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Affaire C-102/08

Finanzamt Düsseldorf-Süd

contre

SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft mbH & Co. Objekt Offenbach KG

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)

«Sixième directive TVA — Article 4, paragraphe 5, deuxième et quatrième alinéas — Faculté des États membres de considérer comme activités de l'autorité publique les activités d'organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 et 28 de la sixième directive — Modalités d'exercice — Droit à déduction — Distorsions de concurrence d'une certaine importance»

Sommaire de l'arrêt

1.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Assujettis — Organismes de droit public — Non-assujettissement pour les activités exercées en tant qu'autorités publiques

(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 4)

2.        Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Assujettis — Organismes de droit public — Non-assujettissement pour les activités exercées en tant qu'autorités publiques

(Directive du Conseil 77/388, art. 4, § 5, al. 2)

1.        Les États membres doivent prévoir une disposition expresse afin de pouvoir se prévaloir de la faculté prévue à l'article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, faculté selon laquelle des activités déterminées des organismes de droit public, exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de cette directive, sont considérées comme étant des activités de l'autorité publique.

À cet égard, les États membres ont la faculté de choisir la technique normative qui leur semble la plus appropriée. Ils peuvent ainsi, par exemple, soit se limiter à reprendre dans la législation nationale la formule utilisée dans la sixième directive ou une expression qui lui est équivalente, soit arrêter une liste des activités des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de la sixième directive qui sont considérées comme activités de l'autorité publique. En effet, une autorité exécutive peut être autorisée par une disposition législative à spécifier les activités des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de la sixième directive qui sont considérées comme étant des activités de l'autorité publique, à condition que ses décisions d'application revêtent une force contraignante incontestable, répondent aux exigences de spécificité, de précision ainsi que de clarté requises afin de garantir la certitude des situations juridiques et puissent être soumises au contrôle des juridictions nationales.

(cf. points 56-58, disp. 1)

2.        L'article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive 77/388, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, doit être interprété en ce sens que les organismes de droit public doivent être considérés comme des assujettis pour les activités ou les opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques non seulement lorsque leur non-assujettissement, en vertu des premier ou quatrième alinéas de ladite disposition, conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance au détriment de leurs concurrents privés, mais également lorsqu'il conduirait à de telles distorsions à leur propre détriment.

(cf. point 76, disp. 2)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

4 juin 2009 (*)

«Sixième directive TVA – Article 4, paragraphe 5, deuxième et quatrième alinéas – Faculté des États membres de considérer comme activités de l’autorité publique les activités d’organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 et 28 de la sixième directive – Modalités d’exercice – Droit à déduction – Distorsions de concurrence d’une certaine importance»

Dans l’affaire C-102/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 20 décembre 2007, parvenue à la Cour le 5 mars 2008, dans la procédure

Finanzamt Düsseldorf-Süd

contre

SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft mbH & Co. Objekt Offenbach KG,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka et A. Arabadjiev (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 janvier 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft mbH & Co. Objekt Offenbach KG, par M. U. Prinz, Wirtschaftsprüfer/Steuerberater, et Me A. Cordewener, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par MM. D. O’Hagan et M. MacGrath, en qualité d’agents, ainsi que M. N. Travers, BL,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 5, deuxième et quatrième alinéas, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Finanzamt Düsseldorf-Süd (administration fiscale de Dusseldorf-Sud, ci-après le «Finanzamt») à SALIX Grundstücks-Vermietungsgesellschaft mbH & Co. Objekt Offenbach KG (ci-après «Salix»), au sujet du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») acquittée en amont dans le cadre de la construction d’un bâtiment loué, par la suite, à un organisme de droit public qui, à son tour, l’a en partie sous-loué à long terme à des tiers assujettis à la TVA.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        Aux termes de l’article 2 de la sixième directive sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        L’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive énonce:

«Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.

Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

En tout état de cause, les organismes précités ont la qualité d’assujettis notamment pour les opérations énumérées à l’annexe D et dans la mesure où celles-ci ne sont pas négligeables.

Les États membres peuvent considérer comme activités de l’autorité publique les activités des organismes précités exonérées en vertu des articles 13 ou 28.»

5        Conformément à l’article 13, B, sous b), premier alinéa, de la sixième directive, les États membres exonèrent «l’affermage et la location de biens immeubles, à l’exception: […] des locations d’emplacement pour le stationnement des véhicules».

6        L’article 13, C, de cette même directive réserve aux États membres la possibilité d’accorder à leurs assujettis le droit, lors de l’affermage et de la location de biens immeubles, d’opter pour la taxation et leur permet tant de restreindre la portée du droit d’option que de déterminer les modalités de son exercice.

 La réglementation nationale

7        L’article 2, paragraphes 1 et 3, de loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires de 1993 (Umsatzsteuergesetz 1993, BGBl. 1993 I, p. 565), dans sa version en vigueur en 1995 (ci-après l’«UStG»), était libellé comme suit:

«1.      Est entrepreneur celui qui exerce d’une façon indépendante une activité industrielle, commerciale ou professionnelle. L’entreprise comprend l’ensemble de l’activité industrielle, commerciale ou professionnelle de l’entrepreneur. On entend par activité industrielle, commerciale ou professionnelle toute activité permanente et exercée pour retirer des recettes, même si l’intention d’obtenir un profit fait défaut ou qu’un groupement de personnes n’exerce ses activités qu’à l’égard de ses membres.

[…]

3.      Les personnes morales de droit public n’exercent une activité industrielle, commerciale ou professionnelle que dans le cadre de leurs établissements à caractère industriel ou commercial (article 1er, paragraphe 1, point 6, et article 4 du Körperschaftsteuergesetz) et de leurs exploitations agricoles ou sylvicoles […].»

8        L’article 4, paragraphe 12, sous a), de l’UStG disposait que, parmi les chiffres d’affaires visés à l’article 1er, paragraphe 1, points 1 à 3, de l’UStG sont exonérées «la location et l’affermage de biens immeubles, de titres auxquels s’appliquent les dispositions du droit civil relatives aux biens immeubles et de droits portant sur une prérogative de l’État afférente à l’usage de biens immeubles et fonciers».

9        Conformément à l’article 9, paragraphe 1, de l’UStG, «l’entrepreneur peut traiter une opération exonérée en vertu de l’article 4, […] points 12 […] comme étant imposable lorsque ladite opération est effectuée en faveur d’un autre entrepreneur et pour les besoins de l’entreprise de ce dernier».

10      En vertu de l’article 9, paragraphe 2, de l’UStG, la renonciation à l’exonération n’était permise «que dans la mesure où le bénéficiaire de la prestation utilise ou envisage d’utiliser ledit immeuble exclusivement aux fins de la réalisation d’opérations qui n’excluent pas la déduction de la taxe en amont. Il appartient à l’entrepreneur de prouver le respect de ces conditions».

11      L’article 1er, paragraphe 1, point 6, de la loi relative à l’impôt sur les sociétés (Körperschaftsteuergesetz, BGBl. 1991 I, p. 637), dans sa version en vigueur en 1995 (ci-après le «KStG»), prévoyait que les «établissements à caractère industriel ou commercial» des personnes morales de droit public dont la direction ou le siège est établi sur le territoire national sont intégralement assujettis à l’impôt sur les personnes morales.

12      L’article 4 du KStG disposait:

«1.      Sans préjudice des dispositions du paragraphe 5, sont des établissements à caractère industriel ou commercial de personnes morales de droit public, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, point 6, tous les établissements servant à l’exercice d’une activité économique durable en vue d’en retirer des recettes en dehors de l’agriculture et de la sylviculture et qui se singularisent économiquement au sein de l’ensemble de l’activité de la personne juridique; l’intention de réaliser des bénéfices et la participation aux échanges économiques généraux ne sont pas requises.

2.      Un établissement à caractère industriel et commercial qui est lui-même une personne morale de droit public est également intégralement assujetti à l’impôt.

[…]

4.      Le fait de donner à bail un tel établissement est considéré comme relevant d’un établissement à caractère industriel et commercial.

5.      Ne font pas partie des établissements à caractère industriel ou commercial les établissements qui servent de manière prépondérante à l’exercice de la puissance publique (établissements à caractère administratif). L’existence de pouvoirs de contrainte ou de monopole n’est pas suffisante pour retenir la qualification d’établissement à caractère administratif.»

13      Il ressort de la décision de renvoi que, dans le régime de l’impôt sur les sociétés, la location à long terme d’un patrimoine immobilier est considérée comme ne relevant pas des activités d’un «établissement à caractère industriel ou commercial. Cette appréciation découlerait, pour certains, de la fiction juridique de l’article 4, paragraphe 4, du KStG et, pour d’autres, de l’article 14 du code des impôts de 1977 (Abgabenordnung 1977), dans sa version en vigueur en 1995 (ci-après l’«AO»).

14      L’article 14 de l’AO énonçait qu’une «exploitation commerciale est une activité indépendante permanente qui permet d’obtenir des gains ou d’autres avantages économiques et qui dépasse le cadre d’une gestion de patrimoine. L’intention de réaliser un profit n’est pas requise. En règle générale, il y a gestion de patrimoine lorsqu’un patrimoine est mis à profit, par exemple lorsqu’un patrimoine en capital est investi et produit des intérêts ou qu’un patrimoine immobilier est donné à bail ou à ferme.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

15      Le 20 mars 1995, Salix, société de location de biens immobiliers, a conclu un «contrat de crédit-bail immobilier» avec l’Industrie- und Handelskammer Offenbach (chambre de l’industrie et du commerce d’Offenbach, ci-après l’«IHK»), organisme de droit public. Par ce contrat, elle s’engageait à mettre à la disposition de l’IHK, pour une durée locative de 27 ans, un bâtiment administratif à construire, équipé d’un garage souterrain.

16      La même année, Salix a achevé ledit bâtiment et l’a mis à la disposition de l’IHK. Cette dernière a affecté une partie des bureaux à son propre usage et a sous-loué à long terme les bureaux restants à des tiers assujettis à la taxe sur le chiffre d’affaires. S’agissant du garage souterrain, l’IHK a également réservé une partie des emplacements à son propre usage, a sous-loué à long terme une autre partie de ceux-ci aux locataires des bureaux et a mis à disposition, à court terme et à titre onéreux, les emplacements restants à des personnes étrangères au bâtiment.

17      Afin de pouvoir déduire la TVA acquittée en amont dans le cadre de la construction du bâtiment et afférente à la partie de l’immeuble sous-louée par l’IHK, Salix a renoncé, en application de l’article 9, paragraphe 1, de l’UStG, à l’exonération des opérations de location prévue à l’article 4, paragraphe 12, sous a), de l’UStG. Elle estimait que cette renonciation lui donnait droit à ladite déduction, dès lors qu’elle louait le bâtiment pour les besoins de l’entreprise d’un autre entrepreneur, à savoir l’IHK, qui l’utilisait, à son tour, en partie pour des opérations ouvrant droit à déduction de la taxe versée en amont.

18      Toutefois, à l’occasion d’un contrôle fiscal effectué auprès de Salix, le contrôleur fiscal lui a refusé cette déduction pour la partie du bâtiment sous-louée à long terme au motif que, en effectuant cette sous-location, l’IHK n’avait pas agi en qualité d’«entrepreneur» au sens de l’article 9, paragraphe 1, de l’UStG.

19      À cet égard, le contrôleur fiscal a relevé qu’il ressortirait de l’article 2, paragraphe 3, première phrase, de l’UStG que les personnes morales de droit public ne pouvaient agir en qualité d’entrepreneur que dans le cadre d’un «établissement à caractère industriel ou commercial», tel que défini aux articles 1er, paragraphe 1, point 6, et 4 du KStG.

20      Or, selon le contrôleur fiscal, seule la location à court terme pouvait être considérée comme étant une activité exercée dans le cadre d’un «établissement à caractère industriel ou commercial» au sens desdites dispositions, la location à long terme ne relevant pas, en tant que simple «gestion de patrimoine», de ladite activité.

21      En conséquence, le Finanzamt a émis, le 20 avril 2001, un avis rectificatif d’imposition à la TVA pour l’année 1995 refusant la déduction de la TVA acquittée en amont par Salix dans le cadre de la construction du bâtiment et afférente à la partie de l’immeuble sous-louée à long terme par l’IHK.

22      Les autorités fiscales responsables de l’imposition de l’IHK n’ont toutefois pas été du même avis. Elles ont confirmé tant la qualité d’entrepreneur de l’IHK pour l’ensemble de ses activités de sous-location que la validité de sa renonciation à l’exonération de ces activités.

23      À la suite du rejet de la réclamation qu’elle avait introduite contre l’avis rectificatif d’imposition, Salix a saisi le Finanzgericht Düsseldorf (tribunal du contentieux fiscal de Dusseldorf).

24      Le Finanzgericht Düsseldorf a fait droit au recours formé par Salix. Tout en estimant que l’IHK n’avait pas effectué ses opérations de sous-location à long terme en qualité d’entrepreneur au sens du droit fiscal allemand, le Finanzgericht Düsseldorf a conclu que l’IHK devait néanmoins être considérée comme ayant agi, à cet égard, en tant qu’assujetti et, partant, en tant qu’«entrepreneur», en vertu d’une interprétation du droit national conforme à l’article 4, paragraphe 5, deuxième et quatrième alinéas, de la sixième directive.

25      Le Finanzgericht Düsseldorf était d’avis que, en privant l’IHK de la possibilité d’opter pour l’assujettissement et, par conséquent, de déduire la TVA acquittée en amont, le refus de lui reconnaître la qualité d’entrepreneur la placerait dans une position désavantageuse par rapport à ses concurrents privés sur les marchés concernés. Or, cela pourrait créer des «distorsions de concurrence d’une certaine importance» que l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive viserait à prévenir.

26      Ayant introduit un pourvoi devant le Bundesfinanzhof, le Finanzamt demande l’annulation de l’arrêt du Finanzgericht Düsseldorf et le rejet du recours de Salix. À l’appui de son pourvoi, le Finanzamt fait valoir qu’il ressortirait de la jurisprudence de la Cour que ladite notion de «distorsions de concurrence d’une certaine importance» viserait exclusivement à protéger le secteur privé de l’économie, à savoir les entreprises privées assujetties, contre une concurrence d’organismes de droit public non assujettis. Par conséquent, une application de cette disposition en faveur, également, des organismes de droit public serait contraire à l’objectif de cette disposition.

27      En premier lieu, le Bundesfinanzhof tend à considérer que les États membres ne peuvent se prévaloir de la faculté, prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, de considérer comme activités de l’autorité publique les activités des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de cette directive que si une disposition législative expresse est adoptée en ce sens.

28      À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que, en ce qui concerne l’assujettissement des organismes de droit public exerçant des activités d’affermage et de location d’immeubles, aucune disposition législative expresse n’a été adoptée en Allemagne. Dans l’affaire au principal, l’assujettissement desdits organismes, lorsqu’ils effectuent de telles opérations, dépend uniquement de l’interprétation de la notion de «gestion de patrimoine». Or, cette notion ne figure pas dans la législation pertinente, à savoir ni dans l’article 2, paragraphe 3, de l’UStG, ni dans l’article 1er, paragraphe 1, point 6, du KStG, ni dans l’article 4 du KStG, ni encore dans une délégation législative que ces dispositions confièrent à l’administration.

29      En second lieu, le Bundesfinanzhof se demande si l’application de l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive est exclue dans l’affaire au principal, en raison de la circonstance que l’IHK elle-même, plutôt que l’un de ses concurrents privés, pourrait subir des distorsions de concurrence d’une certaine importance au sens du deuxième alinéa de ladite disposition, si ses opérations de sous-location à long terme étaient considérées comme n’étant pas imposables.

30      En effet, le Bundesfinanzhof considère que, si l’objectif premier de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive est de protéger le secteur privé de l’économie face à des activités non taxées d’organismes de droit public, cela n’exclurait pas, pour autant, que ces organismes puissent également bénéficier de la réserve de concurrence prévue à cette disposition. À cet égard, il fait observer qu’aucune restriction à cette réserve de concurrence n’apparaîtrait dans le libellé dudit deuxième alinéa, qui s’attacherait à la survenance de distorsions de concurrence d’une certaine importance, et ce quelle qu’en soit la victime. Toutefois, le Bundesfinanzhof estime que chacune des deux interprétations opposées pourrait trouver un appui dans la jurisprudence de la Cour.

31      Dans ces circonstances, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Les États membres ne peuvent-ils, en application de l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive […], ‘considérer’ les activités des États, des régions, des départements, des communes et des autres organismes de droit public exonérées en vertu de l’article 13 de cette même directive, comme étant des activités de l’autorité publique, que si une disposition législative expresse est adoptée en ce sens?

2)      La notion de ‘distorsions de concurrence d’une certaine importance’, au sens des dispositions combinées du quatrième et du deuxième alinéas de l’article 4, paragraphe 5, de la sixième directive […], implique-t-elle nécessairement que le non-assujettissement d’un organisme de droit public conduise à des distorsions de concurrence d’une certaine importance au détriment d’assujettis concurrents de droit privé, ou couvre-t-elle également l’hypothèse dans laquelle le non-assujettissement d’un organisme de droit public créerait des distorsions de concurrence d’une certaine importance à son propre détriment?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

32      Par sa première question, le Bundesfinanzhof demande si les États membres ne peuvent se prévaloir de la faculté, prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, de considérer comme étant des activités de l’autorité publique les activités des organismes de droit public, exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de cette directive, que lorsqu’une disposition législative expresse est adoptée en ce sens.

 Observations soumises à la Cour

33      Salix estime qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que, afin de se prévaloir de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, les États membres doivent adopter des actes législatifs visant expressément cette faculté. En effet, les États membres seraient tenus, dans le cadre de la transposition des directives communautaires, de choisir des instruments normatifs contraignants du droit national, afin d’établir un cadre légal précis, dépourvu d’équivoque et clairement reconnaissable pour tous les opérateurs économiques. Elle ajoute que ces actes pourraient, cependant, comporter une délégation à l’administration de pouvoirs d’exécution subordonnés.

34      Le gouvernement allemand considère, quant à lui, que la transposition de l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive requiert l’adoption d’une disposition législative, mais que celle-ci ne doit pas nécessairement être expresse. En effet, s’agissant de la transposition de la faculté prévue à ladite disposition, il serait suffisant que l’intention du législateur puisse être clairement déduite des dispositions législatives applicables au moyen des méthodes d’interprétation juridiques reconnues. Or, contrairement aux indications de la juridiction de renvoi, des dispositions législatives auraient été adoptées pour la transposition de ladite disposition.

35      L’Irlande fait valoir qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que les États membres, lorsqu’ils transposent une directive dans leur ordre juridique national, doivent atteindre les objectifs prévus par cette directive tout en étant libres de choisir la forme et les moyens appropriés pour parvenir à ce résultat. Dans l’affaire au principal, ce gouvernement estime que la réglementation allemande, effectuant une distinction claire entre la gestion de patrimoine et les opérations commerciales, procurerait une base légale suffisamment sûre pour l’application de l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, de sorte que l’absence de dispositions expresses serait sans incidence.

36      La Commission des Communautés européennes est d’avis que le respect des principes généraux du droit communautaire requiert que la transposition des directives communautaires s’opère au moyen de règles de droit national claires, formelles, dotées d’un effet direct à l’égard des citoyens, devant faire l’objet d’une publication officielle et ne pouvant être modifiées au gré de l’administration. Par conséquent, les États membres devraient prévoir des dispositions de nature législative ou réglementaire. Dans l’affaire au principal, une disposition expresse et définie avec précision s’avérerait d’autant plus nécessaire qu’il s’agirait de déterminer le champ d’application d’une dérogation au principe de l’assujettissement de toute personne accomplissant, d’une façon indépendante, l’une des activités économiques mentionnées à l’article 4, paragraphe 2, de la sixième directive.

 Appréciation de la Cour

37      À titre liminaire, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’article 13, B, sous b), premier alinéa, de la sixième directive que l’activité de location d’emplacements pour le stationnement de véhicules ne figure pas parmi les activités exonérées. Par conséquent, une telle activité ne peut pas être assimilée, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, à une activité accomplie en tant qu’autorité publique, au sens du premier alinéa de cette disposition, dans le cas où elle ne répondrait pas par elle-même à cette condition (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2000, Fazenda Pública, C-446/98, Rec. p. I-11435, point 44).

38      Toutefois, il convient de préciser que la notion de «location de biens immeubles» qui fait l’objet de l’exonération prévue à l’article 13, B, sous b), de la sixième directive comprend nécessairement, outre la location des biens qui constituent l’objet principal de cette location, celle de tous les biens qui en sont l’accessoire. Dès lors, ne saurait être exclue de l’exonération ainsi prévue la location d’emplacements pour le stationnement de véhicules, lorsque cette location est étroitement liée à la location d’immeubles destinés à un autre usage, en ce sens que les deux locations forment une opération économique unique (arrêt du 13 juillet 1989, Henriksen, 173/88, Rec. p. 2763, points 14 et 15).

39      Dans l’affaire au principal, il incomberait, le cas échéant, à la juridiction de renvoi de vérifier, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes, si la sous-location à long terme, par l’IHK, d’une partie des emplacements destinés au stationnement souterrain de véhicules, aux locataires à long terme des bureaux situés dans le même immeuble fait partie d’une opération économique unique au sens de la jurisprudence exposée au point précédent. En effet, si tel ne devait pas être le cas, la sous-location, par l’IHK, de ces emplacements de stationnement ne pourrait pas, en tout état de cause, être assimilée, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, à une activité accomplie en tant qu’autorité publique, au sens du premier alinéa de cette disposition.

40      S’agissant de la question de savoir si les États membres ne peuvent se prévaloir de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive que s’ils ont préalablement adopté une disposition législative expresse en ce sens, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle de ses dispositions dans une norme légale expresse et spécifique et peut se satisfaire d’un contexte juridique général dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise (arrêts du 28 février 1991, Commission/Allemagne, C-131/88, Rec. p. I-825, point 6; du 15 novembre 2001, Commission/Italie, C-49/00, Rec. p. I-8575, point 21, ainsi que du 28 avril 2005, Commission/Italie, C-410/03, Rec. p. I-3507, point 60).

41      Il est particulièrement important, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique, que, dans le cas où cette directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et de s’en prévaloir, le cas échéant, devant les juridictions nationales (voir arrêts précités Commission/Allemagne, point 6; du 15 novembre 2001, Commission/Italie, points 21 et 22, ainsi que du 28 avril 2005, Commission/Italie, point 60).

42      En effet, chaque État membre est tenu de donner aux directives une exécution qui répond pleinement aux exigences de clarté et de certitude des situations juridiques imposées par le législateur communautaire, dans l’intérêt des personnes concernées établies dans les États membres. À cette fin, les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, ainsi qu’avec la spécificité, la précision et la clarté requises (arrêt du 18 octobre 2001, Commission/Irlande, C-354/99, Rec. p. I-7657, point 27 et jurisprudence citée).

43      En particulier, de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l’administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité CE (voir arrêts du 7 mars 1996, Commission/France, C-334/94, Rec. p. I-1307, point 30, et du 13 mars 1997, Commission/France, C-197/96, Rec. p. I-1489, point 14).

44      S’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier si les conditions de transposition, exposées aux points 40 à 43 du présent arrêt, sont réunies dans l’affaire au principal, la Cour peut néanmoins, afin de donner à cette juridiction une réponse utile, lui fournir les indications qu’elle juge nécessaires (voir, notamment, arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE, C-49/07, non encore publié au Recueil, point 30, et du 22 décembre 2008, Magoora, C-414/07, non encore publié au Recueil, point 33).

45      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, en vertu du droit fiscal allemand, la possibilité pour l’IHK d’opter pour son assujettissement dépend exclusivement de la question de savoir si la location d’immeubles par des organismes de droit public est considérée comme étant une activité d’entrepreneur effectuée dans le cadre d’un établissement à caractère industriel ou commercial, ou comme relevant de la simple gestion de patrimoine.

46      À cet égard, il ressort également de la décision de renvoi, ainsi qu’il a été relevé au point 28 du présent arrêt, que la notion décisive de gestion de patrimoine ne figure pas dans la législation pertinente, à savoir ni dans l’UStG, ni dans le KStG, ni dans une délégation législative que ces dispositions confieraient à l’administration.

47      Dans la mesure où le gouvernement allemand fait observer que l’article 14 de l’AO prévoit la notion de gestion de patrimoine et la distingue des activités d’entrepreneur, il y a lieu toutefois de relever qu’il ressort de la décision de renvoi que des situations telles que celle de l’affaire au principal ne relèvent pas directement du champ d’application de cet article 14.

48      En effet, la juridiction de renvoi a, d’une part, précisé que la distinction entre la gestion de patrimoine et les activités d’entrepreneur ne figure pas dans la législation pertinente. D’autre part, elle a expressément indiqué que, dans la mesure où cette distinction est néanmoins considérée comme étant d’application dans le régime de l’impôt sur les sociétés, cette appréciation ne découle que d’une déduction qui, de surcroît, trouve son fondement, pour certains, dans l’article 14 de l’AO et, pour d’autres, dans l’article 4, paragraphe 4, du KStG.

49      Enfin, il ressort de la décision de renvoi que, contrairement au Finanzamt, l’administration fiscale compétente pour connaître de la demande de l’IHK tendant à la déduction de la TVA versée en amont a considéré que la location à long terme est également une activité d’entrepreneur donnant, en définitive, lieu au droit de déduction. Force est donc de constater qu’il existe des pratiques administratives divergentes.

50      En outre, il ressort de la décision de renvoi que, en ce qui concerne l’assujettissement des organismes de droit public accomplissant des activités d’affermage et de location d’immeubles, aucune disposition législative expresse n’a été adoptée en Allemagne.

51      À cet égard, il convient de souligner que l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive prévoit que les États membres ont la faculté, et non l’obligation, de considérer les activités des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de la sixième directive comme étant des activités de l’autorité publique. Par conséquent, la transposition en droit national de cette disposition n’est pas obligatoire.

52      Il s’ensuit que, afin de pouvoir bénéficier de la faculté prévue par cette disposition, les États membres sont tenus d’effectuer le choix de s’en prévaloir.

53      Il doit également être relevé que ladite faculté autorise les États membres à se prévaloir, pour ces activités, de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive à la règle générale énoncée aux articles 2, point 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive, selon laquelle toute activité de nature économique est, en principe, soumise à la TVA.

54      Or, dès lors que l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive prévoit une dérogation à l’une des règles générales posées par cette directive, il y a lieu d’interpréter cette disposition de manière stricte.

55      Dans ces circonstances, il convient de considérer que, afin de se prévaloir de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, les États membres doivent effectuer un choix spécifique en ce sens. Ils doivent ainsi prévoir que les activités déterminées des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de la sixième directive sont considérées comme étant des activités de l’autorité publique.

56      À cet égard, il y a lieu de préciser que les États membres ont la faculté de choisir la technique normative qui leur semble la plus appropriée. Ils peuvent ainsi, par exemple, soit se limiter à reprendre dans la législation nationale la formule utilisée dans la sixième directive ou une expression qui lui est équivalente, soit arrêter une liste des activités des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de la sixième directive qui sont considérées comme activités de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 1989, Comune di Carpaneto Piacentino e.a., 231/87 et 129/88, Rec. p. 3233, point 18).

57      En effet, une autorité exécutive peut être autorisée par une disposition législative à spécifier les activités des organismes de droit public exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de la sixième directive qui sont considérées comme étant des activités de l’autorité publique, à condition que ses décisions d’application revêtent une force contraignante incontestable, répondent aux exigences de spécificité, de précision ainsi que de clarté requises afin de garantir la certitude des situations juridiques et puissent être soumises au contrôle des juridictions nationales (voir, par analogie, arrêt Fazenda Pública, précité, point 35).

58      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que les États membres doivent prévoir une disposition expresse afin de pouvoir se prévaloir de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive, faculté selon laquelle des activités déterminées des organismes de droit public, exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de cette directive, sont considérées comme étant des activités de l’autorité publique.

 Sur la seconde question

59      Par sa seconde question, le Bundesfinanzhof demande, en substance, si l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les organismes de droit public doivent être considérés comme des assujettis pour les activités ou les opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, non seulement lorsque leur non-assujettissement en vertu des premier ou quatrième alinéas de ladite disposition conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance au détriment de leurs concurrents privés, mais également lorsqu’il conduirait à de telles distorsions à leur propre détriment.

 Observations soumises à la Cour

60      Salix, le gouvernement allemand et la Commission font observer que le libellé de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive vise indistinctement toutes les «distorsions de la concurrence d’une certaine importance», quelle qu’en soit la victime. Or, le non-assujettissement de ces organismes, les excluant du droit à déduction de la TVA acquittée en amont, pourrait également conduire à des distorsions de concurrence au détriment du non-assujetti. Dès lors que la concurrence est faussée, que ce soit à l’avantage des organismes de droit public ou à celui de leurs concurrents privés, il y aurait lieu de considérer que le principe de neutralité fiscale, expression en matière de TVA du principe d’égalité de traitement, est violé. En effet, une telle interprétation s’inscrirait dans la logique de la protection de la concurrence en tant que telle, sans considération de la qualité subjective de l’opérateur individuel en cause.

61      En revanche, l’Irlande fait observer que, même si le libellé de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive ne spécifie pas davantage la notion de «distorsions de concurrence d’une certaine importance», ledit article 4, paragraphe 5, viserait à exclure les organismes de droit public du champ de la sixième directive. Il n’aurait jamais été dans l’intention du législateur communautaire de permettre aux organismes de droit public d’invoquer eux-mêmes cette exception aux fins d’obtenir le statut d’opérateurs imposables pour leurs activités. En outre, une telle interprétation viderait de sa substance le pouvoir d’appréciation accordé aux États membres par le quatrième alinéa de ladite disposition, et irait par ailleurs à l’encontre de l’objectif visé par le deuxième alinéa de la même disposition qui serait, conformément à la jurisprudence de la Cour, celui de protéger les concurrents privés de l’activité des organismes de droit public.

 Appréciation de la Cour

62      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 4, paragraphe 5, premier alinéa, de la sixième directive, les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis à la TVA pour les activités ou les opérations de nature économique qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques et que, en vertu du quatrième alinéa de la même disposition, les États membres peuvent considérer comme activités de l’autorité publique les activités de ces organismes exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de ladite directive.

63      Toutefois, même lorsque ces organismes exercent de telles activités en leur qualité d’autorités publiques, ils doivent être considérés comme des assujettis, conformément à l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance.

64      Il appartient, dès lors, à la juridiction de renvoi d’établir dans un premier temps si l’activité de location de l’IHK constitue une activité accomplie par un organisme de droit public agissant en tant qu’autorité publique au sens de l’article 4, paragraphe 5, premier ou quatrième alinéas, de la sixième directive. Ce n’est que si tel est le cas que l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, trouve application (voir, en ce sens, arrêts Fazenda Pública, précité, point 43, et du 16 septembre 2008, Isle of Wight Council e.a., C-288/07, non encore publié au Recueil, points 30 à 32).

65      En premier lieu, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, les organismes de droit public doivent être considérés, lorsqu’ils effectuent des activités ou des opérations en tant qu’autorités publiques, comme des assujettis pour ces activités ou opérations «dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance».

66      Partant, le libellé de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive ne précise pas les personnes qu’il vise à protéger de ces distorsions de concurrence d’une certaine importance occasionnées par le non-assujettissement des organismes de droit public.

67      En deuxième lieu, il doit être rappelé que l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, en prévoyant une dérogation au non-assujettissement des organismes de droit public pour les activités ou les opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, vise à restaurer la règle générale, énoncée aux articles 2, point 1, et 4, paragraphes 1 et 2, de cette directive, selon laquelle toute activité de nature économique est, en principe, soumise à la TVA (voir arrêt Isle of Wight Council e.a., précité, point 38).

68      En conséquence, l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive ne saurait recevoir une interprétation étroite (voir arrêt Isle of Wight Council e.a., précité, point 60).

69      En troisième lieu, s’agissant des objectifs de l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive, auxquels fait référence notamment l’Irlande, rien n’indique que cette disposition viserait à assurer que les organismes de droit public subissent les conséquences des distorsions de concurrence d’une certaine importance que leur non-assujettissement, en vertu des premier ou quatrième alinéas de ladite disposition, pourrait occasionner.

70      En quatrième lieu, il convient de rappeler que le droit à déduction prévu aux articles 17 et suivants de la sixième directive fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité. Il s’exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont (voir, notamment, arrêts du 6 juillet 1995, BP Soupergaz, C-62/93, Rec. p. I-1883, point 18; du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, Rec. p. I-1577, point 43, ainsi que du 6 juillet 2006, Kittel et Recolta Recycling, C-439/04 et C-440/04, Rec. p. I-6161, point 47).

71      En effet, le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques. Le système commun de la TVA garantit, par conséquent, la neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA (voir, notamment, arrêts du 22 février 2001, Abbey National, C-408/98, Rec. p. I-1361, point 24; du 21 avril 2005, HE, C-25/03, Rec. p. I-3123, point 70, ainsi que Kittel et Recolta Recycling, précité, point 48).

72      Il s’ensuit que le droit à déduction est, en principe, d’application dans toute la chaîne de livraisons de biens et de prestations de services effectuées par des assujettis agissant en tant que tels pour les besoins des activités économiques d’autres assujettis (voir, en ce sens, arrêts du 12 janvier 2006, Optigen e.a., C-354/03, C-355/03 et C-484/03, Rec. p. I-483, point 52, ainsi que Kittel et Recolta Recycling, précité, point 45).

73      Or, il ne saurait être exclu que le non-assujettissement d’un organisme de droit public accomplissant certaines activités et opérations qui fait obstacle audit droit à déduction de la TVA puisse causer des répercussions dans la chaîne de livraisons de biens et de prestations de services au détriment d’assujettis opérant dans le secteur privé.

74      En effet, dans l’affaire au principal, ainsi qu’il a été relevé aux points 17 à 21 du présent arrêt, le non-assujettissement de l’IHK a empêché Salix, personne morale de droit privé, de bénéficier du droit à déduction de la TVA acquittée en amont.

75      Il découle de tout ce qui précède que l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive vise également les distorsions de concurrence au détriment des organismes de droit public.

76      Dans ces conditions, il convient de répondre à la seconde question que l’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que les organismes de droit public doivent être considérés comme des assujettis pour les activités ou les opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques non seulement lorsque leur non-assujettissement, en vertu des premier ou quatrième alinéas de ladite disposition, conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance au détriment de leurs concurrents privés, mais également lorsqu’il conduirait à de telles distorsions à leur propre détriment.

 Sur les dépens

77      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)      Les États membres doivent prévoir une disposition expresse afin de pouvoir se prévaloir de la faculté prévue à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, faculté selon laquelle des activités déterminées des organismes de droit public, exonérées en vertu des articles 13 ou 28 de cette directive, sont considérées comme étant des activités de l’autorité publique.

2)      L’article 4, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la sixième directive 77/388 doit être interprété en ce sens que les organismes de droit public doivent être considérés comme des assujettis pour les activités ou les opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques non seulement lorsque leur non-assujettissement, en vertu des premier ou quatrième alinéas de ladite disposition, conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance au détriment de leurs concurrents privés, mais également lorsqu’il conduirait à de telles distorsions à leur propre détriment.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.