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Affaire C-318/05

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d'Allemagne

«Manquement d'État — Articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE — Législation en matière d'impôt sur le revenu — Frais de scolarité — Droit à déduction limité aux frais de scolarité versés à des établissements privés nationaux»

Sommaire de l'arrêt

1.        Libre prestation des services — Services — Notion

(Art. 50 CE)

2.        Libre prestation des services — Restrictions — Législation fiscale

(Art. 49 CE)

3.        Libre circulation des personnes — Travailleurs — Liberté d'établissement — Législation fiscale

(Art. 39 CE et 43 CE)

4.        Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Législation fiscale

(Art. 18 CE)

1.        Les cours dispensés par des établissements faisant partie d'un système d'enseignement public et qui sont financés, entièrement ou principalement, par des fonds publics sont exclus de la notion de services au sens de l'article 50 CE. En effet, en établissant et en maintenant un tel système d'enseignement public, financé en règle générale par le budget public et non par les élèves ou leurs parents, l'État n'entend pas s'engager dans des activités rémunérées, mais accomplit sa mission dans les domaines social, culturel et éducatif envers sa population.

En revanche, les cours dispensés par des établissements d'enseignement financés, pour l'essentiel, par des fonds privés, notamment par les étudiants et leurs parents, constituent des services au sens de l'article 50 CE, le but poursuivi par ces établissements consistant, en effet, à offrir un service contre rémunération. Il n'est pas nécessaire à cet égard que ce financement privé soit assuré principalement par les élèves ou leurs parents. En effet, l'article 50 CE n'exige pas que le service soit payé par ceux qui en bénéficient.

(cf. points 68-70)

2.        Lorsque les contribuables d'un État membre scolarisent leurs enfants dans une école située dans un autre État membre et financée pour l'essentiel par des fonds privés, le premier État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 49 CE en excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d'une telle école de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales ouvrant droit à une réduction de l'impôt sur le revenu.

Une telle réglementation est constitutive d'une entrave à la libre prestation des services garantie par l'article 49 CE en ce qu'elle a pour effet de dissuader les contribuables résidant dans l'État membre concerné de scolariser leurs enfants dans des écoles établies dans un autre État membre. Par ailleurs, elle entrave également l'offre de formation émanant d'établissements d'enseignement privés établis dans d'autres États membres et destinée aux enfants de contribuables résidant dans le premier État membre.

Le refus d'accorder l'abattement fiscal en cause s'agissant des frais de scolarité versés à des écoles établies dans un autre État membre ne saurait être justifié par l'objectif d'assurer une couverture des frais de fonctionnement des écoles privées sans qu'il en résulte une charge déraisonnable pour l'État, dès lors que cet objectif pourrait être atteint par des moyens moins contraignants. En effet, afin d'éviter une charge financière excessive, il est loisible à un État membre de limiter le montant déductible au titre des frais de scolarité à un montant déterminé, correspondant à l'abattement fiscal accordé par cet État, compte tenu de certaines valeurs qui lui sont propres, pour la fréquentation d'écoles situées sur son territoire, ce qui constituerait un moyen moins contraignant que le refus d'octroi de l'abattement fiscal en cause. Il apparaît en tout état de cause disproportionné d'exclure totalement de cet abattement les frais de scolarité versés à des écoles établies dans un autre État membre indépendamment du point de savoir si ces écoles remplissent des critères objectifs fixés sur la base de principes propres à chaque État membre et permettant de déterminer quels types de frais de scolarité ouvrent droit audit abattement fiscal.

(cf. points 80-81, 97-100, 139, disp. 1)

3.        Manque aux obligations lui incombant en vertu des articles 39 CE et 43 CE un État membre qui exclut de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d'une école située dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales ouvrant droit à une réduction de l'impôt sur le revenu.

En effet, une telle réglementation désavantage notamment les travailleurs salariés et indépendants qui ont transféré leur domicile dans l'État membre concerné ou qui y travaillent et dont les enfants continuent à fréquenter une école payante située dans un autre État membre. Elle est également susceptible de placer des ressortissants nationaux dans une position désavantageuse lorsqu'ils transfèrent leur domicile dans un autre État membre, dans lequel leurs enfants fréquentent une école payante.

(cf. points 116, 118, 121, 139, disp. 1)

4.        Lorsque les enfants des contribuables d'un État membre sont scolarisés dans un autre État membre, dans une école dont les prestations ne sont pas couvertes par l'article 49 CE, le premier État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 18 CE en excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d'une telle école de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales ouvrant droit à une réduction de l'impôt sur le revenu.

Une telle réglementation a pour effet de désavantager de manière injustifiée lesdits enfants par rapport à ceux qui n'ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation en se rendant dans une école établie dans un autre État membre pour y suivre leur scolarité et porte atteinte aux droits qui leur sont conférés par l'article 18, paragraphe 1, CE.

(cf. points 137, 139, disp. 1)







ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

11 septembre 2007 (*)

«Manquement d’État – Articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE – Législation en matière d’impôt sur le revenu – Frais de scolarité – Droit à déduction limité aux frais de scolarité versés à des établissements privés nationaux»

Dans l’affaire C-318/05,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 17 août 2005,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. K. Gross et R. Lyal, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma et U. Forsthoff, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas (rapporteur) et K. Lenaerts, présidents de chambre, M. J. N. Cunha Rodrigues, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, G. Arestis, A. Borg Barthet, M. Ilešič et J. Malenovský, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mai 2006,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 21 septembre 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en excluant sans exception les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école établie dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales prévues à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de la loi relative à l’impôt sur le revenu, dans sa version publiée le 19 octobre 2002 (Einkommensteuergesetz, BGBl. 2002 I, p. 4210, ci-après l’«EStG»), la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE.

 La réglementation nationale en cause

2        En vertu de la réglementation allemande, les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école privée sont couverts par les abattements fiscaux pour enfants à charge ainsi que par les allocations familiales. Dans la mesure où des frais supplémentaires liés à la formation sont occasionnés par l’hébergement en internat, ceux-ci ouvrent droit de manière forfaitaire à l’abattement fiscal pour formation prévu à l’article 33a, paragraphe 2, de l’EStG. Il en va de même des dépenses supplémentaires découlant de la fréquentation d’une école étrangère.

3        En ce qui concerne la déduction des frais de scolarité au titre des dépenses spéciales («Sonderausgaben»), l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG dispose:

«Les dépenses spéciales [donnant droit à une déduction au titre de l’impôt sur le revenu] correspondent aux dépenses suivantes, dès lors qu’il ne s’agit ni de charges d’exploitation ni de charges professionnelles:

1.       […]

9.      30 % du montant acquitté par le contribuable pour la fréquentation, par un enfant pour lequel il bénéficie d’un abattement pour enfant à charge ou d’allocations familiales, d’une école de substitution agréée par l’État ou autorisée par le droit du Land, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la [l]oi fondamentale, ou d’une école complémentaire d’enseignement général reconnue par le droit du Land, à l’exception du prix de l’hébergement, de la surveillance et des repas.»

4        L’article 7, paragraphe 4, de la loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne, du 23 mai 1949 (Grundgesetz für die Bundesrepublik Deutschland, ci-après la «loi fondamentale»), auquel il est fait référence, énonce:

«(4)      Le droit de fonder des écoles privées est garanti. Les écoles privées qui se substituent aux écoles publiques doivent être agréées par l’État et sont soumises aux lois des Länder. L’agrément doit être délivré lorsque les écoles privées ne sont pas d’un niveau inférieur aux écoles publiques quant à leurs programmes, leurs installations et la formation scientifique de leur personnel enseignant, ni ne favorisent une sélection des élèves fondée sur la fortune des parents. L’agrément doit être refusé si la situation économique et juridique du personnel enseignant n’est pas suffisamment assurée.»

 La procédure précontentieuse

5        Considérant que, en excluant sans exception les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école située dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales prévues à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226, premier alinéa, CE. Conformément à cette disposition et après avoir, le 19 juillet 2002, mis la République fédérale d’Allemagne en demeure de présenter ses observations, la Commission a, le 7 janvier 2004, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer auxdites obligations dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

6        N’étant pas satisfaite de la réponse des autorités allemandes audit avis motivé, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

7        Entre-temps, la question de la compatibilité avec le droit communautaire d’un régime tel que celui résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG a fait l’objet d’une demande de décision préjudicielle (arrêt de ce jour, Schwarz et Gootjes-Schwarz, C-76/05, non encore publié au Recueil).

 Sur le recours

8        Dans sa requête, la Commission soutient que le régime prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG, qui limite la déductibilité des frais de scolarité à ceux liés à la fréquentation de certaines écoles allemandes, conduit à une fiscalité plus avantageuse pour les contribuables concernés, puisqu’il entraîne une diminution des revenus imposables et, partant, une réduction de la charge fiscale de ceux-ci. Les frais de scolarité ouvrant droit à l’abattement fiscal sont ceux versés aux écoles de substitution, destinées à remplacer un établissement public existant ou prévu dans le Land concerné, qui sont agréées par l’État ou autorisées par la législation de ce Land, et aux écoles complémentaires, établissements allemands différents des écoles de substitution, devant être reconnus par la législation du Land en tant qu’écoles complémentaires d’enseignement général.

9        La Commission fonde son recours sur l’affirmation selon laquelle la limitation de la déductibilité des frais de scolarité à ceux liés à la fréquentation de certaines écoles allemandes n’est pas compatible avec le droit communautaire. Une telle limitation serait contraire, d’une part, au droit à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement (première branche du premier grief) ainsi que, d’autre part, au droit général à la libre circulation des citoyens allemands et des autres citoyens de l’Union (seconde branche du premier grief). Elle entraverait également le droit à la libre prestation des services des écoles privées établies dans un autre État membre et celui des parents concernés résidant en Allemagne (deuxième grief). Enfin, elle restreindrait la liberté d’établissement des écoles privées établies dans un autre État membre de manière injustifiée (troisième grief).

10      Dans son mémoire en défense, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG est compatible avec le droit communautaire. Ce régime, qui ne serait applicable qu’aux seules écoles privées qui satisfont à certaines conditions prévues par la loi fondamentale et la législation du Land concerné et qui sont, pour cette raison, agréées, autorisées ou reconnues, ne porterait atteinte ni au droit à la libre prestation des services des écoles privées établies dans un autre État membre ni à celui des parents. Ce régime ne méconnaîtrait aucunement le droit à la libre circulation des travailleurs, non plus que la liberté d’établissement ou le droit général à la libre circulation des parents. Il ne porterait pas non plus atteinte à la liberté d’établissement des écoles privées situées dans un autre État membre.

11      Dans son mémoire en réplique, la Commission maintient intégralement les conclusions formulées dans sa requête.

12      Elle relève que le mémoire en défense de la République fédérale d’Allemagne porte presque exclusivement sur la violation éventuelle du principe de la libre prestation des services. En ce qui concerne la libre circulation des travailleurs, la liberté d’établissement ou le droit général à la libre circulation des parents concernés ainsi que la liberté d’établissement des écoles privées situées dans un autre État membre, l’éventualité d’une infraction aux dispositions correspondantes du traité CE serait contestée sans qu’aucune justification soit fournie. La Commission, après avoir fait valoir que la libre prestation des services constitue, conformément à l’article 50 CE, une liberté subsidiaire par rapport aux autres libertés fondamentales, estime qu’une telle argumentation n’est pas concluante et renvoie aux points de sa requête dans lesquels elle invoque de façon circonstanciée la violation des autres droits à la libre circulation.

13      En ce qui concerne la libre prestation des services, la Commission précise que, dans sa requête, elle a admis que le montant des frais de scolarité perçus par les écoles privées agréées, reconnues ou autorisées en Allemagne puisse être trop faible pour que les services fournis par ces écoles puissent être considérés comme étant rémunérés. Elle aurait cependant évoqué la possibilité qu’un organisme privé supporte la totalité des coûts non couverts par les frais de scolarité.

14      Dans ce contexte, elle indique que, dans un arrêt du 12 août 1999 (BSTBl. 2000 II, p. 65), le Bundesfinanzhof a jugé que les aides accordées par des parents à une association de soutien en faveur d’une école privée constituent la rémunération d’une prestation et non une contribution déductible au titre des dons. Tel serait le cas lorsque, en raison du faible montant des frais de scolarité, la gestion de l’école ne peut se poursuivre que grâce aux aides accordées par une association de soutien. Il serait alors impossible d’établir une distinction entre les frais de scolarité versés au gestionnaire de l’école et les dons revenant à cette association.

15      La Commission en déduit que si une telle association soutient une école privée allemande, l’appréciation du caractère onéreux des prestations offertes par cette école doit prendre en compte, outre les frais de scolarité à proprement parler, les contributions versées à ladite association. Les cours dispensés par cette école privée seraient susceptibles de constituer effectivement des services fournis contre rémunération en raison du montant cumulé des frais de scolarité et des aides versées à l’association de soutien, ces dernières pouvant être considérables puisque l’obligation d’éviter une sélection des élèves fondée sur la fortune ne leur serait pas applicable.

16      La Commission soutient ensuite que les arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne pour tenter de justifier la réglementation en cause ne sont pas concluants. Notamment, elle estime que les écoles privées situées dans un autre État membre et les écoles allemandes ne sont pas à ce point différentes que les droits de scolarité qu’elles perçoivent doivent, d’une manière générale, recevoir un traitement fiscal différent.

17      Dans son mémoire en duplique, le gouvernement allemand maintient la position exprimée dans son mémoire en défense. Le cœur du litige concerne, selon lui, la libre prestation des services. La République fédérale d’Allemagne ne saurait être tenue de soutenir financièrement des écoles privées situées en dehors de son territoire, un État membre n’étant habilité à accorder un soutien public que dans son propre domaine de responsabilités. Les écoles privées établies dans un autre État membre ne feraient pas l’objet d’une discrimination lorsqu’un État n’étend pas un soutien public à l’échelle européenne.

18      Il y a lieu de préciser que, dans ses écritures, puis lors de l’audience, le gouvernement allemand a mentionné l’existence de spécificités propres aux frais de scolarité versés aux écoles allemandes ainsi qu’aux écoles accueillant les enfants des fonctionnaires et des agents des Communautés européennes (ci-après les «écoles européennes») situées dans un autre État membre, auxquels l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG s’appliquerait également.

19      Ainsi, dans un arrêt du 14 décembre 2004 (XI R 32/03), le Bundesfinanzhof aurait admis que des frais de scolarité engagés dans une école allemande établie dans un autre État membre et reconnue par la conférence permanente des ministres de l’Éducation et de la Culture des Länder sont déductibles au titre des dépenses spéciales conformément à l’article 10, paragraphe 1, sous 9, de l’EStG. De la même manière, il résulterait de l’arrêt du Bundesfinanzhof du 5 avril 2006 (XI R 1/04) que les écoles européennes établies dans un autre État membre ont un statut qui correspond à celui d’une école agréée par l’État allemand, de sorte que les contribuables ayant versé des frais de scolarité à de telles écoles peuvent bénéficier de l’abattement prévu par cette même disposition de l’EStG, par exception à la règle selon laquelle les frais de scolarité versés à des écoles privées situées dans d’autres États membres ne doivent pas être considérés comme des dépenses spéciales ouvrant droit à un tel abattement.

20      Il serait donc inexact de soutenir, ainsi que le fait la Commission, que les frais de scolarité liés à la fréquentation de toutes les écoles établies dans un autre État membre sont exclus du bénéfice de la déductibilité des dépenses spéciales conformément à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

21      La Commission prend acte des exceptions résultant de la jurisprudence du Bundesfinanzhof dont fait état le gouvernement allemand. Cette jurisprudence permettrait de supprimer le préjudice subi par les écoles allemandes et européennes en raison du fait qu’elles sont établies en dehors du territoire allemand, mais la discrimination dont sont l’objet les écoles privées établies dans un autre État membre subsisterait.

 Observations liminaires concernant l’article 18 CE et le droit général des citoyens de l’Union à la libre circulation

 Argumentation des parties

22      Selon la Commission, le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG enfreint les droits des parents concernés en matière de libre circulation, notamment le droit général des citoyens de l’Union à la libre circulation.

23      Tout d’abord, ce régime serait susceptible de porter atteinte au droit de parents originaires d’autres États membres de s’installer à titre privé en Allemagne. Le traitement fiscal défavorable auquel ils risqueraient d’être soumis s’ils souhaitaient que leurs enfants restent scolarisés dans leur État d’origine pourrait, en effet, les dissuader de s’installer en Allemagne. Leur installation dans cet État membre serait en tout état de cause rendue plus difficile.

24      Ensuite, pourraient également subir ce traitement désavantageux, dans la mesure où ils demeurent intégralement assujettis à l’impôt en Allemagne alors qu’ils sont installés dans un autre État membre, les ressortissants allemands ayant décidé de scolariser leurs enfants dans une école privée locale, une école allemande ou encore une école européenne situées dans cet autre État.

25      Enfin, les ressortissants allemands résidant en Allemagne et qui scolarisent leurs enfants dans des écoles privées situées dans d’autres États membres pourraient également invoquer le droit général à la libre circulation. La Commission estime, en effet, que ces parents ont fait usage de ce droit par l’intermédiaire de leurs enfants sans que le fait que ces derniers séjournent régulièrement dans un autre État membre à la seule fin d’y suivre une scolarité générale s’oppose à cela.

26      Il résulterait des dispositions combinées des articles 12, paragraphe 1, CE et 18, paragraphe 1, CE que, dès lors qu’ils ont fait usage, à tout le moins indirectement, par l’intermédiaire de leurs enfants, de leur droit de circuler librement, les citoyens allemands concernés peuvent invoquer leur droit à bénéficier d’un traitement identique à celui qui est réservé aux autres ressortissants nationaux.

27      Ces infractions à l’article 18 CE ne seraient pas justifiées.

28      La Commission soutient, à cet égard, que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG n’établit pas de critère objectif permettant de déterminer les cas dans lesquels les frais de scolarité versés aux écoles allemandes et à celles situées dans un autre État membre sont déductibles au titre de l’impôt sur le revenu. Cette disposition subordonnerait la déductibilité au seul fait que l’école privée concernée soit agréée ou reconnue en Allemagne. La condition déterminante de la déductibilité tiendrait à la circonstance que l’école privée concernée est située en Allemagne. Toute école établie dans un autre État membre serait automatiquement exclue du bénéfice de la déduction fiscale, quel que soit le montant des frais de scolarité qu’elle demande, c’est-à-dire même si ses modalités de fonctionnement sont largement identiques à celles d’une école privée reconnue ou agréée en Allemagne.

29      Il n’y aurait aucune raison objective de subordonner l’octroi d’un avantage fiscal à la fréquentation d’une école privée située sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, cet État membre demeurant libre, conformément au droit communautaire, de limiter la déductibilité des frais de scolarité à certains types d’établissements ou à un certain montant. Pour ce faire, il conviendrait simplement que cette déductibilité soit accordée en fonction de critères objectifs et ne dépende pas de la localisation de l’école.

30      La Commission en conclut que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG porte atteinte au droit général à la libre circulation que les citoyens allemands et les autres citoyens de l’Union tirent de l’article 18 CE.

31      Le gouvernement allemand conteste l’argumentation selon laquelle l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG méconnaîtrait le droit général à la libre circulation des parents concernés. Si le domaine d’application de ce droit devait être affecté, cette atteinte serait en tout état de cause justifiée eu égard aux différences objectives existant entre les écoles privées allemandes visées par cette disposition de l’EStG et les écoles privées situées dans un autre État membre.

 Appréciation de la Cour

32      En ce qui concerne la question de l’applicabilité de l’article 18 CE à la réglementation nationale en cause, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l’article 18 CE, qui énonce de manière générale le droit, pour tout citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, trouve une expression spécifique dans les dispositions assurant la libre prestation des services (arrêts du 6 février 2003, Stylianakis, C-92/01, Rec. p. I-1291, point 18, et du 11 janvier 2007, ITC, C-208/05, non encore publié au Recueil, point 64).

33      Partant, si la réglementation nationale en cause relève du champ d’application de l’article 49 CE, il ne sera pas nécessaire que la Cour se prononce sur l’interprétation de l’article 18 CE (voir arrêts précités Stylianakis, point 20, et ITC, point 65).

34      Il n’y a donc lieu de se prononcer sur l’article 18, paragraphe 1, CE que pour autant que la réglementation en cause n’entre pas dans le champ d’application de l’article 49 CE.

35      De la même manière, l’article 18 CE, qui énonce de manière générale le droit, pour tout citoyen de l’Union, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, trouve une expression spécifique dans les articles 43 CE, en ce qui concerne la liberté d’établissement, et 39 CE, en ce qui concerne la libre circulation des travailleurs (arrêts du 26 octobre 2006, Commission/Portugal, C-345/05, Rec. p. I-10633, point 13, et du 18 janvier 2007, Commission/Suède, C-104/06, non encore publié au Recueil, point 15).

36      Partant, si la réglementation nationale en cause relève du champ d’application des articles 39 CE ou 43 CE, il ne sera pas nécessaire que la Cour se prononce sur l’interprétation de l’article 18 CE.

37      Il convient par conséquent d’examiner, en premier lieu, si l’article 49 CE, disposition sur laquelle ont porté, pour l’essentiel, les observations des parties, s’oppose à la réglementation nationale résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG (deuxième grief), et, en second lieu, si les articles 39 CE et/ou 43 CE s’opposent à une telle réglementation (première branche du premier grief et troisième grief).

 Sur le deuxième grief, tiré d’une entrave à la libre prestation des services

 Argumentation des parties

38      Selon la Commission, le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG enfreint tant la liberté de prestation des services des contribuables résidant en Allemagne, qui souhaitent scolariser leurs enfants dans une école privée située dans un autre État membre, que celle des écoles privées situées dans un autre État membre qui souhaitent proposer leurs services aux contribuables domiciliés en Allemagne.

39      En premier lieu, le régime litigieux entraverait la libre prestation des services dite «passive» (utilisation de services), qui serait reconnue depuis longtemps par la jurisprudence. La situation envisagée serait celle dans laquelle les bénéficiaires du service, à savoir les enfants des contribuables résidant en Allemagne, se rendent auprès du prestataire, en l’occurrence une école privée située dans un autre État membre.

40      Le droit à la libre prestation des services dite «active», dont bénéficient les écoles privées établies dans d’autres États membres, serait également concerné. En raison de l’existence du régime de déduction litigieux, les contribuables qui scolarisent leurs enfants dans une école privée établie dans un autre État membre seraient désavantagés par rapport à ceux qui optent pour une école privée allemande. Les établissements privés établis dans un autre État membre auraient par conséquent davantage de difficultés à proposer efficacement leurs services à des clients allemands. Les prestations transfrontalières d’enseignement et d’éducation se trouveraient donc défavorisées par rapport aux prestations purement nationales.

41      Selon la Commission, l’éducation et la formation des jeunes peuvent constituer des prestations de services, ainsi que l’atteste la jurisprudence de la Cour.

42      Il résulterait des arrêts du 27 septembre 1988, Humbel et Edel (263/86, Rec. p. 5365, point 18), ainsi que du 7 décembre 1993, Wirth (C-109/92, Rec. p. I-6447, point 17), que la caractéristique essentielle d’une prestation de services rémunérée consiste dans le paiement par l’élève ou un tiers de frais de scolarité couvrant une part importante du coût de l’enseignement. Si tel était le cas, l’offre de services d’enseignement constituerait une activité commerciale.

43      Au contraire, selon cette institution, ne peut être qualifié de prestation de services rémunérée un enseignement public s’inscrivant dans le cadre de la mission sociale et politique de l’État et dont la majeure partie du coût est prise en charge par ce dernier. Le fait que l’élève participe éventuellement aux dépenses en acquittant des frais de scolarité ne suffirait pas entraîner une telle qualification.

44      La Commission estime que l’appréciation du caractère onéreux des services fournis ne peut être fondée exclusivement sur l’examen des écoles privées favorisées par la législation allemande et qu’il convient également de prendre en considération la situation des écoles privées établies dans un autre État membre et qui sont exclues de l’avantage prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

45      Dans les autres États membres, l’organisation des écoles privées différerait parfois sensiblement du modèle allemand. Il existerait ainsi des écoles privées qui pourvoient à leurs besoins sans aide de l’État ou sont gérées comme des entreprises commerciales. Ces établissements fourniraient indéniablement des services rémunérés. Selon la Commission, dans la mesure où il exclut de manière générale les écoles établies dans un autre État membre de l’avantage fiscal qu’il prévoit, le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG est de nature à entraver l’offre transfrontalière de services par ces écoles à vocation commerciale établies dans un autre État membre.

46      Il serait sans intérêt de savoir si une école privée établie dans un autre État membre satisfait ou non aux exigences imposées par la réglementation allemande. Dès lors qu’aucune de ces écoles privées ne peut remplir les conditions posées à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG, la Commission considère qu’il n’est pas utile d’établir une distinction entre les établissements privés situés dans un autre État membre, selon qu’ils sont ou non comparables, en théorie, aux écoles privées allemandes, pour déterminer s’ils sont ou non victimes d’une discrimination.

47      Parmi les écoles désavantagées par le régime litigieux figureraient en tout état de cause les établissements dont le financement repose exclusivement sur les frais de scolarité et des activités économiques annexes et qui, dès lors, fournissent indéniablement des prestations rémunérées. La discrimination dont ils font l’objet constituerait une violation de la liberté de prestation des services.

48      Selon la Commission, l’infraction au droit à la libre prestation des services n’est pas justifiée. Elle renvoie à cet égard à l’argumentation qu’elle a invoquée en ce qui concerne la liberté de circulation en général. Elle ajoute que le manquement aux obligations résultant de l’article 49 CE est d’autant plus grave que la diffusion des langues des États membres et la promotion de la mobilité des étudiants figurent expressément, en vertu de l’article 149, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, CE, parmi les objectifs de la Communauté européenne.

49      Le gouvernement allemand fait valoir, à titre principal, qu’il n’existe pas, en l’espèce, d’entrave à la libre prestation des services, car les conditions de cette libre prestation des services ne sont pas remplies. À titre subsidiaire, il soutient qu’une entrave éventuelle à la libre prestation des services serait en tout état de cause justifiée.

50      En premier lieu, selon ce gouvernement, les conditions de la libre prestation des services ne seraient pas remplies, car les écoles satisfaisant aux exigences prévues à l’article 10, paragraphe l, point 9, de l’EStG ne fourniraient pas de prestations de services au sens du traité.

51      La libre prestation des services présupposerait l’existence d’une activité économique, ainsi qu’il ressortirait des termes «contre rémunération» figurant à l’article 50 CE. Or, dans l’arrêt Humbel et Edel, précité, la Cour aurait jugé que la caractéristique essentielle de la rémunération, qui réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause, fait défaut dans le cas de cours dispensés dans le cadre d’un système d’éducation nationale.

52      D’après le gouvernement allemand, il ne pourrait être déduit de son seul caractère privé qu’une école exerce une activité économique et fournit des prestations de services au sens des articles 49 CE et 50 CE. Il résulterait de la jurisprudence de la Cour que le fait que les parents versent des frais de scolarité pour contribuer, dans une certaine mesure, aux frais de fonctionnement du système est sans incidence sur la qualification de l’activité exercée au regard de la notion de prestation de services (voir, en ce sens, arrêts précités Humbel et Edel, point 19, et Wirth, point 15).

53      Selon ledit gouvernement, au regard des principes exprimés par la jurisprudence de la Cour, il conviendrait de constater que les écoles allemandes visées à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG ne fournissent pas de prestations de services au sens des articles 49 CE et 50 CE et que l’enseignement dispensé par les écoles établies dans un autre État membre qui correspondent auxdites écoles ne constitue pas non plus une prestation de services au sens de ces mêmes articles.

54      En second lieu, le gouvernement allemand fait valoir qu’une entrave à la libre prestation des services serait en tout état de cause justifiée à divers égards.

55      Selon ce gouvernement, la libre prestation des services ne saurait générer une obligation de financer des établissements scolaires qui relèvent du système éducatif d’un autre État membre. La politique éducative relèverait des tâches essentielles de chaque État et la structure de celles-ci différerait fortement d’un État membre à l’autre.

56      Dans la mesure où la République fédérale d’Allemagne n’exerce aucune influence sur l’organisation des écoles privées établies dans un autre État membre, en particulier sur les programmes scolaires suivis par celles-ci, elle ne pourrait être tenue de subventionner le fonctionnement de ces écoles en renonçant à des recettes fiscales qui lui reviennent.

57      Ledit gouvernement fait également valoir que le principe de la libre prestation des services n’oblige pas la République fédérale d’Allemagne à étendre aux frais de scolarité versés aux écoles privées situées dans un autre État membre l’avantage fiscal accordé au titre de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG. La différence de traitement fiscal résultant de cette absence d’obligation serait justifiée, car les écoles établies dans un autre État membre qui fournissent une prestation de services au sens des articles 49 CE et 50 CE se distingueraient, de manière objective, des écoles allemandes dont la fréquentation ouvre droit à l’avantage fiscal prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

58      Premièrement, ces dernières écoles ne fonctionneraient pas comme des sociétés commerciales, contrairement à ce qui serait le cas des écoles privées situées dans un autre État membre si elles bénéficiaient de la libre prestation des services. De telles écoles privées situées dans un autre État membre correspondraient précisément aux écoles privées allemandes qui ne sont pas aidées au titre de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG. La décision de la République fédérale d’Allemagne consistant à n’aider, en vertu de cette disposition, que les écoles qui, par leur offre de formation, mettent en œuvre la mission d’éducation dévolue à l’État, sont intégrées dans le système éducatif national et n’opèrent donc pas dans un contexte commercial, ne saurait être contournée par un recours au principe de la libre prestation des services.

59      Deuxièmement, le gouvernement allemand considère que le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG correspond à une aide étatique venant compenser, en partie, les charges supportées par les écoles visées par cette disposition. La loi fondamentale fait obligation à l’État d’apporter une aide financière auxdites écoles pour compenser les exigences qui leur sont imposées. Cette aide interviendrait en grande partie sous la forme de subventions directes. Les écoles en question percevraient ainsi environ 80 % des sommes versées à une école publique comparable. L’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG concrétiserait cette obligation constitutionnelle d’assistance en permettant à l’État allemand de soutenir indirectement lesdites écoles au moyen d’avantages fiscaux accordés au titre des frais de scolarité.

60      Un lien entre des exigences imposées par ledit État et le soutien public correspondant n’existerait pas dans le cas des écoles privées établies dans un autre État membre qui fournissent des prestations de services au sens des articles 49 CE et 50 CE. L’État allemand n’imposant aucune charge à ces écoles, aucune obligation de soutien financier à leur égard ne pèserait sur lui.

61      Troisièmement, si la République fédérale d’Allemagne était tenue d’accorder l’avantage fiscal prévu à l’article 10, paragraphe 1, sous 9, de l’EStG indépendamment du montant des frais de scolarité réclamés, elle favoriserait des écoles qui, en raison de frais de scolarité élevés, sélectionnent les élèves en fonction de la fortune des parents. Elle devrait, en outre, fournir à ces écoles une aide supérieure à celle dont bénéficient les écoles dont la fréquentation ouvre droit audit avantage fiscal, dans la mesure où ces frais de scolarité seraient considérablement plus élevés que ceux réclamés par ces dernières écoles.

62      Quatrièmement, une obligation d’octroyer un avantage fiscal au titre des frais de scolarité versés à des écoles privées établies dans un autre État membre aboutirait à une nette augmentation du montant global de l’abattement prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

63      Or, dans l’arrêt du 15 mars 2005, Bidar (C-209/03, Rec. p. I-2119, point 56), la Cour aurait jugé qu’il est loisible à tout État membre de veiller à ce que l’octroi d’aides visant à couvrir les frais d’entretien d’étudiants provenant d’autres États membres ne devienne pas une charge déraisonnable qui pourrait avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être octroyée par cet État. Le gouvernement allemand estime que, de la même manière, il est légitime pour un État membre de subordonner l’octroi d’un avantage fiscal à des critères permettant d’éviter que cet avantage soit ramené en deçà d’un niveau que l’État membre considère comme nécessaire.

64      Cinquièmement, l’avantage fiscal accordé au titre des frais de scolarité versés à certaines écoles privées situées en Allemagne serait justifié par le fait que ces écoles sont agréées, autorisées ou reconnues. Or, en principe, il n’existerait pas d’autorisation, d’agrément ou de reconnaissance correspondants en ce qui concerne les écoles privées situées dans un autre État membre (sous réserve du cas spécifique des écoles allemandes et des écoles européennes situées dans un autre État membre). Le contrôle exercé par les autorités scolaires allemandes se limiterait en principe aux seules écoles situées sur le territoire allemand.

 Appréciation de la Cour

65      En ce qui concerne l’applicabilité des dispositions du traité relatives à la libre prestation des services à la réglementation fiscale litigieuse, il convient tout d’abord de rappeler que, si l’article 50, troisième alinéa, CE ne mentionne que la libre prestation des services active dans le cadre de laquelle le prestataire se déplace vers le bénéficiaire, il ressort d’une jurisprudence bien établie que la libre prestation des services inclut la liberté des destinataires de services de se rendre dans un autre État membre dans lequel se trouve le prestataire pour y bénéficier de ces services (voir arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone, 286/82 et 26/83, Rec. p. 377, points 10 et 16). En l’occurrence, l’application de la réglementation nationale en cause conduit l’État membre concerné à refuser un abattement fiscal du fait de la fréquentation d’une école privée établie dans un autre État membre. Est concernée, par conséquent, par le principe de la libre prestation des services, la possibilité de recourir à des offres de formation émanant d’une école privée établie dans un autre État membre.

66      Il convient toutefois d’examiner si ces offres de formation ont pour objet la fourniture de prestations de services. À cette fin, il convient de rechercher si les cours dispensés par une école privée établie dans un autre État membre constituent, conformément à l’article 50, premier alinéa, CE, des «prestations fournies normalement contre rémunération».

67      Or, il a déjà été jugé que, au sens de cette disposition, la caractéristique essentielle de la rémunération réside dans le fait que celle-ci constitue la contrepartie économique de la prestation en cause (voir arrêts Humbel et Edel, précité, point 17; du 12 juillet 2001, Smits et Peerbooms, C-157/99, Rec. p. I-5473, point 58; du 3 octobre 2002, Danner, C-136/00, Rec. p. I-8147, point 26; du 22 mai 2003, Freskot, C-355/00, Rec. p. I-5263, point 55, ainsi que du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt, C-422/01, Rec. p. I-6817, point 23).

68      La Cour a ainsi exclu de la notion de «services» au sens de l’article 50 CE les cours dispensés par certains établissements qui faisaient partie d’un système d’enseignement public et qui étaient financés, entièrement ou principalement, par des fonds publics (voir, en ce sens, arrêts précités Humbel et Edel, points 17 et 18, ainsi que Wirth, points 15 à 16). La Cour a ainsi précisé que, en établissant et en maintenant un tel système d’enseignement public, financé en règle générale par le budget public et non par les élèves ou leurs parents, l’État n’entendait pas s’engager dans des activités rémunérées, mais accomplissait sa mission dans les domaines social, culturel et éducatif envers sa population.

69      En revanche, la Cour a jugé que les cours dispensés par des établissements d’enseignement financés, pour l’essentiel, par des fonds privés, notamment par les étudiants et leurs parents, constituent des services au sens de l’article 50 CE, le but poursuivi par ces établissements consistant, en effet, à offrir un service contre rémunération (arrêt Wirth, précité, point 17).

70      Il importe, dans ce contexte, de préciser qu’il n’est pas nécessaire que ce financement privé soit assuré principalement par les élèves ou leurs parents. En effet, selon une jurisprudence constante, l’article 50 CE n’exige pas que le service soit payé par ceux qui en bénéficient (voir, notamment, arrêts du 26 avril 1988, Bond van Adverteerders e.a., 352/85, Rec. p. 2085, point 16; du 11 avril 2000, Deliège, C-51/96 et C-191/97, Rec. p. I-2549, point 56; Smits et Peerbooms, précité, point 57, ainsi que Skandia et Ramstedt, précité, point 24).

71      Il est constant que, parallèlement aux écoles appartenant à un système d’enseignement public dans le cadre duquel l’État assume sa mission dans les domaines social, éducatif et culturel et dont le financement est assuré pour l’essentiel par des fonds publics, il existe, dans certains États membres, des écoles n’appartenant pas à un tel système d’enseignement public, qui sont financées pour l’essentiel par des fonds privés.

72      L’enseignement dispensé par de telles écoles doit être considéré comme un service fourni contre rémunération.

73      Il importe d’ajouter que, aux fins de déterminer si l’article 49 CE est applicable à la réglementation nationale en cause, il est sans pertinence de savoir si les écoles établies dans l’État membre du bénéficiaire de la prestation, en l’occurrence la République fédérale d’Allemagne, qui sont agréées, autorisées ou reconnues dans cet État au sens de ladite réglementation fournissent ou non des prestations de services au sens de l’article 50, premier alinéa, CE. Seule importe la circonstance que l’école privée établie dans un autre État membre puisse être considérée comme fournissant des prestations de services rémunérées.

74      En effet, dans l’arrêt du 16 mai 2006, Watts (C-372/04, Rec. p. I-4325, point 90), qui concerne des prestations médicales, lesquelles constituent des prestations de services, la Cour a considéré que l’article 49 CE s’appliquait à la situation d’une patiente résidant au Royaume-Uni, dont l’état de santé nécessitait des soins hospitaliers et qui, s’étant rendue dans un autre État membre pour y recevoir les soins en cause contre rémunération, en sollicitait ensuite le remboursement auprès du service national de santé, alors même que des prestations en nature identiques étaient fournies à titre gratuit par le système national de santé du Royaume-Uni.

75      Au point 91 de cet arrêt, la Cour a jugé que, sans qu’il soit besoin, en l’occurrence, de déterminer si les prestations de soins hospitaliers fournies dans le cadre d’un service national de santé, tel que celui en cause dans l’affaire à l’origine dudit arrêt, constituent en elles-mêmes des services au sens des dispositions du traité sur la libre prestation des services, il convenait de considérer qu’une situation, dans laquelle une personne dont l’état de santé nécessite des soins hospitaliers se rend dans un autre État membre et y reçoit les soins en cause contre rémunération, relève du champ d’application desdites dispositions.

76      Il en résulte que l’article 49 CE est applicable à la réglementation nationale en cause dès lors que l’école privée dans laquelle les contribuables d’un État membre considéré scolarisent leurs enfants est établie dans un autre État membre et peut être regardée comme fournissant des prestations de services rémunérées, c’est-à-dire est financée pour l’essentiel par des fonds privés.

77      Il y a lieu de rechercher si, dans de telles circonstances, la réglementation fiscale en cause constitue, comme le soutient la Commission, une entrave à la libre prestation des services.

78      À cet égard, il convient de relever que ladite réglementation soumet l’octroi d’un abattement fiscal à la condition que les frais de scolarité soient versés à des écoles privées agréées par l’État allemand ou autorisées ou reconnues par le droit du Land applicable, ce qui suppose déjà qu’elles soient établies en Allemagne.

79      Cette réglementation exclut de manière générale la possibilité pour des contribuables soumis à l’impôt en Allemagne de déduire de leurs revenus imposables une partie des frais de scolarité liés à la fréquentation par leurs enfants d’une école privée établie en dehors du territoire allemand, à l’exception des frais de scolarité versés dans un autre État membre à des écoles allemandes reconnues par la conférence permanente des ministres de l’Éducation et de la Culture des Länder ou à des écoles européennes, alors que cette possibilité existe en ce qui concerne les frais de scolarité versés à certaines écoles privées allemandes. Elle entraîne donc, pour ces contribuables, une charge fiscale plus importante dès lors qu’ils scolarisent leurs enfants dans une école privée située dans un autre État membre et non dans une école privée établie sur le territoire national.

80      La réglementation résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG a pour effet de dissuader les contribuables résidant en Allemagne de scolariser leurs enfants dans des écoles établies dans un autre État membre. Par ailleurs, elle entrave également l’offre de formation émanant d’établissements d’enseignement privés établis dans d’autres États membres et destinée aux enfants de contribuables résidant en Allemagne.

81      Une telle réglementation est constitutive d’une entrave à la libre prestation des services garantie par l’article 49 CE. En effet, cet article s’oppose à l’application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre (voir, notamment, arrêts du 28 avril 1998, Safir, C-118/96, Rec. p. I-1897, point 23; Smits et Peerbooms, précité, point 61; Danner, précité, point 29; du 4 mars 2004, Commission/France, C-334/02, Rec. p. I-2229, point 23; Watts, précité, point 94, et du 19 avril 2007, Stamatelaki, C-444/05, non encore publié au Recueil, point 25).

82      L’existence d’une restriction à la libre prestation des services étant établie, il y a lieu d’examiner si celle-ci peut être objectivement justifiée.

83      Le gouvernement allemand avance plusieurs arguments pour justifier cette restriction.

84      En premier lieu, selon ce gouvernement, une éventuelle entrave à la libre prestation des services est justifiée par le fait qu’il ne saurait découler du principe de la libre prestation des services une obligation d’étendre le traitement fiscal privilégié accordé à certaines écoles relevant du système éducatif d’un État membre à celles dépendant d’un autre État membre (voir point 55 du présent arrêt).

85      À cet égard, il convient de relever que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG a trait au traitement fiscal des frais de scolarité. Selon une jurisprudence bien établie, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts Danner, précité, point 28; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C-374/04, Rec. p. I-11673, point 36, et du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation, C-524/04, non encore publié au Recueil, point 25).

86      De la même manière, s’il est constant que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres en ce qui concerne, d’une part, le contenu de l’enseignement et l’organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique (article 149, paragraphe 1, CE) et, d’autre part, le contenu et l’organisation de la formation professionnelle (article 150, paragraphe 1, CE), il demeure toutefois que, dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent respecter le droit communautaire, notamment les dispositions relatives à la libre prestation des services (voir, par analogie, arrêt Watts, précité, points 92 et 147).

87      Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument du gouvernement allemand selon lequel un État membre ne saurait être tenu de subventionner des écoles relevant du système éducatif d’un autre État membre, il suffit de constater que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG prévoit non pas l’attribution d’une subvention directe par l’État allemand aux écoles concernées, mais l’octroi d’un avantage fiscal aux parents au titre des frais de scolarité versés auxdites écoles.

88      En deuxième lieu, selon le gouvernement allemand, le refus d’étendre l’avantage fiscal prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG aux frais de scolarité versés aux écoles privées établies dans un autre État membre est justifié par le fait que les écoles allemandes visées à cet article et les écoles privées établies dans un autre État membre qui fournissent une prestation de services au sens des articles 49 CE et 50 CE ne sont pas dans une situation objectivement comparable (voir point 57 du présent arrêt).

89      Ainsi, les écoles visées à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG seraient soumises à l’obligation d’éviter une sélection des élèves fondée sur la fortune de leurs parents, prévue à l’article 7, paragraphe 4, de la loi fondamentale, de sorte que les frais de scolarité seraient fixés à un niveau ne permettant pas de couvrir les dépenses de ces écoles et qu’il existerait une obligation correspondante, pour l’État allemand, de soutenir financièrement lesdites écoles. Ce lien entre les exigences imposées par l’État et le soutien public correspondant n’existerait pas dans le cas des écoles privées établies dans un autre État membre qui fournissent des prestations de services au sens des articles 49 CE et 50 CE (voir point 60 du présent arrêt). L’extension de l’avantage fiscal aux frais de scolarité perçus pour la fréquentation d’écoles qui ne satisfont pas aux prescriptions de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG serait contraire à l’exigence, prévue à l’article 7, paragraphe 4, de la loi fondamentale, d’éviter une sélection des élèves fondée sur la fortune de leurs parents (voir point 61 du présent arrêt).

90      Ces arguments ne sauraient être retenus. En effet, il convient de relever que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG subordonne la déductibilité d’une partie des frais de scolarité à l’agrément, l’autorisation ou la reconnaissance de l’école privée concernée en Allemagne, sans établir de critère objectif permettant de déterminer quels types de frais de scolarité réclamés par les écoles allemandes seraient déductibles.

91      Il en résulte que toute école privée établie dans un autre État membre, en raison du seul fait qu’elle n’est pas établie en Allemagne, est automatiquement exclue de l’avantage fiscal en cause, indépendamment de la question de savoir si elle respecte ou non des critères tels que la perception de frais de scolarité d’un montant ne permettant pas une sélection des élèves fondée sur la fortune de leurs parents.

92      Afin de justifier l’entrave à la libre prestation des services que constitue la réglementation nationale en cause, le gouvernement allemand fait également valoir, en se référant à l’arrêt Bidar, précité, qu’il est légitime pour un État membre de lier l’octroi d’une aide ou d’un avantage fiscal à des critères destinés à éviter que ces aides ou ces avantages soient ramenés en deçà d’un niveau que l’État membre considère comme nécessaire (voir points 62 et 63 du présent arrêt).

93      Selon ce gouvernement, les arguments développés dans ledit arrêt, relatif à l’octroi d’aides visant à couvrir les frais d’entretien d’étudiants et à la libre circulation des citoyens de l’Union, doivent être replacés dans un contexte général, en ce sens que, dans le cas où les fonds publics sont limités, l’extension du bénéfice d’un abattement fiscal impliquerait nécessairement une diminution du montant des abattements individuels accordés aux particuliers pour parvenir à une opération fiscalement neutre. Le gouvernement allemand fait valoir à cet égard que des charges supplémentaires pour le budget de l’État résulteraient de l’extension de l’application de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG au versement de frais de scolarité à certaines écoles situées dans un autre État membre.

94      Un tel argument ne saurait cependant être retenu pour les raisons suivantes.

95      Tout d’abord, selon une jurisprudence constante de la Cour, la prévention d’une réduction des recettes fiscales ne figure pas au nombre des raisons énoncées à l’article 46 CE, lu en liaison avec l’article 55 CE, et ne peut être considérée non plus comme une raison impérieuse d’intérêt général.

96      Ensuite, en ce qui concerne l’argument du gouvernement allemand selon lequel tout État membre serait libre de veiller à ce que l’octroi d’aides relatives aux frais de scolarité ne devienne pas une charge déraisonnable qui pourrait avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être octroyée par cet État, il ressort des indications fournies par ce gouvernement que la charge financière excessive que représenterait, selon lui, l’extension de l’abattement fiscal aux frais de scolarité versés à certaines écoles situées dans un autre État membre résulterait de ce que les aides indirectement octroyées pour ces écoles seraient d’un montant beaucoup plus élevé que celles versées aux établissements d’enseignement agréés, autorisés ou reconnus en Allemagne, puisque les écoles établies dans un autre État membre devraient s’autofinancer au moyen de frais de scolarité élevés.

97      À supposer même qu’un raisonnement identique à celui suivi dans l’arrêt Bidar, précité, trouve à s’appliquer s’agissant de l’octroi d’un avantage fiscal relatif à des frais de scolarité, il y a lieu de relever à cet égard que, comme l’a soutenu la Commission, l’objectif visé par le refus d’accorder l’abattement fiscal en cause s’agissant des frais de scolarité versés à des écoles établies dans un autre État membre, à savoir celui d’assurer une couverture des frais de fonctionnement des écoles privées sans qu’il en résulte une charge déraisonnable pour l’État, conformément à l’analyse suivie dans ledit arrêt Bidar, pourrait être atteint par des moyens moins contraignants.

98      En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 62 de ses conclusions, afin d’éviter une charge financière excessive, il est loisible à un État membre de limiter le montant déductible au titre des frais de scolarité à un montant déterminé, correspondant à l’abattement fiscal accordé par cet État, compte tenu de certaines valeurs qui lui sont propres, pour la fréquentation d’écoles situées sur son territoire, ce qui constituerait un moyen moins contraignant que le refus d’octroi de l’abattement fiscal en cause.

99      Enfin, il apparaît en tout état de cause disproportionné d’exclure totalement de l’abattement fiscal prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG les frais de scolarité versés par les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu en Allemagne à des écoles établies dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne. En effet, ce faisant, sont exclus de l’abattement fiscal en cause les frais de scolarité versés par lesdits contribuables à des écoles établies dans un autre État membre, indépendamment du point de savoir si ces écoles remplissent des critères objectifs fixés sur la base de principes propres à chaque État membre et permettant de déterminer quels types de frais de scolarité ouvrent droit audit abattement fiscal.

100    Au vu de ce qui précède, il convient de considérer le deuxième grief invoqué par la Commission à l’appui de son recours comme fondé et de constater que, dans les situations dans lesquelles des contribuables soumis à l’impôt sur le revenu en Allemagne scolarisent leurs enfants dans une école située dans un autre État membre et financée pour l’essentiel par des fonds privés, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE en excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une telle école de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales prévues à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

 Sur la première branche du premier grief et sur le troisième grief, tirés respectivement d’une entrave à la libre circulation des travailleurs ainsi que d’une restriction à la liberté d’établissement

 Argumentation des parties

101    Selon la Commission, le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG porte atteinte aux droits que tirent les contribuables concernés de la liberté de circulation des travailleurs et de la liberté d’établissement (première branche du premier grief).

102    D’une part, ledit régime serait susceptible d’entraver le droit de parents originaires d’autres États membres d’occuper un emploi salarié en Allemagne (article 39 CE) et de s’y établir en qualité de travailleurs indépendants (article 43 CE). Le traitement fiscal moins favorable dont ils risquent de faire l’objet s’ils souhaitent que leurs enfants demeurent scolarisés dans leur État d’origine pourrait, en effet, les dissuader de s’établir en Allemagne ou d’y exercer une activité en tant que travailleurs frontaliers. Il serait en tout état de cause plus difficile pour ces parents de s’installer ou de travailler en Allemagne.

103    D’autre part, les ressortissants allemands qui demeurent intégralement assujettis à l’impôt en Allemagne alors qu’ils se sont installés dans un autre État membre seraient également désavantagés s’ils décidaient de scolariser leurs enfants dans une école privée locale située dans cet autre État membre.

104    Ces infractions aux articles 39 CE et 43 CE ne seraient pas justifiées.

105    La Commission soutient, à cet égard, que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG n’établit pas de critère objectif permettant de déterminer les cas dans lesquels les frais de scolarité versés aux écoles allemandes et à celles établies dans un autre État membre sont déductibles. Cette disposition subordonnerait la déductibilité de ces frais au seul fait que l’école privée concernée est agréée ou reconnue en Allemagne. La condition déterminante de la déductibilité tiendrait donc à la circonstance que l’école privée concernée est située en Allemagne. Toute école établie dans un autre État membre serait automatiquement exclue de la déduction fiscale, quel que soit le montant des frais de scolarité qu’elle demande, c’est-à-dire même si ses modalités de fonctionnement sont largement identiques à celles d’une école privée reconnue ou agréée en Allemagne.

106    Il n’y aurait aucune raison objective de subordonner l’octroi d’un avantage fiscal à la fréquentation d’une école privée située sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne, cet État membre demeurant libre, conformément au droit communautaire, de limiter la déductibilité fiscale des frais de scolarité à certains types d’établissements ou à un certain montant. Pour ce faire, il conviendrait simplement que cette déductibilité soit accordée en fonction de critères objectifs et ne dépende pas de la localisation de l’école.

107    Dans le même sens, la Commission soutient, dans le cadre de son troisième grief, que le régime résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG restreint la liberté d’établissement des écoles privées établies dans un autre État membre. Selon elle, ce régime contraint ces écoles à s’implanter en Allemagne, à tout le moins en créant une succursale dans cet État membre. Lesdites écoles ne pourraient, en effet, obtenir le statut d’école de substitution agréée par l’État ou autorisée par la législation du Land concerné, ou celui d’établissement complémentaire d’enseignement général reconnu par la législation du Land que si elles proposent leurs services à partir du territoire allemand. Pour ne pas être lésées, en termes de concurrence, par rapport aux établissements privés allemands, ces écoles devraient être établies sur ce territoire.

108    Cette restriction quant au choix du lieu d’établissement constitue, selon la Commission, une différence de traitement contraire à l’article 43 CE, qui n’est pas justifiée.

109    Cette institution en conclut que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs prévue à l’article 39 CE et à la liberté d’établissement prévue à l’article 43 CE.

110    Le gouvernement allemand, pour sa part, conteste le fait que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG porte atteinte au droit à la libre circulation des travailleurs et à la liberté d’établissement. Si le domaine d’application de ces libertés devait être affecté, cette atteinte serait en tout état de cause objectivement justifiée eu égard aux différences objectives existant entre les écoles privées allemandes visées à cette disposition de l’EStG et les écoles privées situées dans un autre État membre, qui ont été exposées précédemment.

111    De même, ce gouvernement conteste l’existence d’une violation de la liberté d’établissement des écoles situées dans un autre État membre. Il ne perçoit pas en quoi cette liberté serait affectée par le régime de déduction litigieux. Si toutefois l’existence d’une atteinte à ladite liberté devait être admise, elle serait en tout état de cause objectivement justifiée eu égard aux différences, mentionnées précédemment, entre les écoles privées allemandes visées à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG et les écoles privées situées dans un autre État membre.

 Appréciation de la Cour

112    Il convient d’examiner si les articles 39 CE et 43 CE s’opposent à la réglementation résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG.

113    Par la première branche de son premier grief, la Commission soutient qu’une telle réglementation, qui désavantage fiscalement les contribuables concernés, affecte aussi bien les salariés en provenance d’un autre État membre ou les contribuables exerçant une activité à titre indépendant, qui se sont installés en Allemagne pour des motifs d’ordre privé et souhaitent que la scolarité de leurs enfants se poursuive dans leur État d’origine, que les contribuables allemands qui, en raison du transfert de leur domicile dans un autre État membre, y ont inscrit leurs enfants dans une école privée. Cette réglementation serait, à cet égard, contraire aux articles 39 CE et 43 CE.

114    L’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants communautaires, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur l’ensemble du territoire de la Communauté et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (voir arrêts du 15 septembre 2005, Commission/Danemark, C-464/02, Rec. p. I-7929, point 34 et jurisprudence citée; Commission/Portugal, précité, point 15, et Commission/Suède, précité, point 17).

115    Des dispositions qui empêchent ou dissuadent un ressortissant d’un État membre de quitter son État d’origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent, dès lors, des entraves à cette liberté, même si elles s’appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés (arrêts précités Commission/Danemark, point 35; Commission/Portugal, point 16, et Commission/Suède, point 18).

116    En l’occurrence, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 83 de ses conclusions, l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG désavantage notamment les travailleurs salariés et indépendants qui ont transféré leur domicile en Allemagne ou qui y travaillent et dont les enfants continuent à fréquenter une école payante située dans un autre État membre. En application de l’article 1er, paragraphe 1, première phrase, de l’EStG, les travailleurs résidant sur le territoire allemand sont intégralement assujettis à l’impôt sur le revenu. Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de l’EStG, les travailleurs frontaliers qui exercent leur activité en Allemagne sans y résider sont, à leur demande, également assujettis à l’impôt sur le revenu de manière illimitée. L’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG ne permet à aucun de ces travailleurs de profiter de l’abattement spécial pour une partie des frais de scolarité versés, alors qu’il le leur permettrait si leurs enfants fréquentaient une école située en Allemagne.

117    Cette différence de traitement est de nature à rendre plus difficile pour lesdits travailleurs l’exercice des droits qu’ils tirent des articles 39 CE ou 43 CE.

118    L’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG est également susceptible de placer des ressortissants allemands dans une position désavantageuse lorsqu’ils transfèrent leur domicile dans un autre État membre, dans lequel leurs enfants fréquentent une école payante.

119    Certes, en règle générale, de tels ressortissants allemands ne sont plus assujettis à l’impôt en Allemagne lorsqu’ils quittent cet État membre, de sorte qu’il est exclu que la réglementation fiscale en cause s’applique à leur détriment. Toutefois, en vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de l’EStG, cette règle ne s’applique pas aux fonctionnaires travaillant dans un autre État membre et, en vertu de l’article 14 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 13), elle ne s’applique pas non plus aux fonctionnaires des Communautés européennes. Si ces fonctionnaires de nationalité allemande scolarisent leurs enfants dans des écoles payantes situées dans un autre État membre, à l’exception toutefois des écoles allemandes et des écoles européennes, l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG ne leur permet pas de déduire de leurs revenus imposables une partie des frais de scolarité versés.

120    Pour les raisons exposées aux points 85 à 99 du présent arrêt, de telles inégalités de traitement ne sont pas justifiées par les arguments avancés par le gouvernement allemand aux fins de justifier une entrave à une liberté fondamentale.

121    Il convient donc de considérer la première branche du premier grief invoqué par la Commission comme fondée et de constater que, en excluant de manière générale les frais de scolarité versés à des écoles établies dans un autre État membre de l’abattement fiscal prévu à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 39 CE et 43 CE.

122    En ce qui concerne le troisième grief, tiré d’une violation de la liberté d’établissement des écoles privées situées dans d’autres États membres, il y a lieu de relever, ainsi que l’a fait Mme l’avocat général au point 85 de ses conclusions, que la circonstance que l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG fasse dépendre la possibilité de bénéficier d’un abattement fiscal au titre des frais de scolarité du lieu d’implantation de l’école n’affecte pas directement la liberté d’établissement des écoles privées situées dans les autres États membres. Cette circonstance, en tant que telle, ne rend pas plus difficile l’établissement de ces écoles en Allemagne.

123     Le troisième grief de la Commission doit donc être rejeté.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’une atteinte au droit général des citoyens de l’Union à la libre circulation

124    Il reste à examiner la réglementation nationale en cause au regard de l’article 18, paragraphe 1, CE en ce qui concerne toutes les situations qui ne relèveraient pas du champ d’application des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE.

125    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir dans le domaine d’application ratione materiæ du traité, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique (voir, notamment, arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184/99, Rec. p. I-6193, point 31; du 11 juillet 2002, D’Hoop, C-224/98, Rec. p. I-6191, point 28; du 2 octobre 2003, Garcia Avello, C-148/02, Rec. p. I-11613, points 22 et 23, ainsi que du 29 avril 2004, Pusa, C-224/02, Rec. p. I-5763, point 16).

126    Parmi les situations relevant du domaine d’application du droit communautaire figurent celles relatives à l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité, notamment celles relevant de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres, telle que conférée par l’article 18 CE (voir, notamment, arrêts précités Grzelczyk, point 33; D’Hoop, point 29; Garcia Avello, point 24, et Pusa, point 17).

127    Dans la mesure où un citoyen de l’Union doit se voir reconnaître dans tous les États membres le même traitement juridique que celui qui est accordé aux ressortissants de ces États membres se trouvant dans la même situation, il serait incompatible avec le droit de libre circulation qu’il puisse se voir appliquer dans l’État membre dont il est ressortissant un traitement moins favorable que celui dont il bénéficierait s’il n’avait pas fait usage des facilités ouvertes par le traité en matière de circulation (arrêts D’Hoop, précité, point 30, et Pusa, précité, point 18).

128    Ces facilités ne pourraient en effet produire leurs pleins effets si un ressortissant d’un État membre pouvait être dissuadé d’en faire usage par les obstacles mis par une réglementation nationale le pénalisant du seul fait qu’il les a exercées (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 1992, Singh, C-370/90, Rec. p. I-4265, point 23; D’Hoop, précité, point 31, et Pusa, précité, point 19).

129    En se rendant dans un autre État membre pour y suivre un enseignement scolaire, les enfants des ressortissants allemands concernés font usage de leur droit de circuler librement. Il résulte en effet de l’arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C-200/02, Rec. p. I-9925, point 20), qu’un enfant même en bas âge peut se prévaloir des droits de libre circulation et de libre séjour garantis par le droit communautaire.

130    La réglementation nationale en cause introduit une différence de traitement entre les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu en Allemagne qui ont scolarisé leurs enfants dans une école située dans cet État membre et ceux qui ont envoyé leurs enfants suivre leur scolarité dans une école établie dans un autre État membre.

131    Dans la mesure où elle lie l’octroi d’un abattement fiscal prévu au titre des frais de scolarité à la condition que ces derniers aient été versés à une école privée répondant à certaines conditions en Allemagne et conduit à refuser ledit abattement aux parents d’enfants scolarisés dans une école établie dans un autre État membre, la réglementation nationale en cause désavantage les enfants de certains ressortissants nationaux en raison du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circulation en se rendant dans un autre État membre pour y suivre un enseignement scolaire.

132    Or, selon une jurisprudence bien établie, une réglementation nationale qui désavantage certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union (arrêts du 18 juillet 2006, De Cuyper, C-406/04, Rec. p. I-6947, point 39, ainsi que du 26 octobre 2006, Tas-Hagen et Tas, C-192/05, Rec. p. I-10451, point 31).

133    Une telle restriction ne pourrait être justifiée, au regard du droit communautaire, que si elle se fondait sur des considérations objectives indépendantes de la nationalité des personnes concernées et était proportionnée à l’objectif légitimement poursuivi par le droit national (arrêts précités D’Hoop, point 36; De Cuyper, point 40, ainsi que Tas-Hagen et Tas, point 33).

134    Il convient de relever que, pour tenter de justifier l’entrave à la libre prestation des services que constitue la réglementation en cause, le gouvernement allemand a avancé les arguments exposés aux points 55 à 64 du présent arrêt. Il s’est notamment référé à l’analyse suivie par la Cour dans l’arrêt Bidar, précité, concernant l’interprétation de l’article 18 CE.

135    Au point 56 de cet arrêt, la Cour a jugé qu’il est loisible à tout État membre de veiller à ce que l’octroi d’aides visant à couvrir les frais d’entretien d’étudiants provenant d’autres États membres ne devienne pas une charge déraisonnable qui pourrait avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide pouvant être octroyée par cet État.

136    Toutefois, à supposer même qu’un raisonnement identique trouve à s’appliquer en ce qui concerne un avantage fiscal relatif à des frais de scolarité, il demeure que la réglementation résultant de l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG apparaît, en tout état de cause, comme étant disproportionnée par rapport aux objectifs qu’elle poursuit, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées au point 99 du présent arrêt, dans le cadre de l’examen de cette réglementation au regard du principe de la libre prestation des services.

137    Il en résulte que, lorsque les enfants des contribuables d’un État membre sont scolarisés dans un autre État membre, dans une école dont les prestations ne sont pas couvertes par l’article 49 CE, l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG a pour effet de désavantager de manière injustifiée lesdits enfants par rapport à ceux qui n’ont pas fait usage de leur droit à la libre circulation en se rendant dans une école établie dans un autre État membre pour y suivre leur scolarité et porte atteinte aux droits qui sont conférés auxdits enfants par l’article 18, paragraphe 1, CE.

138    Dans ces conditions, il convient de considérer la deuxième branche du premier grief invoqué par la Commission comme étant également fondée.

139    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école située dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales prévues à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de l’EStG, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE. Pour le surplus, à savoir le grief tiré d’une prétendue violation de la liberté d’établissement des écoles établies dans un autre État membre, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

140    En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et cette dernière ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:

1)      En excluant de manière générale les frais de scolarité liés à la fréquentation d’une école située dans un autre État membre de la déduction fiscale au titre des dépenses spéciales prévues à l’article 10, paragraphe 1, point 9, de la loi relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz), dans sa version publiée le 19 octobre 2002, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 18 CE, 39 CE, 43 CE et 49 CE.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.