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Affaire C-355/06

J. A. van der Steen

contre

Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht-Gooi/kantoor Utrecht.

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Gerechtshof te Amsterdam)

«Sixième directive TVA — Activité économique indépendante — Société à responsabilité limitée — Exécution des activités de la société par une personne physique unique administrateur, actionnaire et salariée»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Activités économiques au sens de l'article 4 de la sixième directive

(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 1 et 4)

Aux fins de l'application de l'article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, une personne physique qui exécute l'ensemble des travaux au nom et pour le compte d'une société assujettie en exécution d'un contrat de travail la liant à cette société, dont elle est par ailleurs l'unique actionnaire, administrateur et membre du personnel, n'est pas elle-même un assujetti au sens de l'article 4, paragraphe 1, de ladite directive.

En effet, dans une telle situation, la personne physique ne peut être considérée comme accomplissant de façon indépendante une activité économique au sens de cette dernière disposition, dès lors que doit être admise l'existence d'un lien de subordination, au sens de l'article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive, entre elle et la société en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération ainsi que la responsabilité de l'employeur.

(cf. points 18-19, 21, 32 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

18 octobre 2007 (*)

«Sixième directive TVA – Activité économique indépendante – Société à responsabilité limitée – Exécution des activités de la société par une personne physique unique administrateur, actionnaire et salariée»

Dans l’affaire C-355/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas), par décision du 28 août 2006, parvenue à la Cour le 30 août 2006, dans la procédure

J. A. van der Steen

contre

Inspecteur van de Belastingdienst Utrecht-Gooi/kantoor Utrecht

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. L. Bay Larsen, K. Schiemann, P. Kūris (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, en qualité d’agent,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Triantafyllou et A. Weimar, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 juin 2007,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. van der Steen à l’inspecteur van de Belastingdienst Utrecht-Gooi/kantoor Utrecht (ci-après l’«inspecteur») au sujet du rejet d’une réclamation dirigée contre une décision de ce dernier de considérer comme une entité fiscale unique, aux fins de la perception de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), une société et le requérant lui-même, seul administrateur, actionnaire ainsi que salarié de ladite société.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2, point 1, de la sixième directive soumet à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel.

4        Aux termes de l’article 4 de la sixième directive:

«1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.      Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[…]

4.      Le terme ‘d’une façon indépendante’ utilisé au paragraphe 1 exclut de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération et la responsabilité de l’employeur.

Sous réserve de la consultation prévue à l’article 29, chaque État membre a la faculté de considérer comme un seul assujetti les personnes établies à l’intérieur du pays qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

[…]»

 La réglementation nationale

5        L’article 7, paragraphe 1, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, n° 329, ci-après la «loi sur la TVA»), dispose:

 «Est un entrepreneur toute personne qui exerce une activité d’entreprise de façon indépendante.»

6        Conformément à l’article 7, paragraphe 2, de la loi sur la TVA, il y a lieu d’entendre par «entreprise» notamment l’exercice d’une profession ou l’exploitation d’un élément du patrimoine en vue d’en retirer des revenus durables.

7        Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, de ladite loi:

«Les personnes physiques et les organismes au sens de la loi générale sur les impôts d’État qui sont des entrepreneurs au sens du présent article, qui résident ou sont établis aux Pays-Bas ou qui y ont un établissement stable et dont les liens sur les plans financier, économique et de l’organisation sont tels qu’ils constituent une unité, sont considérés, à la demande ou non d’un ou de plusieurs d’entre eux, par voie de décision de l’inspecteur susceptible de recours, comme un seul entrepreneur à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’inspecteur a arrêté cette décision. Les modalités de la formation, de la modification et de la cessation de l’unité fiscale peuvent être fixées par arrêté ministériel.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

8        M. van der Steen exploitait jusqu’au 6 mars 1998 une entreprise individuelle qui fournissait des services de nettoyage. En tant que tel, il était un entrepreneur au sens de la loi sur la TVA.

9        À compter du 6 mars 1998, l’intéressé est devenu directeur et actionnaire unique de la société à responsabilité limitée J. A. van der Steen Schoonmaakdiensten BV (ci-après «la société») constituée le 4 juillet 1991 qui a repris et poursuivi l’activité précédemment exercée par l’entreprise individuelle. La société en tant que telle était une entreprise au sens de la loi sur la TVA.

10      M. van der Steen avait conclu avec la société un contrat de travail aux termes duquel il percevait un salaire mensuel fixe ainsi qu’un pécule de vacances annuel représentant 8 % de son salaire annuel. La société retenait sur son salaire l’impôt sur le revenu et les primes d’assurances obligatoires. Il était le seul employé de la société.

11      La société ne pouvant plus faire face à ses dettes, un aveu de faillite a été déposé au cours du mois de décembre 2002. La société a été déclarée en faillite le 5 janvier 2005.

12      Il ressort du courrier du 18 décembre 2002 que M. van der Steen a demandé à l’inspecteur qu’un numéro de TVA distinct de celui de la société lui soit attribué afin de ne pas constituer avec sa société une entité fiscale au sens de la loi sur la TVA.

13      Par décision du 28 avril 2004, l’inspecteur a décidé que M. van de Steen et la société constituaient, à partir du 1er mai 2004, une entité fiscale conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la loi sur la TVA. À l’appui de cette décision, il renvoyait à l’arrêt n° 35775 du Hoge Raad der Nederlanden, du 26 avril 2002. Sur réclamation, il a confirmé sa position le 16 août 2004 en se référant à une décision du Staatssecretaris van Financiën (secrétaire d’État aux Finances), du 24 juillet 2002, fondée sur cet arrêt.

14      M. van der Steen a introduit un recours contre lesdites décisions devant le Gerechtshof te Amsterdam qui souligne que ces décisions ne peuvent être justifiées que si l’intéressé remplissait les conditions faisant de lui un entrepreneur au sens de la loi sur la TVA, mais se demande si une telle constatation est compatible avec le droit communautaire.

15      Le Gerechtshof te Amsterdam estime qu’il ne saurait être affirmé que M. van der Steen se trouvait, par rapport à la société, dans un lien de subordination. Il se demande cependant si, en application des dispositions de l’article 7, paragraphe 4, de la loi sur la TVA qui constituent la mesure d’application, en droit national, des dispositions de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, l’intéressé peut être regardé comme exerçant ses activités de façon indépendante sans pour autant être considéré comme accomplissant des activités économiques de façon indépendante au sens de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive.

16      Dans ces conditions, le Gerechtshof te Amsterdam a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive doit-il être interprété en ce sens que, lorsqu’une personne physique a pour seule activité d’exécuter effectivement tous les travaux découlant des activités d’une société fermée dont il est le seul administrateur, le seul actionnaire et le seul ‘membre du personnel’, ces travaux ne sont pas des activités économiques parce qu’ils sont exécutés dans le cadre de la gestion et de la représentation de la société fermée et ne le sont donc pas dans le circuit économique?»

 Sur la question préjudicielle

17      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si, aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, une personne physique qui exécute l’ensemble des travaux au nom et pour le compte d’une société assujettie en exécution d’un contrat de travail la liant à ladite société dont elle est par ailleurs l’unique actionnaire, administrateur et membre du personnel, doit être elle-même considérée comme un assujetti au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive.

18      Il convient de rappeler d’emblée que l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive considère comme assujetti une personne qui accomplit de façon indépendante une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2 du même article.

19      L’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive précise que les termes «d’une façon indépendante» excluent de la taxation les salariés et autres personnes dans la mesure où ils sont liés à leur employeur par un contrat de louage de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail et de rémunération ainsi que la responsabilité de l’employeur.

20      Le paragraphe 4, second alinéa, dudit article prévoit que les États membres peuvent, sous réserve de la consultation prévue à l’article 29 de la sixième directive, considérer comme un seul assujetti les personnes établies à l’intérieur du pays qui sont juridiquement indépendantes, mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation.

21      À cet égard, il convient de constater que, dans une situation telle que celle du litige au principal, l’existence d’un lien de subordination entre les deux personnes concernées doit être admise.

22      En effet, il convient, en premier lieu, de relever que, si l’activité de nettoyage de la société était exécutée uniquement par M. van der Steen, les contrats de nettoyage étaient en revanche conclus par la société qui versait à l’intéressé un salaire mensuel et un pécule de vacances annuel fixes. L’impôt sur le revenu et les cotisations de sécurité sociale étaient retenus sur son salaire par la société. M. van der Steen dépendait donc de la société pour la détermination de ses conditions de rémunération.

23      En deuxième lieu, il y a lieu d’observer que M. van der Steen, lorsqu’il fournissait ses services en tant qu’employé, agissait non pas en son nom, pour son propre compte et sous sa propre responsabilité, mais pour le compte et sous la responsabilité de la société.

24      En troisième lieu, la Cour a jugé que, en ce qui concerne les conditions de rémunération, il n’y a pas de lien de subordination dès lors que les intéressés supportent le risque économique de leur activité (voir arrêt du 25 juillet 1991, Ayuntamiento de Sevilla, C-202/90, Rec. p. I-4247, point 13).

25      À cet égard, la juridiction de renvoi précise que M. van der Steen ne supportait aucun risque économique lorsqu’il intervenait en qualité d’administrateur de la société et lorsqu’il exerçait ses activités dans le cadre des opérations réalisées par la société à l’égard de tiers.

26      Il s’ensuit qu’un salarié dans la situation du requérant au principal ne saurait être considéré comme un assujetti au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive.

27      Les arrêts du 27 juin 1996, Asscher (C-107/94, Rec. p. I-3089), et du 27 janvier 2000, Heerma (C-23/98, Rec. p. I-419), ne sont pas de nature à conduire à une interprétation différente de ladite disposition.

28      En effet, dans l’arrêt Heerma, précité, après avoir constaté que la location d’un bien par l’intéressé à la société civile dont il était associé et pour laquelle il percevait un loyer constituait une prestation à titre onéreux au sens de l’article 2 de la sixième directive, la Cour a jugé, au point 17, qu’un associé qui donne en location un bien immeuble à la société ayant la qualité d’assujettie à laquelle il participe agit d’une façon indépendante au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive.

29      De même, au point 18 dudit arrêt, la Cour a précisé qu’il n’existe pas, quant à l’activité en cause, entre la société et l’associé de liens de subordination analogues à ceux mentionnés à l’article 4, paragraphe 4, premier alinéa, de la sixième directive. Au contraire, en donnant en location un bien corporel à la société, l’associé a agi en son nom, pour son propre compte et sous sa responsabilité, même s’il est en même temps gérant de la société locataire.

30      Dans l’affaire au principal, il est constant que si M. van der Steen était le seul administrateur et le seul actionnaire de la société, il exerçait néanmoins ses activités dans le cadre d’un contrat de travail. Il s’ensuit que la situation de M. van der Steen n’est pas celle décrite dans l’arrêt Heerma, précité, et que, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 22 de ses conclusions, dans la mesure où les travaux que l’intéressé exécutait au bénéfice de la société relevaient du champ d’application du contrat de travail, ils étaient en principe exclus de celui de la TVA par les termes sans équivoque de l’article 4, paragraphe 4, de la sixième directive.

31      Par ailleurs, le raisonnement adopté par la Cour, qui a jugé, au point 26 de l’arrêt Asscher, précité, qu’un directeur de société dont il est l’unique actionnaire n’exerce pas son activité dans le cadre d’un lien de subordination, en sorte qu’il ne peut être considéré comme un «travailleur» au sens de l’article 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE), mais doit être regardé comme une personne exerçant une activité non salariée au sens de l’article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE), ne saurait être transposé à la présente affaire au principal, étrangère à la libre circulation des personnes et relevant du seul domaine de la TVA et visant à définir la qualité d’assujetti à celle-ci.

32      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que, aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive, une personne physique qui exécute l’ensemble des travaux au nom et pour le compte d’une société assujettie en exécution d’un contrat de travail la liant à cette société, dont elle est par ailleurs l’unique actionnaire, administrateur et membre du personnel, n’est pas elle-même un assujetti au sens de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive.

 Sur les dépens

33      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

Aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 4, second alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, une personne physique qui exécute l’ensemble des travaux au nom et pour le compte d’une société assujettie en exécution d’un contrat de travail la liant à cette société, dont elle est par ailleurs l’unique actionnaire, administrateur et membre du personnel, n’est pas elle-même un assujetti au sens de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.