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Affaire C-437/06

Securenta Göttinger Immobilienanlagen und Vermögensmanagement AG

contre

Finanzamt Göttingen

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Niedersächsisches Finanzgericht)

«Sixième directive TVA — Assujetti accomplissant à la fois des activités économiques, taxées ou exonérées, et des activités non économiques — Droit à déduction de la TVA payée en amont — Dépenses liées à l’émission d’actions et de participations atypiques — Ventilation de la TVA payée en amont selon le caractère économique de l’activité — Calcul du prorata de déduction»

Conclusions de l'avocat général M. J. Mazák, présentées le 11 décembre 2007 

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 13 mars 2008 

Sommaire de l'arrêt

1.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Assujetti exerçant à la fois des activités économiques et des activités non économiques

(Directive du Conseil 77/388, art. 2, § 1)

2.     Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont — Assujetti exerçant à la fois des activités économiques et des activités non économiques

(Directive du Conseil 77/388)

1.     Lorsqu'un assujetti exerce à la fois des activités économiques, taxées ou exonérées, et des activités non économiques ne relevant pas du champ d'application de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses liées à l'émission d'actions et de participations tacites atypiques n'est admise que dans la mesure où ces dépenses peuvent être imputées à l'activité économique de l'assujetti au sens de l'article 2, paragraphe 1, de cette directive.

(cf. point 31, disp. 1)

2.     La détermination des méthodes et des critères de ventilation des montants de taxe sur la valeur ajoutée payée en amont entre activités économiques et activités non économiques au sens de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, relève du pouvoir d'appréciation des États membres qui, dans l'exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l'économie de cette directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d'imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités.

Les États membres sont habilités à appliquer, le cas échéant, soit une clé de répartition selon la nature de l'investissement, soit une clé de répartition selon la nature de l'opération, soit encore toute autre clé appropriée, sans être obligés de se limiter à une seule de ces méthodes.

(cf. points 38-39, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

13 mars 2008 (*)

«Sixième directive TVA – Assujetti accomplissant à la fois des activités économiques, taxées ou exonérées, et des activités non économiques – Droit à déduction de la TVA payée en amont – Dépenses liées à l’émission d’actions et de participations atypiques – Ventilation de la TVA payée en amont selon le caractère économique de l’activité – Calcul du prorata de déduction»

Dans l’affaire C-437/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Niedersächsisches Finanzgericht (Allemagne), par décision du 5 octobre 2006, parvenue à la Cour le 24 octobre 2006, dans la procédure

Securenta Göttinger Immobilienanlagen und Vermögensmanagement AG

contre

Finanzamt Göttingen,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

–       pour Securenta Göttinger Immobilienanlagen und Vermögensmanagement AG, par Me R. Jouvenal, Rechtsanwalt,

–       pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement portugais, par MM. L. Fernandes et R. Laires, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme Z. Bryanston-Cross, en qualité d’agent, assistée de M. P. Harris, barrister,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 décembre 2007,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 2, paragraphe 1, et 17, paragraphe 5, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Securenta Göttinger Immobilienanlagen und Vermögensmanagement AG (ci-après «Securenta») au Finanzamt Göttingen (ci-après le «Finanzamt») au sujet de l’étendue du droit à déduction de montants de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       L’article 2 de la sixième directive prévoit:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1.      les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]»

4       L’article 4 de la sixième directive énonce les définitions suivantes:

«1.      Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2.      Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.

[…]»

5       L’article 13, B, de la sixième directive dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

d)      les opérations suivantes:

[...]

5.      les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d’associations, les obligations et les autres titres [...]

[…]»

6       L’article 17 de la sixième directive est libellé comme suit:

«[…]

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

b)      la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés;

c)      la taxe sur la valeur ajoutée due conformément à l’article 5, paragraphe 7, sous a), et à l’article 6, paragraphe 3.

3.      Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:

a)      de ses opérations relevant des activités économiques visées à l’article 4, paragraphe 2, effectuées à l’étranger, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées à l’intérieur du pays;

[…]

5.      En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction […] et des opérations n’ouvrant pas droit à déduction, la déduction n’est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.

Ce prorata est déterminé pour l’ensemble des opérations effectuées par l’assujetti conformément à l’article 19.

Toutefois, les États membres peuvent:

a)      autoriser l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité, si des comptabilités distinctes sont tenues pour chacun de ces secteurs;

b)      obliger l’assujetti à déterminer un prorata pour chaque secteur de son activité et à tenir des comptabilités distinctes pour chacun de ces secteurs;

c)      autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction suivant l’affectation de tout ou partie des biens et services;

d)      autoriser ou obliger l’assujetti à opérer la déduction, conformément à la règle prévue au premier alinéa, pour tous les biens et services utilisés pour toutes les opérations y visées;

e)      prévoir, lorsque la taxe sur la valeur ajoutée qui ne peut être déduite par l’assujetti est insignifiante, qu’il n’en sera pas tenu compte.

[…]»

7       Conformément à l’article 19 de la sixième directive:

«1.      Le prorata de déduction, prévu par l’article 17, paragraphe 5, premier alinéa, résulte d’une fraction comportant:

–       au numérateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations ouvrant droit à déduction conformément à l’article 17, paragraphes 2 et 3,

–       au dénominateur, le montant total, déterminé par année, du chiffre d’affaires, taxe sur la valeur ajoutée exclue, afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu’aux opérations qui n’ouvrent pas droit à déduction. […]

Le prorata est déterminé sur une base annuelle, fixé en pourcentage et arrondi à un chiffre qui ne dépasse pas l’unité supérieure.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, il est fait abstraction, pour le calcul du prorata de déduction, du montant du chiffre d’affaires afférent aux livraisons de biens d’investissement utilisés par l’assujetti dans son entreprise. Il est également fait abstraction du montant du chiffre d’affaires afférent aux opérations accessoires immobilières et financières […].

3.      Le prorata provisoirement applicable pour une année est celui calculé sur la base des opérations de l’année précédente. Lorsqu’une telle référence fait défaut ou n’est pas significative, le prorata est estimé provisoirement, sous contrôle de l’administration, par l’assujetti, d’après ses prévisions. Toutefois, les États membres peuvent maintenir leur réglementation actuelle.

La fixation du prorata définitif, qui est déterminé pour chaque année au cours de l’année suivante, entraîne la régularisation des déductions opérées suivant le prorata appliqué provisoirement.»

 La réglementation nationale

8       L’article 1er, paragraphe 1, de la loi de 1993 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 1993, BGBl. 1993 I, p. 565, ci-après l’«UStG») soumet à la TVA les opérations effectuées à titre onéreux à l’intérieur de l’État par un entrepreneur dans le cadre de son activité.

9       Conformément à l’article 4, paragraphe 8, sous e) et f), de l’UStG, sont exonérées les opérations, y compris la négociation mais à l’exception de la garde et de la gestion, portant sur des titres ainsi que les opérations et les négociations concernant les parts de sociétés et d’autres groupements de personnes.

10     L’article 15 de l’UStG prévoit:

«1)      L’assujetti peut déduire les montants de taxe en amont suivants:

1.      la taxe mentionnée séparément sur les factures […], que lui ont délivrées d’autres assujettis pour des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées aux fins de son entreprise […]

2.      la taxe sur le chiffre d’affaires acquittée à l’importation grevant les biens qui ont été importés à l’intérieur du pays aux fins de son entreprise […]

3.      la taxe grevant l’acquisition intracommunautaire de biens en faveur de son entreprise.

[…]

2)      Est exclue de la déduction de l’impôt payé en amont la taxe sur les livraisons, l’importation et l’acquisition intracommunautaire de biens ou les autres prestations que l’assujetti utilise aux fins des opérations suivantes:

1.      les opérations exonérées,

[…]

4)      Si l’assujetti utilise un bien livré, importé, ou acquis à l’intérieur de la Communauté aux fins de son entreprise, ou une autre prestation, en partie seulement en vue de réaliser des opérations qui excluent la déduction de l’impôt payé en amont, n’est pas déductible la partie des montants d’impôt payé en amont qui est économiquement imputable auxdites opérations. L’assujetti peut déterminer les sommes partiellement non déductibles en procédant à une évaluation objective.

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      Securenta avait pour activité, au cours de l’année 1994 en cause dans le litige au principal, l’acquisition, la gestion et l’exploitation de biens immobiliers, de valeurs mobilières ainsi que de participations et de placements de toute nature. Faisant appel public à l’épargne, cette société collectait le capital nécessaire à ces activités en émettant des actions et des participations tacites atypiques. Ce faisant, elle intégrait un grand nombre d’associés tacites en agissant comme une société faisant appel public à l’épargne. Les personnes ainsi associées apportaient des capitaux que Securenta réinvestissait.

12     Au cours de l’année 1994, Securenta a réalisé des opérations imposables s’élevant à 2 959 800 DEM. Le chiffre d’affaires global de Securenta s’élevait à 6 480 006 DEM. Ce montant incluait des dividendes à hauteur de 226 642 DEM et des revenus tirés de la vente de valeurs mobilières pour un montant de 1 389 930 DEM, soit au total 1 616 572 DEM. Sur les montants correspondant à la TVA payée en amont, soit au total 6 838 535 DEM, la majeure partie de ceux-ci, à savoir un montant de 6 161 679 DEM, n’était pas imputable à des opérations en aval déterminées.

13     Lors de la procédure administrative relative à la détermination des obligations fiscales de Securenta, cette dernière a affirmé que tous les montants de TVA versés en amont ayant grevé des dépenses liées à l’acquisition de nouveaux capitaux étaient déductibles au motif que l’émission d’actions était liée à un renforcement de son capital et que cette opération avait bénéficié à son activité économique en général.

14     Le Finanzamt a refusé la déduction, d’une part, des montants de TVA payés en amont ayant grevé les dépenses relatives à l’émission de participations tacites atypiques, soit 4 171 424 DEM, ainsi que, d’autre part, des montants de TVA payés en amont ayant grevé des opérations de location réalisées par Securenta, soit 676 856 DEM. Le Finanzamt a alors évalué à 1 990 254 DEM le montant de TVA acquitté en amont ne se rapportant pas directement à des opérations en aval déterminées. Sur cette base, le Finanzamt a déterminé une quote-part en utilisant une clé de répartition d’environ 45 %, résultant de l’application d’un critère lié à l’étendue des placements réalisés, de sorte que les montants de TVA payés en amont déductibles s’élevaient à 1 567 616 DEM et les montants à rembourser au titre de l’année 1994 à 1 123 647 DEM.

15     Securenta a alors formé un recours en justice contre cette décision. Par arrêt du 18 octobre 2001, le Niedersächsisches Finanzgericht a rejeté le recours.

16     Securenta a fait appel de cette décision auprès du Bundesfinanzhof qui, par un arrêt rendu le 18 novembre 2004, a annulé l’arrêt du Niedersächsisches Finanzgericht.

17     Le Niedersächsisches Finanzgericht, de nouveau saisi du litige, a alors décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Lorsqu’un assujetti exerce à la fois une activité professionnelle et [une activité] privée, le droit de déduire la [TVA] payée en amont est-il déterminé en fonction du rapport qui existe entre les opérations imposables et assujetties, d’une part, et les opérations imposables et exonérées, d’autre part, ou la déduction de cette taxe n’est-elle admise que dans la mesure où les dépenses liées à l’émission d’actions et de participations tacites se rapportent à l’activité économique au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la [sixième] directive [...]?

2)      Dans l’hypothèse où la déduction de la [TVA payée] en amont ne serait admise que dans la mesure où les dépenses liées à l’émission d’actions et de participations tacites se rapportent à l’activité économique, les montants correspondant à la [TVA] payée en amont doivent-ils être ventilés entre la partie professionnelle et la partie privée de l’activité en utilisant une ‘clé de répartition selon la nature de l’investissement’ ou doit-on considérer qu’une ‘clé de répartition selon la nature de l’opération’ est également objective, [cela] par analogie avec l’article 17, paragraphe 5, de la [sixième] directive [...]?»

 Sur les questions préjudicielles

 Observations présentées devant la Cour

18     Securenta soutient que tous les montants de TVA payés en amont ayant grevé les dépenses liées à l’acquisition de capitaux sont déductibles, étant donné qu’une émission d’actions sert à augmenter les ressources financières d’une société au profit de son activité économique en général. Afin de déterminer l’étendue du droit à déduction, il faudrait définir le rapport qui existe entre les opérations imposables et assujetties, d’une part, et les opérations imposables et exonérées, d’autre part.

19     Le gouvernement allemand considère que la déduction de la TVA payée en amont n’est admise que dans la mesure où les dépenses liées à l’émission d’actions et de participations tacites se rapportent à une activité professionnelle. Ledit gouvernement explique que, dans l’affaire au principal, une partie du capital ainsi acquis a été affectée à des domaines dans lesquels aucune activité professionnelle n’était exercée, à savoir la réalisation de participations financières. Il conviendrait donc d’effectuer une ventilation de la TVA payée en amont entre activité professionnelle et activité privée en utilisant une clé de répartition selon la nature de l’investissement.

20     Le gouvernement portugais fait valoir que la TVA acquittée en amont n’est déductible qu’en ce qui concerne les opérations effectuées dans le cadre d’une activité professionnelle et qu’une clé de répartition selon la nature de l’investissement constitue la méthode de ventilation la plus appropriée.

21     Le gouvernement du Royaume-Uni souligne que le prorata des frais généraux supportés en amont qui sont liés à une activité non économique n’entre pas dans le calcul relatif à la déduction de la TVA payée en amont. Quant à la méthode de ventilation, ledit gouvernement considère qu’elle n’est pas régie par les dispositions de la sixième directive, si bien qu’elle relève du pouvoir d’appréciation des États membres.

22     La Commission des Communautés européennes indique que le traitement fiscal d’une activité professionnelle dépend de l’applicabilité de l’un des faits générateurs d’exonération. Alors que les opérations portant sur des titres sont exonérées de la TVA, les livraisons de biens immeubles pourraient, le cas échéant, être imposées. Dans ces conditions, il appartiendrait à la juridiction de renvoi de procéder à un examen de la nature des différentes activités exercées par Securenta. À cet égard, la Commission préconise une clé de répartition selon les caractéristiques de l’investissement qui devrait être suffisamment qualifiée pour refléter la réalité économique.

 Réponse de la Cour

Sur la première question

23     Par sa première question, la juridiction de renvoi vise à savoir comment, dans le cas d’un assujetti qui exerce à la fois des activités économiques et des activités non économiques, le droit à déduction de la TVA payée en amont doit être déterminé.

24     Afin de répondre à la question posée, il convient de rappeler, d’abord, que le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme régissant la TVA, qu’il ne peut, en principe, être limité et qu’il s’exerce pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations imposables effectuées en amont (voir arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 18, et du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 43).

25     Le régime de déduction institué par la sixième directive vise, en effet, à décharger entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit ainsi la neutralité quant à la charge fiscale, quels que soient les buts ou les résultats de telles activités (voir arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, Rec. p. 655, point 19; du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-37/95, Rec. p. I-1, point 15, et du 21 février 2006, University of Huddersfield, C-223/03, Rec. p. I-1751, point 47).

26     Il ressort des indications fournies par la juridiction de renvoi que Securenta exerce trois types d’activités, à savoir, premièrement, des activités non économiques, ne relevant pas du champ d’application de la sixième directive, deuxièmement, des activités économiques, relevant, par conséquent, du champ d’application de cette directive mais exonérées de la TVA, et, troisièmement, des activités économiques imposées. La question se pose donc, dans ce contexte, de savoir si et, le cas échéant, dans quelle mesure un tel assujetti est en droit de déduire la TVA en amont ayant grevé des dépenses qui ne peuvent pas être rattachées à des activités en aval déterminées.

27     En ce qui concerne les dépenses encourues dans le cadre d’une émission d’actions ou de participations tacites atypiques, il importe de relever que, pour que la TVA acquittée en amont et relative à une telle opération puisse faire naître un droit à déduction, les dépenses effectuées dans ce cadre doivent faire partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (voir arrêts du 22 février 2001, Abbey National, C-408/98, Rec. p. I-1361, point 28; du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C-16/00, Rec. p. I-6663, point 31, et du 8 février 2007, Investrand, C-435/05, Rec. p. I-1315, point 23).

28     Dans ces conditions, la TVA acquittée en amont, ayant grevé les dépenses liées à l’émission d’actions et de participations tacites atypiques, ne saurait ouvrir droit à déduction que si le capital ainsi acquis a été affecté aux activités économiques de l’intéressé. La Cour a en effet jugé que le régime des déductions établi par la sixième directive porte sur l’ensemble des activités économiques d’un assujetti, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que ces dernières soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir arrêts Gabalfrisa e.a., précité, point 44; du 8 juin 2000, Midland Bank, C-98/98, Rec. p. I-4177, point 19, et Abbey National, précité, point 24).

29     Dans l’affaire au principal, ainsi que la juridiction de renvoi l’a fait remarquer, les dépenses liées aux prestations réalisées dans le cadre de l’émission d’actions et de participations financières n’étaient pas exclusivement imputables à des activités économiques effectuées en aval par Securenta et ne faisaient donc pas partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant desdites activités. Si, en revanche, tel avait été le cas, les prestations concernées auraient revêtu un lien direct et immédiat avec les activités économiques de l’assujetti (voir arrêts précités Abbey National, points 35 et 36, ainsi que Cibo Participations, point 33). Toutefois, il ressort du dossier présenté devant la Cour que les coûts exposés par Securenta pour les opérations financières en cause dans le litige au principal étaient, au moins en partie, destinés à l’accomplissement d’activités non économiques.

30     Or, la TVA ayant grevé en amont des dépenses encourues par un assujetti ne saurait ouvrir droit à déduction dans la mesure où elle se rapporte à des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d’application de la sixième directive.

31     Il y a donc lieu de répondre à la première question que, lorsqu’un assujetti exerce à la fois des activités économiques, taxées ou exonérées, et des activités non économiques ne relevant pas du champ d’application de la sixième directive, la déduction de la TVA ayant grevé les dépenses liées à l’émission d’actions et de participations tacites atypiques n’est admise que dans la mesure où ces dépenses peuvent être imputées à l’activité économique de l’assujetti au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

Sur la seconde question

32     Par sa seconde question, la juridiction de renvoi vise à savoir si, dans l’hypothèse où la déduction de la TVA acquittée en amont n’est admise que dans la mesure où les dépenses exposées par l’assujetti peuvent être imputées à des activités économiques, une clé de répartition selon la nature de l’investissement ou, dans le cas d’une application par analogie de l’article 17, paragraphe 5, de la sixième directive, selon la nature de l’opération doit être retenue afin de ventiler les montants de TVA ayant grevé ces dépenses.

33     Afin de répondre à cette question, il convient de relever que les dispositions de la sixième directive ne comportent pas de règles ayant pour objet les méthodes ou les critères que les États membres sont tenus d’appliquer lorsqu’ils adoptent des dispositions permettant une ventilation des montants de TVA acquittés en amont selon que les dépenses correspondantes se rapportent à des activités économiques ou à des activités non économiques. En effet, ainsi que l’a fait observer la Commission, les règles contenues aux articles 17, paragraphe 5, et 19 de la sixième directive portent sur la TVA en amont qui grève des dépenses se rattachant exclusivement à des activités économiques, en opérant une ventilation, parmi lesdites activités, entre celles, taxées, qui ouvrent droit à déduction et celles, exonérées, qui n’ouvrent pas un tel droit.

34     Dans ces conditions, et afin que les assujettis puissent effectuer les calculs nécessaires, il appartient aux États membres d’établir des méthodes et des critères appropriés à cette fin, dans le respect des principes qui sous-tendent le système commun de TVA.

35     À cet égard, la Cour a jugé que, lorsque la sixième directive ne comporte pas les indications nécessaires pour de telles déterminations chiffrées, les États membres sont tenus d’exercer ledit pouvoir en tenant compte de la finalité et de l’économie de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2006, Wollny, C-72/05, Rec. p. I-8297, point 28).

36     En particulier, et comme M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, les mesures que les États membres sont appelés à adopter à cet égard doivent respecter le principe de la neutralité fiscale sur lequel repose le système commun de la TVA.

37     Dès lors, les États membres doivent exercer leur pouvoir d’appréciation de façon à garantir que la déduction ne s’effectue que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux opérations ouvrant droit à déduction. Ils doivent donc veiller à ce que le calcul du prorata entre activités économiques et activités non économiques reflète objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités.

38     Il convient d’ajouter que, dans le cadre de l’exercice dudit pouvoir, les États membres sont habilités à appliquer, le cas échéant, soit une clé de répartition selon la nature de l’investissement, soit une clé de répartition selon la nature de l’opération, soit encore toute autre clé appropriée, sans être obligés de se limiter à une seule de ces méthodes.

39     Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que la détermination des méthodes et des critères de ventilation des montants de TVA payée en amont entre activités économiques et activités non économiques au sens de la sixième directive relève du pouvoir d’appréciation des États membres qui, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l’économie de cette directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités.

 Sur les dépens

40     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      Lorsqu’un assujetti exerce à la fois des activités économiques, taxées ou exonérées, et des activités non économiques ne relevant pas du champ d’application de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses liées à l’émission d’actions et de participations tacites atypiques n’est admise que dans la mesure où ces dépenses peuvent être imputées à l’activité économique de l’assujetti au sens de l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

2)      La détermination des méthodes et des critères de ventilation des montants de taxe sur la valeur ajoutée payée en amont entre activités économiques et activités non économiques au sens de la sixième directive 77/388 relève du pouvoir d’appréciation des États membres qui, dans l’exercice de ce pouvoir, doivent tenir compte de la finalité et de l’économie de cette directive et, à ce titre, prévoir un mode de calcul reflétant objectivement la part d’imputation réelle des dépenses en amont à chacune de ces deux activités.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.