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Affaire C-403/03

Egon Schempp

contre

Finanzamt München V

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)

«Citoyenneté de l'Union — Articles 12 CE et 18 CE — Impôt sur le revenu — Déductibilité du revenu imposable d'une pension alimentaire versée par un contribuable résidant en Allemagne à son ex-épouse résidant en Autriche — Preuve de l'imposition de la pension alimentaire dans cet État membre»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 27 janvier 2005 

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 12 juillet 2005 

Sommaire de l'arrêt

1.     Citoyenneté de l'Union européenne — Dispositions du traité — Champ d'application matériel — Exclusion des situations purement internes — Réglementation fiscale nationale relative à la déductibilité des pensions alimentaires du revenu imposable — Prise en compte du traitement fiscal des pensions versées à un bénéficiaire résidant dans un autre État membre — Absence de situation purement interne

(Art. 17 CE)

2.     Citoyenneté de l'Union européenne — Égalité de traitement — Discrimination en raison de la nationalité — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Réglementation nationale subordonnant la déductibilité du revenu imposable des pensions alimentaires versées à un bénéficiaire résidant dans un autre État membre à leur imposition dans celui-ci — Admissibilité

(Art. 12 CE et 18, § 1, CE)

1.     La citoyenneté de l'Union, prévue à l'article 17 CE, n'a pas pour objectif d'étendre le champ d'application matériel du traité à des situations internes n'ayant aucun rattachement au droit communautaire. La situation du ressortissant d'un État membre qui n'a pas fait usage du droit à la libre circulation ne saurait toutefois, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne.

S'agissant d'une réglementation fiscale nationale qui, aux fins de déterminer le caractère déductible d'une pension alimentaire versée par un contribuable résidant dans l'État membre concerné à un bénéficiaire résidant dans un autre État membre, tient compte du traitement fiscal de ladite pension dans l'État membre de la résidence de ce bénéficiaire, l'exercice, par celui-ci, de son droit de circuler et de séjourner librement dans un autre État membre en vertu de l'article 18 CE a une incidence sur le droit à déduction du contribuable dans l'État membre de sa résidence.

Une telle situation ne saurait dès lors être considérée comme étant une situation interne n'ayant aucun rattachement au droit communautaire.

(cf. points 20, 22, 24-25)

2.     Les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe 1, CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à ce qu'un contribuable résidant dans un État membre ne puisse pas, en vertu de la réglementation nationale, déduire de son revenu imposable dans cet État membre la pension alimentaire versée à son ex-conjoint résidant dans un autre État membre dans lequel ladite pension n'est pas imposable, alors qu'il en aurait le droit si son ex-conjoint résidait dans le même État membre.

En effet, l'article 12 CE ne vise pas les éventuelles disparités de traitement qui peuvent résulter, pour les personnes et entreprises soumises à la juridiction de la Communauté, des divergences existant entre les différents États membres, dès lors que celles-ci affectent toutes personnes tombant sous leur application, selon des critères objectifs et sans égard à leur nationalité.

Par ailleurs, le traité ne garantit pas à un citoyen de l'Union que le transfert de ses activités dans un État membre autre que celui dans lequel il résidait jusque-là est neutre en matière d'imposition. Compte tenu des disparités des réglementations des États membres en la matière, un tel transfert peut, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le citoyen sur le plan de l'imposition indirecte. Le même principe s'applique a fortiori à une situation dans laquelle la personne concernée n'a pas exercé elle-même son droit de circulation, mais se prétend la victime d'une différence de traitement à la suite du transfert de la résidence de son ex-conjoint dans un autre État membre.

(cf. points 34, 45-47 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

12 juillet 2005 (*)

«Citoyenneté de l’Union – Articles 12 CE et 18 CE – Impôt sur le revenu – Déductibilité du revenu imposable d’une pension alimentaire versée par un contribuable résidant en Allemagne à son ex-épouse résidant en Autriche – Preuve de l’imposition de la pension alimentaire dans cet État membre»

Dans l’affaire C-403/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 22 juillet 2003, parvenue à la Cour le 29 septembre 2003, dans la procédure

Egon Schempp

contre

Finanzamt München V,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans et A. Rosas, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet, A. La Pergola, R. Schintgen, Mme N. Colneric, MM. J. Klučka, U. Lõhmus, E. Levits et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour M. Schempp, par Me J. Seest, Rechtsanwalt,

–       pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing et Mme A. Tiemann, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et C. A. H. M. ten Dam, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. K. Gross et R. Lyal, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 janvier 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 12 CE et 18 CE.

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Schempp au Finanzamt München V (ci-après le «Finanzamt»), à propos du refus de ce dernier de considérer comme dépenses spéciales déductibles au titre de l’impôt sur les revenus la pension alimentaire versée par M. Schempp à son ex-épouse résidant en Autriche.

 Le cadre juridique

3       En vertu de l’article 10, paragraphe l, point l, de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG»), les dépenses suivantes constituent des «dépenses spéciales» lorsqu’elles ne sont ni des charges ni des frais professionnels:

«Les pensions alimentaires versées au conjoint séparé ou à l’ex-conjoint et soumis à une obligation fiscale illimitée, si le prestataire en fait la demande avec l’accord du bénéficiaire, jusqu’à concurrence de 27 000 DEM dans l’année civile. La demande ne peut être présentée que pour une année civile et ne peut être retirée [...]»

4       En vertu de l’article 22, point 1a, de l’EStG, les montants qui peuvent être déduits par le débiteur d’aliments entrent dans le revenu imposable du bénéficiaire, selon le principe dit de «correspondance». La déduction que peut opérer ledit débiteur n’est pas subordonnée à la condition que le bénéficiaire soit effectivement imposé sur ces sommes. Toutefois, dans l’hypothèse où le bénéficiaire doit payer des impôts sur les aliments qu’il perçoit, c’est au débiteur d’aliments qu’il incombe, en vertu du droit civil, d’en supporter la charge.

5       Aux termes de l’article 1a, paragraphe 1, point 1, de l’EStG:

«Les dépenses d’aliments versées à l’ex-époux ou à l’époux séparé (article 10, paragraphe 1, point 1) sont également déductibles au titre de dépenses spéciales si le bénéficiaire n’est pas soumis à une obligation fiscale illimitée. Pour autant, le bénéficiaire doit avoir son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État auquel s’applique l’accord sur l’Espace économique européen. L’imposition des pensions alimentaires entre les mains du bénéficiaire doit par ailleurs être attestée par l’administration fiscale étrangère compétente [...]»

6       Conformément à l’article 52, paragraphe 2, de l’EStG, cette disposition doit s’appliquer à la République d’Autriche à partir de la période d’imposition correspondant à l’année 1994 puisque cet État a adhéré le 1er janvier de cette année à l’accord sur l’Espace économique européen.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

7       M. Schempp, ressortissant allemand résidant en Allemagne, verse, à la suite de son divorce, une pension alimentaire à son ex-épouse résidant en Autriche.

8       Dans ses déclarations relatives aux exercices 1994 à 1997, M. Schempp a cherché à déduire cette pension alimentaire, conformément aux dispositions de l’article 1a, paragraphe 1, point 1, première et deuxième phrases, de l’EStG. Toutefois, dans ses avis d’imposition afférents aux revenus de 1994 à 1997, le Finanzamt lui a refusé cette déduction, au motif qu’il n’avait pas reçu une attestation de l’administration fiscale autrichienne prouvant que son ex-épouse avait été imposée en Autriche sur ladite pension alimentaire, ainsi que le prévoit la troisième phrase du même article 1a, paragraphe 1, point 1.

9       En l’espèce, M. Schempp n’a pas pu produire une telle attestation, car le droit fiscal autrichien écarte par principe l’imposition des pensions alimentaires, ainsi d’ailleurs que la déduction des versements effectués à ce titre. Il ressort toutefois du dossier que M. Schempp aurait pu déduire en totalité la pension alimentaire qu’il verse à son ex-épouse, si celle-ci avait résidé en Allemagne. Quant à cette ex-épouse, elle n’aurait, dans un tel cas, payé aucun impôt sur ladite pension, dans la mesure où son revenu est inférieur au minimum imposable en Allemagne.

10     Considérant que la réglementation allemande en cause est incompatible avec les articles 12 CE et 18 CE, M. Schempp a introduit des réclamations contre les avis d’imposition du Finanzamt. Celui-ci a rejeté ces réclamations par décision du 27 juillet 1999.

11     À la suite du rejet par le Finanzgericht München du recours formé par M. Schempp contre ladite décision, ce dernier a introduit une procédure en «Revision» devant la juridiction de renvoi. Estimant que ladite affaire soulève des questions d’interprétation du droit communautaire, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

« 1)      L’article 12 CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions des articles la, paragraphe 1, point 1, et 10, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, en vertu desquelles un contribuable résidant en Allemagne ne peut déduire les pensions alimentaires versées à son ex-épouse qui habite en Autriche, alors qu’il en aurait le droit si celle-ci résidait encore en Allemagne?

2)      Pour le cas où il serait répondu par la négative à la première question: l’article 18, paragraphe 1, CE doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions des articles la, paragraphe 1, point 1, et 10, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, en vertu desquelles un contribuable résidant en Allemagne ne peut déduire les pensions alimentaires versées à son ex-épouse qui habite en Autriche, alors qu’il en aurait le droit si celle-ci résidait encore en Allemagne?»

 Sur les questions préjudicielles

12     Par ses questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe 1, CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce qu’un contribuable résidant en Allemagne ne puisse pas, en vertu de la réglementation nationale en cause au principal, déduire de son revenu imposable dans cet État membre la pension alimentaire versée à son ex-épouse résidant en Autriche, alors qu’il en aurait eu le droit si celle-ci résidait encore en Allemagne.

13     À titre liminaire, il y a lieu d’examiner si la situation qui fait l’objet du litige au principal relève du champ d’application du droit communautaire.

14     À cet égard, il importe de rappeler que l’article 12, premier alinéa, CE interdit, dans le domaine d’application du traité et sans préjudice des dispositions qu’il prévoit, toute discrimination en raison de la nationalité.

15     Pour apprécier le domaine d’application du traité au sens dudit article, il convient de lire ce dernier en combinaison avec les dispositions du traité sur la citoyenneté de l’Union. En effet, le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, points 30 et 31; du 2 octobre 2003, Garcia Avello, C-148/02, Rec. p. I-11613, points 22 et 23, et du 15 mars 2005, Bidar, C-209/03, non encore publié au Recueil, point 31).

16     En vertu de l’article 17, paragraphe 1, CE, toute personne ayant la nationalité d’un État membre possède le statut de citoyen de l’Union. Ayant la nationalité allemande, M. Schempp bénéficie donc d’un tel statut.

17     Ainsi que la Cour l’a déjà jugé, l’article 17, paragraphe 2, CE attache au statut de citoyen de l’Union les devoirs et les droits prévus par le traité, dont celui de se prévaloir de l’article 12 CE dans toutes les situations relevant du domaine d’application ratione materiæ du droit communautaire (voir arrêt du 12 mai 1998, Martínez Sala, C-85/96, Rec. p. I-2691, point 62).

18     Ces situations comprennent, notamment, celles relevant de l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité et celles relevant de l’exercice de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 18 CE (arrêt Bidar, précité, point 33).

19     Si, en l’état actuel du droit communautaire, la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, il n’en reste pas moins que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire, en particulier les dispositions du traité relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, et, par conséquent, s’abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1995, Schumacker, C-279/93, Rec. p. I-225, points 21 et 26, et du 12 décembre 2002, De Groot, C-385/00, Rec. p. I-11819, point 75).

20     Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que la citoyenneté de l’Union, prévue à l’article 17 CE, n’a pas pour autant pour objectif d’étendre le champ d’application matériel du traité à des situations internes n’ayant aucun rattachement au droit communautaire (arrêts du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet, C-64/96 et C-65/96, Rec. p. I-3171, point 23, et Garcia Avello, précité, point 26).

21     Selon les gouvernements allemand et néerlandais, l’affaire au principal relève d’une telle situation. En effet, la partie qui se prévaut de l’article 12 CE, en l’occurrence M. Schempp, n’aurait pas fait usage de son droit à la libre circulation prévu à l’article 18 CE. Certes, son ex-épouse aurait exercé un tel droit. Toutefois, la présente affaire ne porterait pas sur l’imposition de cette dernière personne mais sur celle de M. Schempp. Le gouvernement allemand constate dès lors que, dans cette affaire, le seul élément étranger à la République fédérale d’Allemagne est la circonstance que M. Schempp verse la pension alimentaire à une personne résidant dans un autre État membre. Toutefois, les pensions alimentaires n’ayant aucune incidence sur l’échange intracommunautaire de biens et de services, la présente situation échapperait à l’article 12 CE.

22     À cet égard, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que soutiennent les gouvernements allemand et néerlandais, la situation du ressortissant d’un État membre qui, tel que M. Schempp, n’a pas fait usage du droit à la libre circulation ne saurait, de ce seul fait, être assimilée à une situation purement interne (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen, C-200/02, non encore publié au Recueil, point 19).

23     En effet, s’il est exact que M. Schempp n’a pas exercé un tel droit, il est, en revanche, constant que son ex-épouse, en établissant sa résidence en Autriche, a exercé le droit reconnu à l’article 18 CE à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire d’un autre État membre.

24     Or, ainsi que M. l’avocat général l’a observé, en substance, au point 19 de ses conclusions, dès lors que, aux fins de déterminer le caractère déductible d’une pension alimentaire versée par un contribuable résidant en Allemagne à un bénéficiaire résidant dans un autre État membre, la réglementation nationale en cause dans l’affaire au principal tient compte du traitement fiscal de ladite pension dans l’État membre de la résidence dudit bénéficiaire, il s’ensuit nécessairement que l’exercice, en l’espèce, par l’ex-épouse de M. Schempp de son droit de circuler et de séjourner librement dans un autre État membre en vertu de l’article 18 CE a été de nature à influer sur la possibilité pour son ex-époux de déduire de son revenu imposable en Allemagne la pension alimentaire qu’il lui verse.

25     Il résulte de tout ce qui précède que l’exercice par l’ex-épouse de M. Schempp d’un droit octroyé par l’ordre juridique communautaire ayant eu une incidence sur le droit à déduction du requérant au principal dans l’État membre de sa résidence, une telle situation ne saurait être considérée comme étant une situation interne n’ayant aucun rattachement au droit communautaire.

26     Il convient dès lors d’examiner si les articles 12 CE et 18 CE s’opposent à ce que les autorités fiscales allemandes refusent la déduction de la pension alimentaire versée par M. Schempp à son ex-épouse résidant en Autriche.

 Sur l’application de l’article 12 CE

27     En l’espèce, il est constant que, si l’ex-épouse de M. Schempp avait résidé en Allemagne, ce dernier aurait eu le droit de déduire la pension alimentaire versée à celle-ci. Cette dernière résidant toutefois en Autriche, ladite déduction a été refusée à M. Schempp par les autorités fiscales allemandes.

28     Il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement soit objectivement justifié (voir arrêt du 17 juillet 1997, National Farmers’ Union e.a., C-354/95, Rec. p. I-4559, point 61).

29     Il y a donc lieu d’examiner si la situation de M. Schempp, qui verse une pension alimentaire à son ex-épouse résidant en Autriche sans pouvoir déduire ces sommes dans sa déclaration aux fins de l’impôt sur les revenus, peut être comparée à celle d’une personne qui verse de telles sommes à un ex-conjoint résidant en Allemagne et bénéficie de cet avantage fiscal.

30     À cet égard, il convient d’observer que, en vertu de l’article 1a, paragraphe 1, point 1, troisième phrase, de l’EStG, la déductibilité en Allemagne des pensions alimentaires versées par un contribuable résidant dans cet État membre à un bénéficiaire résidant dans un autre État membre est subordonnée à leur imposition dans ce dernier État membre.

31     Il en résulte que, dans l’affaire au principal, les pensions alimentaires n’étant pas imposées dans l’État membre de résidence de l’ex-épouse de M. Schempp, ce dernier n’a pas été autorisé à déduire ladite pension de ses revenus en Allemagne.

32     Dans ces conditions, il apparaît que le traitement défavorable dont se prévaut M. Schempp résulte, en réalité, de la circonstance selon laquelle le régime fiscal applicable aux pensions alimentaires dans l’État membre de résidence de son ex-épouse est différent de celui retenu par l’État membre de sa propre résidence.

33     Ainsi que le relève le gouvernement néerlandais, si cette ex-épouse avait choisi de résider dans un État membre dans lequel les pensions alimentaires, contrairement à la situation qui prévaut en Autriche, sont imposées, comme aux Pays-Bas, M. Schempp aurait été en droit, selon la réglementation nationale en cause dans la présente affaire, de déduire les versements effectués à ce titre à son ex-épouse.

34     Or, il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 12 CE ne vise pas les éventuelles disparités de traitement qui peuvent résulter, pour les personnes et entreprises soumises à la juridiction de la Communauté, des divergences existant entre les différents États membres, dès lors que celles-ci affectent toutes personnes tombant sous leur application, selon des critères objectifs et sans égard à leur nationalité (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2003, Milk Marque et National Farmers’ Union, C-137/00, Rec. p. I-7975, point 124 et jurisprudence citée).

35     Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir M. Schempp, le versement d’une pension alimentaire à un bénéficiaire résidant en Allemagne ne saurait être comparé au versement d’une telle pension à un bénéficiaire résidant en Autriche. En effet, le bénéficiaire de ladite pension est, dans chacune de ces deux situations, soumis, en ce qui concerne l’imposition de celle-ci, à une réglementation fiscale différente.

36     En conséquence, il y a lieu de constater que l’impossibilité pour un contribuable résidant en Allemagne de déduire, en vertu de l’article 1a, paragraphe 1, point 1, de l’EStG, une pension alimentaire versée à son ex-épouse résidant en Autriche ne constitue pas un traitement discriminatoire au sens de l’article 12 CE.

37     Selon M. Schempp, l’inégalité de traitement dont il est l’objet en l’espèce résulte toutefois du fait que, alors que la déductibilité de la pension alimentaire versée à une personne résidant en Allemagne n’est pas subordonnée à l’imposition effective de cette personne, une telle imposition effective est requise pour obtenir la déductibilité de la pension alimentaire versée au profit d’une personne résidant sur le territoire d’un autre État membre.

38     À cet égard, il y a cependant lieu de rappeler que, dans le cadre de la présente affaire, la juridiction de renvoi interroge la Cour uniquement sur la question de savoir si le droit communautaire s’oppose à ce qu’un contribuable résidant en Allemagne ne puisse pas déduire la pension alimentaire versée à son ex-épouse résidant en Autriche. En conséquence, aux fins de fournir au juge national une interprétation qui soit utile à la solution du litige au principal, il y a lieu de constater que le problème soulevé par M. Schempp, en ce qu’il vise le versement d’une pension alimentaire à un bénéficiaire résidant dans un autre État membre dans lequel lesdites pensions sont imposables, ne se pose pas en l’espèce, dès lors qu’il est constant que, en Autriche, les pensions alimentaires ne sont en aucun cas imposables.

39     Quant à la circonstance non contestée selon laquelle, si l’ex-épouse de M. Schempp avait résidé en Allemagne, ce dernier aurait été en droit de déduire la pension alimentaire qu’il lui verse, et ce, nonobstant le fait que ladite pension n’aurait pas, dans un tel cas, été imposée, les revenus de son ex-épouse en Allemagne, au cours de la période concernée, étant inférieurs aux seuils d’imposition retenus par la réglementation fiscale allemande, elle n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion figurant au point 36 du présent arrêt. En effet, ainsi que le relève à juste titre la Commission des Communautés européennes, l’absence d’imposition d’une pension alimentaire pour ce motif en Allemagne ne saurait en rien être assimilée à l’absence d’imposition de cette pension en Autriche en raison de son caractère non imposable dans cet État membre, les conséquences fiscales qui s’attachent à chacune de ces situations en ce qui concerne l’imposition des revenus étant, pour le contribuable concerné, différentes.

 Sur l’application de l’article 18 CE

40     Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 18, paragraphe 1, CE, «[t]out citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le […] traité et par les dispositions prises pour son application».

41     En sa qualité de ressortissant d’un État membre, et partant de citoyen de l’Union, M. Schempp a le droit de se prévaloir de cette disposition.

42     Dans ses observations, M. Schempp soutient que l’article 18, paragraphe 1, CE protège non seulement le droit de circuler et de s’établir dans d’autres États membres, mais également celui de choisir sa résidence. Il fait valoir que, dès lors que la pension alimentaire n’est pas déductible du revenu imposable lorsque son bénéficiaire réside dans un autre État membre, ledit bénéficiaire pourrait être soumis à une certaine pression l’incitant à ne pas quitter l’Allemagne, constituant ainsi une restriction à l’exercice des droits garantis par l’article 18, paragraphe 1, CE. Cette pression pourrait se manifester très concrètement au moment de déterminer le montant de la pension alimentaire, étant donné que cette détermination s’effectue en tenant compte des implications fiscales.

43     À cet égard, force est de constater que, à l’instar de ce que font valoir les gouvernements allemand et néerlandais, ainsi que la Commission, la réglementation nationale en cause n’entrave en rien le droit de M. Schempp, en tant que citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner dans d’autres États membres en vertu de l’article 18, paragraphe 1, CE.

44     Certes, ainsi qu’il a été relevé, le transfert en Autriche de la résidence de son ex-épouse a entraîné, pour M. Schempp, des conséquences fiscales défavorables dans l’État membre de sa résidence.

45     Toutefois, la Cour a déjà jugé que le traité ne garantit pas à un citoyen de l’Union que le transfert de ses activités dans un État membre autre que celui dans lequel il résidait jusque-là est neutre en matière d’imposition. Compte tenu des disparités des réglementations des États membres en la matière, un tel transfert peut, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le citoyen sur le plan de l’imposition indirecte (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2004, Lindfors, C-365/02, Rec. p. I-7183, point 34).

46     Le même principe s’applique a fortiori à une situation telle que celle en l’espèce au principal dans laquelle la personne concernée n’a pas exercé elle-même son droit de circulation, mais se prétend la victime d’une différence de traitement à la suite du transfert de la résidence de son ex-épouse dans un autre État membre.

47     Dans ces conditions, il y a lieu de répondre aux questions posées que les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe 1, CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un contribuable résidant en Allemagne ne puisse pas, en vertu d’une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, déduire de son revenu imposable dans cet État membre la pension alimentaire versée à son ex-épouse résidant dans un autre État membre dans lequel ladite pension n’est pas imposable, alors qu’il en aurait le droit si son ex-épouse résidait en Allemagne.

 Sur les dépens

48     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

Les articles 12, premier alinéa, CE et 18, paragraphe 1, CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce qu’un contribuable résidant en Allemagne ne puisse pas, en vertu d’une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, déduire de son revenu imposable dans cet État membre la pension alimentaire versée à son ex-épouse résidant dans un autre État membre dans lequel ladite pension n’est pas imposable, alors qu’il en aurait le droit si son ex-épouse résidait en Allemagne.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.