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Affaire C-452/03

RAL (Channel Islands) Ltd e.a.

contre

Commissioners of Customs & Excise

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division)

«TVA — Sixième directive — Article 9, paragraphes 1 et 2 — Machines à sous — Activités de divertissement ou similaires — Prestataire de services établi en dehors du territoire de la Communauté — Détermination du lieu de la prestation de services»

Conclusions de l’avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 27 janvier 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 12 mai 2005 

Sommaire de l’arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d’affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Prestations de services — Détermination du lieu de rattachement fiscal — Activités de divertissement ou similaires — Notion — Mise à disposition du public, contre rémunération, des machines à sous installées dans des salles de jeux — Inclusion

(Directive du Conseil 77/388, art. 9, § 2, c))

La prestation de services consistant à permettre au public d’utiliser, contre rémunération, des machines à sous installées dans des salles de jeux établies sur le territoire d’un État membre doit être considérée comme l’une des activités de divertissement ou similaires au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive 77/388 en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, en sorte que le lieu où cette prestation de services est située est l’endroit où elle est matériellement exécutée.

En effet, l’objectif principal recherché par l’activité susvisée est le divertissement des utilisateurs de machines à sous et non pas l’octroi d’un gain financier à ceux-ci, étant donné que l’incertitude quant au gain financier constitue précisément un élément essentiel du divertissement recherché par lesdits utilisateurs. L’application de la règle de rattachement édictée par l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, ne saurait, par ailleurs, être écartée en raison du fait que les destinataires des services concernés sont des consommateurs finaux, car le champ d’application de cette disposition n’est pas limité aux prestations de services entre assujettis.

(cf. points 31, 33-34 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

12 mai 2005 (*)

«TVA – Sixième directive – Article 9, paragraphes 1 et 2 – Machines à sous – Activités de divertissement ou similaires – Prestataire de services établi en dehors du territoire de la Communauté – Détermination du lieu de la prestation de services»

Dans l’affaire C-452/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 17 octobre 2003, parvenue à la Cour le 27 octobre 2003, dans la procédure

RAL (Channel Islands) Ltd,

RAL Ltd,

RAL Services Ltd,

RAL Machines Ltd

contre

Commissioners of Customs & Excise,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, M. K. Lenaerts (rapporteur), Mme N. Colneric, MM. K. Schiemann et E. Juhász, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 novembre 2004,

considérant les observations présentées:

–       pour RAL (Channel Islands) Ltd, RAL Ltd, RAL Services Ltd et RAL Machines Ltd, par M. K. Lasok, QC, et Mme V. Sloane, barrister,

–       pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. K. Manji, en qualité d’agent, assisté de MM. C. Vajda, QC, et M. Angiolini, barrister,

–       pour le gouvernement irlandais, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Mme G. Clohessy, BL, et de M. D. McDonald, SC,

–       pour le gouvernement portugais, par MM. L. Fernandes et Â. Seiça Neves, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 janvier 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, 4 et 9 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), ainsi que des articles 1er et 2 de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (JO L 326, p. 40, ci-après la «treizième directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant RAL (Channel Islands) Ltd (ci-après «CI»), RAL Ltd (ci-après «RAL»), RAL Services Ltd (ci-après «Services») et RAL Machines Ltd (ci-après «Machines») aux Commissioners of Customs & Excise (ci-après les «Commissioners»), autorité compétente au Royaume-Uni en matière de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), au sujet de la détermination du lieu où sont réputés se situer des services d’exploitation de machines à sous.

 Le cadre juridique

3       Aux termes de l’article 2, point 1, de la sixième directive, sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4       L’article 3, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

«Aux fins de l’application de la présente directive, l’‘intérieur du pays’ correspond au champ d’application du traité [CE] tel qu’il est défini, pour chaque État membre, à l’article [299].»

5       Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive, «[e]st considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité».

6       Quant à la détermination du lieu où est réputée se situer une prestation de services, l’article 9 de la sixième directive prévoit:

«1.      Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

2.      Toutefois:

[…]

c)      le lieu des prestations de services ayant pour objet:

–       des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, des prestations de services accessoires à ces activités,

–       […]

         est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées;

[…]»

7       L’article 1er de la treizième directive est libellé comme suit:

«Au sens de la présente directive, on entend par:

1)      assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, l’assujetti visé à l’article 4 paragraphe 1 de la [sixième] directive […] qui, au cours de la période visée à l’article 3 paragraphe 1 de la présente directive, n’a eu sur ce territoire, ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son domicile ou sa résidence habituelle et qui, au cours de la même période, n’a effectué aucune livraison de biens ou prestation de services réputée se situer dans l’État membre visé à l’article 2 […]»

8       L’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive dispose:

«[...] chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 points a) et b) de la [sixième] directive […] ou des prestations de services visées à l’article 1er point 1 sous b) de la présente directive.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9       CI est une société constituée à Guernesey (îles Anglo-Normandes). RAL, Services et Machines sont des sociétés constituées au Royaume-Uni. Ces quatre sociétés sont des filiales de RAL Holdings Ltd (ci-après «Holdings»), qui est une société également constituée au Royaume-Uni. CI, RAL, Services, Machines et Holdings forment ensemble le groupe RAL.

10     Jusqu’à la fin de l’année 2000, RAL exploitait des machines à sous au Royaume-Uni dans des locaux qu’elle possédait ou qu’elle louait. Elle était propriétaire des machines installées dans ceux-ci et employait son propre personnel. Elle détenait les licences nécessaires tant à l’exploitation des salles que des machines.

11     Holdings, en tant que membre caractéristique du groupe d’assujettis à la TVA, était redevable de cette taxe sur les recettes obtenues grâce à l’exploitation des machines à sous.

12     Par la suite, un plan de restructuration du groupe RAL est intervenu. Celui-ci visait, selon les indications de la juridiction de renvoi, à ce que, en créant une filiale offshore pour l’exploitation des machines à sous et en séparant cette fonction de la propriété des machines et de l’exploitation des locaux, le groupe RAL ne serait plus assujetti à la TVA sur les services de machines à sous et pourrait récupérer la taxe acquittée en amont.

13     C’est ainsi que CI a été constituée à Guernesey, qui fait partie des îles Anglo-Normandes, lesquelles sont situées en dehors du territoire de la Communauté. Dans le cadre du même plan, Machines et Services ont été constituées au Royaume-Uni.

14     RAL est titulaire des baux relatifs aux locaux dans lesquels les machines à sous sont installées et des licences autorisant l’exploitation des salles de jeux. Elle accorde à CI une licence pour installer et exploiter des machines dans lesdits locaux.

15     Machines possède la totalité des machines à sous utilisées par le groupe RAL et elle est titulaire des licences afférentes à celles-ci. En vertu d’un contrat de location conclu avec CI, Machines est tenue de fournir à CI des machines à sous et d’assurer leur bon état de marche.

16     L’activité de CI consiste à permettre au public d’utiliser des machines à sous, fournies par Machines, dans les locaux mis à sa disposition par RAL. Toutefois, CI exerce cette activité en sous-traitant à Services la gestion quotidienne des machines. Cette dernière société emploie la quasi-totalité du personnel du groupe RAL, soit 600 personnes environ. CI n’a pas de personnel propre au Royaume-Uni.

17     À la suite de ladite restructuration du groupe RAL, CI a considéré, en se fondant sur les articles 2, 4 et 9 de la sixième directive, que les services d’exploitation de machines à sous étaient censés se situer à Guernesey. Ces services étant de ce fait, selon elle, fournis en dehors du territoire de la Communauté, elle a prétendu qu’elle n’était pas tenue de verser la TVA sur les services fournis à ses clients au Royaume-Uni. Conformément aux articles 1er et 2 de la treizième directive, elle a également demandé le remboursement de la TVA acquittée en amont.

18     Par décision du 28 août 2001, les Commissioners ont rejeté les demandes de CI. Ils ont considéré que CI est un assujetti à la TVA au Royaume-Uni. À titre subsidiaire, ils ont constaté qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de la restructuration du groupe RAL, de sorte que, comme au cours de la période antérieure à celle-ci, les services en cause continuaient à être fournis par Holdings au Royaume-Uni. En tout état de cause, selon les Commissioners, les demandes de CI devaient être rejetées dès lors qu’elles constituaient un abus de droit.

19     CI, RAL, Machines et Services ont contesté cette décision de rejet devant le VAT and Duties Tribunal, London. Dans son jugement du 3 décembre 2002, ce dernier a considéré que les services en cause étaient fournis par CI à partir d’établissements stables situés au Royaume-Uni, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive. Ce Tribunal a ainsi constaté que CI fournit des services de machines à sous au Royaume-Uni et que ces activités sont assujetties à la TVA dans cet État membre. Il a toutefois admis le recours desdites sociétés pour autant qu’il était dirigé contre les conclusions subsidiaires des Commissioners, au motif que les services étaient effectivement fournis par CI, et non par Holdings, et que le principe de l’abus de droit ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce.

20     CI a interjeté appel dudit jugement devant la juridiction de renvoi. Les Commissioners ont présenté un appel incident contre ce même jugement en tant qu’il a rejeté leurs conclusions subsidiaires.

21     C’est dans ces conditions que la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«Dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la sixième directive […], en particulier ses articles 2, 4 et 9, et de la treizième directive […], en particulier ses articles 1er et 2, et des principes généraux du droit communautaire:

1)      Comment convient-il d’interpréter l’expression ‘établissement stable’ figurant à l’article 9 de la sixième directive?

2)      Quel élément faut-il prendre en considération pour déterminer si la prestation de services de machines à sous s’effectue depuis l’établissement commercial d’une société telle que CI ou depuis tout établissement stable qu’une société telle que CI pourrait avoir?

3)      En particulier:

a)      Lorsque l’activité d’une société (‘A’) est structurée comme celle du cas d’espèce de sorte qu’une société liée (‘B’), dont le siège se situe en dehors du territoire de la Communauté, fournit des services de machines à sous et lorsque le seul objectif de la structure est d’éviter l’assujettissement de A à la TVA dans l’État où elle est établie:

i)      peut-on considérer que les services de machines à sous sont fournis depuis un établissement stable dans cet État membre; et, si tel est le cas,

ii)      doit-on considérer que les services de machines à sous sont fournis depuis l’établissement stable ou depuis le lieu où B a établi son activité?

b)      Lorsque l’activité d’une société (‘A’) est structurée de sorte que, aux fins des règles relatives au lieu de prestation d’un service, une société liée (‘B’), dans des circonstances comme celles de l’espèce, envisage de fournir des services de machines à sous depuis un siège établi en dehors du territoire de la Communauté et qu’elle n’a pas d’établissement stable, depuis lequel ces services sont fournis, dans l’État membre dans lequel A est établie et que le seul objectif de la structure est d’éviter l’assujettissement de A à la TVA dans cet État pour ces services:

i)      les transactions entre B et les sociétés liées situées à l’intérieur de l’État membre (‘A’, ‘C’ et ‘D’) remplissent-elles les conditions, au regard de la TVA, pour être qualifiées de fournitures effectuées par ou pour ces sociétés dans le cadre de leurs activités économiques; si tel n’est pas le cas,

ii)      quels éléments doit-on prendre en considération pour déterminer l’identité du fournisseur des services de machines à sous?

4)      a)     Existe-t-il un principe d’abus de droit qui (indépendamment de l’interprétation donnée aux directives en matière de TVA) est susceptible de s’opposer à l’avantage recherché dans un cas tel que celui de l’espèce?

b)      Si tel est le cas, comment opère-t-il dans des circonstances comme celles de l’espèce?

5)      a)     Quelle importance doit-on donner, le cas échéant, au fait que A, C et D ne sont pas des filiales de B et que B ne contrôle pas A, C ou D du point de vue juridique ou économique?

b)      Les réponses aux questions ci-dessus auraient-elles été différentes si le type de gestion entreprise par B dans son siège situé en dehors du territoire de la Communauté était nécessaire pour la fourniture de services de machines à sous aux clients et que ni A ni C ni D n’effectuent ces activités?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations liminaires

22     L’activité visée par la décision de renvoi, à savoir la mise à disposition du public, contre rémunération, de machines à sous installées dans des salles de jeux, constitue une prestation de services au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la sixième directive. Par ses questions, la juridiction de renvoi cherche en substance à déterminer le lieu où est réputée se situer cette prestation de services.

23     À cet égard, l’article 9 de la sixième directive contient des règles qui déterminent le lieu de rattachement fiscal. Tandis que le paragraphe 1 de cette disposition donne à ce sujet une règle de caractère général, son paragraphe 2 indique une série de rattachements spécifiques. L’objectif de ces dispositions est d’éviter, d’une part, des conflits de compétence susceptibles de conduire à des doubles impositions et, d’autre part, la non-imposition de recettes (voir arrêts du 4 juillet 1985, Berkholz, 168/84, Rec. p. 2251, point 14; du 26 septembre 1996, Dudda, C-327/94, Rec. p. I-4595, point 20, et du 6 mars 1997, Linthorst, Pouwels en Scheres, C-167/95, Rec. p. I-1195, point 10).

24     S’agissant du rapport entre les deux premiers paragraphes de l’article 9 de la sixième directive, la Cour a déjà jugé qu’il n’existe aucune prééminence du paragraphe 1 sur le paragraphe 2 de cette disposition. La question qui se pose dans chaque situation consiste à se demander si elle est régie par l’un des cas mentionnés à l’article 9, paragraphe 2; à défaut, elle relève du paragraphe 1 (arrêts précités Dudda, point 21, et Linthorst, Pouwels en Scheres, point 11).

25     Il y a donc lieu d’examiner au préalable si une activité telle que celle visée par la décision de renvoi relève, ainsi que l’ont fait valoir les gouvernements irlandais et portugais, de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive, qui détermine le lieu de rattachement fiscal pour les «activités de divertissement ou similaires». En effet, il convient de rappeler, à cet égard, qu’il incombe à la Cour de fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent être utiles au jugement de l’affaire dont elle est saisie, qu’elle y ait fait ou non référence dans l’énoncé de ses questions (voir arrêts du 12 décembre 1990, SARPP, C-241/89, Rec. p. I-4695, point 8; du 2 février 1994, Verband Sozialer Wettbewerb, dit «Clinique», C-315/92, Rec. p. I-317, point 7; du 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola, C-87/97, Rec. p. I-1301, point 16, et du 7 septembre 2004, Trojani, C-456/02, non encore publié au Recueil, point 38).

 Sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive

26     Les gouvernements irlandais et portugais soutiennent que l’activité de CI relève du champ d’application de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive dès lors qu’elle consiste à offrir des services directement liés au divertissement. Le lieu où cette activité est réputée se situer serait par conséquent celui de l’exécution matérielle des services, à savoir, dans l’affaire au principal, le territoire du Royaume-Uni.

27     Le gouvernement du Royaume-Uni et les sociétés appartenant au groupe RAL font valoir, en revanche, que les prestations de services visées par la décision de renvoi ne relèvent pas de l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive. Ils observent à cet effet que l’objectif principal recherché par le destinataire du service concerné est l’obtention d’un gain financier et non le divertissement en tant que tel. Lesdites sociétés ajoutent que l’application de la disposition susmentionnée implique, en tout état de cause, une activité artistique du prestataire de services. Le fait que l’utilisation d’une machine à sous peut avoir un aspect divertissant, à l’instar de l’utilisation d’un téléphone mobile, ne transformerait pas l’opération de prestation de services concernée en une activité de divertissement au sens du paragraphe 2, sous c), premier tiret, du même article.

28     La Commission estime que l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive vise à établir un régime spécial pour certaines prestations de services qui sont effectuées entre assujettis et dont le coût entre dans le prix des biens ou des prestations en aval (voir arrêt Dudda, précité, points 23 et 24). L’affaire au principal concernerait toutefois la fourniture au consommateur final de services de machines à sous de sorte que seul le paragraphe 1 dudit article serait applicable.

29     À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous c), de la sixième directive, le lieu des prestations de services ayant pour objet des activités de divertissement ou similaires est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées.

30     Quant à la question de savoir si des prestations de services, telles que celles en cause au principal, constituent des activités de divertissement ou similaires, il convient de rappeler que CI met des machines à sous à la disposition du public, contre rémunération, dans des salles de jeux spécialement aménagées à cet effet.

31     En l’espèce, l’objectif principal recherché par l’activité visée par la décision de renvoi est le divertissement des utilisateurs de machines à sous et non pas l’octroi d’un gain financier à ceux-ci. Ainsi que l’a d’ailleurs relevé M. l’avocat général au point 29 de ses conclusions, l’incertitude quant au gain financier constitue précisément un élément essentiel du divertissement recherché par les utilisateurs de machines à sous.

32     Les activités de divertissement ou similaires au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive n’exigent pas une prestation artistique par le prestataire de services. En effet, une activité – y compris la mise à disposition de machines – dont l’objectif principal recherché par le prestataire de services est le divertissement de sa clientèle constitue l’une des activités de divertissement ou similaires au sens de cette disposition.

33     Ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 33 de ses conclusions, l’application de la règle de rattachement édictée par la disposition susmentionnée à une situation telle que celle de l’affaire au principal ne saurait être écartée en raison du fait que les destinataires des services concernés sont des consommateurs finaux. En effet, le champ d’application de cette disposition n’est pas limité aux prestations de services entre assujettis. En outre, il importe de constater que l’application de ladite règle de rattachement à une telle situation ne soulève aucune difficulté pratique. En effet, le lieu où les activités en cause sont exécutées peut aisément être identifié. Enfin, l’application d’une telle règle conduit à une solution rationnelle du point de vue fiscal dès lors que les services concernés sont soumis au régime de la TVA de l’État membre sur le territoire duquel sont établis les destinataires desdits services.

34     Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la juridiction de renvoi que la prestation de services consistant à permettre au public d’utiliser, contre rémunération, des machines à sous installées dans des salles de jeux établies sur le territoire d’un État membre doit être considérée comme l’une des activités de divertissement ou similaires au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive, en sorte que le lieu où cette prestation de services est située est l’endroit où elle est matériellement exécutée.

 Sur les dépens

35     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

La prestation de services consistant à permettre au public d’utiliser, contre rémunération, des machines à sous installées dans des salles de jeux établies sur le territoire d’un État membre doit être considérée comme l’une des activités de divertissement ou similaires au sens de l’article 9, paragraphe 2, sous c), premier tiret, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, en sorte que le lieu où cette prestation de services est située est l’endroit où elle est matériellement exécutée.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.