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ORDONNANCE DE LA COUR (troisième chambre)

27 novembre 2008 (*)

«Article 104, paragraphe 3, du règlement de procédure – Sixième directive TVA – Article 33, paragraphe 1 – Notion de ‘taxes sur le chiffre d’affaires’ – Impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires»

Dans l’affaire C-151/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Espagne), par décision du 7 avril 2008, parvenue à la Cour le 14 avril 2008, dans la procédure

N.N. Renta SA

contre

Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña (TEARC),

Generalidad de Cataluña,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. N. Cunha Rodrigues, U. Lõhmus et Mme P. Lindh, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. R. Grass,

la Cour se proposant de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure,

l’avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 (JO L 376, p. 1, ci-après la «sixième directive»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société N.N. Renta SA (ci-après «Renta») au Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña (TEARC) et à la Generalidad de Cataluña au sujet du paiement de l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires (ci-après l’«impôt sur les actes juridiques instrumentaires»).

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, notamment de celles prévues par les dispositions communautaires en vigueur relatives au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l’introduction par un État membre de taxes sur les contrats d’assurance, sur les jeux et paris, d’accises, de droits d’enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, à condition, toutefois, que ces impôts, droits et taxes ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.»

 La réglementation nationale

4        La loi 37/1992, du 28 décembre 1992, relative à la taxe sur la valeur ajoutée (BOE nº 312, p. 44247) est le principal texte visant à adapter la législation espagnole à la sixième directive.

5        L’impôt sur les actes juridiques instrumentaires est réglementé par le décret royal législatif 1/1993, du 24 septembre 1993, approuvant le texte codifié de la loi relative à l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires (BOE nº 251, p. 29545).

6        L’article 28 de la loi relative à l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires prévoit que cet impôt s’applique notamment aux actes notariés, dans les conditions établies à l’article 31 de cette loi.

7        Selon l’article 29 de ladite loi, sont assujettis à l’impôt l’acquéreur du bien ou du droit ou, à défaut de celui-ci, les personnes qui requièrent ou demandent la passation des actes notariés ou celles au profit desquelles ceux-ci sont délivrés.

8        L’article 30, paragraphe 1, de cette même loi prévoit notamment que, en ce qui concerne les premières copies des écritures authentiques ayant pour objet une quantité ou une chose évaluable, la base d’imposition consiste en la valeur déclarée de cette quantité ou de cette chose, sous réserve d’une vérification effectuée par l’administration.

9        L’article 31 de la loi relative à l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires dispose:

«1.      Les minutes et les copies des écritures et des actes notariés, ainsi que les attestations par témoins, sont, dans tous les cas, couchés sur papier timbré à 0,30 euro par feuille double ou à 0,15 euro par folio, au choix de l’officier public. Les copies simples ne sont pas soumises à impôt.

2.      Les premières copies d’écritures et d’actes notariés, dès lors que les écritures et les documents notariés ont pour objet une quantité ou une chose évaluable, qu’ils contiennent des actes ou des contrats susceptibles d’être inscrits au registre de la propriété, du commerce et de la propriété industrielle sans être assujettis à l’impôt sur les successions et les donations ni aux impositions visées aux paragraphes 1 et 2 de l’article 1er de la présente loi, sont en outre assujetties à l’impôt au taux d’imposition qui, conformément aux dispositions de la loi 21/2001, du 27 décembre 2001, réglementant les mesures fiscales et administratives du nouveau système de financement des communautés autonomes soumises au régime commun et des villes dotées d’un statut d’autonomie, a été fixé par la communauté autonome concernée.

Si la communauté autonome n’a pas arrêté le taux d’imposition visé à l’alinéa précédent, le taux applicable à ces actes et contrats est de 0,50 %.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Renta demande le remboursement de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires grevant une écriture authentique de vente d’un immeuble datée du 28 avril 2003. Par cet acte, Renta a acquis, dans le cadre de son activité professionnelle d’achat et de vente de biens immeubles ou d’achat de ceux-ci en vue de leur transformation ou de leur mise en location ultérieure, le bien immeuble décrit dans cette écriture.

11      Dans sa décision, la juridiction de renvoi expose les éléments suivants:

–        l’activité professionnelle de Renta consiste en l’achat et la vente de biens immeubles ou en l’achat de ceux-ci en vue de leur transformation ou de leur mise en location ultérieure, de sorte que l’opération d’achat et de vente d’immeubles, qui est assujettie simultanément à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») et à l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, est, précisément, celle qui constitue l’activité professionnelle de cette société;

–        le remboursement des paiements indus demandé par Renta se limite à la quote-part progressive ou variable de l’impôt, la quote-part fixe n’étant pas concernée, laquelle n’est d’ailleurs pas contestée;

–        l’assujetti, tant à la TVA qu’à la quote-part progressive de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, est Renta, en qualité d’acheteur du bien immeuble, à qui la TVA est facturée et qui est redevable de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, en raison, dans les deux cas, de ses propres activités de négoce.

12      Devant la juridiction de renvoi, Renta aurait fait valoir que, eu égard à l’identité du fait imposable, de la base imposable et de l’assujetti tant en ce qui concerne la TVA que l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, l’article 33 de la sixième directive s’opposerait à la perception de ce dernier. Le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña exprime ses doutes quant à la compatibilité dudit impôt avec l’article 33 de la sixième directive.

13      Il relève que, dans un arrêt du 3 novembre 1997 (requête nº 523/1995), le Tribunal Supremo a jugé que, s’agissant de la quote-part progressive de l’impôt, le fait imposable est non pas le document notarié, mais une figure complexe constituée, notamment, par la conclusion de certains actes ou contrats.

14      Le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña fait par ailleurs référence à l’arrêt du 27 octobre 1998, FECSA et ACESA (C-31/97 et C-32/97, Rec. p. I-6491), dans lequel, statuant sur la compatibilité de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires avec la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), la Cour a dit pour droit que l’article 11, sous b), de cette directive, qui interdit les impôts sur les emprunts et les formalités y afférentes, s’applique également à l’impôt sur les actes notariés attestant le remboursement d’un emprunt. Selon la juridiction de renvoi, ces considérations seraient pertinentes dans l’affaire au principal, eu égard à leur caractère général, en ce qui concerne la nature de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires.

15      La juridiction de renvoi mentionne également l’arrêt du 16 décembre 1992, Beaulande (C-208/91, Rec. p. I-6709), dans lequel la Cour a dit pour droit que l’article 33 de la sixième directive ne s’oppose pas à la perception de droits d’enregistrement sur les acquisitions de terrains à bâtir, en cas de non-respect de l’engagement de construire dans un certain délai, dès lors, notamment, que ces droits ne constituent pas un impôt général puisqu’ils ne concernent que des biens immobiliers, cédés à titre onéreux, dont le transfert donne lieu à un certain nombre de formalités.

16      Selon le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña, cette jurisprudence n’est pas applicable à l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, dès lors que:

–        celui-ci s’applique en règle générale, et à l’instar de la TVA, aux transactions économiques susceptibles d’être inscrites dans un registre public, indépendamment de leur inscription effective, de telle sorte que tous les actes authentiques de vente d’immeubles dans lesquels l’acheteur est un entrepreneur sont assujettis aux deux impôts;

–        dans l’affaire examinée par la Cour, les droits d’enregistrement n’étaient perçus que lorsque l’immeuble s’intégrait dans le patrimoine du consommateur final, alors que, en l’espèce, l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, à l’instar de la TVA, est exigible dans le cadre du processus de production et de distribution des biens, en l’espèce, des immeubles acquis par une entreprise immobilière en vue de leur transformation et de leur mise en location ultérieure;

–        ces deux taxes sont exigibles à chaque stade du processus de production et de distribution.

17      La juridiction de renvoi considère que la jurisprudence du Tribunal Supremo, invoquée devant elle par le ministère public, n’est pas pertinente dans l’affaire au principal. En effet, cette jurisprudence serait relative à des opérations d’emprunt hypothécaire réalisées par des entrepreneurs ou par des professionnels. Dans un tel cas, l’assujetti à l’impôt en cause serait l’emprunteur, dont les activités de négoce n’incluent pas celle de recevoir de l’argent en prêt. Au contraire, dans l’affaire au principal, l’assujetti tant à la TVA qu’à la quote-part progressive de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires serait une entreprise dont l’activité de négoce consiste, et cela de manière principale, à acheter et à vendre des immeubles, activité soumise à l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires.

18      La juridiction de renvoi estime que le maintien de la partie progressive de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires est susceptible d’enfreindre l’article 33 de la sixième directive, dès lors qu’elle fait naître des inégalités en fonction des opérateurs économiques intervenant dans les opérations, qu’elle grève la circulation de biens assujettis à la TVA et non exonérés, qu’elle porte sur le même fait imposable que celui visé par la TVA et qu’elle constitue, par conséquent, une imposition supplémentaire s’ajoutant au montant de la TVA. L’impôt sur les actes juridiques instrumentaires s’appliquerait de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens et des services. Notamment, la quasi-totalité des ventes d’immeubles seraient constatées par actes authentiques notariés, lesquels seraient déjà soumis à la quote-part fixe. La quote-part progressive serait proportionnelle au prix du bien, sous réserve d’un contrôle de l’administration fiscale destiné à prévenir l’évasion fiscale, et serait exigible à chaque stade du processus de production et de distribution. La juridiction de renvoi reconnaît qu’il existe une différence essentielle entre la TVA et l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, à savoir l’impossibilité de déduire ce dernier. Cette différence ne constituerait cependant pas un obstacle à l’incompatibilité de cet impôt avec l’article 33 de la sixième directive mais, au contraire, confirmerait cette incompatibilité.

19      C’est dans ces conditions que le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le maintien de la quote-part progressive ou proportionnelle de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, lorsqu’elle s’applique à la conclusion d’un contrat de vente par un entrepreneur dont l’activité consiste en l’achat et la vente de biens immeubles ou en l’achat de ceux-ci en vue de leur transformation ou de leur mise en location ultérieure, est-il compatible avec l’article 33 de la sixième directive [...] sur la TVA, alors que ces deux impôts coïncident quant au fait imposable, à la base imposable et à l’assujetti, la TVA étant exigible simultanément en raison de cette même opération de vente?»

20      Conformément à l’article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence en cause.

21      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

 Sur la question préjudicielle

22      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il fait obstacle à la perception de la quote-part progressive ou proportionnelle de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, lorsqu’elle s’applique à la conclusion d’un contrat d’achat par un entrepreneur dont l’activité consiste en l’achat et la vente de biens immeubles ou en l’achat de ceux-ci en vue de leur transformation ou de leur mise en location ultérieure.

 Observations soumises à la Cour

23      La Generalidad de Cataluña et le gouvernement espagnol exposent que la finalité de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires est de grever les effets juridiques avantageux conférés par la consignation dans un document de certains actes ou opérations. Citant une jurisprudence constante du Tribunal Supremo, postérieure à l’arrêt rendu par cette juridiction en 1997 et visé dans la décision de renvoi, ils soulignent que le fait imposable est constitué par la constatation, dans des documents, d’actes juridiques, et non par les actes juridiques en eux-mêmes. Contrairement à ce que semble penser la juridiction de renvoi, le fait imposable serait donc différent de celui visé par la TVA, qui porte sur les livraisons de biens et les prestations de services.

24      La décision de renvoi serait fondée sur une autre prémisse erronée, à savoir l’identité d’assujettis. En effet, ainsi que le soulignent la Generalidad de Cataluña, le gouvernement espagnol et la Commission des Communautés européennes, l’assujetti à la TVA serait le vendeur de biens, alors que le redevable de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires serait l’acquéreur.

25      Le gouvernement espagnol indique qu’il n’y a pas non plus identité de bases d’imposition puisque, en matière de TVA, la base d’imposition est constituée par le prix payé en contrepartie du bien livré ou de la prestation fournie, alors que, dans le cas de la quote-part progressive de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires, cette base est constituée par la valeur déclarée, sous réserve du contrôle exercé par l’administration.

26      Selon le gouvernement espagnol, l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires ne répond pas aux caractéristiques de la TVA, telles que dégagées par la jurisprudence de la Cour. Notamment, il serait non pas, ainsi que le souligne également la Commission, un impôt d’application générale, mais un impôt qui ne concernerait qu’un secteur limité de l’activité juridique, à savoir celui des opérations portant sur des biens immobiliers. Par ailleurs, cet impôt ne grèverait pas uniquement la valeur ajoutée, par un système de déduction, mais, dépourvu de la neutralité propre à la TVA, serait appliqué en cascade, en grevant le montant intégral des ventes successives.

27      À titre subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait que l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires est contraire à l’article 33 de la sixième directive, le gouvernement espagnol demande à celle-ci de limiter dans le temps les effets de l’arrêt à intervenir.

 Réponse de la Cour

28      Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier si un impôt, un droit ou une taxe a le caractère de taxe sur le chiffre d’affaires, au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive, il y a notamment lieu de rechercher s’il a pour effet de compromettre le fonctionnement du système commun de la TVA en grevant la circulation des biens et des services, et en frappant les transactions commerciales d’une façon comparable à celle qui caractérise la TVA (arrêt du 11 octobre 2007, KÖGÁZ e.a., C-283/06 et C-312/06, Rec. p. I-8463, point 34 et jurisprudence citée).

29      La Cour a précisé, à cet égard, que doivent, en tout cas, être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d’une façon comparable à la TVA les impôts, les droits et les taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA, même s’ils ne sont pas en tous points identiques à celle-ci (arrêt KÖGÁZ e.a., précité, point 35 et jurisprudence citée).

30      En revanche, l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive ne s’oppose pas au maintien ou à l’introduction d’une taxe qui ne présenterait pas l’une des caractéristiques essentielles de la TVA (arrêt KÖGÁZ e.a., précité, point 36 et jurisprudence citée).

31      Ainsi que la Cour l’a dit pour droit au point 22 de l’arrêt du 8 juillet 1986, Kerrutt (73/85, Rec. p. 2219), l’article 33 de la sixième directive doit être interprété en ce sens que des impôts tels que ceux visés à cette disposition peuvent également être perçus lorsque leur perception peut conduire à un cumul avec la TVA pour une seule et même opération.

32      La Cour a précisé quelles sont les caractéristiques essentielles de la TVA. Il ressort de sa jurisprudence que celles-ci sont au nombre de quatre, à savoir l’application générale de la TVA aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; la fixation de son montant proportionnellement au prix perçu par l’assujetti en contrepartie des biens et des services qu’il fournit; la perception de cette taxe à chaque stade du processus de production et de distribution, y compris à celui de la vente au détail, quel que soit le nombre de transactions intervenues précédemment, et la déduction de la TVA due par un assujetti des montants acquittés lors des étapes précédentes du processus de production et de distribution, de telle sorte que cette taxe ne s’applique, à un stade donné, qu’à la valeur ajoutée à ce stade et que la charge finale de ladite taxe repose en définitive sur le consommateur (arrêt KÖGÁZ e.a., précité, point 37 et jurisprudence citée).

33      S’agissant de la première de ces caractéristiques, à savoir l’application générale de la TVA aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, il convient de constater que, selon les intéressés ayant présenté des observations, l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires porte sur la consignation par écrit de certains actes juridiques alors que, selon la juridiction de renvoi, qui se réfère à la jurisprudence relative à la directive 69/335, cet impôt pourrait être interprété comme portant sur les transactions elles-mêmes.

34      À cet égard, il importe de rappeler que l’article 11, sous b), de la directive 69/335, en cause dans l’arrêt FECSA et ACESA, précité, auquel la juridiction de renvoi fait référence, interdit l’imposition, sous quelque forme que ce soit, des emprunts contractés sous forme d’émission d’obligations ou autres titres négociables, quel qu’en soit l’émetteur, et de toutes les formalités y afférentes, ainsi que de la création, de l’émission, de l’admission en bourse, de la mise en circulation ou de la négociation de ces obligations ou autres titres négociables.

35      Eu égard à l’objectif de la directive 69/335, la Cour a interprété cette disposition en ce sens que l’interdiction de soumettre un emprunt obligataire à l’impôt s’étend à l’imposition du remboursement d’un tel emprunt ainsi qu’à l’impôt sur les actes notariés attestant le remboursement d’un emprunt.

36      En l’espèce, l’article 33 de la sixième directive ne s’oppose pas à la taxation de certains actes juridiques et de toutes formalités y afférentes, mais interdit les impôts, droits et taxes qui auraient le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires.

37      Il est donc indifférent que l’impôt porte sur des actes juridiques, ainsi que le soutient la juridiction de renvoi, ou sur la consignation par écrit de ceux-ci, ainsi que le font valoir les intéressés ayant déposé des observations. En effet, le contrôle qui doit être effectué en l’espèce vise à déterminer si l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires comporte l’une ou plusieurs des caractéristiques essentielles de la TVA mentionnées au point 32 du présent arrêt, auquel cas il serait contraire à l’article 33 de la sixième directive.

38      Or, ainsi que le soulignent l’ensemble des intéressés ayant présenté des observations et ainsi que l’expose elle-même la juridiction de renvoi, cet impôt ne porte que sur la passation d’actes notariés relatifs à certains actes juridiques spécifiés par la loi, essentiellement les transmissions d’immeubles. Ledit impôt ne saurait donc être considéré comme frappant d’une manière générale toutes les transactions ayant pour objet des biens ou des services.

39      À cet égard, il importe de relever que l’article 33 de la sixième directive n’établit pas de distinction entre les impôts qui ne seraient dus que par un consommateur final et ceux qui devraient être acquittés par un entrepreneur, par ailleurs assujetti à la TVA, pour une acquisition effectuée dans le cadre de son activité professionnelle.

40      Il s’ensuit que la jurisprudence issue de l’arrêt Beaulande, précité, d’où il résulte que le point déterminant est celui de savoir si l’impôt constitue un impôt général, est pertinente aux fins de vérifier si l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires possède les caractéristiques d’une taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33 de la sixième directive.

41      À cet égard, même si cet impôt frappe toutes les transactions économiques susceptibles d’être inscrites dans un registre public, il n’en reste pas moins que, comme dans la situation décrite dans ledit arrêt, cet impôt ne frappe pas d’une manière générale toutes les transactions ayant pour objet des biens ou des services.

42      Par conséquent, ce même impôt ne satisfait pas à la première des caractéristiques mentionnées au point 32 du présent arrêt.

43      Au surplus, cet impôt n’est pas perçu dans le cadre d’un processus de production et de distribution prévoyant que, à chaque stade de celui-ci, peuvent être déduits de l’impôt les montants acquittés lors des étapes précédentes dudit processus. En effet, il s’agit d’un impôt perçu uniquement lorsqu’un bien immobilier entre dans le patrimoine d’un acquéreur, portant, non pas sur la valeur ajoutée à ce bien, mais, selon l’article 30, paragraphe 1, de la loi relative à l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires, sur la valeur déclarée, sous réserve d’une vérification effectuée par l’administration, sans possibilité de déduction de la taxe acquittée en raison d’une éventuelle transaction antérieure.

44      Il s’ensuit que cet impôt ne présente pas non plus les autres caractéristiques de la TVA.

45       Il résulte de l’ensemble des éléments examinés qu’une taxe présentant des caractéristiques telles que celles de l’impôt en cause au principal se distingue de la TVA d’une manière telle qu’elle ne saurait être qualifiée de taxe ayant le caractère d’une taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive.

46      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à la perception de la quote-part progressive ou proportionnelle de l’impôt sur les actes juridiques instrumentaires lorsqu’elle s’applique à la conclusion d’un contrat d’achat par un entrepreneur dont l’activité consiste en l’achat et la vente de biens immeubles ou en l’achat de ceux-ci en vue de leur transformation ou de leur mise en location ultérieure.

 Sur les dépens

47      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens qu’il ne fait pas obstacle à la perception de la quote-part progressive ou proportionnelle de l’impôt sur les transmissions patrimoniales et les actes juridiques instrumentaires lorsqu’elle s’applique à la conclusion d’un contrat d’achat par un entrepreneur dont l’activité consiste en l’achat et la vente de biens immeubles ou en l’achat de ceux-ci en vue de leur transformation ou de leur mise en location ultérieure.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.