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Affaire C-566/07

Staatssecretaris van Financiën

contre

Stadeco BV

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)

«Sixième directive TVA — Article 21, paragraphe 1, sous c) — Taxe due exclusivement en raison de sa mention sur la facture — Correction de la taxe indûment facturée — Enrichissement sans cause»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Taxe due exclusivement en raison de sa mention sur la facture

(Directive du Conseil 77/388, art. 21, § 1, c))

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Taxe due exclusivement en raison de sa mention sur la facture

(Directive du Conseil 77/388)

1.        L'article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 91/680, doit être interprété en ce sens que la taxe sur la valeur ajoutée est due, en vertu de cette disposition, à l'État membre auquel la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture ou tout document en tenant lieu correspond, même si l'opération en cause n'était pas imposable dans cet État membre. Contrairement au cas de la dette fiscale naissant éventuellement en raison d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, le lieu de la prestation des services à l'origine d'une facture n'est pas pertinent en ce qui concerne la naissance de la dette fiscale prévue à l'article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, qui est exclusivement due parce que la taxe est mentionnée sur cette facture.

Il incombe au juge national de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, à la taxe sur la valeur ajoutée de quel État membre correspond la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture en cause. Peuvent être pertinents à cet égard, notamment, le taux mentionné, la monnaie dans laquelle est exprimé le montant à régler, la langue de rédaction, le contenu et le contexte de la facture en cause, les lieux d'établissement de l'émetteur de cette facture et du bénéficiaire des services effectués ainsi que le comportement de ceux-ci.

(cf. points 27, 33, disp. 1)

2.        Le principe de neutralité fiscale ne s'oppose pas, en principe, à ce qu'un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée due dans cet État membre du seul fait qu'elle est mentionnée par erreur sur la facture envoyée à la condition que l'assujetti ait envoyé au bénéficiaire des services effectués une facture rectifiée ne mentionnant pas ladite taxe, si cet assujetti n'a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de perte de recettes fiscales.

Par ailleurs, dans la mesure où les autorités fiscales nationales subordonnent la correction de la taxe sur la valeur ajoutée au reversement par l'émetteur de la facture en cause au bénéficiaire des services effectués du montant de la taxe indûment payé, le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce qu'un système juridique national refuse une restitution de taxes indûment perçues dans des conditions qui entraineraient un enrichissement sans cause des ayants droit.

L'existence et la mesure de l'enrichissement sans cause que le remboursement d'une imposition indûment perçue au regard du droit communautaire engendrerait pour un assujetti ne pourront être établies qu'au terme d'une analyse qui tienne compte de toutes les circonstances pertinentes. À cet égard, il incombe à la juridiction de renvoi d'effectuer une telle analyse. Peut notamment être pertinent, dans ce contexte, le point de savoir si les contrats conclus entre l'émetteur de la facture et le bénéficiaire des services effectués visaient des montants fixes de rémunération pour les services effectués ou des montants de base majorés, le cas échéant, des taxes applicables. Dans le premier cas de figure, un enrichissement sans cause de l'émetteur de la facture pourrait faire défaut.

(cf. points 48-51, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

18 juin 2009 (*)

«Sixième directive TVA – Article 21, paragraphe 1, sous c) – Taxe due exclusivement en raison de sa mention sur la facture – Correction de la taxe indûment facturée – Enrichissement sans cause»

Dans l’affaire C-566/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), par décision du 30 novembre 2007, parvenue à la Cour le 21 décembre 2007, dans la procédure

Staatssecretaris van Financiën

contre

Stadeco BV,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, U. Lõhmus, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2008,

considérant les observations présentées:

–        pour Stadeco BV, par Me A. Fruijtier, advocaat,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels, M. M. de Grave et Mme C. ten Dam, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. S. Spyropoulos, Mmes S. Trekli et M. Tassopoulou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par M. R. Adam, en qualité d’agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Triantafyllou et W. Roels, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 mars 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»), et du principe de neutralité fiscale.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Staatssecretaris van Financiën (ci-après le «Staatssecretaris») à Stadeco BV (ci-après «Stadeco») au sujet du droit d’un assujetti à la correction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») mentionnée sur la facture envoyée au bénéficiaire des services effectués.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        Aux termes de l’article 2, point 1, de la sixième directive, sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        L’article 9, paragraphe 2, sous c), de cette directive énonce que «le lieu des prestations de services ayant pour objet […] des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, des prestations de services accessoires à ces activités […] est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées».

5        L’article 21, paragraphe 1, sous c), de ladite directive dispose que la TVA est due, en régime intérieur, «par toute personne qui mentionne la [TVA] sur une facture ou tout document en tenant lieu».

 La réglementation nationale

6        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, sous a), de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Wet op de omzetbelasting), du 28 juin 1968 (Staatsblad 1968, n° 329), dans sa version applicable à l’exercice fiscal en cause au principal (ci-après la «Wet»), il «est établi sous le nom de ‘taxe sur le chiffre d’affaires’ un impôt perçu sur […] les livraisons de biens et les prestations de services effectuées aux Pays-Bas par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise».

7        L’article 6, paragraphe 2, sous c), 1°, de la Wet énonce que «le lieu des prestations de services ayant pour objet […] des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires […] est l’endroit où ces activités ou travaux ont effectivement lieu».

8        L’article 12, paragraphe 1, de la Wet dispose que «la taxe est perçue par l’entrepreneur qui effectue la livraison ou qui fournit le service».

9        L’article 14, paragraphe 1, de la Wet stipule que la «taxe devenue exigible au cours d’un exercice doit être acquittée sur la base d’une déclaration».

10      L’article 37 de la Wet prévoit que «[t]oute personne qui, sur une facture, mentionne, de quelque manière que ce soit, une taxe sur le chiffre d’affaires dont elle n’est pas redevable en vertu d’une disposition autre que le présent article devient redevable de la taxe à la date à laquelle elle a transmis la facture; elle est tenu d’acquitter cette taxe conformément à l’article 14».

11      Il ressort de la décision de renvoi que, à l’époque des faits au principal et, ainsi que l’a précisé le gouvernement néerlandais, en vertu des instructions du Staatssecretaris, les autorités fiscales néerlandaises demandaient, aux fins de la correction de la taxe sur le chiffre d’affaires, à l’émetteur d’une facture mentionnant à tort une telle taxe de rectifier la facture, soit par l’émission d’une nouvelle facture soit par l’établissement d’une note de crédit à l’adresse du bénéficiaire des services effectués.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Stadeco est une entreprise établie aux Pays-Bas exerçant des activités de location, de construction et de démontage de stands dans des foires et des expositions.

13      De 1993 à 1995, Stadeco a effectué ses services en Allemagne et dans des États tiers pour le compte de l’Economische Voorlichtingsdienst (service de l’information économique, ci-après l’«EVD»), un organisme de droit public établi aux Pays-Bas et dépendant du ministère des Affaires économiques. L’EVD a fait appel aux services de Stadeco exclusivement pour des activités non soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires aux Pays-Bas et n’avait, en tant que partie d’un organisme de droit public, droit à aucune déduction au titre de cette taxe.

14      Les factures pour lesdits services effectués en dehors des Pays-Bas indiquaient les montants dus au titre de la taxe sur le chiffre d’affaires qui aurait été applicable à des services identiques fournis aux Pays-Bas. L’EVD a payé ces factures dans leur intégralité et Stadeco a acquitté aux Pays-Bas les taxes indiquées.

15      En 1996, les autorités fiscales ont informé Stadeco que, s’agissant des services en cause, fournis en dehors des Pays-Bas, elle n’était redevable d’aucune taxe sur le chiffre d’affaires aux Pays-Bas. Par la suite, Stadeco a demandé le remboursement de la totalité des taxes acquittées à ce titre, dont le montant s’élevait à 230 314 NLG (104 512 euros). Les autorités fiscales ayant subordonné le remboursement demandé à la rectification des factures remises à l’EVD, Stadeco leur a fait parvenir la copie d’une note de crédit à cet effet. En conséquence, elle a obtenu ledit remboursement.

16      Toutefois, lors d’un contrôle effectué en 2000, les autorités fiscales ont constaté que Stadeco n’avait ni établi de note de crédit à l’ordre de l’EVD, ni corrigé les factures, ni remboursé aucun montant à ce dernier. Ainsi, les autorités fiscales ont adressé à Stadeco un avis de redressement portant sur l’intégralité des taxes remboursées.

17      À la suite du rejet de sa réclamation introduite contre cet avis de redressement, Stadeco a obtenu auprès du Gerechtshof te ’s-Gravenhage (cour d’appel de La Haye) l’annulation dudit avis. Cette juridiction a jugé que la correction des erreurs de facturation n’était pas essentielle en l’espèce, car aucun risque de perte de recettes fiscales n’aurait existé, en raison de la circonstance que la qualité de l’EVD excluait tout droit à déduction au titre de la taxe sur le chiffre d’affaires.

18      Le Staatssecretaris a introduit auprès du Hoge Raad der Nederlanden un pourvoi en cassation contre l’arrêt du Gerechtshof te ’s-Gravenhage. Il fait valoir que, Stadeco n’ayant pas respecté les conditions relatives à la correction des erreurs de facturation, elle n’a aucun droit à conserver le remboursement de la taxe sur le chiffre d’affaires.

19      La juridiction de renvoi considère que, en vertu des règles matérielles concernant la TVA, le lieu des prestations en cause n’étant pas situé aux Pays-Bas, l’avis de redressement pouvait uniquement se fonder sur l’article 37 de la Wet, qui transpose en droit néerlandais l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive.

20      Toutefois, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la naissance d’une dette fiscale, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, dans l’État membre où l’émetteur d’une facture est établi lorsque le lieu de la prestation correspondant à cette facture est réputé se situer, en vertu du système commun de la TVA, dans un autre État membre.

21      Si tel devait être le cas, elle s’interroge également sur le point de savoir si la correction de la dette fiscale peut être subordonnée à la rectification de la facture en cause, notamment lorsque le bénéficiaire des services fournis n’a pas droit à la déduction des taxes en amont. À cet égard, elle estime qu’il ne saurait être exclu d’emblée que les États membres ont le droit de prévoir de telles conditions aux fins de prévenir des enrichissements sans cause.

22      Dans ces circonstances, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Faut-il interpréter l’article 21, paragraphe 1, initio et sous c), de la sixième directive [...] en ce sens qu’aucune TVA n’est due dans l’État membre où l’émetteur d’une facture réside ou est établi, lorsque celui-ci a indiqué le montant de la TVA sur la facture pour une prestation qui, en vertu du système commun de [TVA], est réputée avoir eu lieu dans un autre État membre, voire dans un pays tiers?

2)      En cas de réponse négative, les États membres peuvent-ils, lorsqu’une facture telle que visée à l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive est envoyée à un destinataire qui n’a pas le droit de déduire la TVA (de telle sorte qu’il n’existe aucun risque de perte de recettes fiscales), soumettre la correction de la TVA, facturée par erreur et payable en vertu de ladite disposition, à la condition que l’assujetti ait envoyé à son client une facture de remplacement ne mentionnant pas la TVA?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

23      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’aucune TVA n’est due en vertu de cette disposition dans l’État membre où l’émetteur d’une facture réside ou est établi, lorsque ce dernier a mentionné la TVA sur une facture pour une prestation dont le lieu est réputé se situer, conformément à la sixième directive, dans un autre État membre ou dans un État tiers.

24      À cet égard, il convient de relever d’emblée que, contrairement à ce que fait valoir Stadeco, la circonstance que l’article 21, paragraphe 1, de la sixième directive vise uniquement à déterminer les redevables de la TVA due «en régime intérieur» alors que, dans l’affaire au principal, Stadeco n’a pas fourni les services en cause à l’EVD sur le territoire des Pays-Bas ne fait pas obstacle à ce que le point c) de cette disposition puisse être applicable aux faits au principal.

25      D’une part, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 12 de ses conclusions, il résulte notamment des articles 7, paragraphe 1, et 21, paragraphe 2, de la sixième directive que l’expression «en régime intérieur» vise l’ensemble du territoire de la Communauté européenne, tel que défini à l’article 3 de la sixième directive.

26      D’autre part, il doit être souligné que l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive prévoit que toute personne qui mentionne la TVA sur une facture ou tout document en tenant lieu est redevable de cette taxe. En particulier, ces personnes sont redevables de la TVA mentionnée sur une facture indépendamment de toute obligation de l’acquitter en raison d’une opération soumise à la TVA (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1989, Genius, C-342/87, Rec. p. 4227, point 19; du 19 septembre 2000, Schmeink & Cofreth et Strobel, C-454/98, Rec. p. I-6973, point 53, ainsi que du 15 mars 2007, Reemtsma Cigarettenfabriken, C-35/05, Rec. p. I-2425, point 23).

27      Par conséquent, contrairement au cas de la dette fiscale naissant éventuellement en raison d’une opération soumise à la TVA, le lieu de la prestation des services à l’origine d’une facture n’est pas pertinent en ce qui concerne la naissance de la dette fiscale prévue à l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, qui est exclusivement due parce que la TVA est mentionnée sur cette facture.

28      En stipulant que la TVA mentionnée sur la facture est due indépendamment de toute obligation de l’acquitter en raison d’une opération soumise à la TVA, l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive vise à éliminer le risque de perte de recettes fiscales que peut engendrer le droit à déduction prévu à l’article 17 de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêts Schmeink & Cofreth et Strobel, précité, points 57 et 61; du 6 novembre 2003, Karageorgou e.a., C-78/02 à C-80/02, Rec. p. I-13295, points 50 et 53, ainsi que Reemtsma Cigarettenfabriken, précité, point 23).

29      En effet, même si l’exercice dudit droit à déduction est limité aux seules taxes correspondant à une opération soumise à la TVA (voir arrêt Genius, précité, point 13), le risque de perte de recettes fiscales n’est pas, en principe, complètement éliminé tant que le destinataire d’une facture mentionnant indûment une TVA est encore susceptible de l’utiliser aux fins d’un tel exercice, conformément à l’article 18, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive (voir, en ce sens, arrêt Schmeink & Cofreth et Strobel, précité, point 57).

30      Selon cette disposition, lorsqu’un assujetti dispose d’une facture conforme à l’article 22, paragraphe 3, de ladite directive, il peut faire valoir auprès de l’administration fiscale son droit à déduction de la TVA. Or, ainsi que l’ont relevé les gouvernements néerlandais et allemand, il ne saurait être exclu que des circonstances et des relations juridiques complexes fassent obstacle au constat, en temps utile, par l’administration fiscale, que d’autres considérations s’opposent à l’exercice du droit à déduction.

31      Étant donné que le risque de perte de recettes fiscales que pourrait engendrer l’exercice du droit à déduction du destinataire de la facture est supporté par l’État membre auquel la TVA mentionnée sur la facture en cause correspond, la TVA est due, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive, dans cet État membre.

32      À cet égard, il convient de préciser qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, à quel État membre est due la TVA mentionnée sur la facture en cause. Peuvent être pertinents à cet égard, notamment, le taux mentionné, la monnaie dans laquelle est exprimé le montant à régler, la langue de rédaction, le contenu et le contexte de la facture en cause, les lieux d’établissement de l’émetteur de cette facture et du bénéficiaire des services effectués ainsi que le comportement de ceux-ci.

33      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive doit être interprété en ce sens que la TVA est due, en vertu de cette disposition, à l’État membre auquel la TVA mentionnée sur la facture ou tout document en tenant lieu correspond, même si l’opération en cause n’était pas imposable dans cet État membre. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, à la TVA de quel État membre correspond la TVA mentionnée sur la facture en cause. Peuvent être pertinents à cet égard, notamment, le taux mentionné, la monnaie dans laquelle est exprimé le montant à régler, la langue de rédaction, le contenu et le contexte de la facture en cause, les lieux d’établissement de l’émetteur de cette facture et du bénéficiaire des services effectués ainsi que le comportement de ceux-ci.

 Sur la seconde question

34      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce qu’un État membre subordonne la correction de la TVA due dans cet État membre du seul fait qu’elle est mentionnée par erreur sur la facture envoyée à la condition que l’assujetti ait envoyé au bénéficiaire des services effectués une facture rectifiée ne mentionnant pas ladite TVA, lorsque ce dernier ne dispose d’aucun droit à déduction de la TVA, de sorte qu’il n’existe aucun risque de perte de recettes fiscales.

35      À cet égard, il convient de rappeler que la sixième directive ne prévoit pas expressément le cas où la TVA est mentionnée par erreur sur une facture, alors qu’elle n’est pas due en raison d’une opération soumise à cette taxe. Il s’ensuit que, aussi longtemps que cette lacune n’aura pas été comblée par le législateur communautaire, il appartient aux États membres d’y apporter une solution (arrêts précités Schmeink & Cofreth et Strobel, points 48 et 49, ainsi que Karageorgou e.a., point 49).

36      La Cour a jugé que, pour assurer la neutralité de la TVA, il appartient aux États membres de prévoir, dans leur ordre juridique interne, la possibilité de correction de toute taxe indûment facturée, dès lors que l’émetteur de la facture démontre sa bonne foi (arrêt Genius, précité, point 18).

37      Toutefois, lorsque l’émetteur de la facture a, en temps utile, éliminé complètement le risque de perte de recettes fiscales, le principe de neutralité de la TVA exige que la TVA indûment facturée puisse être corrigée sans qu’une telle régularisation puisse être subordonnée par les États membres à la bonne foi de l’émetteur de ladite facture (voir arrêts précités Schmeink & Cofreth et Strobel, point 58, ainsi que Karageorgou e.a., point 50).

38      Par ailleurs, cette correction ne saurait dépendre du pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale (arrêt Schmeink & Cofreth et Strobel, précité, point 68).

39      Il importe de rappeler, à cet égard, que les mesures que les États membres ont la faculté d’adopter afin d’assurer l’exacte perception de la taxe et d’éviter la fraude ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre de tels objectifs. Elles ne peuvent, dès lors, être utilisées de manière telle qu’elles remettraient en cause la neutralité de la TVA, laquelle constitue un principe fondamental du système commun de la TVA mis en place par la législation communautaire en la matière (voir, par analogie, arrêt Schmeink & Cofreth et Strobel, précité, point 59 et jurisprudence citée).

40      En conséquence, si le remboursement de la TVA devient impossible ou excessivement difficile en fonction des conditions dans lesquelles des demandes de restitution de taxes peuvent être exercées, lesdits principes peuvent exiger que les États membres prévoient les instruments et les modalités procédurales nécessaires pour permettre à l’assujetti de récupérer la taxe indûment facturée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Reemtsma Cigarettenfabriken, précité, point 41).

41      Dans l’affaire au principal, il appert que les autorités fiscales néerlandaises ont subordonné, en vertu d’instructions générales en ce sens du Staatssecretaris, la correction de la TVA acquittée par Stadeco à la rectification par celle-ci des factures remises à l’EVD, soit par l’émission de nouvelles factures ne mentionnant pas la TVA soit par l’établissement d’une note de crédit.

42      Étant donné que tant une facture rectifiée qu’une note de crédit indiquent clairement au bénéficiaire des services effectués qu’aucune TVA n’est due dans l’État membre en cause et que, dès lors, ce bénéficiaire ne dispose, à cet égard, d’aucun droit à déduction de la TVA, il convient de considérer qu’une telle condition est, en principe, susceptible d’assurer l’élimination du risque de perte de recettes fiscales. En outre, force est de constater que cette condition ne fait pas dépendre le remboursement de ladite taxe d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire de l’administration fiscale.

43      Par ailleurs, s’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, Stadeco a démontré qu’elle a éliminé elle-même, en temps utile, complètement le risque de perte de recettes fiscales, la Cour peut néanmoins, afin de donner à cette juridiction une réponse utile, lui fournir les indications qu’elle juge nécessaires (voir en ce sens, notamment, arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE, C-49/07, non encore publié au Recueil, point 30, et du 22 décembre 2008, Magoora, C-414/07, non encore publié au Recueil, point 33).

44      Il ressort de la décision de renvoi que Stadeco a fait parvenir aux autorités fiscales néerlandaises la copie d’une note de crédit à l’ordre de l’EVD alors que, en réalité, Stadeco n’avait ni établi une telle note ni corrigé les factures en cause au principal.

45      En effet, il appert que, dans l’affaire au principal, le risque de perte de recettes fiscales n’était éliminé qu’en raison de la double circonstance que, d’une part, la qualité d’organisme de droit public de l’EVD et, d’autre part, le fait que l’EVD a fait appel aux services de Stadeco exclusivement pour des activités non soumises à la taxe sur le chiffre d’affaires aux Pays-Bas excluaient tout droit à déduction au titre de cette taxe.

46      Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 30 du présent arrêt, il ne saurait être exclu de manière générale que des circonstances et des relations juridiques complexes fassent obstacle au constat, en temps utile, par l’administration fiscale que de telles considérations s’opposent à l’exercice du droit à déduction.

47      Dans de telles circonstances, il y a lieu de considérer que le fait de soumettre la correction de la TVA mentionnée à tort sur une facture à la condition de la rectification de cette facture ne va pas, en principe, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’éliminer complètement le risque de perte de recettes fiscales.

48      Par ailleurs, dans la mesure où il ressort des circonstances de l’affaire au principal que les autorités fiscales néerlandaises semblent également subordonner la correction de la TVA au reversement par l’émetteur de la facture en cause au bénéficiaire des services effectués du montant de la taxe indûment payé, il convient de rappeler que le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce qu’un système juridique national refuse une restitution de taxes indûment perçues dans des conditions qui entraîneraient un enrichissement sans cause des ayants droit (arrêt du 10 avril 2008, Marks & Spencer, C-309/06, Rec. p. I-2283, point 41 et jurisprudence citée).

49      Or, l’existence et la mesure de l’enrichissement sans cause que le remboursement d’une imposition indûment perçue au regard du droit communautaire engendrerait pour un assujetti ne pourront être établies qu’au terme d’une analyse qui tienne compte de toutes les circonstances pertinentes (voir, en ce sens, arrêt Marks & Spencer, précité, point 43).

50      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer une telle analyse. Peut notamment être pertinent, dans ce contexte, le point de savoir si les contrats conclus entre Stadeco et l’EVD visaient des montants fixes de rémunération pour les services effectués ou des montants de base majorés, le cas échéant, des taxes applicables. En effet, dans le premier cas de figure, un enrichissement sans cause de Stadeco pourrait faire défaut.

51      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question que le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un État membre subordonne la correction de la TVA due dans cet État membre du seul fait qu’elle est mentionnée par erreur sur la facture envoyée à la condition que l’assujetti ait envoyé au bénéficiaire des services effectués une facture rectifiée ne mentionnant pas ladite TVA, si cet assujetti n’a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de perte de recettes fiscales.

 Sur les dépens

52      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      L’article 21, paragraphe 1, sous c), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens que la taxe sur la valeur ajoutée est due, en vertu de cette disposition, à l’État membre auquel la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture ou tout document en tenant lieu correspond, même si l’opération en cause n’était pas imposable dans cet État membre. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, à la taxe sur la valeur ajoutée de quel État membre correspond la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture en cause. Peuvent être pertinents à cet égard, notamment, le taux mentionné, la monnaie dans laquelle est exprimé le montant à régler, la langue de rédaction, le contenu et le contexte de la facture en cause, les lieux d’établissement de l’émetteur de cette facture et du bénéficiaire des services effectués ainsi que le comportement de ceux-ci.

2)      Le principe de neutralité fiscale ne s’oppose pas, en principe, à ce qu’un État membre subordonne la correction de la taxe sur la valeur ajoutée due dans cet État membre du seul fait qu’elle est mentionnée par erreur sur la facture envoyée à la condition que l’assujetti ait envoyé au bénéficiaire des services effectués une facture rectifiée ne mentionnant pas ladite taxe, si cet assujetti n’a pas éliminé, en temps utile, complètement le risque de perte de recettes fiscales.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.