant une période supérieure à 24 heures, il est mis à la disposition de visiteurs sans compensation.

11 Les locataires à long terme d’emplacements pour bateaux avec droit de place à terre doivent acquitter une taxe de location annuelle et effectuer un dépôt qui est calculé en fonction, notamment, de la taille du bateau. En revanche, aucun dépôt n’est exigé lors de la location d’un emplacement sur l’eau sans droit à une place à terre. Néanmoins, le loyer annuel est plus élevé dans cette dernière situation.

12 En cas de location sur une base mensuelle, un loyer est perçu chaque mois, mais aucun dépôt n’est exigé. Le locataire se voit garantir en principe un emplacement numéroté, délimité et adapté à son bateau.

13 La location à court terme est prévue pour les visiteurs, qui ne reçoivent que des emplacements dans le port pour un ou plusieurs jours. Aucun dépôt n’est exigé pour ce type de location.

14 Quant à la location de places à terre, elle permet à l’usager d’acquérir le droit d’utiliser un certain emplacement destiné à l’hivernage de son bateau. Cet emplacement consiste en un ber, c’est-à-dire une structure sur laquelle le bateau est déposé, qui est numéroté, le locataire pouvant y accéder librement pour surveiller et préparer son bateau.

15 Le litige au principal résulte du fait que, en réponse à une demande adressée en 1999 par la FML à l’autorité fiscale régionale de Århus (Danemark), cette dernière a considéré que les revenus tirés de l’activité de location d’emplacements pour bateaux étaient soumis à la TVA. La FML a contesté cette décision devant le Landsskatteret (Danemark).

16 Dans son ordonnance du 6 décembre 2000, cette juridiction a jugé que la location d’emplacements pour bateaux sur l’eau ne pouvait pas bénéficier de l’exonération de la TVA prévue à l’article 13, paragraphe 1, point 8, de la momsloven, au motif que cette activité ne pouvait pas être considérée comme une location de biens immeubles. Le Landsskatteret a estimé que le propriétaire du bateau ne loue pas une superficie délimitée et identifiable, ou une partie d’un immeuble, mais acquiert uniquement un droit d’usage consistant à disposer d’un emplacement sur l’eau pour son bateau dans le port.

17 En revanche, en ce qui concerne l’entreposage du bateau pour l’hiver, le Landsskatteret a jugé que cette activité n’est pas assujettie à la TVA, car elle peut être qualifiée de «location de biens immeubles» au sens de l’article 13, paragraphe 1, point 8, de la momsloven. Il a en effet considéré que le propriétaire d’un bateau loue, pour un prix déterminé en proportion de la surface occupée, une aire délimitée et identifiable où il peut librement venir pendant la saison d’hiver. Selon cette juridiction, une telle location n’est pas couverte par la disposition dérogatoire concernant les «locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules», car les bateaux ne rentrent pas dans la notion de «véhicules» au sens de l’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive.

18 Tant la FML que le Skatteministeriet ont introduit un recours contre ladite ordonnance du Landsskatteret devant le Vestre Landsret. Celui-ci, estimant que la solution du litige dont il est saisi nécessite l’interprétation de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)     L’article 13, B, sous b), de la sixième directive TVA […] doit-il être interprété en ce sens que la notion de ‘ location de biens immeubles ’ comporte la location d’un emplacement pour bateaux, qui consiste en une partie à terre de l’aire portuaire, ainsi qu’un emplacement délimité et identifiable sur l’eau?

2)       L’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que la notion de ‘ véhicules ’ couvre les bateaux?»


Sur la première question

19 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si l’article 13, B, sous b), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la notion de location de biens immeubles englobe la location d’emplacements prévus pour l’amarrage de bateaux sur l’eau ainsi que d’emplacements pour l’entreposage de ces bateaux à terre dans l’aire portuaire.

Observations soumises à la Cour

20 La FML soutient que son activité de location d’emplacements pour bateaux ainsi que de places à terre pour l’hivernage de ceux-ci répond aux conditions fixées par la jurisprudence de la Cour pour constituer une location de biens immeubles au sens de la sixième directive. En effet, selon elle, son activité donne lieu au paiement d’un loyer, l’emplacement est loué pour une période contractuelle concrète et cette location entraîne le transfert au locataire des droits d’utiliser la propriété ainsi que d’en exclure les tiers.

21 En ce qui concerne la nature de l’objet loué, elle fait valoir que les installations portuaires constituent des constructions fixes qui ne peuvent être facilement démontées ou déplacées.

22 Le gouvernement danois estime que la location d’emplacements pour bateaux ne saurait être considérée comme une location de biens immeubles au sens de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, car les dérogations prévues à cet article doivent être interprétées strictement.

23 Selon ce gouvernement, même si les installations portuaires peuvent être qualifiées d’«immeubles», terme qui constitue l’élément essentiel pour analyser la notion de «biens immeubles» au sens de la sixième directive, l’utilisation des ces installations lors de l’amarrage ne constitue qu’une prestation accessoire qui, sur le plan fiscal, doit être traitée de la même manière que la prestation principale, c’est-à-dire l’attribution aux propriétaires de bateaux d’une place sur l’eau dans le port. Or, cette dernière ne remplirait pas les conditions pour relever de la notion de biens immeubles.

24 En revanche, la location d’un emplacement clairement délimité à terre à un propriétaire de bateau pour entreposer celui-ci durant l’hiver devrait être qualifiée de location d’un bien immeuble au sens de la sixième directive.

25 Le gouvernement hellénique considère, à l’instar du gouvernement danois, que la notion de «location de biens immeubles» ne vise pas un emplacement délimité et identifiable sur l’eau, mais couvre la location de places à terre pour l’hivernage des bateaux.

26 La Commission des Communautés européennes fait valoir qu’il ressort de l’interprétation très large des termes «l’affermage et la location de biens immeubles» donnée par la Cour que la location d’une partie d’une aire portuaire à sec, destinée à l’hivernage des bateaux, constitue incontestablement une location de bien immeuble au sens de la sixième directive. Par ailleurs, la location d’un emplacement sur l’eau ne saurait être traitée différemment en fonction de l’existence de particularités techniques, telles que l’amarrage du bateau à une bouée ou à un pont flottants plutôt que l’ancrage dans le fond marin ou l’amarrage à un duc-d’Albe enfoui dans le sol.

Réponse de la Cour

27 Selon une jurisprudence constante, les exonérations prévues à l’article 13 de la sixième directive constituent des notions autonomes du droit communautaire qui doivent dès lors recevoir une définition communautaire (voir arrêts du 12 septembre 2000, Commission/Irlande, C-358/97, Rec. p. I-6301, point 51; du 16 janvier 2003, Maierhofer, C-315/00, Rec. p. I-563, point 25; du 12 juin 2003, Sinclair Collis, C-275/01, Rec. p. I-5965, point 22, et du 18 novembre 2004, Temco Europe, C-284/03, non encore publié au Recueil, point 16).

28 En l’absence d’une définition de la notion de «location de biens immeubles» à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, il y a lieu d’interpréter cette disposition à la lumière du contexte dans lequel elle s’inscrit, des finalités et de l’économie de cette directive, en tenant particulièrement compte de la ratio legis de l’exonération qu’elle prévoit (voir, en ce sens, arrêt Temco Europe, précité, point 18).

29 À cet égard, étant donné que les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti, elles sont d’interprétation stricte (voir, notamment, arrêts Commission/Irlande, précité, point 52; du 12 septembre 2000, Commission/Royaume-Uni, C-359/97, Rec. p. I-6355, point 64, et Sinclair Collis, précité, point 23).

30 Dans de nombreux arrêts, la Cour a défini la location de biens immeubles, au sens de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, comme le droit donné par le propriétaire d’un immeuble au locataire, contre rémunération et pour une durée convenue, d’occuper cet immeuble et d’exclure toute autre personne du bénéfice d’un tel droit (voir, en ce sens, arrêts Commission/Irlande, précité, points 52 à 57; du 9 octobre 2001, Mirror Group, C-409/98, Rec. p. I-7175, point 31; du 4 octobre 2001, «Goed Wonen», C-326/99, Rec. p I-6831, point 55, et Temco Europe, précité, point 19).

31 Dans l’affaire au principal, il est constant que les rapports entre la FML et les usagers des emplacements à terre, qui ont pour une certaine durée l’usage exclusif des emplacements qui leur sont attribués, relèvent de la notion de location au sens de ladite disposition. Il en est de même s’agissant des rapports entre la FML et les usagers des emplacements sur l’eau même si à titre occasionnel, un tel emplacement peut être provisoirement occupé par un bateau autre que celui du titulaire de cet emplacement lorsque ce dernier n’en a pas l’usage pour son propre bateau. Un tel usage occasionnel ne portant pas préjudice au titulaire ne peut en effet être considéré comme dénaturant la relation de celui-ci avec le gestionnaire du port.

32 Dès lors, pour répondre à la première question, il reste à établir si, respectivement, des emplacements pour bateaux à terre et des emplacements pour bateaux sur l’eau doivent être considérés comme des biens immeubles.

33 S’agissant des emplacements à terre, il y a lieu de constater que le sol utilisé pour l’entreposage des bateaux est un bien immeuble.

34 Quant aux emplacements sur l’eau, il ressort de la décision de renvoi que la FML est propriétaire du terrain et du bassin portuaires. Le fait que ce terrain est en tout ou en partie immergé ne s’oppose pas à sa qualification de bien immeuble pouvant faire l’objet de location ou d’affermage. En tant que propriétaire, la FML peut mettre en concession ce terrain dans son ensemble, y compris les parties délimitées de celui-ci. La location ne porte toutefois pas sur une quelconque quantité d’eau, mais sur une portion déterminée dudit bassin. Cette surface recouverte d’eau est délimitée de manière permanente et ne peut être déplacée.

35 Par conséquent, comme le relève également M me l’avocat général au point 32 de ses conclusions, même au regard d’une interprétation stricte de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, un emplacement dans un bassin portuaire répond à la définition de bien immeuble au sens de cette disposition.

36 Il convient dès lors de répondre à la première question que l’article 13, B, sous b), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la notion de location de biens immeubles englobe la location d’emplacements prévus pour l’amarrage de bateaux sur l’eau ainsi que d’emplacements pour l’entreposage de ces bateaux à terre dans l’aire portuaire.


Sur la seconde question

37 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si la notion de «véhicules» figurant à l’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive englobe les bateaux.

Observations soumises à la Cour

38 La FML fait valoir qu’il ressort des articles 15, point 2, 28 bis, point 2, sous a), et 28 quindecies, point 4, sous b) et c), de la sixième directive que le législateur communautaire fait une distinction entre les termes «moyens de transport» et «véhicules». Lorsqu’une disposition couvre toute forme de moyens de transport, c’est-à-dire les aéronefs, les véhicules à moteur, les bateaux, etc., l’expression «moyens de transport» serait utilisée. En revanche, la notion de «véhicules» serait employée seulement pour couvrir les moyens de transport terrestres qui sont en état de rouler. La notion de «véhicules» visée à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive ne couvrirait donc que les moyens de transport terrestres et, partant, il y aurait lieu de répondre de manière négative à la seconde question.

39 Les gouvernements danois et hellénique considèrent que la notion de «véhicules» ne doit pas être interprétée strictement. Cette notion devrait donc couvrir tout ce qui peut transporter une personne d’un point à un autre, y compris les bateaux.

40 La Commission soutient également que, nonobstant les divergences terminologiques entre les différentes versions linguistiques de l’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive, le terme «véhicules» est en réalité utilisé de manière cohérente dans l’ensemble de celle-ci et englobe les moyens de transport au sens large, y compris les bateaux. Une interprétation contraire aurait des conséquences illogiques, qui seraient incompatibles avec le principe de neutralité fiscale.

Réponse de la Cour

41 Les termes utilisés dans les différentes versions linguistiques dudit article 13, B, sous b), point 2, pour dénommer la notion de «véhicules» ne sont pas cohérents. Ainsi que la Commission le relève à juste titre, certaines versions linguistiques, au nombre desquelles figurent les versions française, anglaise, italienne, espagnole, portugaise, allemande et finnoise, englobent dans cette notion les moyens de transport en général, y compris les aéronefs et les bateaux. En revanche, d’autres versions, telles que les versions danoise, suédoise, néerlandaise et grecque, ont choisi un terme plus précis et ayant une signification plus restreinte, qui sert à désigner principalement des «moyens de transport terrestres». Plus particulièrement, le terme danois «kjøretøjer» se référerait à des moyens de transport terrestres sur roues.

42 À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’une disposition communautaire, celle-ci doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle fait partie (voir, notamment, arrêts du 27 mars 1990, Cricket St Thomas, C-372/88, Rec. p. I-1345, point 19, et du 14 septembre 2000, D., C-384/98, Rec. p. I-6795, point 16).

43 Or, s’agissant de la location d’emplacements pour le stationnement des véhicules, l’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive introduit une exception à l’exonération prévue à cet article pour l’affermage et la location de biens immeubles. Il place donc les opérations qu’il vise sous le régime général de cette directive, qui tend à soumettre à la TVA toutes les opérations imposables, sauf les dérogations expressément prévues. Cette disposition ne saurait donc recevoir une interprétation étroite (voir arrêt du 12 février 1998, Blasi, C-346/95, Rec. p. I-481, point 19).

44 Dès lors, le terme «véhicules» employé dans ladite disposition doit être interprété comme visant tous les moyens de transport, y compris les bateaux.

45 En effet, la location d’emplacements pour bateaux n’est pas limitée au seul droit d’occuper privativement la surface de l’eau, mais implique également la mise à disposition de divers équipements portuaires permettant notamment l’amarrage du bateau, des facilités de débarquement et d’embarquement pour l’équipage, l’utilisation éventuelle par celui-ci de diverses installations sanitaires ou autres. Or, comme le relève M me l’avocat général au point 51 de ses conclusions, aucune des considérations, notamment d’ordre social, ayant joué un rôle pour justifier l’exonération de la TVA instituée en faveur de la location de biens immeubles ne peut être appliquée à la location d’emplacements pour bateaux intervenant dans les circonstances de l’affaire au principal.

46 Dans ces conditions, eu égard aux objectifs de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, le point 2 de cette disposition, qui exclut de l’exception à l’assujettissement à la TVA la location d’emplacements pour le stationnement de véhicules, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique, de manière générale, à la location d’emplacements pour le stationnement de tous moyens de transport, y compris les bateaux.

47 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que l’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la notion de «véhicules» englobe les bateaux.


Sur les dépens

48 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1) L’article 13, B, sous b), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 92/111/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992, doit être interprété en ce sens que la notion de location de biens immeubles englobe la location d’emplacements prévus pour l’amarrage de bateaux sur l’eau, ainsi que d’emplacements pour l’entreposage de ces bateaux à terre dans l’aire portuaire.

2) L’article 13, B, sous b), point 2, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 92/111, doit être interprété en ce sens que la notion de «véhicules» englobe les bateaux.

Signatures


1 – Langue de procédure: le danois.