Available languages

Taxonomy tags

Info

References in this case

References to this case

Share

Highlight in text

Go

Affaire C-184/04

Procédure engagée par

Uudenkaupungin kaupunki

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Korkein hallinto-oikeus)

«TVA — Déduction de la taxe payée en amont — Biens d'investissement — Biens immobiliers — Régularisation des déductions»

Conclusions de l'avocat général Mme C. Stix-Hackl, présentées le 15 septembre 2005 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 30 mars 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 20, § 2 et 5)

2.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 13, C, 17 et 20)

3.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations prévues par la sixième directive

(Directive du Conseil 77/388, art. 13, C, et 17, § 6)

1.     L'article 20 de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que, sous réserve des dispositions de son paragraphe 5, il impose aux États membres de prévoir une régularisation des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les biens d'investissement.

(cf. point 35, disp. 1)

2.     L'article 20 de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que la régularisation qu'il prévoit est également applicable dans une situation dans laquelle un bien d'investissement a d'abord été affecté à une activité exonérée, qui n'ouvrait pas droit à déduction, puis, pendant la période de régularisation, a été utilisé aux fins d'une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

En effet, l'application du mécanisme de régularisation dépend de la question de savoir si un droit à déduction fondé sur l'article 17 de la sixième directive a pris naissance. Or, l'utilisation qui est faite du bien d'investissement détermine uniquement l'étendue de la déduction initiale et l'étendue des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes, mais n'affecte pas la naissance du droit à déduction. Par conséquent, l'utilisation immédiate du bien pour des opérations taxées ne constitue pas, en elle-même, une condition de l'application du système de régularisation des déductions. En outre, la régularisation de la déduction s'applique nécessairement aussi lorsque la modification du droit à déduction dépend d'un choix volontaire du contribuable, comme de l'exercice de l'option prévue à l'article 13, C, de la sixième directive.

(cf. points 37, 39-40, 42, disp. 2)

3.     Les articles 13, C, second alinéa, et 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétés en ce sens qu'un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d'opter pour l'imposition de la location d'un immeuble n'est pas autorisé en vertu de ces dispositions à exclure la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d'option, lorsque la demande présentée en vue de cette option n'a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

En effet, dans la mesure où les assujettis ont, en vertu de l'article 13, C, premier alinéa, de la sixième directive, la possibilité d'opter pour la taxation de la location d'un immeuble, l'exercice de cette option doit entraîner non seulement la taxation de la location mais aussi la déduction des taxes pertinentes ayant grevé ledit immeuble en amont. En outre, une limitation des déductions liées aux opérations taxées après l'exercice du droit d'option concernerait non pas la «portée» du droit d'option que les États membres peuvent restreindre en vertu du second alinéa de l'article 13, C, de la sixième directive, mais les conséquences de l'exercice de ce droit. Cette disposition n'autorise par conséquent pas les États membres à restreindre le droit à opérer des déductions prévu à l'article 17 de la sixième directive, ni la nécessité de régulariser ces déductions en vertu de l'article 20 de la même directive.

Quant à la faculté accordée aux États membres par l'article 17, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la sixième directive, elle ne s'applique qu'au maintien des exclusions de la déduction en ce qui concerne des catégories de dépenses définies par référence à la nature du bien ou du service acquis et par référence à l'affectation qui lui est donnée ou aux modalités de cette affectation.

(cf. points 44, 46-47, 49, 51, disp. 3-4)




ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

30 mars 2006 (*)

«TVA – Déduction de la taxe payée en amont – Biens d’investissement – Biens immobiliers – Régularisation des déductions»

Dans l’affaire C-184/04,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande), par décision du 16 avril 2004, parvenue à la Cour le 19 avril 2004, dans la procédure engagée par

Uudenkaupungin kaupunki,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, M. K. Schiemann (rapporteur), Mme N. Colneric, MM. J. N. Cunha Rodrigues et E. Levits, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 juin 2005,

considérant les observations présentées:

–       pour l’Uudenkaupungin kaupunki, par Me M. Pikkujämsä, asianajaja,

–       pour le gouvernement finlandais, par Mmes T. Pynnä et E. Bygglin, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. P. Gentili, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Ström van Lier et M. I. Koskinen, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 septembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions des articles 13, C, second alinéa, 17, paragraphe 6, deuxième alinéa, et 20 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci-après la «sixième directive»).

2       Elle pose pour l’essentiel la question de savoir si, à la lumière de la sixième directive, une régularisation de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») payée en amont pour les biens d’investissement doit être accordée dans l’hypothèse où un bien immobilier a d’abord été affecté à une activité exonérée, pour ensuite être affecté à une activité imposable, après l’exercice du droit d’option au sens de l’article 13, C, de la sixième directive.

3       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un pourvoi introduit par l’Uudenkaupungin kaupunki (ville d’Uusikaupunki, ci-après «Uusikaupunki») contre une décision du Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki), par laquelle ce dernier a rejeté le recours formé par Uusikaupunki contre deux décisions prises par le Lounais-Suomen verovirasto (centre des impôts de la Finlande du Sud-Ouest) sur des demandes de régularisation de déductions et de remboursement de TVA présentées par Uusikaupunki.

 Le cadre juridique

 La sixième directive

4       L’article 5, paragraphes 6 et 7, de la sixième directive est libellé comme suit:

«6.      Est assimilé à une livraison effectuée à titre onéreux le prélèvement par un assujetti d’un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu’il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu’il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l’entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons.

7.      Les États membres peuvent assimiler à une livraison effectuée à titre onéreux:

a)      l’affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d’un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté ou importé dans le cadre de son entreprise dans le cas où l’acquisition d’un tel bien auprès d’un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la taxe sur la valeur ajoutée;

b)      l’affectation d’un bien par un assujetti à un secteur d’activité non imposé, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition ou de son affectation conformément à la lettre a);

c)      à l’exception des cas visés au paragraphe 8, la détention de biens par un assujetti ou par ses ayants droit en cas de cessation de son activité économique taxable, lorsque ces biens ont ouvert droit à déduction complète ou partielle lors de leur acquisition ou de leur affectation conformément à la lettre a).»

5       L’article 6, paragraphes 2 et 3, de la même directive dispose:

«2.      Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

a)      l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée;

b)      les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence.

3.      Afin de prévenir des distorsions de concurrence et sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, les États membres peuvent assimiler à une prestation de services effectuée à titre onéreux l’exécution, par un assujetti, d’un service pour les besoins de son entreprise, dans le cas où l’exécution d’un tel service par un autre assujetti ne lui ouvrirait pas droit à la déduction complète de la taxe sur la valeur ajoutée.»

6       En application de l’article 13, B, sous b), de la sixième directive, les États membres exonèrent la location de biens immeubles de la TVA. En vertu de l’article 13, C, de cette directive, les États membres peuvent accorder à leurs assujettis le droit d’opter pour la taxation de la location de biens immeubles. Toutefois, selon le second alinéa de ce même article, les États membres peuvent restreindre la portée de ce droit d’option et déterminer les modalités de son exercice.

7       L’article 17 de la sixième directive, intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction», dispose:

«1.      Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l’intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[…]

6.      Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.»

8       À ce jour, les règles communautaires visées à l’article 17, paragraphe 6, premier alinéa, de la sixième directive n’ont pas encore été adoptées, à défaut d’un accord au sein du Conseil sur les dépenses pour lesquelles une exclusion du droit à déduction de la TVA peut être envisagée.

9       L’article 18, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive précise certaines exigences quant aux modalités d’exercice du droit à déduction. Le paragraphe 3 de cet article prévoit à cet égard que les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n’a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2 dudit article sont fixées par les États membres.

10     L’article 20 de la sixième directive, intitulé «Régularisation des déductions», comporte les dispositions suivantes:

«1.      La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:

a)      lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;

b)      lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus; toutefois, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 5 paragraphe 6. Toutefois, les États membres ont la faculté d’exiger la régularisation pour les opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol.

2.      En ce qui concerne les biens d’investissement, une régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Chaque année, cette régularisation ne porte que sur le cinquième de la taxe dont ces biens ont été grevés. Cette régularisation est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.

Par dérogation au premier alinéa, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien.

En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être portée jusqu’à vingt ans.

[…]

4.      Pour l’application des paragraphes 2 et 3, les États membres peuvent:

–       définir la notion de biens d’investissement,

–       préciser quel est le montant de taxe qui est à prendre en considération pour la régularisation,

–       prendre toutes dispositions utiles en vue d’éviter que les régularisations ne procurent aucun avantage injustifié,

–       autoriser des simplifications administratives.

5.      Si, dans un État membre, l’application des paragraphes 2 et 3 donnait un résultat négligeable, cet État peut, sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, ne pas les appliquer compte tenu de l’incidence globale de la taxe dans l’État membre concerné et de la nécessité de simplifications administratives et sous réserve qu’il n’en résulte pas de distorsions de concurrence.

[...]»

11     L’article 29 de la sixième directive a institué un «comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée», composé de représentants des États membres et de la Commission, lequel est habilité à examiner des questions portant sur l’application des dispositions communautaires en matière de TVA.

 La réglementation nationale

12     Les dispositions relatives au traitement fiscal de la location d’immeubles sont contenues dans les articles 27 à 30 de la loi sur la TVA (arvonlisäverolaki, loi n° 1501, du 30 décembre 1993, ci-après l’«AVL»). Aux termes de l’article 27, premier alinéa, de cette loi, la location d’immeubles est exonérée de la TVA. L’article 30, premier alinéa, de ladite loi accorde aux assujettis le droit d’opter pour la taxation de la location d’immeubles sous condition que l’immeuble soit utilisé par l’État ou de façon constante pour des activités ouvrant droit à déduction, c’est-à-dire dans le cadre d’activités imposables.

13     Selon l’article 33 de l’AVL, une prestation de travaux dans le cadre d’une construction nouvelle ou de la rénovation d’un immeuble est considérée comme une livraison pour usage propre même lorsque l’opérateur économique vend l’immeuble ou en fait un autre usage que celui ouvrant droit à déduction, dès lors que la prestation de service ou l’acquisition de l’immeuble a donné lieu à déduction ou que la prestation de service a elle-même été effectuée dans le cadre d’une activité ouvrant droit à déduction.

14     Les dispositions relatives au droit à déduction font l’objet des articles 102 à 118 de l’AVL. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, premier alinéa, de cette loi, relatif au droit général à déduction, l’assujetti peut, dans le cadre d’une activité imposable, déduire la taxe grevant un bien ou un service acquis auprès d’un autre assujetti. Conformément à l’article 106 de l’AVL, relatif aux déductions dans le cadre des prestations de service de construction, le propriétaire d’un immeuble qui a demandé à être assujetti à la TVA au titre de l’article 30 de cette loi, peut en principe effectuer la déduction visée à l’article 102 de ladite loi pour les services ou produits qu’il a acquis aux fins de la location imposable dudit immeuble.

15     La déduction de la TVA pour les investissements immobiliers effectués antérieurement à l’exercice de l’option pour l’assujettissement n’est cependant possible que si cette option a été exercée dans un délai de six mois à compter de la mise en service de l’immeuble concerné. L’AVL ne permet pas de réviser ou de régulariser au bénéfice de l’assujetti des déductions relatives à une rénovation, à une construction nouvelle ou à l’acquisition d’un immeuble, dans le cas où la demande d’assujettissement a été présentée après l’expiration du délai susmentionné, alors que l’immeuble avait initialement été mis en service dans le cadre d’une activité exonérée de la TVA avant d’être affecté à une activité imposable.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

16     Uusikaupunki a rénové un immeuble dont elle est propriétaire et a loué des locaux dans cet immeuble à l’État finlandais, en partie à compter du 1er juin 1995 et, pour l’autre partie, à compter du 1er septembre de la même année. Uusikaupunki a également loué, à compter du 31 août 1995, une halle industrielle construite par ses soins à une entreprise assujettie à la TVA. Les coûts de ces deux projets incluaient un montant de TVA de 2 206 224 FIM.

17     Le 4 avril 1996, Uusikaupunki a déposé, sur le fondement de l’article 30 de l’AVL, auprès du Turun lääninverovirasto (centre régional des impôts de Turku) une demande en vue de son assujettissement à la TVA pour la location des deux immeubles en cause au principal. L’administration fiscale a fait droit à cette demande pour la période courant à compter de la date du dépôt de ladite demande, dès lors qu’elle n’avait pas été présentée dans le délai de six mois à compter de la mise en service de l’immeuble, prévu à l’article 106 de l’AVL.

18     Par deux demandes des 8 septembre 1998 et 30 mars 2000, Uusikaupunki a, sur le fondement de l’article 20 de la sixième directive, demandé au Lounais-Suomen verovirasto la régularisation des déductions de taxe et le remboursement d’une partie de la TVA payée dans le cadre des travaux de construction et de rénovation au titre des années 1996 à 1999. La somme demandée s’élevait à 1 651 653 FIM, majorée des intérêts légaux.

19     Par décisions du 3 mai 2000, le Lounais-Suomen verovirasto a rejeté ces demandes au motif qu’une déduction de la TVA payée dans le cadre des travaux de construction et de rénovation n’aurait, en application de l’article 106 de l’AVL, été possible que si l’option pour l’assujettissement à cette taxe avait été exercée dans un délai de six mois à compter de la mise en service des immeubles.

20     Uusikaupunki a introduit, devant le Helsingin hallinto-oikeus, un recours tendant à l’annulation de ces décisions, lequel a été rejeté. La requérante au principal a alors introduit un pourvoi contre ce jugement devant le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême).

21     Le Korkein hallinto-oikeus se demande si les conditions auxquelles l’AVL subordonne le droit à déduction de la TVA sont contraires à la sixième directive en ce qu’il est impossible en droit finlandais de régulariser les déductions de TVA dans le cadre de la location d’un immeuble si l’immeuble avait initialement été mis en service dans le cadre d’une activité exonérée de TVA avant d’être affecté à une activité imposable à moins que la demande d’assujettissement de la location ait été présentée dans un délai de six mois après la mise en service de l’immeuble.

22     Selon la juridiction de renvoi, il est incontestable qu’Uusikaupunki a, dans le cadre des acquisitions effectuées au titre des rénovation et construction nouvelle en cause, agi en qualité d’assujettie et que ces acquisitions ont été effectuées aux fins d’une activité économique de la requérante.

23     C’est dans ces circonstances que le Korkein hallinto-oikeus a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 20 de la [sixième directive] doit-il être interprété en ce sens que, sous réserve des dispositions de son paragraphe 5, la régularisation des déductions visée dans cet article est obligatoire pour l’État membre en ce qui concerne les biens d’investissement?

2)      L’article 20 de la [sixième directive] doit-il être interprété en ce sens que la régularisation des déductions visée dans cet article est également applicable dans une situation où un bien d’investissement, en l’occurrence immobilier, a d’abord été affecté à une activité exonérée, où les déductions étaient initialement totalement exclues, alors que ce n’est que plus tard, pendant la période de régularisation, que le bien a été utilisé aux fins d’une activité soumise à la TVA?

3)      L’article 13, C, second alinéa de la [sixième] directive peut-il être interprété en ce sens que le droit à déduction pour les acquisitions relatives à des investissements immobiliers peut être restreint par l’État membre de la façon prévue dans la loi finlandaise sur la TVA, de telle sorte que ce droit se trouve complètement exclu dans des situations comme celle de la présente affaire?

4)      L’article 17, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la [sixième] directive peut-il être interprété en ce sens que le droit à déduction pour les acquisitions relatives à des investissements immobiliers peut être restreint par l’État membre de la façon prévue dans la loi finlandaise sur la TVA, de telle sorte que ce droit se trouve complètement exclu dans des situations comme celle de la présente affaire?»

 Sur la première question

24     Il convient de rappeler, à titre liminaire, que selon la logique du système mis en place par la sixième directive, les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par un assujetti aux fins de ses opérations taxées peuvent être déduites. La déduction des taxes en amont est liée à la perception des taxes en aval. Lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relevant pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de la taxe en amont. En revanche, dans la mesure où des biens ou des services sont utilisés aux fins d’opérations taxées en aval, une déduction de la taxe ayant grevé ceux-ci en amont s’impose afin d’éviter une double imposition.

25     La période de régularisation des déductions prévue à l’article 20 de la sixième directive permet d’éviter des inexactitudes dans le calcul des déductions et des avantages ou des désavantages injustifiés pour l’assujetti lorsque, notamment, des modifications des éléments initialement pris en considération pour la détermination du montant des déductions interviennent postérieurement à la déclaration. La probabilité de pareilles modifications est particulièrement importante dans le cas de biens d’investissement qui sont souvent utilisés durant une période de plusieurs années au cours de laquelle leur affectation peut varier. La sixième directive prévoit donc une période de régularisation de cinq ans, qui peut être étendue à vingt ans dans le cas de biens immobiliers, période durant laquelle peuvent se succéder des déductions variables. 

26     Le système de régularisation des déductions constitue un élément essentiel du système mis en place par la sixième directive en ce qu’il a pour vocation d’assurer l’exactitude des déductions et donc la neutralité de la charge fiscale. L’article 20, paragraphe 2, de la sixième directive, qui concerne les biens d’investissement, pertinents dans l’affaire au principal, est d’ailleurs rédigé dans des termes qui ne laissent aucun doute sur son caractère obligatoire.

27     Il résulte en outre d’une jurisprudence constante que, dès lors que des limitations du droit à déduction, et donc des régularisations des déductions, doivent s’appliquer de manière similaire dans tous les États membres, des dérogations ne sont permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1991, Lennartz, C-97/90, Rec. p. I-3795, point 27). Le fait que l’article 20, paragraphe 5, de la sixième directive prévoit des conditions très précises devant être satisfaites pour qu’un État membre puisse, à titre dérogatoire, renoncer à l’application du paragraphe 2 de ce même article, vient renforcer le caractère obligatoire de cette dernière disposition. Il y a lieu de relever dans ce contexte que, lors de l’audience, un désaccord a été exprimé entre le gouvernement finlandais et la Commission sur la question de savoir si une consultation du comité institué à l’article 29 de la sixième directive avait eu lieu, comme le prévoit l’article 20, paragraphe 5, de cette même directive, et quel en avait été le résultat. Néanmoins, les questions posées par la juridiction nationale n’ont manifestement pas pour objet de vérifier si les conditions d’application de cette disposition dérogatoire sont remplies en l’espèce.

28     En ce qui concerne l’argument du gouvernement finlandais selon lequel l’article 20, paragraphe 4, de la sixième directive permet aux États membres de définir la notion de «biens d’investissement» et que les prestations de services de construction ne devraient pas nécessairement être incluses dans cette notion, il suffit de constater que ce gouvernement admet qu’aucune définition de cette expression n’a été adoptée en droit finlandais, la procédure prévue à l’article 20, paragraphes 2 à 5, de la sixième directive n’ayant pas été transposée en droit national. Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un État membre qui n’a pas transposé dans son ordre juridique national les dispositions d’une directive ne peut opposer aux citoyens communautaires les limitations qui pourraient avoir été imposées en vertu de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 21, et du 14 juillet 2005, Aslanidou, C-142/04, non encore publié au Recueil, point 35).

29     En outre, contrairement à ce que fait valoir le gouvernement finlandais, la régularisation des déductions de la taxe en amont en application de l’article 20 de la sixième directive ne constitue pas une simple alternative à l’application des articles 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, de cette même directive, relatifs à la taxation des prélèvements et des prestations de services effectués par un assujetti pour ses besoins privés, et les États membres n’ont donc aucun choix à opérer entre la transposition du mécanisme de régularisation et de celui relatif à l’assujettissement de prélèvements effectués pour des besoins privés, les deux étant obligatoires.

30     Bien que tant l’article 20 que les articles 5 et 6 soient en vertu de leur libellé susceptibles, en principe, de s’appliquer à une situation où un bien dont l’usage ouvre droit à déduction est ensuite affecté à un usage n’ouvrant pas droit à déduction, et bien que ces deux mécanismes aient le même effet économique dans cette situation (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Gemeente Leusden et Holin Groep, C-487/01 et C-7/02, Rec. p. I-5337, point 90), tel n’est cependant pas le cas dans la situation inverse, pertinente dans l’affaire au principal, où un bien dont l’usage n’ouvre pas droit à déduction est ensuite affecté à un usage y ouvrant droit. En effet, un droit à régularisation des déductions au bénéfice de l’assujetti, pertinent dans la seconde situation, peut uniquement être fondé sur les dispositions de l’article 20 de la sixième directive et non sur celles des articles 5 et 6 de celle-ci. Dans de telles situations, une application des dispositions de l’article 20 de ladite directive est donc indispensable, indépendamment de l’application en droit national des articles 5 et 6 de la sixième directive.

31     En effet, même en ce qui concerne les situations où un bien fait l’objet d’une nouvelle affectation, d’un usage ouvrant droit à déduction à un usage n’y ouvrant pas droit, et où, par conséquent, existe un risque de chevauchement desdites dispositions, il n’en résulte, contrairement à ce qu’a fait valoir le gouvernement finlandais, aucune contradiction pouvant justifier que ne soit pas mise en œuvre la procédure de régularisation des déductions prévue à l’article 20 de la sixième directive.

32     Lors de l’audience, le gouvernement finlandais a cité le cas de figure d’un immeuble qui, ayant été acquis au titre d’activités assujetties, est, un an après son acquisition, affecté à une activité exonérée pour les quatre années suivantes. Ce gouvernement relève que, en principe, aussi bien l’article 20 de la sixième directive que les articles 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, de celle-ci seraient applicables à une telle situation mais que l’application de ces articles aboutirait à des résultats différents et inconciliables. En application de l’article 20, paragraphe 2, de la sixième directive, une régularisation de la déduction de la TVA ayant grevé le prix d’achat à partir de la deuxième année aurait pour conséquence de maintenir la taxe déductible à hauteur de 1/5 de son montant, cette fraction correspondant à la première année d’utilisation de l’immeuble. En revanche, une application des articles 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, de la sixième directive aboutirait à la taxation de la valeur totale de l’immeuble au moment du changement d’affectation de celui-ci.

33     À cet égard, il doit être relevé d’emblée que ces articles 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, ne pourraient trouver à s’appliquer que dans le cas d’une réaffectation du bien concerné à un usage privé mais non dans le cas de la réaffectation de ce bien aux fins d’une activité exonérée.

34     L’applicabilité respective des dispositions en cause dépendra alors de la question de savoir si l’assujetti a en effet décidé d’affecter l’immeuble en question à titre permanent à son usage privé ou, en revanche, s’il envisage la possibilité d’une utilisation future aux fins de son entreprise et décide, par conséquent, de le conserver dans le patrimoine de son entreprise. Dans la première hypothèse, ce seront les articles 5, paragraphe 6, et 6, paragraphe 2, de la sixième directive qui s’appliqueront et dans la seconde, l’article 20 de cette même directive. Le fait qu’un assujetti a la possibilité de choisir, aux fins de l’application de la sixième directive, d’intégrer ou non à son entreprise la partie d’un bien qui est affectée à son usage privé résulte d’une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts du 4 octobre 1995, Armbrecht, C-291/92, Rec. p. I-2775, point 20, et du 14 juillet 2005, Charles et Charles-Tijmens, C-434/03, non encore publié au Recueil, point 23). Dans le cas de figure cité par le gouvernement finlandais, aucun conflit réel n’existe donc.

35     Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 20 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que, sous réserve des dispositions de son paragraphe 5, il impose aux États membres de prévoir une régularisation des déductions de la TVA en ce qui concerne les biens d’investissement.

 Sur la deuxième question

36     La deuxième question vise à déterminer si le fait que l’activité pertinente était initialement exonérée et que les déductions étaient, par conséquent, totalement exclues, a une incidence sur cette régularisation.

37     Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé aux points 36 et 37 de ses conclusions, l’application du mécanisme de régularisation dépend de la question de savoir si un droit à déduction fondé sur l’article 17 de la sixième directive a pris naissance.

38     En vertu de l’article 17, paragraphe 1, de la sixième directive, intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction», le droit à déduction de la TVA prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible. Par conséquent, seule la qualité en laquelle un particulier agit à ce moment peut déterminer l’existence d’un droit à déduction (arrêt Lennartz, précité, point 8).

39     La Cour a en outre jugé que l’utilisation qui est faite du bien d’investissement détermine uniquement l’étendue de la déduction initiale à laquelle l’assujetti a droit en vertu de l’article 17 de la sixième directive et l’étendue des éventuelles régularisations au cours des périodes suivantes, mais n’affecte pas la naissance du droit à déduction. Par conséquent, l’utilisation immédiate du bien pour des opérations taxées ne constitue pas, en elle-même, une condition de l’application du système de régularisation des déductions (arrêt Lennartz, précité, points 15 et 16).

40     Enfin, et contrairement à ce que fait valoir le gouvernement italien, la régularisation de la déduction au titre de l’article 20 de la sixième directive s’applique nécessairement aussi lorsque la modification du droit à déduction dépend d’un choix volontaire du contribuable, comme de l’exercice de l’option prévue à l’article 13, C, de la sixième directive. L’exercice de cette option n’a aucune incidence sur la naissance du droit à déduction qui est régie, ainsi qu’il vient d’être rappelé, par l’article 17, paragraphe 1, de la sixième directive. Dès lors que la location d’un immeuble est taxée après l’exercice de l’option pour la taxation, une régularisation des déductions devient nécessaire afin d’éviter une double imposition des dépenses en amont, et cela indépendamment du fait que la taxation est la conséquence du choix volontaire du contribuable.

41     L’article 18, paragraphe 3, de la sixième directive, cité par le gouvernement italien, est sans pertinence dans ce contexte dès lors que ce paragraphe vise l’hypothèse où un contribuable a omis d’effectuer des déductions auxquelles il aurait pu procéder, ce qui ne pourrait être le cas avant que soit exercée l’option prévue à l’article 13, C, de la sixième directive. En effet, l’étendue de la déduction initiale ayant été nulle, ce n’est qu’après avoir exercé cette option que le droit à déduction du contribuable acquiert une valeur réelle qui pourrait faire l’objet d’une déduction.

42     Il convient, par conséquent, de répondre à la deuxième question que l’article 20 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la régularisation qu’il prévoit est également applicable dans une situation dans laquelle un bien d’investissement a d’abord été affecté à une activité exonérée, qui n’ouvrait pas droit à déduction, puis, pendant la période de régularisation, a été utilisé aux fins d’une activité soumise à la TVA.

 Sur la troisième question

43     Par sa troisième question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si l’article 13, C, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d’opter pour l’imposition de la location d’un immeuble est autorisé à exclure la déduction de la TVA pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d’option, lorsque la demande présentée en vue de cette option n’a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

44     Ainsi qu’il a été constaté au point 24 du présent arrêt, selon la logique du système mis en place par la sixième directive les taxes ayant grevé en amont les biens ou les services utilisés par un assujetti aux fins de ses opérations taxées doivent pouvoir être déduites. Par conséquent, dans la mesure où les assujettis ont, en vertu de l’article 13, C, premier alinéa, de la sixième directive, la possibilité d’opter pour la taxation de la location d’un immeuble, l’exercice de cette option doit entraîner non seulement la taxation de la location mais aussi la déduction des taxes pertinentes ayant grevé ledit immeuble en amont.

45     Il est certes loisible aux États membres de définir les conditions procédurales dans lesquelles un droit d’option peut être exercé, ce qui inclut la possibilité de prévoir que l’imposition ne sera effective qu’après le dépôt de la demande, et que, seulement après cette date, la déduction de taxes acquittées en amont sera possible (arrêt du 9 septembre 2004, Vermietungsgesellschaft Objekt Kirchberg, C-269/03, Rec. p. I-8067, point 23). Néanmoins, de telles règles ne pourraient avoir pour conséquence de limiter le droit à opérer les déductions liées aux opérations taxées si le droit d’option a été, conformément à ces règles, valablement exercé. En particulier, l’application des règles procédurales nationales ne sauraient avoir pour conséquence de limiter la période dans laquelle des déductions peuvent être opérées à une période plus courte que celle prévue par la sixième directive pour la régularisation des déductions.

46     En outre, une limitation des déductions liées aux opérations taxées après l’exercice du droit d’option concernerait non pas la «portée» du droit d’option, visée au second alinéa de l’article 13, C, de la sixième directive, mais les conséquences de l’exercice de ce droit. Cette disposition n’autorise par conséquent pas les États membres à restreindre le droit à opérer des déductions prévu à l’article 17 de la sixième directive, ni la nécessité de régulariser ces déductions en vertu de l’article 20 de la même directive.

47     Il convient, par conséquent, de répondre à la troisième question que l’article 13, C, second alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d’opter pour l’imposition de la location d’un immeuble n’est pas autorisé en vertu de cette disposition à exclure la déduction de la TVA pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d’option, lorsque la demande présentée en vue de l’exercice de cette option n’a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

 Sur la quatrième question

48     Par cette dernière question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d’opter pour l’imposition de la location d’un immeuble est autorisé à exclure la déduction de la TVA pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d’option, lorsque la demande présentée en vue de cette option n’a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

49     Une analyse de la genèse de l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive démontre que la faculté accordée aux États membres par le deuxième alinéa de cette disposition ne s’applique qu’au maintien des exclusions de la déduction en ce qui concerne des catégories de dépenses définies par référence à la nature du bien ou du service acquis et non par référence à l’affectation qui lui est donnée ou aux modalités de cette affectation (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 1999, Royscot e.a., C-305/97, Rec. p. I-6671, points 21 à 25).

50     Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 79 de ses conclusions, il apparaît que l’article 102, paragraphe 1, premier alinéa, de l’AVL prévoit expressément la possibilité de déduire, dans certaines conditions, la TVA ayant grevé des investissements relatifs à des immeubles tels que les dépenses de construction et d’achats liées à ces immeubles. L’exclusion en cause en ce qui concerne les dépenses exposées antérieurement à l’exercice de l’option pour l’assujettissement à la TVA ne relève donc pas de la dérogation prévue par l’article 17, paragraphe 6, deuxième alinéa, de la sixième directive.

51     Il convient par conséquent de répondre à la quatrième question que l’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d’opter pour l’imposition de la location d’un immeuble n’est pas autorisé en vertu de cette disposition à exclure la déduction de la TVA pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d’option, lorsque la demande présentée en vue de cette option n’a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

 Sur la limitation des effets dans le temps du présent arrêt

52     Le gouvernement finlandais a demandé à la Cour, dans l’hypothèse où elle ne suivrait pas son argumentation, de limiter les effets dans le temps du présent arrêt à la période postérieure au prononcé de celui-ci.

53     Conformément à une jurisprudence constante, l’interprétation que la Cour donne d’une règle de droit communautaire, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 234 CE, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu’elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies (voir, notamment, arrêts du 2 février 1988, Blaizot, 24/86, Rec. p. 379, point 27, et du 15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 141).

54     Selon également une jurisprudence constante, les particuliers sont en droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues en violation des règles du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 12, et du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C-192/95 à C-218/95, Rec. p. I-165, point 20).

55     Ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (voir, notamment, arrêts du 28 septembre 1994, Vroege, C-57/93, Rec. p. I-4541, point 21, et du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402/03, non encore publié au Recueil, point 51).

56     En l’espèce, il y a lieu de constater, ainsi que l’a fait à bon droit Mme l’avocat général au point 87 de ses conclusions, que le gouvernement finlandais se fonde uniquement sur des difficultés pratiques dont il devrait tenir compte dans l’hypothèse où les effets du présent arrêt ne seraient pas limités dans le temps.

57     Il doit d’ailleurs être relevé dans le présent contexte que ledit gouvernement a indiqué avoir invoqué la dérogation prévue à l’article 20, paragraphe 5, de la sixième directive. Or, l’applicabilité de cette disposition aurait été, selon le libellé même de celle-ci, soumise notamment à la condition que l’application du système de régularisation des déductions donnât un «résultat négligeable». Indépendamment de la question de savoir si les consultations prévues à l’article 29 de la sixième directive ont eu lieu, il peut être constaté que l’invocation même de l’article 20, paragraphe 5, de ladite directive par le gouvernement finlandais est de nature à faire douter du caractère grave des répercussions qui résulteraient d’une application rétroactive du système de régularisation des déductions.

58     En outre, il peut être relevé, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 26 du présent arrêt, que l’article 20, paragraphe 2, de la sixième directive, concernant la régularisation des déductions en cause, est rédigé dans des termes qui ne laissent aucun doute sur son caractère obligatoire. L’argument du gouvernement finlandais selon lequel les dispositions pertinentes de la sixième directive auraient un caractère obscur entraînant des incertitudes quant à leur application doit donc être rejeté.

59     Par conséquent, il n’y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.

 Sur les dépens

60     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 20 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que, sous réserve des dispositions de son paragraphe 5, il impose aux États membres de prévoir une régularisation des déductions de la taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les biens d’investissement.

2)      L’article 20 de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens que la régularisation qu’il prévoit est également applicable dans une situation dans laquelle un bien d’investissement a d’abord été affecté à une activité exonérée, qui n’ouvrait pas droit à déduction, puis, pendant la période de régularisation, a été utilisé aux fins d’une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée.

3)      L’article 13, C, second alinéa, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d’opter pour l’imposition de la location d’un immeuble n’est pas autorisé en vertu de cette disposition à exclure la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d’option, lorsque la demande présentée en vue de cette option n’a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

4)      L’article 17, paragraphe 6, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu’un État membre qui accorde à ses assujettis le droit d’opter pour l’imposition de la location d’un immeuble n’est pas autorisé en vertu de cette disposition à exclure la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour des investissements immobiliers effectués avant que soit exercé ce droit d’option, lorsque la demande présentée en vue de cette option n’a pas été introduite dans les six mois à partir de la mise en service de cet immeuble.

Signatures


* Langue de procédure: le finnois.