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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 mars 2009 (*)

«Taxation en Finlande des véhicules d’occasion importés d’autres États membres – Conformité de la réglementation nationale avec l’article 90, premier alinéa, CE, la sixième directive TVA et la directive 2006/112/CE»

Dans l’affaire C-10/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 4 janvier 2008,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. I. Koskinen et D. Triantafyllou, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Finlande, représentée par M. J. Heliskoski, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur), A. Tizzano, E. Levits et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2009,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–        en maintenant en vigueur l’article 5 de la loi n° 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules [autoverolaki (1482/1994)], du 29 décembre 1994 (ci-après la «loi n° 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules»), ainsi que l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi n° 1501/1993 relative à la taxe sur la valeur ajoutée [arvonlisäverolaki (1501/1993)], du 30 décembre 1993 (ci-après la «loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée»), et

–        en retenant, lors de la taxation des véhicules, la même valeur imposable pour les véhicules de moins de trois mois que pour les véhicules neufs et en appliquant un taux de dépréciation de 0,8 % par mois aux véhicules de moins de six mois lorsqu’il n’existe pas de véhicules équivalents sur le marché finlandais,

la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 90, premier alinéa, CE ainsi que de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), repris aux articles 167 et 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1), entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2        L’article 17 de la sixième directive, intitulé «Naissance et étendue du droit à déduction», prévoyait:

«1.      Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2.      Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

[…]

b)      la taxe sur la valeur ajoutée [(ci-après la ‘TVA’)] due ou acquittée pour les biens importés;

[…]»

3        Les articles 167 et 168 de la directive 2006/112 disposent:

«Article 167

Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

Article 168

Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants:

[…]

e)      la TVA due ou acquittée pour les biens importés dans cet État membre.»

 La réglementation nationale

4        La TVA assise sur la taxe sur les véhicules (ci-après l’«ELV») est prévue à l’article 5 de la loi nº 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules dans les termes suivants:

«Le redevable de la taxe sur les véhicules est tenu d’acquitter une [TVA] assise sur la taxe sur les véhicules fixée par la loi relative à la [TVA] [...]. Si le véhicule a été mis en service pour la première fois avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la [TVA], la [TVA] doit être perçue de la manière suivante:

Période de mise en service du véhicule Pourcentage de la taxe

avant le 1.1.1967                             11,20

1967-1976                                      12,40

1977-31.5.1983                             16,28

1.6.1983-31.5.1989                             19,05

1.6.1989-30.11.1989                             19,76

1.12.1989-31.12.1990                    20,48

1.1.1991-30.9.1991                             21,21

après le 30.9.1991                             22,00

Les autorités chargées de percevoir la taxe sur les véhicules perçoivent la [TVA] visée au paragraphe 1 concomitamment avec la taxe sur les véhicules en observant, le cas échéant, les dispositions de la présente loi pour ce qui concerne la taxe sur les véhicules.

[…]»

5        L’article 10 de ladite loi prévoit:

«Le véhicule est considéré comme une occasion s’il a été immatriculé et mis en service.

Tout véhicule ne pouvant être considéré comme véhicule d’occasion en vertu du paragraphe 1 est considéré comme véhicule neuf en application de la présente loi.»

6        Le paragraphe 7 de l’arrêté d’application de la loi n° 266/2003 modifiant la loi relative à la taxe sur les véhicules [autoverolaki (266/2003)], du 4 avril 2003, telle que modifiée par la loi n° 1278/2004 modifiant la loi relative à la taxe sur les véhicules [autoverolaki (1278/2004)], du 30 décembre 2004, est libellé comme suit:

«Sans préjudice de l’article 10 de cette loi, tout véhicule à taxer avant le 1er janvier 2007 sera taxé conformément aux dispositions relatives aux véhicules d’occasion s’il a été immatriculé en dehors du territoire finlandais avant son importation ou s’il est en circulation depuis au moins six mois.»

7        Le paragraphe 8 dudit arrêté, tel que modifié, dispose:

«Tout véhicule ne pouvant être considéré comme véhicule d’occasion en vertu du paragraphe 1 doit être taxé de la même manière qu’un véhicule neuf ou similaire. Tout véhicule immatriculé ou en circulation depuis au moins trois mois verra toutefois sa taxation réduite d’un montant, basé sur l’ancienneté du véhicule, correspondant à un taux moyen de réduction en rapport avec les écarts de valeur valablement observés sur le marché pour des véhicules identiques ou semblables d’un an maximum. Il est possible, pour des raisons particulières, de prendre en considération l’écart de valeur observé sur des véhicules de 18 mois maximum. Si aucune donnée illustrant la dépréciation n’est disponible sur le marché pour un modèle semblable, si les informations ne peuvent être considérées comme représentatives en raison du nombre réduit d’observations ou encore pour toute autre raison équivalente, la taxe appliquée sera réduite en fonction de la vétusté du véhicule assujetti à concurrence de 0,8 % de sa valeur résiduelle calculée à la fin de chaque mois antérieur à la taxe.»

8        En vertu des articles 102 et 102b de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée:

«Article 102

Le redevable peut déduire en vue d’une activité commerciale soumise à la taxation:

[…]

4)      [l’ELV] versée conformément à la loi relative à la taxe sur les véhicules;

[…]

Article 102b

La condition nécessaire pour le droit à déduction de [l’ELV] est la décision concernant le prélèvement de ladite taxe qui indique le montant de la taxe due.»

 La procédure précontentieuse

9        Dans une lettre de mise en demeure du 19 décembre 2002, la Commission, estimant que de nombreuses dispositions de la loi nº 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules étaient contraires au traité CE, a demandé à la République de Finlande de lui indiquer:

–        le pourcentage de la taxe sur les véhicules compris dans le prix de vente au détail des véhicules et des motocycles achetés dans un autre État membre et se trouvant sur le marché finlandais;

–        le pourcentage de l’ELV;

–        la part résiduelle de la taxe sur les véhicules, et

–        la part résiduelle de l’ELV imposée à l’époque.

10      Dans sa réponse du 18 février 2003, la République de Finlande a fait valoir, en substance, que l’ELV n’est pas discriminatoire dans la mesure où la taxe sur les véhicules ne l’est pas. Elle a précisé que, selon l’arrêt du 19 septembre 2002, Tulliasiamies et Siilin (C-101/00, Rec. p. I-7487, point 113), le droit à déduction de l’ELV dans le cadre d’activités commerciales assujetties est sans pertinence, de sorte que le système en vertu duquel l’ELV n’est pas incorporée dans la valeur d’un véhicule déjà immatriculé en Finlande n’est pas contraire à l’article 90 CE. Par ailleurs, cet État membre n’a communiqué à la Commission que le taux moyen de la taxe résiduelle comprise dans la valeur des véhicules en cause et non le pourcentage de l’ELV compris dans cette valeur.

11      Dans sa réponse du 16 avril 2003, la République de Finlande a annoncé l’entrée en vigueur, le 15 mai 2003, de la loi n° 266/2003, adoptée à la suite de l’intervention de l’arrêt Tulliasiamies et Siilin, précité, et a adressé une copie de cette loi à la Commission.

12      Dans une lettre de mise en demeure complémentaire du 19 décembre 2005, la Commission a considéré que sont incompatibles avec l’article 90, premier alinéa, CE les dispositions du droit national selon lesquelles d’une part, les véhicules en service depuis moins de trois mois ne subissent aucune dépréciation et, d’autre part, la valeur des véhicules en service depuis trois à six mois est établie à partir d’une comparaison avec des véhicules similaires déjà immatriculés en Finlande lorsqu’une telle comparaison est possible et, dans le cas contraire, la dépréciation est estimée à 0,8 % par mois.

13      Elle a ajouté qu’est incompatible avec l’article 90, premier alinéa, CE ainsi qu’avec l’article 17 de la sixième directive l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée qui permet aux assujettis à cette taxe en Finlande de déduire l’ELV de la TVA payée en aval.

14      Dans sa réponse du 16 février 2006, la République de Finlande a contesté l’affirmation selon laquelle les dispositions en cause ne sont pas conformes au droit communautaire. Elle a fait valoir, en substance, que l’ELV n’est pas discriminatoire dans la mesure où la taxe sur les véhicules ne l’est pas. Par ailleurs, elle a ajouté que le montant de l’ELV à percevoir sur les véhicules d’occasion est moins élevé dans les situations où la TVA qui a été appliquée aux véhicules équivalents présents sur le marché finlandais est inférieure à la TVA actuelle.

15      Dans un avis motivé du 4 juillet 2006, la Commission a réaffirmé que, pour les raisons exposées dans sa lettre de mise en demeure complémentaire, l’article 5 de la loi n° 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules est contraire à l’article 90, premier alinéa, CE et que l’article 102, premier alinéa, point 4, de loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée est contraire à l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive.

16      Dans sa réponse du 31 août 2006, la République de Finlande a rétorqué que, pour les raisons invoquées dans ses réponses précédentes, les dispositions en cause sont compatibles avec le droit communautaire.

 Sur le recours

 Sur le grief tiré de la non-conformité du droit à déduction de l’ELV de la TVA avec l’article 90, premier alinéa, CE ainsi qu’avec les dispositions pertinentes des directives invoquées dans la présente affaire

 Argumentation des parties

17      Dans sa requête, la Commission fait valoir, en substance, qu’est incompatible avec l’article 90, premier alinéa, CE la réglementation nationale selon laquelle le montant de l’ELV perçu sur un véhicule d’occasion immatriculé pour la première fois en Finlande à la suite de son acquisition par un particulier dans un autre État membre est plus élevé que le montant de l’ELV résiduelle incorporée dans la valeur d’un véhicule d’occasion similaire déjà immatriculé en Finlande, lorsque l’assujetti à la taxe sur les véhicules est également assujetti à la TVA, car dans ce dernier cas l’ELV n’est pas incluse dans la valeur du véhicule.

18      Par ailleurs, le droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée contreviendrait, selon la Commission, à l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, qui permet la déduction de la TVA et non celle d’autres taxes. Or, selon l’arrêt Tulliasiamies et Siilin, précité, l’ELV n’aurait pas le caractère d’une TVA.

19      La République de Finlande soutient, en substance, que le droit à déduction de l’ELV vise non pas la TVA, mais l’ELV à acquitter. Ledit droit porterait sur une régularisation de taxe propre à l’ELV, distincte du système de la TVA et présentant un caractère technique par rapport à celui-ci.

20      Dans son mémoire en réplique, la Commission souligne, en substance, que l’article 90, premier alinéa, CE s’oppose, d’une part, à ce que, après avoir importé un véhicule en provenance d’un autre État membre, un non-assujetti à la TVA doive acquitter l’ELV, qu’il ne peut déduire, et, d’autre part, à ce que l’ELV ne soit pas comprise dans la valeur des véhicules identiques se trouvant déjà sur le marché national. Ladite disposition s’opposerait également à ce que le montant de l’ELV ne soit pas incorporé dans la valeur d’un véhicule d’occasion identique importé par un assujetti à la TVA, en raison du droit à déduction de l’ELV prévu par la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée.

21      Dans son mémoire en duplique, la République de Finlande fait valoir que le fait que le montant de l’ELV, en raison du droit à déduction de celui-ci, ne demeure pas inclus dans la valeur des véhicules achetés sur le marché finlandais, au titre desquels l’assujetti à la TVA a acquitté l’impôt, ne rend pas le système en cause contraire à l’article 90, premier alinéa, CE.

 Appréciation de la Cour

–       Sur l’argumentation tirée de la non-conformité du droit à déduction de l’ELV de la TVA avec l’article 90, premier alinéa, CE

22      Il convient de souligner que, en matière de taxation des véhicules automobiles d’occasion importés, l’article 90 CE vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre les produits se trouvant déjà sur le marché national et les produits importés (arrêt du 17 juillet 2008, Krawczyński, C-426/07, non encore publié au Recueil, point 31 et jurisprudence citée).

23      Il y a, en effet, violation de l’article 90, premier alinéa, CE, lorsque l’imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé (arrêt du 18 janvier 2007, Brzeziński, C-313/05, Rec. p. I-513, point 29 et jurisprudence citée).

24      Il en résulte qu’un système de taxation ne peut être considéré comme compatible avec l’article 90 CE que s’il est établi qu’il est aménagé de façon à exclure, en toute hypothèse, que les produits importés soient taxés plus lourdement que les produits nationaux et, dès lors, qu’il ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires (arrêt Krawczyński, précité, point 32 et jurisprudence citée).

25      Ceci étant, il y a lieu de vérifier si, en raison de l’application du droit à déduction de l’ELV de la TVA prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, les véhicules d’occasion importés d’autres États membres par des particuliers non assujettis à la TVA sont taxés plus lourdement que les véhicules similaires déjà présents sur le marché national, ces deux catégories de véhicules constituant des produits similaires au sens de l’article 90, premier alinéa, CE.

26      Il convient de relever, à cet égard, qu’il ressort du dossier soumis à la Cour que, s’agissant de l’importation en Finlande d’un véhicule d’occasion en provenance d’un autre État membre par un particulier non assujetti à la TVA, ce dernier est tenu d’acquitter la TVA dans cet autre État membre, alors qu’il doit payer l’ELV en Finlande.

27      Il ressort encore du dossier soumis à la Cour que ledit particulier ne bénéficie pas du droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, de sorte qu’il ne peut déduire de la TVA acquittée le montant de l’ELV qui frappe ledit véhicule.

28      Il en résulte que la valeur d’un tel véhicule comprend la valeur résiduelle de la TVA ainsi que le montant de l’ELV.

29      En revanche, il ressort également du dossier soumis à la Cour que si un assujetti à la TVA en Finlande qui, dans le cadre de son activité commerciale soumise à la TVA, fait immatriculer pour la première fois un véhicule neuf importé d’un autre État membre doit acquitter en Finlande tant la TVA que l’ELV, il peut déduire l’ELV de la TVA en vertu de l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, de sorte qu’il est tenu d’acquitter un montant réduit de la TVA.

30      Il s’ensuit que la valeur d’un tel véhicule inclut la valeur de l’ELV ainsi que la valeur résiduelle de la TVA, réduite du montant de l’ELV.

31      S’il résulte des points précédents du présent arrêt que l’ELV frappe indistinctement deux catégories des véhicules similaires, il y a lieu de constater, en revanche, que, en vertu de la réglementation nationale en cause, cette imposition est calculée différemment et aboutit à une imposition différente, selon qu’elle frappe un véhicule d’occasion importé d’un autre État membre par un particulier non assujetti à la TVA ou un véhicule similaire se trouvant déjà sur le marché finlandais à la suite d’une importation réalisée par un assujetti dans le cadre de son activité soumise à la TVA ayant bénéficié du droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée.

32      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que, en maintenant en vigueur le droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, la République de Finlande a méconnu l’article 90, premier alinéa, CE, dès lors que le montant perçu au titre de ladite disposition sur un véhicule d’occasion importé d’un autre État membre par un particulier non assujetti à la TVA excède le montant de la taxe résiduelle incorporé dans la valeur d’un véhicule d’occasion similaire déjà immatriculé sur le territoire national.

–       Sur l’argumentation tirée de la non-conformité du droit à déduction de l’ELV de la TVA avec les dispositions pertinentes des directives invoquées dans la présente affaire

33      S’agissant de la conformité du droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée avec l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, repris aux articles 167 et 168 de la directive 2006/112, la République de Finlande fait valoir que ce droit à déduction n’est pas contraire à l’objectif poursuivi par ces dispositions, dès lors qu’il est sans effet sur le montant de la TVA incluse dans la valeur des biens mis sur le marché par les assujettis à la TVA bénéficiant d’un droit à déduction au stade de la consommation finale. Par ailleurs, cet État membre ajoute que ce droit à déduction ne réduit pas le montant de la contribution qu’il doit verser à la Communauté européenne au titre de la TVA.

34      Or, il importe à cet égard de relever que, selon le libellé des articles 17, paragraphe 1, de la sixième directive et 167 de la directive 2006/112, le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible, alors que, selon les articles 17, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive et 168, sous e), de la directive 2006/112, l’assujetti n’est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable que la TVA due ou acquittée pour les biens importés.

35      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a considéré, aux points 99 à 103 de l’arrêt Tulliasiamies et Siilin, précité, que l’ELV ne présente pas les caractéristiques essentielles de la TVA, au sens de la sixième directive, de sorte que l’ELV acquittée pour la première immatriculation d’un véhicule par un assujetti à la TVA en Finlande, au sens de l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, ne peut être assimilée à la TVA acquittée pour les biens importés, au sens des articles 17, paragraphe 2, sous b), de la sixième directive et 168, sous e), de la directive 2006/112. Par conséquent, aucun droit à déduction, au sens des articles 17, paragraphe 1, de la sixième directive et 167 de la directive 2006/112, ne prend naissance en raison de l’ELV ainsi acquittée.

36      Il s’ensuit que ledit droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée n’est pas conforme à l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive TVA, repris aux articles 167 et 168 de la directive 2006/112.

37      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que, en permettant que la taxe visée à l’article 5 de la loi n° 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules soit déduite de la TVA, conformément à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 90, premier alinéa, CE ainsi que de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive, repris aux articles 167 et 168 de la directive 2006/112.

 Sur le grief relatif à la valeur imposable des véhicules de moins de trois mois

 Argumentation des parties

38      La Commission soutient que la règle selon laquelle la valeur d’un véhicule ne baisse pas au cours des premiers trois mois méconnaît l’article 90, premier alinéa, CE, car la dépréciation d’un véhicule commence dès que celui-ci a été acquis ou mis en service.

39      Dans son mémoire en défense, la République de Finlande fait valoir, s’agissant de ladite règle, que compte tenu des particularités du marché finlandais, les véhicules de moins de trois mois peuvent être considérés comme étant des véhicules neufs.

 Appréciation de la Cour

40      Il convient en premier lieu de rappeler, d’une part, que la dépréciation d’un véhicule commence dès son achat ou sa mise en service et, d’autre part, qu’elle n’est pas linéaire, en particulier les premières années où elle se révèle beaucoup plus forte que par la suite (arrêt Tulliasiamies et Siilin, précité, point 78).

41      En l’espèce, il n’est pas contesté que, s’agissant des véhicules de moins de trois mois, toute dépréciation est, selon la réglementation nationale en cause, exclue, de sorte que la valeur imposable du véhicule est identique tant pour les véhicules d’occasion importés de moins de trois mois que pour les véhicules neufs.

42      Or, en second lieu, ainsi qu’il découle du point 24 du présent arrêt, un système de taxation ne peut être considéré comme compatible avec l’article 90 CE que s’il est établi qu’il est aménagé de façon à exclure, en toute hypothèse, que les produits importés soient taxés plus lourdement que les produits nationaux et, dès lors, qu’il ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires.

43      En l’espèce, il ne peut cependant être exclu que le montant de la taxe due lors de l’immatriculation d’un véhicule d’occasion importé d’un autre État membre excède la valeur résiduelle de la taxe comprise dans la valeur d’un véhicule similaire déjà présent sur le marché finlandais.

44      Il s’ensuit que la réglementation nationale en cause, selon laquelle la valeur imposable prise en compte pour les véhicules de moins de trois mois est la même que celle retenue en ce qui concerne les véhicules neufs, n’est pas conforme à l’article 90, premier alinéa, CE.

45      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en retenant, lors de la taxation des véhicules, la même valeur imposable pour les véhicules de moins de trois mois que pour les véhicules neufs, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 90, premier alinéa, CE.

 Sur le grief relatif à la détermination de la dépréciation applicable aux véhicules vieux de trois à six mois lorsqu’il n’existe pas de véhicules similaires sur le marché national

 Argumentation des parties

46      Selon la Commission, la dépréciation de la valeur des véhicules vieux de trois à six mois retenue, selon un taux de 0,8 % par mois, qui trouve à s’appliquer lorsqu’il n’existe pas de véhicules similaires sur le marché finlandais est contraire à l’article 90, premier alinéa, CE, dès lors qu’elle ne correspond pas, dans une mesure suffisante, à la réalité.

47      La République de Finlande soutient que la réduction de taxe est toujours calculée sur la base des prix des véhicules semblables déjà immatriculés sur le territoire de cet État membre. Ce ne serait qu’à titre subsidiaire, lorsque aucune information fiable en matière de prix n’est disponible, que la taxe est réduite, en fonction de l’âge du véhicule concerné, de 0,8 % par mois. Dans un tel cas, une dépréciation linéaire de la valeur dudit véhicule serait prise en compte également au titre des trois premiers mois d’utilisation de ce dernier. Cet État membre conclut que ce système n’est pas incompatible avec l’article 90, premier alinéa, CE.

 Appréciation de la Cour

48      Il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 22 à 24 du présent arrêt, le véhicule servant de référence pour la détermination de la taxe due sur un véhicule d’occasion importé doit être un véhicule similaire, dès lors que la notion de «produit national similaire» est l’un des éléments constitutifs de l’article 90, premier alinéa, CE, dont l’existence doit être établie afin que cette disposition trouve à s’appliquer.

49      Or, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (arrêt du 22 janvier 2009, Commission/Portugal, C-150/07, point 65 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, la Commission soutient que la disposition nationale en cause fixant la règle relative à la dépréciation de la valeur des véhicules trouve à s’appliquer subsidiairement, à savoir lorsqu’il n’existe pas de véhicules similaires sur le marché finlandais.

51      En invoquant l’hypothèse dans laquelle il n’existe pas de véhicules similaires sur le marché finlandais, la Commission n’établit pas l’existence de l’un des éléments constitutifs de l’article 90, premier alinéa, CE, de sorte que cette disposition du traité CE ne peut, en pareil cas, trouver à s’appliquer.

52      Par conséquent, le grief invoqué par la Commission, tiré de ce que les dispositions prévoyant un taux de dépréciation de la valeur des véhicules importés de 0,8 % s’appliquant uniquement lorsqu’il n’existe pas de véhicules similaires sur le marché finlandais seraient contraires à l’article 90, premier alinéa, CE, doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la limitation des effets du présent arrêt dans le temps

 Argumentation des parties

53      Dans l’hypothèse où dans l’arrêt à intervenir la Cour jugerait que l’article 90, premier alinéa, CE s’oppose à la perception de l’ELV ainsi qu’au droit à déduction prévu à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi relative à la taxe sur la valeur ajoutée, la République de Finlande demande, dans ses observations écrites, à la Cour de limiter les effets dans le temps de l’arrêt à intervenir.

54      Cet État membre précise, à cet égard, que les éventuelles demandes de remboursement pourraient entraîner des conséquences financières graves sur son budget, évaluées à un montant de 80 millions d’euros environ, et que le traitement individuel des demandes de restitution prendrait de nombreuses années.

55      S’appuyant sur l’arrêt Tulliasiamies et Siilin, précité, ledit État membre ajoute qu’il a agi de bonne foi, car, selon cet arrêt, le système de l’ELV pouvait quasiment être maintenu tel qu’il était alors en vigueur.

56      La Commission soutient, en revanche, qu’aucun motif juridique ne justifie de limiter dans le temps les effets de l’arrêt à intervenir.

 Appréciation de la Cour

57      Il convient de rappeler que, à supposer même que les arrêts rendus au titre de l’article 226 CE aient les mêmes effets que ceux rendus au titre de l’article 234 CE, des considérations de sécurité juridique peuvent rendre nécessaire la limitation de leurs effets dans le temps dès lors que sont remplies les conditions établies par la jurisprudence de la Cour dans le cadre de l’article 234 CE (voir arrêt du 7 juin 2007, Commission/Grèce, C-178/05, Rec. p. I-4185, point 67 et jurisprudence citée).

58      À cet égard, il convient de souligner que ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (arrêt du 12 février 2009, Cobelfret, C-138/07, non encore publié au Recueil, point 68 et jurisprudence citée).

59      Plus spécifiquement, la Cour n’a eu recours à cette solution que dans des circonstances bien précises, notamment lorsqu’il existait un risque de répercussions économiques graves dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur et qu’il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à un comportement non conforme à la réglementation communautaire en raison d’une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions communautaires, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d’autres États membres ou par la Commission (arrêt Brzeziński, précité, point 57 et jurisprudence citée).

60      Il est également de jurisprudence constante que les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d’un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifient pas, par elles-mêmes, la limitation des effets de cet arrêt dans le temps (arrêt Brzeziński, précité, point 58 et jurisprudence citée).

61      Or, il résulte de la jurisprudence constante qui est rappelée aux points 22 à 24 du présent arrêt qu’un système de taxation ne peut être considéré comme compatible avec l’article 90 CE que s’il est établi qu’il est aménagé de façon à exclure, en toute hypothèse, que les produits importés soient taxés plus lourdement que les produits nationaux et, dès lors, qu’il ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires.

62      Ladite jurisprudence étant déjà applicable au moment du prononcé de l’arrêt Tulliasiamies et Siilin, précité, auquel se réfère, dans son mémoire en défense, la République de Finlande, cette dernière ne saurait se prévaloir, en l’occurrence, de l’argumentation tirée d’une incertitude objective et importante quant à la portée de l’article 90, premier alinéa, CE.

63      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la demande dudit État membre tendant à la limitation des effets dans le temps du présent arrêt.

 Sur les dépens

64      En vertu de l’article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut répartir les dépens, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission ayant partiellement succombé en ses moyens, il convient de condamner la République de Finlande aux trois quarts des dépens de la Commission et de décider que, pour le surplus, chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En permettant que la taxe visée à l’article 5 de la loi n° 1482/1994 relative à la taxe sur les véhicules [autoverolaki (1482/1994)], du 29 décembre 1994, soit déduite de la taxe sur la valeur ajoutée, conformément à l’article 102, premier alinéa, point 4, de la loi n° 1501/1993 relative à la taxe sur la valeur ajoutée [arvonlisäverolaki (1501/1993)], du 30 décembre 1993, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 90, premier alinéa, CE ainsi que de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, repris aux articles 167 et 168 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

2)      En retenant, lors de la taxation des véhicules, la même valeur imposable pour les véhicules de moins de trois mois que pour les véhicules neufs, la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 90, premier alinéa, CE.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La République de Finlande supporte, outre ses propres dépens, les trois quarts des dépens de la Commission des Communautés européennes.

5)      La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens pour le surplus.

Signatures


* Langue de procédure: le finnois.