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Affaire C-515/07

Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie

contre

Staatssecretaris van Financiën

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Sixième directive TVA — Biens et services affectés à l'entreprise pour les besoins d'opérations taxées et d'opérations autres que des opérations taxées — Droit à déduction immédiate et intégrale de la taxe affectée à l'achat de tels biens et services»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 6, § 2, a), et 17, § 2)

Les articles 6, paragraphe 2, sous a), et 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne sont pas applicables à l'utilisation de biens et de services affectés à l'entreprise pour les besoins d'opérations autres que les opérations taxées de l'assujetti, telles que des activités consistant pour une association à défendre les intérêts généraux de ses membres, la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de l'acquisition de ces biens et de ces services, se rapportant à de telles opérations, n'étant pas déductible.

L'article 6, paragraphe 2, sous a), de ladite directive n'a, en effet, pas vocation à établir une règle selon laquelle des opérations qui se situent en dehors du champ d'application du régime de la TVA peuvent être considérées comme étant effectuées à des «fins étrangères» à l'entreprise au sens de cette disposition.

(cf. points 38,40 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

12 février 2009 (*)

«Sixième directive TVA – Biens et services affectés à l’entreprise pour les besoins d’opérations taxées et d’opérations autres que des opérations taxées – Droit à déduction immédiate et intégrale de la taxe affectée à l’achat de tels biens et services»

Dans l’affaire C-515/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 2 novembre 2007, parvenue à la Cour le 22 novembre 2007, dans la procédure

Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie

contre

Staatssecretaris van Financiën,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász, G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 octobre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. M. de Grave, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement portugais, par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme T. Harris, en qualité d’agent, assistée de M. K. Lasok, QC,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Triantafyllou et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 22 décembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 6, paragraphe 2, ainsi que 17, paragraphes 2 et 6, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Vereniging Noordelijke Land- en Tuinbouw Organisatie (ci-après la «VNLTO») au Staatssecretaris van Financiën au sujet d’un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 2 de la directive prévoit:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1.      les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

[…]»

4        L’article 6, paragraphe 2, de la directive dispose:

«Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux:

a)      l’utilisation d’un bien affecté à l’entreprise pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la [TVA];

b)      les prestations de services à titre gratuit effectuées par l’assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

Les États membres ont la faculté de déroger aux dispositions de ce paragraphe à condition que cette dérogation ne conduise pas à des distorsions de concurrence.»

5        Aux termes de l’article 17, paragraphes 2 et 6, de la directive:

«2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)      la [TVA] due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[…]

6.      Au plus tard avant l’expiration d’une période de quatre ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente directive, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, déterminera les dépenses n’ouvrant pas droit à déduction de la [TVA]. En tout état de cause, seront exclues du droit à déduction les dépenses n’ayant pas un caractère strictement professionnel, telles que les dépenses de luxe, de divertissement ou de représentation.

Jusqu’à l’entrée en vigueur des règles visées ci-dessus, les États membres peuvent maintenir toutes les exclusions prévues par leur législation nationale au moment de l’entrée en vigueur de la présente directive.»

 La réglementation nationale

6        L’article 2 de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting 1968) énonce:

«La taxe qui a grevé les livraisons de biens et les fournitures de services à l’entrepreneur, les acquisitions intracommunautaires de biens effectuées par lui ainsi que les importations de marchandises qui lui étaient destinées est déduite de la taxe à acquitter sur les livraisons de biens et les fournitures de services.»

7        L’article 15 de ladite loi dispose:

«1.      La taxe visée à l’article 2, qui est déduite par l’opérateur, est

a)      la taxe qui, pour la période visée par la déclaration, a été portée en compte sur une facture établie selon les modalités prescrites par d’autres opérateurs au titre de livraisons de biens et de prestations de services qu’ils ont effectuées en faveur de l’opérateur;

[…]

pour autant que les biens et les services sont utilisés par l’opérateur pour les besoins de son entreprise […]

[…]

4.      La déduction de la taxe est opérée conformément à la destination des biens et des services au moment de la facturation de la taxe à l’opérateur ou au moment de son exigibilité. S’il apparaît, au moment où l’opérateur se dispose à utiliser les biens et les services, qu’il déduit la taxe y afférente dans une proportion supérieure ou inférieure à celle à laquelle l’usage des biens ou des services lui donne droit, l’excédent de taxe déduite est exigible à ce moment-là. La taxe devenue exigible est acquittée conformément à l’article 14 [de la loi de 1968 relative à la taxe sur le chiffre d’affaires].

La partie de la taxe qui pouvait être déduite et ne l’a pas été lui sera restituée à sa demande.

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        La VNLTO promeut les intérêts du secteur rural dans les régions de Groningen, Friesland, Drenthe et Flevoland. Ses membres, à savoir des entrepreneurs de ce secteur, lui versent des cotisations, dont la plus grande partie est destinée aux activités de défense de leurs intérêts généraux.

9        Hormis la défense de ces intérêts, la VNLTO fournit un certain nombre de prestations de services individuelles à ses membres, pour lesquelles elle leur facture une rémunération. Ces services sont également proposés à des tiers. Les bénéfices générés par ces activités commerciales sont affectés à la défense des intérêts généraux desdits membres.

10      Au cours de l’année 2000, la VNLTO a acquis des biens et des services qui ont été utilisés tant pour ses activités soumises à la TVA que pour d’autres activités n’ayant pas de lien avec les premières. La VNLTO a demandé la déduction totale des montants de TVA acquittés en amont pour lesdits biens et services, parmi lesquels ceux concernant ses activités relatives à la défense des intérêts généraux de ses membres.

11      Pour l’exercice fiscal 2000, les montants de TVA payés en amont et relatifs aux prestations taxées ont été déduits par la VNLTO. En outre, une partie des montants de TVA acquittés en amont et concernant les activités relatives à la défense des intérêts généraux des membres de la VNLTO a été déduite. Le 14 mai 2001, la VNLTO a demandé le remboursement d’un montant supplémentaire de TVA, concernant lesdites activités. Ainsi, un droit à déduction a été réclamé pour un montant représentant 79 % de l’ensemble des biens et des services acquis par la VNLTO. Par décision du 3 août 2001, l’inspecteur des impôts a refusé le remboursement demandé.

12      Par décision du 26 mars 2002, ce dernier a adressé à la VNLTO un avis de redressement pour l’exercice fiscal litigieux. Par cet avis, une réintégration des montants de TVA payés en amont en ce qui concerne les activités relatives à la défense des intérêts généraux des membres de la VNLTO a été opérée, proportionnellement aux revenus de cette dernière générés par ces activités. Il en est résulté une déduction représentant 49 % de l’ensemble des biens et des services acquis par la VNLTO.

13      Par lettre du 26 avril 2002, la VNLTO a introduit une réclamation à l’encontre de cet avis de redressement. Par décision du 15 mai 2002, l’inspecteur des impôts a confirmé ledit avis.

14      La VNLTO a alors interjeté appel de cette décision devant le Gerechtshof Leeuwarden. Le 17 juin 2005, cette juridiction a rejeté ce recours. Elle a estimé que les activités relatives à la défense des intérêts généraux ne constituaient pas un prolongement direct, durable et nécessaire des activités économiques de la VNLTO. Selon ladite juridiction, cette dernière ne saurait déduire la taxe qui lui est facturée dans la mesure où les biens et les services acquis sont utilisés dans le cadre de la défense des intérêts généraux de ses membres.

15      Le 27 juillet 2005, la VNLTO s’est pourvue en cassation contre la décision du Gerechtshof Leeuwarden.

16      Le Hoge Raad der Nederlanden, ainsi saisi du litige, a relevé que le litige au principal concerne la déduction de montants de TVA qui ont été portés en compte à l’occasion de l’engagement de dépenses exposées aux fins d’acquérir des biens et des services utilisés tant pour des activités économiques soumises à la TVA que pour d’autres opérations ne présentant aucun lien avec les premières.

17      La juridiction de renvoi s’interroge donc sur le point de savoir si la VNLTO est en droit d’affecter à son patrimoine d’entreprise des biens autres que des biens d’investissement et des services de sorte qu’elle puisse déduire immédiatement la totalité de la TVA acquittée sur leur acquisition, quand bien même ceux-ci sont partiellement utilisés dans le cadre d’activités qui n’ont aucun rapport avec les prestations taxées sur le fondement de l’article 2 de la directive.

18      Dans ces conditions, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les articles 6, paragraphe 2, et 17, paragraphes 1, 2 et 6, de la [directive] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’un assujetti est autorisé à affecter à son entreprise non seulement les biens d’investissement, mais également la totalité de tous les biens et services utilisés tant pour les besoins de l’entreprise qu’à des fins étrangères à celle-ci et à déduire intégralement et immédiatement la taxe sur la valeur ajoutée due sur l’acquisition de ces biens et services?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, l’application de l’article 6, paragraphe 2, de la [directive] implique-t-elle, s’agissant de services et de biens autres que les biens d’investissement, que la TVA soit prélevée en une fois au cours de la période pour laquelle la déduction afférente à ces services et à ces biens a été appliquée, ou la TVA doit-elle être prélevée au cours de plusieurs périodes? Dans l’affirmative, comment faut-il déterminer l’assiette de taxation pour ces biens et ces services non soumis à amortissement?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

 Observations présentées à la Cour

19      Le gouvernement néerlandais souligne qu’un assujetti ne peut, en ce qui concerne l’acquisition de biens d’investissement, ou de biens et de services autres que ceux-ci, déduire la TVA facturée dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins d’opérations qui ne sont pas soumises à cette taxe. Tel serait le cas lorsque les activités en question consisteraient en la défense d’intérêts généraux.

20      Ce gouvernement rappelle que, selon ses statuts, la VNLTO a pour but de promouvoir les intérêts du secteur rural dans plusieurs régions des Pays-Bas ainsi que ceux des entrepreneurs travaillant dans ce secteur. Il explique que la VNLTO est affiliée à cet effet au Land- en Tuinbouw Organisatie Nederland et que, par l’intermédiaire de cette organisation, elle vise à assurer la défense des intérêts des agriculteurs aux niveaux communal, provincial, national et international. Ledit gouvernement indique que la VNLTO cherche à stimuler la mise en œuvre d’une politique de développement agricole en matière de recherche, de sensibilisation et d’enseignement.

21      Dans le cadre des débats qui ont eu lieu devant la Cour, le gouvernement néerlandais a précisé que, en ce qui concerne la réponse à la première question posée, aucune différence ne saurait être faite entre une personne physique et une personne morale. Il a ajouté toutefois que, dans l’affaire au principal, la VNLTO souhaite obtenir une déduction de la TVA afférente à ses activités non économiques, en l’occurrence celles relatives à la défense des intérêts généraux de ses membres.

22      Le gouvernement allemand estime qu’un assujetti est autorisé à affecter en totalité à son entreprise non seulement les biens d’investissement, mais également tous les biens utilisés tant pour les besoins de l’entreprise qu’à des fins étrangères à celle-ci. Cette faculté ne s’appliquerait aux services que dans la mesure où ils sont acquis dans le cadre de l’utilisation d’un bien affecté en totalité à l’entreprise. Dans le cadre de la taxation de l’utilisation de tels biens ou services à des fins étrangères à l’entreprise, il appartiendrait aux États membres de déterminer les modalités d’imposition dans le temps.

23      Le gouvernement portugais soutient qu’une personne morale ne dispose pas de la possibilité de déduire intégralement la TVA grevant des biens d’investissement ou tout autre bien ou service exclusivement affectés à la poursuite de ses propres fins, lorsque, au moment de leur acquisition, ces biens sont affectés tant à la réalisation d’activités soumises à cette taxe qu’à la poursuite d’opérations non soumises à celle-ci.

24      Le gouvernement du Royaume-Uni soutient qu’un assujetti n’est pas autorisé à affecter en totalité à son entreprise des biens et des services autres que les biens et les services d’investissement utilisés pour créer de nouveaux biens d’investissement et qui font l’objet d’un usage mixte, à savoir pour les besoins de l’entreprise et à des fins privées ou étrangères à cette dernière.

25      La Commission fait valoir qu’un assujetti n’est autorisé à affecter à son entreprise que les biens d’investissement et, à titre exceptionnel, les services présentant des caractéristiques comparables à celles des biens d’investissement, utilisés tant pour les besoins de l’entreprise qu’à des fins étrangères à celle-ci, et à déduire intégralement et immédiatement la TVA acquittée en amont.

 Réponse de la Cour

26      Par sa première question, la juridiction de renvoi vise, en substance, à déterminer l’étendue du droit à déduction de la TVA, prévu aux articles 6, paragraphe 2, et 17, paragraphe 2, de la directive, dans une situation où l’assujetti a utilisé des biens et des services, pour l’acquisition desquels il a versé en amont la TVA due, tant pour les besoins de son entreprise que, selon le libellé de la question posée, «à des fins étrangères à celle-ci», c’est-à-dire, en l’occurrence, pour les besoins d’opérations autres que des opérations taxées.

27      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le régime de déductions établi par la directive vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Ainsi, le système commun de TVA cherche à garantir la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient leurs buts ou leurs résultats, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir arrêt du 22 février 2001, Abbey National, C-408/98, Rec. p. I-1361, point 24 et jurisprudence citée).

28      Par conséquent, lorsque des biens ou des services acquis par un assujetti sont utilisés pour les besoins d’opérations exonérées ou ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, il ne saurait y avoir ni perception de taxe en aval ni déduction de celle-ci en amont (voir arrêts du 30 mars 2006, Uudenkaupungin kaupunki, C-184/04, Rec. p. I-3039, point 24, et du 14 septembre 2006, Wollny, C-72/05, Rec. p. I-8297, point 20).

29      Afin de répondre utilement à la première question soulevée, il convient de replacer celle-ci dans le cadre factuel décrit par la juridiction nationale dans la décision de renvoi.

30      Il ressort de l’énoncé des faits par le Hoge Raad der Nederlanden que la VNLTO exerce non seulement des activités taxées, mais également des activités non taxées, à savoir la défense des intérêts généraux de ses membres. Cette juridiction a également relevé que l’acquisition de biens et de services par la VNLTO a été portée en compte au titre des frais généraux de cette dernière, sans que ces opérations soient exclusivement imputées aux activités taxées exercées en aval par ladite association.

31      Eu égard à ces circonstances factuelles et au vu de la demande formulée par la VNLTO, visant à ce que cette dernière puisse bénéficier de la déduction de montants de TVA acquittés à l’occasion d’acquisition de biens et de services tant pour des activités taxées que pour d’autres activités ne présentant aucun lien avec celles-ci, à savoir des activités consistant en la défense des intérêts généraux de ses membres, la juridiction de renvoi s’est interrogée sur la question de savoir si ces dernières activités pouvaient être considérées comme étant réalisées «à des fins étrangères», au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive, à celles exercées par l’association dans le domaine économique.

32      Dans le cadre de ses réflexions, la juridiction de renvoi a notamment évoqué l’arrêt du 14 juillet 2005, Charles et Charles-Tijmens (C-434/03, Rec. p. I-7037), et notamment les points 23 à 25 de cet arrêt, dans lesquels la Cour a rappelé la jurisprudence relative au régime de TVA applicable aux biens d’investissement à usage mixte, c’est-à-dire utilisés à des fins tant professionnelles que privées. Il en résulte que l’assujetti a le choix, pour les besoins de la TVA, soit d’affecter un bien en totalité au patrimoine de son entreprise, soit de le conserver en totalité dans son patrimoine privé en l’excluant ainsi complètement du système de la TVA, soit encore de ne l’intégrer dans son entreprise qu’à concurrence de l’utilisation professionnelle effective. Si l’assujetti choisit de traiter des biens d’investissement utilisés à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées comme des biens de son entreprise, la TVA due en amont sur l’acquisition de ces biens est, en principe, intégralement et immédiatement déductible. Dans ces conditions, lorsqu’un bien affecté à l’entreprise a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA acquittée en amont, son utilisation pour les besoins privés de l’assujetti ou de son personnel ou à des fins étrangères à son entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive.

33      Le Hoge Raad der Nederlanden a estimé que ces principes sont susceptibles de s’appliquer également à «une personne morale qui, en tant qu’assujetti, effectue aussi des activités qui ne relèvent pas du champ d’application de la TVA», si bien que l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive pourrait être applicable à celle-ci.

34      Il est constant que des activités, telles que celles consistant pour une association à défendre les intérêts généraux de ses membres, ne constituent pas des activités «soumises à la TVA», au sens de l’article 2, point 1, de la directive, dès lors qu’elles ne consistent pas en des livraisons de biens ou des prestations de services effectuées à titre onéreux (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Optigen e.a., C-354/03, C-355/03 et C-484/03, Rec. p. I-483, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

35      Quant à la question de savoir si de telles activités peuvent être considérées comme étant exercées à des «fins étrangères», au sens de l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive, il importe de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 2008, Securenta (C-437/06, Rec. p. I-1597), cet arrêt ayant été prononcé après l’introduction du présent renvoi préjudiciel, la Cour était saisie, entre autres, de la question de savoir de quelle manière, dans le cas d’un assujetti exerçant à la fois des activités économiques et des activités non économiques, le droit à déduction de la TVA acquittée en amont doit être déterminé.

36      À cet égard, la Cour a souligné, au point 26 de cet arrêt, que les activités non économiques ne relèvent pas du champ d’application de la directive, en précisant, au point 28 dudit arrêt, que le régime de déduction établi par la directive porte sur l’ensemble des activités économiques d’un assujetti, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que ces dernières soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA.

37      La Cour a, dès lors, considéré, aux points 30 et 31 de ce même arrêt, que la TVA ayant grevé en amont des dépenses encourues par un assujetti ne saurait ouvrir droit à déduction dans la mesure où elle se rapporte à des activités qui, eu égard à leur caractère non économique, ne tombent pas dans le champ d’application de la directive et que, lorsqu’un assujetti exerce à la fois des activités économiques, qu’elles soient taxées ou exonérées, et des activités non économiques ne relevant pas du champ d’application de la directive, la déduction de la TVA ayant grevé des dépenses en amont n’est admise que dans la mesure où ces dernières peuvent être imputées en aval aux activités économiques de l’assujetti.

38      Il résulte de ces considérations que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 38 de ses conclusions, l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la directive n’a pas vocation à établir une règle selon laquelle des opérations qui se situent en dehors du champ d’application du régime de la TVA peuvent être considérées comme étant effectuées à des «fins étrangères» à l’entreprise au sens de cette disposition. En effet, une telle interprétation aurait pour conséquence de vider de son sens l’article 2, point 1, de la directive.

39      Il convient encore de souligner que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Charles et Charles-Tijmens, précité, qui portait sur un bien immobilier affecté au patrimoine de l’entreprise avant d’être affecté, pour partie, à une utilisation privée, par définition totalement étrangère à l’entreprise de l’assujetti, la présente affaire au principal concerne des opérations autres que les opérations taxées de la VNLTO, consistant à assurer la défense des intérêts généraux des membres de cette dernière et ne pouvant être considérées, en l’occurrence, comme étrangères à l’entreprise, étant donné qu’elles constituent l’objet social principal de cette association.

40      Par conséquent, il y a lieu de répondre à la première question que les articles 6, paragraphe 2, sous a), et 17, paragraphe 2, de la directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne sont pas applicables à l’utilisation de biens et de services affectés à l’entreprise pour les besoins d’opérations autres que les opérations taxées de l’assujetti, la TVA due au titre de l’acquisition de ces biens et de ces services, se rapportant à de telles opérations, n’étant pas déductible.

 Sur la seconde question

41      Eu égard à la réponse apportée à la première question préjudicielle, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question.

 Sur les dépens

42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

Les articles 6, paragraphe 2, sous a), et 17, paragraphe 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires − Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne sont pas applicables à l’utilisation de biens et de services affectés à l’entreprise pour les besoins d’opérations autres que les opérations taxées de l’assujetti, la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de l’acquisition de ces biens et de ces services, se rapportant à de telles opérations, n’étant pas déductible.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.