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Affaire C-582/08

Commission européenne

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

«Manquement d’État — Taxe sur la valeur ajoutée — Directive 2006/112/CE — Articles 169 à 171 — Treizième directive 86/560/CEE — Article 2 — Remboursement — Assujetti non établi dans l’Union — Opérations d’assurance — Opérations financières»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Remboursement de la taxe aux assujettis non établis sur le territoire de l'Union

(Directives du Conseil 86/560, art. 2, § 1, et 2006/112, art. 169, c), 170 et 171)

Ne manque pas aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 169 à 171 de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, et de l'article 2, paragraphe 1, de la treizième directive 86/560, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, un État membre qui exclut le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont pour des opérations d'assurance et des opérations financières visées à l'article 169, sous c), de la directive 2006/112, réalisées par des assujettis non établis sur le territoire de l'Union.

En effet, les dispositions de la treizième directive, et en particulier son article 2, paragraphe 1, qui ne renvoie pas aux opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive 2006/112, doivent être considérées comme une lex specialis par rapport aux articles 170 et 171 de la directive 2006/112, s'opposant à ce que le droit au remboursement, énoncé en des termes généraux audit article 170, puisse prévaloir sur le libellé clair et précis de l'article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

À supposer que l'absence de renvoi à l'article 169, sous c), de la directive 2006/112 soit une erreur du législateur de l'Union, il n'incombe pas à la Cour de procéder à une interprétation visant à corriger l'article 2, paragraphe 1, précité. Il ne saurait, en outre, être reproché à un État membre, dont la réglementation est en conformité avec le libellé clair et précis de cet article 2, paragraphe 1, d'avoir manqué aux obligations qui lui incombent précisément en vertu de cette disposition en raison du fait qu'il aurait négligé de procéder à une interprétation, visant à corriger cette disposition en vue de se conformer à la logique générale du système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et de remédier à une erreur du législateur communautaire. À cet égard, le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose. Les justiciables doivent, en effet, pouvoir connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence. Ce principe est également pertinent dans le cadre de la transposition d’une directive relative au domaine fiscal. En effet, il ne saurait être procédé, en dépit du libellé clair et précis de l'article 2, paragraphe 1, précité, à une interprétation visant à corriger cette disposition et à élargir par là même les obligations des États membres afférentes à celle-ci.

(cf. points 35, 46, 48-51)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 juillet 2010 (*)

«Manquement d’État – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Articles 169 à 171 – Treizième directive 86/560/CEE – Article 2 – Remboursement – Assujetti non établi dans l’Union – Opérations d’assurance – Opérations financières»

Dans l’affaire C-582/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 29 décembre 2008,

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme I. Rao et M. S. Hathaway, en qualité d’agents, assistés de M. K. Lasok, QC,

partie défenderesse,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. E. Juhász, G. Arestis, T. von Danwitz (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 février 2010,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mai 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en refusant la récupération de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») payée en amont pour certaines opérations réalisées par des assujettis non établis sur le territoire de l’Union européenne, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 169 à 171 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1, ci-après la «directive TVA»), et de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (JO L 326, p. 40, ci-après la «treizième directive»).

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

2        L’article 17, paragraphes 3 et 4, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 2004/66/CE du Conseil, du 26 avril 2004 (JO L 168, p. 35, ci-après la «sixième directive»), dans sa rédaction résultant de l’article 28 septies, point 1, de ladite directive, disposait:

«3.      Les États membres accordent également à tout assujetti la déduction ou le remboursement de la [TVA] visée au paragraphe 2 dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins:

a)       de ses opérations relevant des activités économiques visées à l’article 4, paragraphe 2, effectuées à l’étranger, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées à l’intérieur du pays;

b)      de ses opérations exonérées conformément à l’article 14, paragraphe 1, points g) et i), à l’article 15, à l’article 16, paragraphe 1, points B, C, D et E, paragraphe 2, et à l’article 28 quater, points A et C;

c)      de ses opérations exonérées conformément à l’article 13, titre B, points a) et d) 1 à 5, lorsque le preneur est établi en dehors de la Communauté ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être exportés en dehors de la Communauté.

4.      Le remboursement de la [TVA] visé au paragraphe 3 est effectué:

–      en faveur des assujettis qui ne sont pas établis à l’intérieur du pays mais qui sont établis dans un autre État membre, selon les modalités d’application déterminées par la directive 79/1072/CEE,

–      en faveur des assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de la Communauté, selon les modalités d’application déterminées par la directive 86/560/CEE.

[…]»

3        L’article 17, paragraphe 4, de la sixième directive disposait, dans sa version initiale:

«Le Conseil s’efforcera d’adopter avant le 31 décembre 1977, sur proposition de la Commission et statuant à l’unanimité, les modalités d’application communautaires selon lesquelles les remboursements doivent être effectués, conformément au paragraphe 3, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis à l’intérieur du pays. Jusqu’à l’entrée en vigueur de ces modalités d’application communautaires, les États membres déterminent eux-mêmes les modalités selon lesquelles le remboursement sera effectué. Si l’assujetti n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, les États membres ont la possibilité d’exclure le remboursement ou de le soumettre à des conditions complémentaires.»

4        Les articles 169 à 171 de la directive TVA ont remplacé l’article 17, paragraphes 3 et 4, de la sixième directive à partir du 1er janvier 2007.

5        L’article 169 de la directive TVA dispose:

«Outre la déduction visée à l’article 168, l’assujetti a le droit de déduire la TVA y visée dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes:

a)      ses opérations relevant des activités visées à l’article 9, paragraphe 1, deuxième alinéa, effectuées en dehors de l’État membre dans lequel cette taxe est due ou acquittée, qui ouvriraient droit à déduction si ces opérations étaient effectuées dans cet État membre;

b)      ses opérations exonérées conformément aux articles 138, 142 et 144, aux articles 146 à 149, aux articles 151, 152, 153 et 156, à l’article 157, paragraphe 1, point b), aux articles 158 à 161 et à l’article 164;

c)      ses opérations exonérées conformément à l’article 135, paragraphe 1, points a) à f), lorsque le preneur est établi en dehors de la Communauté ou lorsque ces opérations sont directement liées à des biens qui sont destinés à être exportés en dehors de la Communauté.»

6        L’article 170 de ladite directive prévoit:

«Tout assujetti qui, au sens de l’article 1er de la directive 79/1072/CEE, de l’article 1er de la directive 86/560/CEE et de l’article 171 de la présente directive, n’est pas établi dans l’État membre dans lequel il effectue les achats de biens et services ou des importations de biens grevés de TVA a le droit d’obtenir le remboursement de cette taxe dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les opérations suivantes:

a)       les opérations visées à l’article 169;

b)       les opérations pour lesquelles la taxe est uniquement due par l’acquéreur ou le preneur conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199.»

7        L’article 171 de la directive TVA énonce:

«1.      Le remboursement de la TVA en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre dans lequel ils effectuent les achats de biens et services ou des importations de biens grevés de taxe mais qui sont établis dans un autre État membre est effectué selon les modalités d’application prévues par la directive 79/1072/CEE.

[…]

2.      Le remboursement de la TVA en faveur des assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de la Communauté est effectué selon les modalités d’application déterminées par la directive 86/560/CEE.

[…]

3.      Les directives 79/1072/CEE et 86/560/CEE ne s’appliquent pas aux livraisons de biens exonérées, ou qui peuvent être exonérées, en vertu de l’article 138 lorsque les biens ainsi livrés sont expédiés ou transportés par l’acquéreur ou pour son compte.»

8        Les opérations exonérées visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA concernent, conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous a) à f), notamment des opérations d’assurance et des opérations financières, telles que précisées par cette dernière disposition.

9        L’article 2 de la huitième directive 79/1072/CEE du Conseil, du 6 décembre 1979, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l’intérieur du pays (JO L 331, p. 11, ci-après la «huitième directive»), prévoit:

«Chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi à l’intérieur du pays mais qui est établi dans un autre État membre, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 sous a) et b) de la directive 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l’article 1er sous b).»

10      L’article 8 de la huitième directive abrogé en vertu de l’article 7 de la treizième directive disposait:

«En ce qui concerne les assujettis qui ne sont pas établis sur le territoire de la Communauté, chaque État membre a la faculté de les exclure du remboursement, ou de soumettre le remboursement à des conditions particulières.

Le remboursement ne peut être accordé à des conditions plus favorables que celles qui sont appliquées aux assujettis de la Communauté.»

11      L’exposé des motifs de la proposition d’une huitième directive du Conseil, du 3 janvier 1978, présentée par la Commission [(COM(77) 721 final] (ci-après la «proposition de huitième directive»), énonce en ce qui concerne l’article 2 de cette proposition:

«La référence contenue à l’article 17, paragraphe 4, de la sixième directive (‘conformément au paragraphe 3’), implique que seule doit être remboursée la taxe ayant grevé les achats de biens et services ou les importations de biens qui sont utilisés par l’assujetti étranger pour les activités visées à l’article 17, paragraphe 3, de la directive. Or, parmi les trois cas visés aux litteras a), b) et c) de ce paragraphe, les deux premiers seulement semblent être concernés. [...]

[…]

Quant aux cas visés au littera c) de l’article 17, paragraphe 3, de la directive, étant donné que les opérations d’assurance ou bancaires y visées sont toujours situées dans un pays tiers, le prestataire d’un pays membre ne peut jamais être considéré comme effectuant une opération dans le pays de remboursement: ces cas rentrent donc parmi ceux visés au littera a) (assujetti étranger qui n’effectue aucune opération imposable dans le pays de remboursement) et en suivent la réglementation.»

12      L’article 2 de la proposition de huitième directive, lequel a été approuvé par le Parlement européen, visait le remboursement de la TVA afférente aux services ou aux biens «dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, de la sixième directive».

13      Le deuxième considérant de la treizième directive énonce:

«considérant qu’il y a lieu d’assurer un développement harmonieux des relations commerciales de la Communauté avec les pays tiers en s’inspirant des dispositions de la directive 79/1072/CEE, tout en tenant compte de la diversité des situations rencontrées dans les pays tiers».

14      L’article 2 de la treizième directive dispose:

«1.      Sans préjudice des articles 3 et 4, chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, dans les conditions fixées ci-après, la [TVA] ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17 paragraphe 3 points a) et b) de la directive 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l’article 1er point 1 sous b) de la présente directive.

2.      Les États membres peuvent subordonner le remboursement visé au paragraphe 1 à l’octroi par les États tiers d’avantages comparables dans le domaine des taxes sur le chiffre d’affaires.

[…]»

15      L’article 4 de la treizième directive prévoit:

«1.      Aux fins de la présente directive, le droit au remboursement est déterminé selon l’article 17 de la directive 77/388/CEE, tel qu’il est appliqué dans l’État membre de remboursement.

2.      Les États membres peuvent cependant prévoir l’exclusion de certaines dépenses ou soumettre le remboursement à des conditions complémentaires.

3.      La présente directive ne s’applique pas aux livraisons de biens exonérées ou qui peuvent être exonérées en vertu de l’article 15 point 2 de la directive 77/388/CEE.»

16      Aux termes de l’article 5 de la directive 2008/9/CE du Conseil, du 12 février 2008, définissant les modalités du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, prévu par la directive 2006/112/CE, en faveur des assujettis qui ne sont pas établis dans l’État membre du remboursement, mais dans un autre État membre (JO L 44, p. 23), et ayant remplacé la huitième directive à partir du 1er janvier 2010:

«Chaque État membre rembourse à tout assujetti non établi dans l’État membre du remboursement la TVA ayant grevé les biens qui lui ont été livrés ou les services qui lui ont été fournis dans cet État membre par d’autres assujettis, ou ayant grevé l’importation de biens dans cet État membre, dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour les besoins des opérations suivantes:

a)      les opérations visées à l’article 169, points a) et b), de la directive 2006/112/CE;

b)      les opérations dont le destinataire est redevable de la TVA conformément aux articles 194 à 197 et à l’article 199 de la directive 2006/112/CE, tels qu’ils sont appliqués dans l’État membre du remboursement.

Sans préjudice de l’article 6, aux fins de la présente directive, le droit au remboursement de la TVA payée en amont est déterminé en vertu de la directive 2006/112/CE, telle qu’appliquée dans l’État membre du remboursement.»

 La réglementation nationale

17      Il résulte des articles 26 et 39 du Value Added Tax Act 1994, de l’article 3 du Value Added Tax (Input Tax) (Specified Supplies) Order 1999 et de l’article 190 des Value Added Tax Regulations 1995, dans sa version résultant des Value Added Tax (Amendment) (No. 4) Regulations 2004, que les opérateurs non établis dans l’Union ne sont pas habilités à récupérer la taxe payée en amont ayant grevé les opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA.

 La procédure précontentieuse

18      Le 13 janvier 2006, la Commission a fait savoir aux autorités du Royaume-Uni qu’elle considérait que l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive ne pouvait être interprété comme excluant le remboursement de la TVA ayant grevé les biens ou les services utilisés aux fins des opérations d’assurance et des opérations financières mentionnées à l’article 17, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive, dont le contenu a été repris à l’article 169, sous c), de la directive TVA. Dans un courriel du 12 mai 2006, le Royaume-Uni a exprimé un avis contraire, en soutenant que sa législation était conforme à la législation de l’Union applicable.

19      La Commission a alors décidé d’engager la procédure prévue à l’article 226 CE en adressant au Royaume-Uni, le 12 octobre 2006, une lettre de mise en demeure dans laquelle elle reprochait à cet État membre de manquer aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 17, paragraphes 3 et 4, de la sixième directive et de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

20      N’étant pas convaincue par l’argumentation avancée par le Royaume-Uni dans sa réponse du 14 décembre 2006, la Commission a émis, le 27 juin 2007, un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux exigences résultant des articles 169 à 171 de la directive TVA et de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis motivé.

21      Le Royaume-Uni a répondu audit avis motivé par une lettre du 29 août 2007 dans laquelle il a confirmé son interprétation de la treizième directive et des articles 169 à 171 de la directive TVA. La Commission, contestant cette interprétation et maintenant sa position en ce qui concerne l’incompatibilité de la législation concernée du Royaume-Uni avec les exigences découlant du droit de l’Union, a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

22      À titre liminaire, il convient de relever qu’il est constant qu’un opérateur établi en dehors de l’Union n’est pas, en vertu de la réglementation du Royaume-Uni, en droit de récupérer la taxe payée en amont, dans cet État membre, pour des biens ou des services utilisés pour les besoins des opérations relevant des catégories mentionnées à l’article 169, sous c), de la directive TVA, à savoir certaines opérations d’assurance et certaines opérations financières.

23      Le recours porte ainsi sur la seule question de savoir si les articles 169 à 171 de la directive TVA ainsi que l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive accordent un tel droit à des opérateurs établis en dehors de l’Union.

24      Conformément à l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, chaque État membre rembourse à tout assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de l’Union la TVA ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l’intérieur du pays par d’autres assujettis ou ayant grevé l’importation des biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, sous a) et b), de la sixième directive.

25      En ce qui concerne le renvoi à l’article 17, paragraphe 3, sous a) et b), de la sixième directive figurant à l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, il convient de remarquer, d’une part, que le libellé de cette dernière directive n’a pas été adapté après l’entrée en vigueur de la directive TVA, dont l’article 169, sous a) et b), a remplacé ledit article 17, paragraphe 3, sous a) et b). L’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive doit, dès lors, être entendu comme se référant audit article 169, sous a) et b).

26      D’autre part, il y a lieu de relever que les opérations d’assurance et les opérations financières en cause dans la présente affaire sont visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA.

27      Le Royaume-Uni, s’appuyant sur le libellé de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, qui ne renvoie explicitement qu’aux opérations visées à l’article 169, sous a) et b), de la directive TVA, conclut qu’il n’existe pas de droit au remboursement de la TVA en ce qui concerne les opérations visées à l’article 169, sous c), de ladite directive.

28      En revanche, la Commission, tout en admettant que l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive ne renvoie pas aux opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA, soutient, en s’appuyant sur des arguments tirés des travaux préparatoires, de l’économie et de la finalité des dispositions en cause, que ledit article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec les articles 169 à 171 de la directive TVA, doit être entendu comme conférant également un droit au remboursement de la TVA en ce qui concerne les opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA.

29      Il convient donc de déterminer si les arguments avancés par la Commission à l’appui de son interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive et des articles 169 à 171 de la directive TVA sont de nature à justifier que ces articles soient entendus comme conférant un droit au remboursement de la TVA pour les opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA et cela bien que le libellé clair et précis dudit article 2, paragraphe 1, ne renvoie qu’à l’article 169, sous a) et b), de la directive TVA.

30      Selon la Commission, le droit des opérateurs établis en dehors de l’Union de récupérer la taxe acquittée en amont, dans un État membre, pour les besoins d’opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA découle déjà des articles 169 à 171 de cette directive. L’article 170 de ladite directive consacrerait ce droit pour toutes les opérations visées à l’article 169 de cette dernière et ne prévoirait aucune dérogation. Étant donné que la directive TVA énoncerait la règle de base tandis que la treizième directive ne contiendrait que des dispositions d’application régissant les modalités de remboursement, le libellé inconditionnel de l’article 170 de la directive TVA devrait prévaloir sur les termes de l’article 2 de la treizième directive.

31      Certes, l’article 170 de la directive TVA prévoit, dans des termes généraux, tout comme l’énonçait auparavant l’article 17, paragraphe 3, de la sixième directive, un droit au remboursement de la TVA payée en amont lorsque les biens et les services grevés de la TVA sont utilisés pour les «opérations visées à l’article 169» de la directive TVA.

32      De même, il est constant que la huitième directive vise à établir les modalités de remboursement de la TVA payée dans un État membre par les assujettis établis dans un autre État membre, son objectif étant ainsi d’harmoniser le droit au remboursement tel qu’il résulte de l’article 17, paragraphe 3, de la sixième directive (voir arrêts du 13 juillet 2000, Monte Dei Paschi Di Siena, C-136/99, Rec. p. I-6109, point 20, et du 15 mars 2007, Reemtsma Cigarettenfabriken, C-35/05, Rec. p. I-2425, point 26), ce qui vaut également, pour la treizième directive, en ce qui concerne les assujettis établis dans des États tiers.

33      Toutefois, il ne saurait en être déduit, comme le soutient la Commission, que l’article 170 de la directive TVA permet de déroger au libellé clair et précis de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

34      En effet, la treizième directive ne se limite pas à régler les modalités formelles de mise en œuvre du droit au remboursement de la TVA, mais prévoit certaines dérogations à ce droit, ainsi que le reconnaît la Commission dans ses observations écrites, sans en contester la validité. Parmi ces dérogations figure la faculté, pour les États membres, de subordonner, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de cette directive, ce remboursement à l’octroi par des États tiers d’avantages comparables et, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de ladite directive, de prévoir l’exclusion de certaines dépenses dudit remboursement ou de soumettre celui-ci à des conditions complémentaires.

35      Partant, les dispositions de la treizième directive, et en particulier son article 2, paragraphe 1, doivent être considérées comme une lex specialis par rapport aux articles 170 et 171 de la directive TVA, s’opposant à ce que le droit au remboursement, énoncé en termes généraux audit article 170, puisse prévaloir sur le libellé clair et précis de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

36      Il s’ensuit que la question de savoir si les États membres sont tenus d’octroyer un droit au remboursement de la TVA pour les opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA aux assujettis établis en dehors de l’Union doit être déterminée en fonction du seul article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

37      S’agissant de l’interprétation dudit article 2, paragraphe 1, la Commission soutient, tout d’abord, qu’il ressort des travaux préparatoires qu’il ne saurait être présumé que le législateur de l’Union ait voulu exclure, par la seule mention, à l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, des opérations visées à l’article 169, sous a) et b), de la directive TVA, le remboursement de la TVA pour les opérations visées à l’article 169, sous c), de cette directive. Le libellé de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive reposerait sur une appréciation erronée à laquelle le législateur de l’Union se serait livré lors de l’adoption de l’article 2 de la huitième directive qui a un libellé quasi identique à celui de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive et dont les termes ont servi de modèle pour l’élaboration de ce dernier.

38      À cet égard, la Commission s’appuie, tout d’abord, sur l’exposé des motifs de la proposition de huitième directive et affirme que, lors de l’adoption de cette directive, le législateur a omis le renvoi à l’article 17, paragraphe 3, sous c), de la sixième directive en raison du fait qu’il a considéré, par erreur, que les opérations concernées étaient déjà prises en compte à l’article 17, paragraphe 3, sous a), de celle-ci, qui est mentionné dans l’énumération figurant à l’article 2 de la huitième directive.

39      Ensuite, selon la Commission, la logique du système de la TVA exige que soit octroyé un droit au remboursement de la TVA pour les opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA. En effet, selon cette logique et conformément à l’usage international, aucune taxe ne devrait être due lorsque des biens et des services sont exportés. S’agissant, en particulier, d’opérations exonérées, telles que les opérations d’assurance et les opérations financières, pour lesquelles il n’existerait normalement pas de possibilité de récupérer la taxe payée en amont, l’article 169, sous c), de la directive TVA viserait à permettre la récupération de la TVA inhérente au prix des acquisitions de biens et de services affectés à l’exécution de ces opérations. Ainsi, le fait d’accorder un droit au remboursement de la TVA permettrait d’éviter que l’opérateur établi dans l’Union soit défavorisé par rapport à ses concurrents établis en dehors de cette dernière.

40      Enfin, la Commission considère que la comparaison effectuée entre l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive et l’article 2 de la huitième directive démontre que ces deux dispositions doivent être interprétées de manière uniforme. Or, en dépit des libellés quasi identiques desdites dispositions, le Royaume-Uni interpréterait l’article 2 de la huitième directive comme incluant les opérations mentionnées à l’article 169, sous c), de la directive TVA, la position ainsi adoptée par cet État membre étant, dès lors, contradictoire. Selon la Commission, l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive défendue par le Royaume-Uni devrait, si elle était correcte, valoir également en ce qui concerne l’article 2 de la huitième directive et entraîner des répercussions pour tous les États membres qui se livrent à une telle interprétation de cet article 2.

41      Tout d’abord, il convient d’écarter comme non pertinent ce dernier argument.

42      En effet, le présent recours en manquement porte sur la seule question de savoir si le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 169 à 171 de la directive TVA et de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, en refusant que puisse être récupérée la TVA payée en amont pour des opérations visées à l’article 169, sous c), de la directive TVA, réalisées par des assujettis non établis sur le territoire de l’Union.

43      Or, ni le fait que le Royaume-Uni ainsi que les autres États membres octroient, en vertu de la huitième directive, un tel droit au remboursement de la TVA aux opérateurs établis à l’intérieur de l’Union, ni l’absence éventuelle de raisons justifiant une pratique divergente en ce qui concerne, d’une part, les opérateurs visés par cette directive et, d’autre part, ceux relevant de la treizième directive, ni les éventuelles répercussions au niveau des États membres en cas d’absence de telles raisons ne constituent des éléments de nature à étayer l’interprétation défendue par la Commission en ce qui concerne l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

44      Ensuite, s’agissant de l’argument tiré des travaux préparatoires, il y a lieu, d’emblée, de préciser que l’article 2 de la proposition de huitième directive, dans laquelle figure l’exposé des motifs auquel se réfère la Commission, renvoyait, sans autre précision, aux «opérations visées à l’article 17, paragraphe 3, de la sixième directive». Dès lors, il ne peut être considéré comme établi que l’éventuelle appréciation erronée effectuée, selon la Commission, dans cet exposé des motifs, ait été effectivement à l’origine du libellé de l’article 2 de la huitième directive ou de celui de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

45      En outre, l’article 5 de la directive 2008/9, laquelle a remplacé la huitième directive, renvoie, tout comme l’article 2 de cette dernière directive, à l’article 169, «[sous] a) et b)», de la directive TVA. Ainsi, la thèse de la Commission implique, d’une part, que le législateur de l’Union ait commis une erreur lors de l’adoption de la huitième directive, laquelle erreur se serait reproduite dans la treizième directive et, d’autre part, que ledit législateur ait commis la même erreur lors de l’adoption de la directive 2008/9.

46      S’agissant de cette erreur alléguée ainsi que de l’argument de la Commission selon lequel la lecture qu’elle fait des dispositions en cause est davantage conforme à la logique du système commun de la TVA, il convient de constater que, à supposer même que les affirmations de la Commission soient exactes, il n’incombe pas à la Cour, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 65 de ses conclusions, de procéder à une telle interprétation, visant à corriger l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive.

47      À cet égard, la Cour a jugé, dans l’arrêt du 5 octobre 2004, Commission/Grèce (C-475/01, Rec. p. I-8923), que la République hellénique pouvait fonder légitimement sa législation nationale sur le libellé clair de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 92/83/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques (JO L 316, p. 21), l’autorisant à appliquer à l’ouzo un taux d’accises inférieur au taux minimal. Ainsi, la Cour a rejeté le recours de la Commission, par lequel celle-ci alléguait un manquement de cet État membre aux obligations découlant de l’article 90, premier alinéa, CE, et soutenait que les États membres n’étaient pas dispensés, même en présence d’une telle autorisation explicite dans le droit dérivé, du respect du droit primaire impliquant que, dans le cas où la mesure nationale s’avérait inconciliable avec le droit primaire, l’État membre n’était pas habilité à faire usage de cette autorisation.

48      De la même manière, il ne saurait être reproché au Royaume-Uni, dont la réglementation nationale est en conformité avec le libellé clair et précis de l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, d’avoir manqué aux obligations qui lui incombent précisément en vertu de cette disposition en raison du fait qu’il aurait négligé de procéder à une interprétation, visant à corriger ladite disposition en vue de se conformer à la logique générale du système commun de la TVA et de remédier à une erreur du législateur communautaire, alléguée par la Commission et ressortant, selon cette dernière, de l’exposé des motifs de la proposition de la huitième directive.

49      Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique exige qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose. Les justiciables doivent, en effet, pouvoir connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêt du 10 mars 2009, Heinrich, C-345/06, Rec. p. I-1659, point 44 et jurisprudence citée).

50      Certes, cette jurisprudence vise les relations entre les particuliers et l’autorité publique. Toutefois, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 64 de ses conclusions, cette jurisprudence est également pertinente dans le cadre de la transposition d’une directive relative au domaine fiscal.

51      En effet, il ne saurait être procédé, en dépit du libellé clair et précis d’une disposition telle que l’article 2, paragraphe 1, de la treizième directive, à une interprétation visant à corriger cette disposition et à élargir par là même les obligations des États membres afférentes à celle-ci (voir, par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, Les Vergers du Vieux Tauves, C-48/07, Rec. p. I-10627, point 44).

52      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours de la Commission.

 Sur les dépens

53      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume-Uni ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.