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Affaire C-242/03


Ministre des Finances
contre
Jean-Claude WeidertetÉlisabeth Paulus



(demande de décision préjudicielle, formée par la Cour administrative (Luxembourg))

«Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu – Abattement spécial pour les montants consacrés à l'acquisition d'actions ou de parts sociales – Limitation du bénéfice de l'avantage à l'acquisition d'actions ou de parts sociales de sociétés établies dans l'État membre concerné»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 12 février 2004
    
Arrêt de la Cour (première chambre) du 15 juillet 2004
    

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des capitaux – Restrictions – Abattement du revenu imposable des personnes physiques pour l'acquisition d'actions – Limitation aux actions de sociétés établies dans l'État membre concerné – Inadmissibilité – Justification – Absence
(Art. 56, § 1, CE et 58, § 1, a), CE) Les articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphe 1, sous a), CE s’opposent à une disposition législative d’un État membre qui exclut l’octroi d’un abattement du revenu imposable à des personnes physiques pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans des sociétés de capitaux établies dans d’autres États membres.

Une telle législation constitue une restriction aux mouvements de capitaux en ce qu’elle a pour effet de dissuader les ressortissants de l’État membre concerné d’investir leurs capitaux dans des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre; elle produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans l’État membre concerné.

En l’absence de lien direct entre l’avantage fiscal en cause et un prélèvement fiscal compensatoire, tel que l’imposition des dividendes distribués ultérieurement par les sociétés dans lesquelles l’investissement a été effectué, la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal ne saurait être invoquée pour justifier une telle restriction.

(cf. points 13-15, 20-23, 28 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
15 juillet 2004(1)


«Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu – Abattement spécial pour les montants consacrés à l'acquisition d'actions ou de parts sociales – Limitation du bénéfice de l'avantage à l'acquisition d'actions ou de parts sociales de sociétés établies dans l'État membre concerné»

Dans l'affaire C-242/03,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par la Cour administrative (Luxembourg) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Ministre des Finances

et

Jean-Claude Weidert,Élisabeth Paulus,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphe 1, sous a), CE,

LA COUR (première chambre),,



composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, M. A. Rosas et Mme R. Silva de Lapuerta, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. R. Grass,

considérant les observations écrites présentées:

– pour M. Weidert et Mme Paulus, par Me P. Kinsch, avocat,

– pour le gouvernement luxembourgeois, par M. S. Schreiner, en qualité d'agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et C. Giolito, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 12 février 2004,

rend le présent



Arrêt



1 Par arrêt du 3 juin 2003, parvenu à la Cour le 6 juin suivant, la Cour administrative a posé, en application de l’article 234 CE, une question préjudicielle relative à l’interprétation des articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphe 1, sous a), CE.

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant le ministre des Finances à M. Weidert et à Mme Paulus (ci-après les «époux Weidert-Paulus») en raison du refus d’octroyer à ces derniers un abattement fiscal pour l’acquisition d’actions d’une société établie en Belgique.


Le cadre juridique

3 En droit luxembourgeois, la loi du 22 décembre 1993 ayant pour objet la relance de l’investissement dans l’intérêt du développement économique (Mémorial A 1993, p. 2020) a, par son article III, inséré dans la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (Mémorial A 1967, p. 1228, ci-après la «LIR») un article 129 c libellé dans les termes suivants:

«Paragr. 1. Dans les conditions et limites spécifiées ci-dessous, les contribuables personnes physiques résidents qui acquièrent des actions ou parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables définies à l’alinéa 1er du paragraphe 2 ci-après bénéficient des avantages fiscaux prévus au paragraphe 4 ci-dessous.

[…]

Paragr. 4.           (1)            Sur demande, les contribuables visés aux paragraphes 1 et 3 ci-dessus obtiennent un abattement de revenu imposable qualifié d’abattement à l’investissement mobilier qui est à faire valoir dans le cadre de l’imposition par voie d’assiette nonobstant les dispositions de l’article 153.

(2)     L’abattement est accordé jusqu’à concurrence d’un montant de 60.000 francs par an pour l’ensemble des acquisitions annuelles de titres et certificats détenus par le contribuable à la fin de l’année d’imposition. Ce plafond est majoré de son propre montant en cas d’imposition collective au sens de l’article 3.

Paragr. 5. Pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux prévus au paragraphe 4, les conditions suivantes doivent être remplies:

a)l’acquisition des titres au sens de l’alinéa 2 du paragraphe 2 ci-dessus doit se faire soit lors de la constitution, soit à l’occasion d’une augmentation de capital par apports nouveaux d’une société de capitaux résidente pleinement imposable telle qu’elle est définie à l’alinéa 1er du paragraphe 2 ci-dessus;

[…]»

4 La convention conclue entre le royaume de Belgique et le grand-duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions, signée à Luxembourg le 17 septembre 1970 (Mémorial A 1971, p. 1763, ci-après la «convention contre les doubles impositions»), prévoit:

«Article 10            Dividendes:

§ 1er Les dividendes attribués par une société résidente d’un État contractant à un résident de l’autre État contractant sont imposables dans cet autre État.

§ 2 Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l’État contractant dont la société qui attribue les dividendes est un résident et selon la législation de cet État, mais l’impôt ainsi établi ne peut excéder:

[…]

b)       15 p.c. du montant brut des dividendes, dans tous les autres cas.»


Le litige au principal et la question préjudicielle

5 Dans le cadre de leur déclaration collective de revenus au titre de l’année 2000, les époux Weidert-Paulus ont sollicité le bénéfice de l’abattement du revenu imposable, prévu à l’article 129 c de la LIR, à concurrence de 120 000 LUF, pour la souscription par ces derniers à 200 actions nouvelles du capital de la société de droit belge Interbrew SA, le montant de cette souscription s’élevant à 267 743 LUF.

6 Le bureau d’imposition compétent n’a pas réservé une suite favorable à cette demande au motif que l’investissement dans le capital d’une société qui n’est pas établie au Luxembourg n’ouvre pas droit à l’abattement en cause.

7 Les époux Weidert-Paulus ont formé une réclamation contre cette décision de rejet de leur demande et, en l’absence d’une réponse favorable, ils ont introduit un recours devant le Tribunal administratif (Luxembourg).

8 Par jugement du 16 décembre 2002, ce dernier leur a donné satisfaction, en constatant que l’article 129 c de la LIR, dans la mesure où il avantage les entreprises ayant leur siège au Luxembourg par rapport à celles établies dans d’autres États membres, est contraire aux dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux, telles qu’interprétées par la Cour dans son arrêt du 6 juin 2000, Verkooijen (C-35/98, Rec. p. I-4071, points 34 à 36).

9 L’administration fiscale a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative en faisant valoir que les premiers juges auraient méconnu la portée de l’arrêt Verkooijen, précité. Selon cette administration, le litige au principal doit au contraire être rapproché de celui ayant donné lieu à l’arrêt du 28 janvier 1992, Bachmann (C-204/90, Rec. p. I-249), dans lequel la Cour aurait admis que la cohérence fiscale justifie un traitement fiscal inégal d’entreprises établies dans des États membres différents.

10 C’est dans ces circonstances que la Cour administrative, considérant que le litige dont elle est saisie nécessite l’interprétation de certaines dispositions du traité, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«[…] l’article 129 c de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu dans sa teneur applicable à l’exercice fiscal 2000 octroyant sous certaines conditions et limites un abattement fiscal à des contribuables personnes physiques qui acquièrent des actions ou parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans les sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables est[-il] compatible avec le principe de la libre circulation des capitaux à l’intérieur de la Communauté européenne telle qu’énoncée par l’article 56, [paragraphe 1,] du traité CE, compte tenu des restrictions apportées à ce principe notamment par l’article 58, [paragraphe 1, sous a),] du traité CE?»


Sur la question préjudicielle

11 Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphe 1, sous a), CE s’opposent à une disposition législative d’un État membre qui exclut l’octroi d’un abattement du revenu imposable à des personnes physiques pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans des sociétés de capitaux établies dans d’autres États membres.

12 À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir arrêts du 11 août 1995, Wielockx, C-80/94, Rec. p. I-2493, point 16; Verkooijen, précité, point 32, et du 4 mars 2004, Commission/France, C-334/02, non encore publié au Recueil, point 21).

13 En effet, une disposition législative telle que celle en cause au principal a pour effet de dissuader les ressortissants de l’État membre concerné d’investir leurs capitaux dans des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre (voir, par analogie, arrêt Verkooijen, précité, point 34). Or, ainsi qu’il ressort de l’intitulé même de la loi du 22 décembre 1993, celle-ci a pour objet «la relance de l’investissement dans l’intérêt du développement économique» et il résulte des travaux préparatoires de l’article 129 c de la LIR, tels que décrits tant par les époux Weidert-Paulus que par la Commission des Communautés européennes sans que cette présentation ait été infirmée par le gouvernement luxembourgeois, que la disposition en cause vise précisément à promouvoir l’investissement des particuliers dans des sociétés ayant leur siège au Luxembourg.

14 Une telle disposition produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux au Luxembourg dans la mesure où l’acquisition d’actions ou de parts sociales de celles-ci est moins attrayante que celle d’actions ou de parts sociales de sociétés ayant leur siège dans cet État membre (voir, par analogie, arrêts précités Verkooijen, point 35, et Commission/France, point 24).

15 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le fait pour un État membre de subordonner l’octroi d’un abattement du revenu imposable à des personnes physiques pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans des sociétés de capitaux à la condition que ces dernières aient leur siège dans ledit État constitue une restriction aux mouvements de capitaux interdite par l’article 56 CE.

16 Il ressort des pièces annexées aux observations présentées par les époux Weidert-Paulus devant la Cour que la LIR a été modifiée par une loi du 21 décembre 2001, portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects (Mémorial A 2001, p. 3312), supprimant progressivement l’abattement fiscal au cours de la période allant de l’année 2002 à l’année 2005. Indépendamment de cette évolution législative, le gouvernement luxembourgeois considère que l’article 129 c de la LIR, dans sa version applicable aux faits au principal, est néanmoins justifié. Selon lui, l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE permet aux États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, dès lors que ces différences sont objectivement justifiées ou peuvent l’être par des raisons impérieuses d’intérêt général, notamment au titre de la cohérence du système fiscal.

17 L’article 129 c de la LIR viserait justement à garantir cette cohérence. En effet, l’avantage fiscal, consistant dans l’abattement du revenu imposable pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales dans des sociétés établies au Luxembourg, serait compensé par l’imposition des dividendes que ces sociétés distribuent ultérieurement. En revanche, dans le cas d’un investissement dans une société ayant son siège en Belgique, comme dans l’affaire au principal, l’imposition des dividendes serait réduite de 15 % en raison de l’imputation à la source de ce même montant par les autorités fiscales belges, en vertu de la convention contre les doubles impositions. Dans ce cas, le grand-duché de Luxembourg renoncerait donc à une partie de l’impôt, ce qui ne serait pas le cas pour les dividendes distribués par les sociétés ayant leur siège dans cet État membre. Il y aurait donc un lien direct, dans le chef d’un seul et même contribuable, entre l’octroi de l’avantage fiscal et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal ultérieur, effectués dans le cadre d’une même imposition, tout comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bachmann, précité.

18 Selon les époux Weidert-Paulus et la Commission, cet argument est dénué de fondement. L’article 58, paragraphe 1, CE devrait être lu en combinaison avec le paragraphe 3 de cette même disposition, qui exige que les mesures en cause ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux. En l’espèce, la discrimination opérée entre les contribuables selon que le siège des sociétés concernées est situé dans l’un ou l’autre des deux ノtats membres en cause serait évidente.

19 L’abattement prévu à l’article 129 c de la LIR serait par ailleurs lié à la seule acquisition des actions ou des parts sociales et ne dépendrait nullement de la distribution ultérieure effective de dividendes. En effet, dans de nombreux cas, une distribution de dividendes n’aurait jamais lieu. En outre, au Luxembourg, pendant la période d’imposition en cause au principal, les revenus du capital auraient été exonérés d’impôt dans la limite de 120 000 LUF et soumis à l’impôt à hauteur de 50 % seulement au-delà de cette somme, en sorte que ce n’est que dans le cas où un investissement très important était réalisé qu’une imposition avait lieu. Le rendement en dividendes d’un investissement équivalent à l’abattement en cause serait toutefois extrêmement faible; en effet, les époux Weidert-Paulus auraient reçu en 2002 un dividende d’un montant de 28 euros, alors que l’investissement réalisé par ces derniers s’élevait à 267 743 LUF. Une renonciation du grand-duché de Luxembourg à l’imposition de 15 % de la somme de 28 euros serait donc négligeable par rapport au montant de l’abattement fiscal.

20 À cet égard, s’il est vrai que la nécessité de garantir la cohérence du système fiscal peut justifier une restriction à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité (arrêts Bachmann, précité, point 28, et du 28 janvier 1992, Commission/Belgique, C-300/90, Rec. p. I-305, point 21), il convient toutefois d’interpréter une telle exception à la règle fondamentale de la libre circulation des capitaux de manière stricte et dans les limites de la proportionnalité. Dans les affaires ayant donné lieu aux deux arrêts précités, un lien direct existait entre la déductibilité des cotisations versées dans le cadre de contrats d’assurance contre la vieillesse et le décès, d’une part, et l’imposition des sommes dues par les assureurs en exécution desdits contrats, d’autre part, lien qu’il était nécessaire de préserver en vue de sauvegarder la cohérence fiscale en cause (voir, notamment, arrêts du 28 octobre 1999, Vestergaard, C-55/98, Rec. p. I-7641, point 24, et du 21 novembre 2002, X et Y, C-436/00, Rec. p. I-10829, point 52).

21 Lorsqu’un tel lien direct fait défaut, l’argument de la cohérence fiscale ne saurait être invoqué (voir arrêts du 13 avril 2000, Baars, C-251/98, Rec. p. I-2787, point 40, et du 18 septembre 2003, Bosal, C-168/01, non encore publié au Recueil, point 30).

22 Dans l’affaire au principal, il n’existe pas de lien direct entre l’avantage fiscal en cause, à savoir l’abattement du revenu imposable octroyé à un contribuable résidant au Luxembourg en raison de l’acquisition d’actions ou de parts sociales dans des sociétés établies dans cet État membre, et un prélèvement fiscal compensatoire.

23 En effet, contrairement à ce que soutient le gouvernement luxembourgeois, l’avantage fiscal n’est pas compensé par l’imposition des dividendes que ces sociétés distribuent ultérieurement. D’une part, il n’existe aucune assurance que les sociétés dans lesquelles l’investissement ouvrant droit à l’avantage fiscal en cause a été effectué verseront des dividendes dont la taxation pourrait compenser l’avantage octroyé. D’autre part, ainsi que les époux Weidert-Paulus et la Commission l’ont fait valoir, même si des dividendes sont distribués aux bénéficiaires de l’avantage fiscal par les sociétés concernées, le montant que représente cet avantage dépasse de loin celui résultant de l’éventuelle imposition ultérieure des dividendes.

24 De même, le fait de ne pas pouvoir bénéficier de la convention contre les doubles impositions ne saurait être regardé comme un désavantage des particuliers qui investissent dans des sociétés établies au Luxembourg. À cet égard, la renonciation par le grand-duché de Luxembourg à une partie de l’impôt sur les dividendes en vertu de cette convention, circonstance qui est invoquée par le gouvernement luxembourgeois pour justifier l’abattement en cause, ne procure aucun avantage au contribuable concerné. En effet, celui-ci doit payer le montant de cet impôt aux autorités fiscales belges au titre d’une retenue à la source. Ladite convention évite seulement que le montant des dividendes perçus par le contribuable soit imposé deux fois, mais elle ne permet pas qu’un tel montant échappe à l’imposition.

25 En tout état de cause, même si, en droit luxembourgeois, un lien devait exister entre l’avantage fiscal et l’imposition des dividendes, il devrait être constaté que, par l’effet de la convention contre les doubles impositions que le grand-duché de Luxembourg a conclue avec le royaume de Belgique, la cohérence fiscale est reportée au niveau de la réciprocité des règles applicables dans les États contractants (voir, notamment, arrêts précités Wielockx, point 24, ainsi que X et Y, point 53). Or, la convention en cause établit une réciprocité fiscale, de telle sorte que, en renonçant à 15 % du montant brut des dividendes versés par des sociétés établies en Belgique à des personnes soumises à l’impôt sur le revenu luxembourgeois, le grand-duché de Luxembourg peut en contrepartie percevoir 15 % des dividendes versés par des sociétés ayant leur siège dans cet État membre à des personnes soumises à l’impôt sur le revenu en Belgique.

26 L’objectif de la convention contre les doubles impositions étant précisément d’assurer la cohérence fiscale, cette convention ne saurait être invoquée comme une source d’incohérence du point de vue de l’assujetti, à laquelle il conviendrait de remédier par l’instauration de l’abattement en cause au principal (voir, par analogie, arrêt Wielockx, précité, point 25).

27 Partant, l’interprétation du gouvernement luxembourgeois tirée de la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal n’est pas fondée.

28 Par conséquent, il convient de répondre à la question posée que les articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphe 1, sous a), CE s’opposent à une disposition législative d’un État membre qui exclut l’octroi d’un abattement du revenu imposable à des personnes physiques pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans des sociétés de capitaux établies dans d’autres États membres.


Sur les dépens

29 Les frais exposés par le gouvernement luxembourgeois et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (première chambre),

statuant sur la question à elle soumise par la Cour administrative, par arrêt du 3 juin 2003, dit pour droit:

Les articles 56, paragraphe 1, CE et 58, paragraphe 1, sous a), CE s’opposent à une disposition législative d’un État membre qui exclut l’octroi d’un abattement du revenu imposable à des personnes physiques pour l’acquisition d’actions ou de parts sociales représentatives d’apports en numéraire dans des sociétés de capitaux établies dans d’autres États membres.

Jann

Rosas

Silva de Lapuerta

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2004.

Le greffier

Le président de la première chambre

R. Grass

P. Jann


1 – Langue de procédure: le français.