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Affaire C-368/06

Cedilac SA

contre

Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le tribunal administratif de Lyon)

«Sixième directive TVA — Droit à déduction — Principes de la déduction immédiate et de neutralité fiscale — Report de l’excédent de la TVA sur la période suivante ou remboursement — Règle du décalage d’un mois — Dispositions transitoires — Maintien de l’exonération»

Conclusions de l'avocat général M. J. Mazák, présentées le 18 septembre 2007 

Arrêt de la Cour (première chambre) du 18 décembre 2007 

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Faculté pour les États membres de maintenir des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate

(Directive du Conseil 77/388, art. 17, 18, § 4, et 28, § 3, d))

Les articles 17 et 18, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à une mesure nationale visant à accompagner la suppression d'une disposition nationale dérogatoire autorisée par l'article 28, paragraphe 3, sous d), de la même directive, pour autant qu'il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d'espèce, cette mesure réduit les effets de ladite disposition nationale dérogatoire.

D'une part, l'article 28, paragraphe 3, sous d), de la sixième directive constitue l'une des dérogations prévues par celle-ci au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, en ce sens qu'il autorise les États membres à continuer de maintenir certaines dispositions de leur législation nationale, antérieures à cette directive, dérogeant au principe de la déduction immédiate prévu à l'article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la même directive. D'autre part, ledit article, tout en s'opposant à l'introduction de nouvelles dérogations ou à l'extension de la portée des dérogations existantes postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la sixième directive, ne fait pas obstacle à la réduction de la portée de celles-ci, étant donné le caractère transitoire de la dérogation qu'il prévoit.

Au demeurant, une interprétation différente de l'une des dérogations prévues par la sixième directive, selon laquelle un État membre, bien que pouvant maintenir une exonération existante, ne saurait la supprimer progressivement, serait contraire à l'objectif poursuivi par cette directive visant à la suppresion des dérogations à celle-ci. De même, une telle interprétation compromettrait l'application uniforme de la sixième directive, dans la mesure où un État membre pourrait se voir contraint de maintenir l'ensemble des exonérations existantes à la date de l'entrée en vigueur de ladite directive, quand bien même il estimerait à la fois possible, approprié et souhaitable de mettre en oeuvre progressivement le régime prévu par celle-ci dans le domaine considéré.

(cf. points 33-34, 37, 43 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

18 décembre 2007 (*)

«Sixième directive TVA – Droit à déduction – Principes de la déduction immédiate et de neutralité fiscale – Report de l’excédent de la TVA sur la période suivante ou remboursement – Règle du décalage d’un mois – Dispositions transitoires – Maintien de l’exonération»

Dans l’affaire C-368/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le tribunal administratif de Lyon (France), par décision du 5 septembre 2006, parvenue à la Cour le 8 septembre 2006, dans la procédure

Cedilac SA

contre

Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur), A. Borg Barthet, M. Ilešič et E. Levits, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour Cedilac SA, par Me A. Bouzidi, avocat,

–       pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et J.-C. Gracia, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 18 septembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 17 et 18, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Cedilac SA (ci-après «Cedilac») au ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie au sujet de la demande de cette société tendant à ce que l’État français soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi en raison des mesures législatives accompagnant la suppression de la règle dite du «décalage d’un mois» applicable en matière de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») ayant grevé une opération imposable.

 Le cadre réglementaire

 La réglementation communautaire

3       L’article 17, paragraphe 1, de la sixième directive prévoit que «[l]e droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible».

4       L’article 18 de la sixième directive dispose:

«[…]

2.      La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période.

[…]

4.      Quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres peuvent soit faire reporter l’excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement selon les modalités qu’ils fixent.

[…]»

5       Aux termes de l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la sixième directive, les États membres peuvent, au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4 du même article, «continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue à l’article 18 paragraphe 2 premier alinéa».

6       L’article 28, paragraphe 4, de la sixième directive est libellé comme suit:

«La période transitoire est initialement fixée à une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1978. Au plus tard six mois avant la fin de cette période, et ultérieurement en tant que de besoin, le Conseil, sur la base d’un rapport de la Commission, réexaminera la situation en ce qui concerne les dérogations énumérées au paragraphe 3 et statuera à l’unanimité, sur proposition de la Commission, sur la suppression éventuelle de certaines ou de toutes ces dérogations.»

 La réglementation nationale

7       Jusqu’au 1er juillet 1993, le code général des impôts (ci-après le «CGI») prévoyait, conformément à l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la sixième directive, une règle dite «du décalage d’un mois» dérogeant au principe de la déduction immédiate de la TVA.

8       En vertu de cette dérogation, les assujettis n’avaient pas la possibilité, contrairement à ce qui est exigé par l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la sixième directive, de déduire immédiatement de la TVA dont ils étaient redevables la taxe payée sur les biens ne constituant pas des immobilisations et sur les services. En effet, en application de la règle du décalage d’un mois, une telle déduction ne pouvait être opérée que sur le montant de la TVA due pour le mois suivant celui au cours duquel le droit à déduction avait pris naissance.

9       Toutefois, l’article 2.-I de la loi n° 93-859, du 22 juin 1993, portant loi de finances rectificative pour 1993 (JORF du 23 juin 1993, p. 8815, ci-après la «loi de 1993»), a abrogé, à partir du 1er juillet 1993, la règle du décalage d’un mois et introduit dans le CGI un article 271-I, dont le paragraphe 3 est libellé comme suit:

«La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance.»

10     En outre, l’article 2.-II de la loi de 1993 a institué un dispositif transitoire figurant au nouvel article 271 A du CGI (ci-après «le dispositif transitoire»).

11     Ainsi, aux termes de l’article 271 A, paragraphe 1, du CGI, les redevables qui ont commencé leur activité avant le 1er juillet 1993 soustraient, lors de leur première déclaration comportant application du principe de la «déduction immédiate», une «déduction de référence» du montant de la TVA déductible, équivalente à la moyenne mensuelle des droits acquis au cours des mois d’août 1992 à juillet 1993. Le montant de ladite déduction est ensuite converti en créance sur le Trésor et soumis à des modalités de remboursement particulières.

12     Le paragraphe 2 du même article prévoit notamment que, lorsque la déduction de référence n’a pas pu être entièrement soustraite du montant de la TVA déductible, l’excédent non soustrait est déduit du montant de la TVA déductible au titre des biens ne constituant pas des immobilisations et des services des mois suivants.

13     L’article 271 A, paragraphe 5, du CGI prévoit que, lorsque le montant de la déduction de référence ne dépasse pas 10 000 FRF (1 524,49 euros), les redevables ne sont, en principe, pas tenus de soustraire cette déduction dans les conditions prévues au paragraphe 1 dudit article.

14     Selon les décrets nos 93-1078, du 14 septembre 1993 (JORF du 15 septembre 1993, p. 12883), 94-296, du 6 avril 1994 (JORF du 16 avril 1994, p. 5646), et 2002-179, du 13 février 2002 (JORF du 15 février 2002, p. 2968), les créances dont les assujettis étaient titulaires en vertu de l’article 271 A du CGI ont été remboursées de la manière suivante:

–       en 1993, les créances dont le montant ne dépassait pas 150 000 FRF (22 867,35 euros) ont été remboursées dans leur totalité. Au cours de cette même année, les créances qui étaient supérieures à ce montant ont fait l’objet d’un remboursement à hauteur de 25 %, avec un minimum de 150 000 FRF;

–       en 1994, les créances restantes ont fait l’objet d’une inscription en compte et ont été remboursées à concurrence de 10 % de leur montant initial;

–       chaque année suivante, les créances ont été remboursées à hauteur de 5 % de leur montant initial, et

–       en 2002, toutes les créances restantes ont été remboursées en totalité par anticipation.

15     Lesdites créances portaient un intérêt au taux de 4,5 % pour les intérêts échus en 1993, de 1 % pour ceux échus en 1994 et de 0,1 % pour les intérêts afférents à chacune des années suivantes.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16     Le 26 décembre 2002, Cedilac a demandé à l’État français de lui verser la somme de 1 524 806,62 euros à titre de réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi en raison de l’application du dispositif transitoire au cours des années 1993 à 2002.

17     Le ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie n’ayant pas répondu à cette demande d’indemnisation, Cedilac a saisi le tribunal administratif de Lyon d’un recours dirigé contre cette décision de rejet implicite.

18     Avant de statuer sur la requête de Cedilac, ladite juridiction a, par jugement du 15 novembre 2005, demandé au Conseil d’État son avis sur la question de savoir si le dispositif transitoire est compatible avec les articles 17 et 18, paragraphe 4, de la sixième directive.

19     Par avis du 14 juin 2006, le Conseil d’État a estimé que la question posée par le tribunal administratif de Lyon présente une difficulté de nature à justifier une demande de décision préjudicielle à la Cour.

20     Dans ces conditions, le tribunal administratif de Lyon a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«[L]e dispositif adopté par la France pour accompagner la suppression de la règle du décalage d’un mois est[-il] compatible avec les dispositions des articles 17 et 18 [paragraphe] 4 de la [sixième directive]?»

21     La juridiction de renvoi, considérant que, eu égard au nombre d’actions déjà engagées devant les tribunaux administratifs et à l’enjeu financier considérable pour le budget de l’État français, ladite question appelait une réponse urgente de la Cour, a demandé à cette dernière de soumettre le renvoi préjudiciel à la procédure accélérée, en application de l’article 104 bis, premier alinéa, du règlement de procédure.

22     Le président de la Cour a rejeté cette demande par ordonnance du 25 septembre 2006, en considérant que les conditions prévues audit article 104 bis, premier alinéa, n’étaient pas remplies.

23     Par ordonnance du président de la Cour du 23 mars 2007, la demande d’intervention présentée par la Fromagerie des Chaumes SAS a été rejetée comme irrecevable.

 Sur la question préjudicielle

24     Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 17 et 18, paragraphe 4, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale telle que le dispositif transitoire.

25     En proposant de répondre de manière affirmative à la question posée par la juridiction de renvoi, telle que rappelée au point précédent, Cedilac fait valoir que le droit à déduction immédiate constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par le législateur communautaire, de sorte que, en l’absence de toute disposition dérogatoire, ce droit devrait pouvoir s’exercer immédiatement pour la totalité des montants de la TVA ayant grevé les opérations effectuées en amont.

26     En revanche, le gouvernement français et la Commission proposent à la Cour de répondre de manière négative à ladite question, en développant des arguments en grande partie similaires.

27     À cet égard, ils rappellent, en premier lieu, que la règle du décalage d’un mois constituait une dérogation légitime au principe de la déduction immédiate de la TVA, dont l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la sixième directive constitue le fondement, et que le dispositif transitoire n’est qu’une mesure d’accompagnement de la suppression de cette règle.

28     En particulier, le dispositif transitoire, en échelonnant sur une période de plusieurs années une partie de la charge budgétaire de l’État découlant de la suppression de la règle du décalage d’un mois, aurait rendu possible la transposition dans le droit interne français du régime général de la déduction immédiate prévu à l’article 18, paragraphe 2, de la sixième directive.

29     Dans ces circonstances, une interprétation de la sixième directive interdisant des dispositions telles que celles mises en œuvre par le dispositif transitoire aurait pour effet de dissuader un État membre de rapprocher sa législation du régime général et des objectifs poursuivis par la même directive.

30     En second lieu, la Commission relève que la situation des assujettis soumis au dispositif transitoire est nettement plus favorable que celle dans laquelle ceux-ci se trouvaient lorsque la règle du décalage d’un mois était applicable.

31     Afin de répondre à la question préjudicielle, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, le droit à déduction prévu aux articles 17 et suivants de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de TVA et ne peut en principe être limité. En particulier, ce droit s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 18, et du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 43).

32     La Cour a également précisé que, étant donné que toute limitation du droit à déduction de la TVA a une incidence sur le niveau de la charge fiscale et doit s’appliquer de manière similaire dans tous les États membres, des dérogations ne sont permises que dans les cas expressément prévus par la sixième directive (voir, en ce sens, arrêts BP Soupergaz, précité, point 18, ainsi que du 19 septembre 2000, Ampafrance et Sanofi, C-177/99 et C-181/99, Rec. p. I-7013, point 34). Toutefois, de telles dérogations ne peuvent avoir qu’un caractère transitoire, l’objectif de l’article 28, paragraphe 4, de la sixième directive étant leur suppression (voir, en ce sens, arrêts du 29 avril 1999, Norbury Developments, C-136/97, Rec. p. I-2491, point 19; du 13 juillet 2000, Idéal tourisme, C-36/99, Rec. p. I-6049, point 32; du 14 juin 2001, Commission/France, C-345/99, Rec. p. I-4493, point 21, et du 7 décembre 2006, Eurodental, C-240/05, Rec. p. I-11479, point 52).

33     En l’espèce, d’une part, l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la sixième directive constitue précisément l’une des dérogations prévues par celle-ci au système commun de la TVA, en ce sens qu’il autorise les États membres à continuer de maintenir certaines dispositions de leur législation nationale, antérieures à cette directive, dérogeant au principe de la déduction immédiate prévu à l’article 18, paragraphe 2, premier alinéa, de la même directive.

34     D’autre part, ledit article, tout en s’opposant à l’introduction de nouvelles dérogations ou à l’extension de la portée des dérogations existantes postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la sixième directive, ne fait pas obstacle à la réduction de la portée de celles-ci, étant donné le caractère transitoire de la dérogation qu’il prévoit (voir, par analogie, arrêt Commission/France, précité, point 21).

35     À cet égard, il convient de rappeler que, au point 19 de l’arrêt Norbury Developments, précité, qui concernait une autre disposition transitoire de la sixième directive, à savoir l’article 28, paragraphe 3, sous b), de celle-ci, concernant certaines exonérations de la TVA, la Cour a jugé que des modifications introduites dans la législation d’un État membre qui avaient non pas étendu le domaine de l’exonération de la TVA concerné, mais l’avaient au contraire réduit, n’avaient pas méconnu le libellé de ladite disposition.

36     Force est de constater que l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la sixième directive se prête à une interprétation analogue. Ainsi, dans la mesure où la réglementation d’un État membre réduit le champ d’application d’une dérogation existante au principe de la déduction immédiate prévue par ce même article, il y a lieu de considérer que cette réglementation est couverte par ladite disposition et n’enfreint pas l’article 17, paragraphe 1, de la même directive.

37     Au demeurant, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt Norbury Developments, précité, une interprétation différente de l’une des dérogations prévues par la sixième directive, selon laquelle un État membre, bien que pouvant maintenir une exonération existante, ne saurait la supprimer progressivement, serait contraire à l’objectif poursuivi par cette directive visant à la suppression des dérogations à celle-ci. De même, une telle interprétation compromettrait l’application uniforme de la sixième directive, dans la mesure où un État membre pourrait se voir contraint de maintenir l’ensemble des exonérations existantes à la date de l’entrée en vigueur de ladite directive, quand bien même il estimerait à la fois possible, approprié et souhaitable de mettre en œuvre progressivement le régime prévu par celle-ci dans le domaine considéré (voir, en ce sens, arrêt Norbury Developments, précité, point 20).

38     Or, dans l’affaire au principal, il y a lieu de relever que le dispositif transitoire n’est qu’une mesure d’accompagnement, d’une durée limitée, ayant pour but de réduire l’impact sur le budget de l’État du passage, le 1er juillet 1993, de la règle du décalage d’un mois à l’application du principe de la déduction immédiate.

39     Au demeurant, il convient de constater tout d’abord que, comme il résulte du dossier, le dispositif transitoire, contrairement à ce qui résultait de l’application de la règle du décalage d’un mois, permet à un nombre non négligeable de redevables, y compris, notamment, ceux commençant leurs activités après le 1er juillet 1993 et ceux ayant une créance ne dépassant pas 10 000 FRF, de se prévaloir, à partir du 1er juillet 1993 et sans limitation quelconque, du principe de la déduction immédiate.

40     Ensuite, un tel dispositif permet également aux créances nées de sa mise en œuvre de produire des intérêts, contrairement aux créances résultant de l’application de la règle du décalage d’un mois.

41     Enfin, le dispositif transitoire réduit la créance de l’assujetti sur le Trésor au seul montant de la déduction de référence, en prévoyant la déduction immédiate de la différence entre ce montant et le montant total de la TVA déductible, et assure le remboursement échelonné du montant de la déduction de référence. Ainsi, ce dispositif a finalement permis que, à partir de l’année 2002, le principe de la déduction immédiate soit applicable en France sans aucune dérogation.

42     Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 52 et 53 de ses conclusions, il en résulte que, sous réserve de vérification par la juridiction nationale dans chaque cas d’espèce, le dispositif transitoire a pour effet de réduire, en principe, le domaine d’application de la règle du décalage d’un mois.

43     Dès lors, il y a lieu de répondre à la question posée que les articles 17 et 18, paragraphe 4, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une mesure nationale, telle que le dispositif transitoire, visant à accompagner la suppression d’une disposition nationale dérogatoire autorisée par l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la même directive, pour autant qu’il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d’espèce, cette mesure réduit les effets de ladite disposition nationale dérogatoire.

 Sur les dépens

44     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

Les articles 17 et 18, paragraphe 4, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une mesure nationale telle que le dispositif transitoire prévu par la loi n° 93-859, du 22 juin 1993, portant loi de finances rectificative pour 1993, visant à accompagner la suppression d’une disposition nationale dérogatoire autorisée par l’article 28, paragraphe 3, sous d), de la même directive, pour autant qu’il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d’espèce, cette mesure réduit les effets de ladite disposition nationale dérogatoire.

Signatures


* Langue de procédure: le français.