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Affaire C-484/06

Fiscale eenheid Koninklijke Ahold NV

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Renvoi préjudiciel — Première et sixième directives TVA — Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité — Règles concernant l’arrondissement des montants de la TVA — Arrondissement par article vers le bas»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Sixième directive — Dispositions relatives à l'arrondissement du montant de la taxe

(Directive du Conseil 77/388, art. 11, A, § 1, a), et 22, § 3, b))

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Sixième directive — Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité

(Directives du Conseil 67/227, art. 2, al. 1, et 77/388)

1.        En l’absence d’une réglementation communautaire spécifique, il appartient aux États membres de déterminer les règles et méthodes d’arrondissement des montants de la taxe sur la valeur ajoutée, ces États étant tenus, lors de cette détermination, de respecter les principes sur lesquels repose le système commun de cette taxe, notamment ceux de neutralité fiscale et de proportionnalité.

(cf. point 33, disp. 1)

2.        Le droit communautaire, dans son état actuel, en ce compris les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, ne comporte aucune obligation spécifique selon laquelle les États membres sont tenus d’autoriser les assujettis à arrondir par article vers le bas le montant de la taxe sur la valeur ajoutée.

Ainsi, le principe de neutralité fiscale ne comporte aucune exigence quant à l'application d'une méthode particulière d'arrondissement, pour autant que la méthode retenue par l'État membre concerné garantit que le montant à percevoir par l'administration fiscale au titre de la taxe sur la valeur ajoutée correspond précisément au montant déclaré au titre de ladite taxe sur la facture et versé par le consommateur final à l'assujetti.

En outre, si le respect du principe de proportionnalité exige, lorsqu’un arrondissement est nécessaire, que celui-ci soit effectué de telle manière que le montant arrondi corresponde le plus possible à celui de la taxe sur la valeur ajoutée résultant de l’application du taux en vigueur, il n’en demeure pas moins qu’une telle opération vise, par sa nature, à faciliter le calcul et doit, en conséquence, concilier l’exigence d’une proportionnalité la plus exacte possible avec les besoins pratiques d’une application effective du système commun de taxe sur la valeur ajoutée reposant sur le principe d’une déclaration de l’assujetti.

(cf. points 37, 39, 43, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

10 juillet 2008 (*)

«Renvoi préjudiciel – Première et sixième directives TVA – Principes de neutralité fiscale et de proportionnalité – Règles concernant l’arrondissement des montants de la TVA – Arrondissement par article vers le bas»

Dans l’affaire C-484/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 24 novembre 2006, parvenue à la Cour le 27 novembre 2006, dans la procédure

Fiscale eenheid Koninklijke Ahold NV

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. G. Arestis, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et T. von Danwitz (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 décembre 2007,

considérant les observations présentées:

–        pour la Fiscale eenheid Koninklijke Ahold NV, par M. G. C. Bulk, adviseur, et Me M. Hamer, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mmes O. Patsopoulou, M. Tassopoulou et G. Skiani, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par Mme E. Ośniecka-Tamecka, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme V. Jackson, en qualité d’agent, assistée de M. I. Hutton, barrister,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Triantafyllou, A. Weimar et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22, paragraphes 3, sous b), et 5, ainsi que de l’article 11, A, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Fiscale eenheid Koninklijke Ahold NV, entité fiscale à laquelle appartient la société Albert Heijn BV, au Staatssecretaris van Financiën à la suite du rejet par l’Inspecteur van de Belastingdienst (inspecteur des impôts, ci-après l’«Inspecteur») de la réclamation qu’elle avait introduite pour obtenir le remboursement d’un montant de 1 414 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2 de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (JO 1967, 71, p. 1301, ci-après la «première directive»), énonce:

«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.

Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu’au stade du commerce de détail inclus.

[…]»

4        L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive prévoit:

«La base d’imposition est constituée:

a)      pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

5        L’article 22, paragraphes 3, sous a) et b), 4, sous b), et 5, de la sixième directive, énonce:

«3.      a)     Tout assujetti doit délivrer une facture, ou un document en tenant lieu, pour les livraisons de biens et les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie. […] L’assujetti doit conserver un double de tous les documents émis.

[…]

b)      La facture doit mentionner, d’une façon distincte, le prix hors taxe et la taxe correspondante pour chaque taux différent ainsi que, le cas échéant, l’exonération.

[…]

4.      a)     […]

b)      Dans la déclaration doivent figurer toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe exigible et celui des déductions à opérer, y compris, le cas échéant, et dans la mesure où cela apparaît nécessaire pour la constatation de l’assiette, le montant global des opérations relatives à cette taxe et à ces déductions ainsi que le montant des opérations exonérées.

[…]

5.      Tout assujetti doit payer le montant net de la taxe sur la valeur ajoutée lors du dépôt de la déclaration périodique. Toutefois, les États membres peuvent fixer une autre échéance pour le paiement de ce montant ou percevoir des acomptes provisionnels.»

6        La directive 2001/115/CE du Conseil, du 20 décembre 2001, modifiant la directive 77/388 en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2002, L 15, p. 24), que les États membres devaient mettre en vigueur avec effet au 1er janvier 2004, a modifié l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, cette disposition comportant notamment un dixième tiret rédigé comme suit:

«Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, sur les factures émises en application des dispositions du point a), premier, deuxième et troisième alinéas:

[…]

–        le montant de taxe à payer, sauf lorsqu’il est appliqué à un régime particulier pour lequel la présente directive exclut une telle mention,

–        […]»

 La réglementation nationale

7        L’article 35 de la loi relative à l’impôt sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting), du 28 juin 1968 (Stb. 1968, n° 329), dans sa version applicable au litige au principal, est libellé comme suit:

«1.      Pour les livraisons qu’il effectue et les services qu’il fournit à un autre entrepreneur ou à une personne morale, autre qu’un entrepreneur, l’entrepreneur est tenu d’émettre une facture numérotée et datée qui précise clairement et sans ambiguïté:

[...]

i.      La rémunération.

j.      Le montant de la taxe qui est due pour la livraison ou le service. Il n’est pas permis de mentionner un autre montant de taxe.

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        La société Albert Heijn BV, appartenant à la Fiscale eenheid Koninklijke Ahold NV, qui constitue une entité fiscale en vue de la perception de la taxe sur le chiffre d’affaires, exploite des supermarchés dans lesquels elle fournit un assortiment classique de produits alimentaires ou autres.

9        Durant la période en cause au principal, à savoir le mois d’octobre de l’année 2003, la requérante au principal a calculé et déclaré la TVA relative aux ventes de ses supermarchés selon sa pratique habituelle consistant à se fonder sur le montant total, correspondant à chaque ticket de caisse (ou «panier d’achats»), payé par un client en cas d’achat simultané de différents articles.

10      Chacun des montants figurant sur ces tickets de caisse a été arrondi arithmétiquement au cent d’euro. Cette opération d’arrondissement arithmétique implique que les montants dont la troisième décimale est égale ou supérieure à 5 sont arrondis au cent supérieur le plus proche et que ceux dont la troisième décimale est inférieure à 5 sont arrondis au cent inférieur le plus proche. La requérante au principal a procédé ainsi pour l’ensemble de ses filiales.

11      Toutefois, pour deux filiales, elle a en outre appliqué, en ce qui concerne la période en cause, une autre méthode, consistant à calculer le montant de la TVA due non par ticket de caisse, mais séparément, pour chaque article vendu au client, en arrondissant le montant ainsi calculé par article au cent d’euro inférieur le plus proche.

12      La requérante au principal a ainsi calculé que, pour ces deux filiales et pour la période en cause, elle aurait dû, selon cette méthode d’arrondissement par article vers le bas, payer 1 414 euros de moins que le montant indiqué dans sa déclaration et effectivement acquitté conformément à sa pratique habituelle d’arrondissement par ticket de caisse.

13      La requérante au principal a demandé le remboursement du montant de 1 414 euros qu’elle a, selon elle, acquitté indûment au titre de la TVA pour les deux filiales en question. Cette demande ayant été rejetée, elle a introduit une réclamation auprès de l’Inspecteur en soutenant que l’«arrondissement par panier» n’est pas correct et que le montant de la taxe calculé par article devrait être, le cas échéant, arrondi au montant inférieur le plus proche.

14      L’Inspecteur a rejeté ladite réclamation. La requérante au principal a formé un recours tendant à l’annulation de cette décision de rejet devant le Gerechtshof te Amsterdam. Ce dernier a rejeté ce recours comme non fondé par un arrêt du 16 août 2004. La requérante a alors saisi le Hoge Raad der Nederlanden d’un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

15      Dans la décision de renvoi, le Hoge Raad der Nederlanden rappelle que, selon le Gerechtshof te Amsterdam, même lorsque l’application de la méthode arithmétique aboutit à un arrondissement au cent supérieur, cette méthode respecte mieux, par solde, le principe en vertu duquel la taxe doit être strictement proportionnelle au prix qu’une méthode prévoyant un arrondissement au cent inférieur.

16      Ladite juridiction ajoute que, en calculant la TVA, il est permis de procéder à un arrondissement arithmétique de la taxe pour chaque livraison d’un bien ou pour chaque prestation de services ou d’appliquer l’arrondissement sur le montant total d’un certain nombre de livraisons ou de prestations considérées ensemble, à savoir, dans l’affaire au principal, par panier. Selon elle, ces deux méthodes se trouvent consacrées, à compter du 1er juillet 2004, à l’article 5 a de l’arrêté d’exécution de 1968 relatif à la taxe sur le chiffre d’affaires (Uitvoeringsbesluit omzetbelasting 1968).

17      Le litige au principal soulèverait les questions de savoir si les première et sixième directives exigent que la méthode d’arrondissement par article vers le bas soit admise et, plus particulièrement, si les dispositions de l’article 2, premier et deuxième alinéas, de la première directive ainsi que des articles 11, A, paragraphe 1, sous a), et 22, paragraphes 3, sous b), premier alinéa, dans sa version applicable jusqu’au 1er janvier 2004, et 5, de la sixième directive reposent sur la méthode selon laquelle le montant de la TVA doit être calculé à l’égard de chaque opération, même si différentes opérations sont mentionnées sur une facture et/ou sont comprises dans une même déclaration.

18      Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’arrondissement de montants de la TVA est-il exclusivement soumis au droit national ou bien cette question – compte tenu en particulier des dispositions [de l’article 22, paragraphes 3, sous b), dixième tiret, et 5, ainsi que de l’article 11, A, de la sixième directive] – relève-t-elle du droit communautaire?

2)      Dans ce dernier cas, résulte-t-il des dispositions visées des directives que les États membres sont tenus d’autoriser l’arrondissement par article vers le bas, même si différentes opérations sont mentionnées sur une facture et/ou sont comprises dans une déclaration?»

 Sur la demande de réouverture de la procédure orale

19      Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 mars 2008, la requérante au principal a demandé la réouverture de la procédure orale au motif que l’affaire ne peut pas être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties, en ce sens que les conclusions de Mme l’avocat général sont fondées sur une conception erronée des faits.

20      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar, C-17/98, Rec. p. I-665, point 18; arrêts du 14 décembre 2004, Swedish Match, C-210/03, Rec. p. I-11893, point 25; du 28 juin 2007, Albert Reiss Beteiligungsgesellschaft, C-466/03, Rec. p. I-5357, point 29, ainsi que du 8 mai 2008, Danske Svineproducenter, C-491/06, non encore publié au Recueil, point 21).

21      Or, dans sa demande de réouverture de la procédure orale, la requérante au principal fait observer que, à plusieurs reprises lors de l’audience, elle a notamment signalé les faits exacts, selon elle, quant aux effets de l’arrondissement.

22      La Cour considère, en l’espèce, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour répondre aux questions posées et que, dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la procédure orale.

23      Par conséquent, il convient de rejeter la demande tendant à ce qu’une telle réouverture soit ordonnée.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

24      En réponse à la première question, il y a lieu de constater que les dispositions des première et sixième directives ne comprennent aucune règle expresse concernant l’arrondissement des montants de la TVA. Notamment, la sixième directive reste muette à cet égard.

25      Les dispositions de l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, tant dans leur version applicable à la date des faits du litige au principal que dans celle résultant de la directive 2001/115, entrée en vigueur le 1er janvier 2004 et qui, de ce fait, n’est pas applicable audit litige, ainsi que les dispositions du paragraphe 5 du même article, sont, certes, de nature à se référer, au fond, à des montants de TVA arrondis, ainsi que le soutient la juridiction de renvoi. Cependant, il est constant que ces dispositions ne prévoient aucune règle expresse concernant la manière dont l’arrondissement doit être effectué.

26      Il en est de même en ce qui concerne l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive. En effet, cette disposition se borne à déterminer la base d’imposition et elle ne se réfère qu’au prix des biens livrés et des services effectués en contrepartie de celui-ci.

27      Ledit constat n’est nullement remis en cause par la finalité et l’économie de chacune des dispositions mentionnées aux deux points précédents qu’il convient de prendre en compte pour l’interprétation de celles-ci [voir, notamment, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C-491/01, Rec. p. I-11453, point 203 et jurisprudence citée; du 16 janvier 2003, Commission/Espagne, C-12/00, Rec. p. I-459, point 55, ainsi que du 13 mars 2008, Securenta, C-437/06, non encore publié au Recueil, point 35].

28      Ainsi, il ressort de la deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Structure et modalités d’application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303), que la taxe sur le chiffre d’affaires vise à atteindre l’objectif d’une égalité des conditions d’imposition d’une même opération, quel que soit l’État membre dans lequel elle intervient (arrêt du 3 octobre 2006, Banca popolare di Cremona, C-475/03, Rec. p. I-9373, points 20 et 23). Dans ce contexte, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive a pour but de garantir l’uniformité, dans les États membres, de la base sur laquelle repose l’imposition.

29      Il en est de même pour l’article 22, paragraphe 3, sous b), de la sixième directive, à propos duquel le quatrième considérant de la directive 2001/115 fait apparaître que les mentions, qui doivent figurer obligatoirement sur les factures, visent à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Enfin, l’article 22, paragraphes 4 et 5, de la sixième directive a pour objectif de garantir la mise à la disposition de l’administration fiscale de toutes les informations nécessaires aux fins de la constatation et de la perception exacte du montant de la taxe exigible.

30      Il s’ensuit que ni le libellé desdites dispositions ni leur finalité ne permettent de conclure qu’une méthode spécifique d’arrondissement a été prévue par le droit communautaire.

31      En conséquence, en l’absence d’une réglementation communautaire, il incombe à l’ordre juridique des États membres de déterminer, dans les limites du droit communautaire, la méthode et les règles régissant l’arrondissement d’un montant déclaré au titre de la TVA.

32      Ainsi, lorsque les États membres établissent ou admettent une méthode précise d’arrondissement, ils sont tenus de respecter les principes régissant le système commun de la TVA, tels que ceux de neutralité fiscale et de proportionnalité. Le respect de ces principes reconnus dans l’ordre juridique communautaire n’a toutefois pas pour conséquence que la question de la méthode spécifique d’arrondissement à appliquer relève elle-même du droit communautaire.

33      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que, en l’absence d’une réglementation communautaire spécifique, il appartient aux États membres de déterminer les règles et méthodes d’arrondissement des montants de la TVA, ces États étant tenus, lors de cette détermination, de respecter les principes sur lesquels repose le système commun de cette taxe, notamment ceux de neutralité fiscale et de proportionnalité.

 Sur la seconde question

34      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si les directives comportent une obligation spécifique selon laquelle les États membres sont tenus d’autoriser les assujettis à arrondir par article vers le bas le montant de la TVA.

35      Eu égard à la réponse fournie à la première question, il importe de vérifier, afin de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi dans le cadre de sa seconde question, si le droit communautaire, tel qu’il résulte des principes sur lesquels repose le système commun de TVA, en particulier des principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, oblige un État membre à autoriser les assujettis à arrondir par article vers le bas le montant de la TVA due à l’administration fiscale. Une telle obligation présuppose qu’une seule méthode d’arrondissement, à savoir celle consistant à arrondir par article vers le bas le montant de la taxe, serait en mesure de satisfaire à de telles exigences.

36      Reflétant le principe d’égalité de traitement en matière de TVA, le principe de neutralité fiscale a, notamment, pour conséquence, que les assujettis ne doivent pas être traités de manière différente, au regard de la méthode d’arrondissement mise en œuvre lors du calcul de la TVA, pour des prestations semblables qui se trouvent en concurrence les unes avec les autres (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 2006, Solleveld et van den Hout-van Eijnsbergen, C-443/04 et C-444/04, Rec. p. I-3617, point 35 et jurisprudence citée). En vertu de ce même principe, le montant à percevoir par l’administration fiscale au titre de la TVA doit correspondre précisément au montant déclaré au titre de la TVA sur la facture et versé par le consommateur final à l’assujetti (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 1996, Elida Gibbs, C-317/94, Rec. p. I-5339, point 24).

37      Ainsi, ledit principe ne comporte aucune exigence quant à l’application d’une méthode particulière d’arrondissement, pour autant que la méthode retenue par l’État membre concerné garantit que le montant à percevoir par l’administration fiscale au titre de la TVA correspond précisément au montant déclaré au titre de la TVA sur la facture et versé par le consommateur final à l’assujetti.

38      S’agissant du principe de proportionnalité, il ressort de l’article 2, premier alinéa, de la première directive que la TVA est un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services (voir, notamment, arrêts Banca popolare di Cremona, précité, point 21, ainsi que du 11 octobre 2007, KÖGÁZ e.a., C-283/06 et C-312/06, Rec. p. I-8463, point 29).

39      Si le respect de ce dernier principe exige, lorsqu’un arrondissement est nécessaire, que celui-ci soit effectué de telle manière que le montant arrondi corresponde le plus possible à celui de la TVA résultant de l’application du taux en vigueur, il n’en demeure pas moins qu’une telle opération vise, par sa nature, à faciliter le calcul et doit, en conséquence, concilier l’exigence d’une proportionnalité la plus exacte possible avec les besoins pratiques d’une application effective du système commun de TVA reposant sur le principe d’une déclaration de l’assujetti.

40      En tout état de cause, sans qu’il soit nécessaire pour la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la méthode d’arrondissement par article vers le bas est de nature à satisfaire aux exigences du principe de proportionnalité au sens de l’article 2, premier alinéa, de la première directive, il ressort notamment des exemples de calcul présentés dans les observations soumises à la Cour et relevées par Mme l’avocat général au point 47 de ses conclusions qu’il existe des modes de calcul susceptibles de répondre auxdites exigences.

41      Dès lors, en raison de la technicité de la question de l’arrondissement, le principe de proportionnalité n’est pas non plus de nature à contenir des exigences permettant de conclure qu’une seule méthode d’arrondissement, notamment celle consistant à arrondir par article vers le bas le montant de la TVA, saurait satisfaire au principe de proportionnalité.

42      Il résulte de ce qui précède que le droit communautaire, notamment les dispositions des première et sixième directives et les principes de neutralité fiscale et de proportionnalité, ne contient aucune obligation spécifique pour les États membres d’autoriser les assujettis à arrondir par article vers le bas le montant de la TVA.

43      En conséquence, il y a lieu de répondre à la seconde question que le droit communautaire, dans son état actuel, ne comporte aucune obligation spécifique selon laquelle les États membres sont tenus d’autoriser les assujettis à arrondir par article vers le bas le montant de la TVA.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

1)      En l’absence d’une réglementation communautaire spécifique, il appartient aux États membres de déterminer les règles et méthodes d’arrondissement des montants de la taxe sur la valeur ajoutée, ces États étant tenus, lors de cette détermination, de respecter les principes sur lesquels repose le système commun de cette taxe, notamment ceux de neutralité fiscale et de proportionnalité.

2)      Le droit communautaire, dans son état actuel, ne comporte aucune obligation spécifique selon laquelle les États membres sont tenus d’autoriser les assujettis à arrondir par article vers le bas le montant de la taxe sur la valeur ajoutée.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.