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Affaire C-58/09

Leo-Libera GmbH

contre

Finanzamt Buchholz in der Nordheide

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesfinanzhof)

«Demande de décision préjudicielle — Taxe sur la valeur ajoutée — Directive 2006/112/CE — Article 135, paragraphe 1, sous i) — Exonération des paris, loteries et autres jeux de hasard ou d’argent — Conditions et limites — Pouvoir de détermination des États membres»

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Exonérations — Exonération des paris, loteries et autres jeux de hasard ou d'argent

(Directive du Conseil 2006/112, art. 135, § 1, i))

L’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que l’exercice de la faculté dont disposent les États membres pour fixer des conditions et limites à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par cette disposition permet à ceux-ci de n’exonérer de cette taxe que certains jeux de hasard ou d’argent.

En effet, cette disposition laisse une large marge d’appréciation aux États membres quant à l’exonération ou à la taxation des opérations concernées dès lors qu’elle permet auxdits États de fixer les conditions et les limites auxquelles le bénéfice de cette exonération peut être subordonné. Son libellé ne contient, par ailleurs, aucun élément permettant d’inférer que le législateur communautaire aurait entendu mettre en place une restriction d’ordre quantitatif de quelque nature que ce fût afin, notamment, d’assurer qu’au moins 50 % des jeux de hasard et d’argent exploités et organisés dans un État membre ou au moins 50 % du chiffre d’affaires généré par l’exploitation et l’organisation de ces jeux puissent relever de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée qui y est visée. Par ailleurs, le principe de neutralité fiscale, selon lequel des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, ne doivent pas être traitées de façon différente du point de vue de la taxe sur la valeur ajoutée, ne s’oppose pas à une telle réglementation. En effet, ledit principe ne saurait, sous peine de priver de tout effet utile l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 et la large marge d’appréciation que cette disposition reconnaît aux États membres, être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une forme de jeu de hasard ou d’argent soit exonérée du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée alors qu’une autre forme de jeu ne l’est pas, pour autant toutefois que les deux formes de jeux ne soient pas en concurrence entre elles.

(cf. points 26-27, 34-35, 39 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

10 juin 2010 (*)

«Demande de décision préjudicielle – Taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Article 135, paragraphe 1, sous i) – Exonération des paris, loteries et autres jeux de hasard ou d’argent – Conditions et limites – Pouvoir de détermination des États membres»

Dans l’affaire C-58/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 17 décembre 2008, parvenue à la Cour le 11 février 2009, dans la procédure

Leo-Libera GmbH

contre

Finanzamt Buchholz in der Nordheide,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. E. Levits, A. Borg Barthet, J.-J. Kasel (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mars 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Leo-Libera GmbH, par Me B. Hansen, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma, C. Blaschke et B. Klein, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes L. Van den Broeck et C. Pochet, en qualité d’agents, assistés de Mes P. Vlaemminck, Y. T’Jampens et A. Hubert, advocaten,

–        pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Me N. Travers, BL,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Ossowski, en qualité d’agent, assisté de Mme N. Shaw, barrister,

–        pour la Commission européenne, par M. D. Triantafyllou, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO L 347, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Leo-Libera GmbH (ci-après «Leo-Libera») au Finanzamt Buchholz in der Nordheide (administration fiscale allemande, ci-après le «Finanzamt»), au sujet de la soumission à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») des recettes résultant de l’organisation de jeux de hasard au moyen de machines à sous.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        L’article 131 de la directive 2006/112 dispose:

«Les exonérations prévues aux chapitres 2 à 9 s’appliquent sans préjudice d’autres dispositions communautaires et dans les conditions que les États membres fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple desdites exonérations et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels.»

4        L’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 prévoit:

«Les États membres exonèrent les opérations suivantes:

[…]

i)      les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d’argent, sous réserve des conditions et limites déterminées par chaque État membre».

5        Avant l’entrée en vigueur de la directive 2006/112, la disposition pertinente du droit communautaire était l’article 13, B, sous f), de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires − Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»). Les articles 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 et 13, B, sous f), de la sixième directive sont libellés de façon identique.

 La réglementation nationale

6        L’article 1er, paragraphe 1, point 1, première phrase, de la loi relative à la taxe sur le chiffre d’affaires (Umsatzsteuergesetz 2005, BGBl. 2005 I, p. 386), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’«UStG»), prévoit que «les livraisons et autres prestations effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un entrepreneur dans le cadre de son entreprise» sont soumises à la TVA.

7        Jusqu’au 5 mai 2006, l’article 4, point 9, sous b), de cette loi disposait que, parmi les opérations relevant de l’article 1er, paragraphe 1, point 1, étaient exonérées:

«les opérations entrant dans le champ de la loi sur les loteries et paris hippiques, ainsi que celles qu’effectuent les casinos publics agréés et qui sont liées à leur activité de casino. Ne bénéficient pas de cette exonération les opérations qui relèvent de la loi sur les loteries et paris hippiques et qui sont exonérées de la taxe sur les loteries et paris hippiques ou sur lesquelles cette taxe n’est de façon générale pas perçue».

8        À la suite de l’arrêt du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis (C-453/02 et C-462/02, Rec. p. I-1131), l’article 4, point 9, sous b), de l’Umsatzsteuergesetz 2005 a été modifié [Gesetz zur Eindämmung missbräuchlicher Steuergestaltungen (StEindämmG), du 28 avril 2006 (BGBl. 2006 I, p. 1095)] avec effet au 6 mai 2006. Sont désormais exonérées de la TVA:

«les opérations entrant dans le champ de la loi sur les loteries et paris hippiques. Ne bénéficient pas de cette exonération les opérations qui relèvent de la loi sur les loteries et paris hippiques et qui sont exonérées de la taxe sur les paris hippiques et les loteries ou sur lesquelles cette taxe n’est de façon générale pas perçue».

9        Conformément à l’application combinée de l’UStG et de la loi sur les paris hippiques et les loteries [Rennwett- und Lotteriegesetz (ci-après le «RennwLottG»)], sont exonérés de la TVA les paris sur les épreuves hippiques publiques («paris hippiques»), les paris à cote fixe («paris oddset»), les loteries et les tirages.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Leo-Libera exploite une salle de jeux équipée de machines à sous. Dans sa déclaration de TVA pour le mois de janvier 2007, elle a déclaré les opérations y afférentes. À la suite de la fixation de son acompte provisionnel par le Finanzamt, elle a introduit une réclamation contre cette fixation en faisant valoir que lesdites opérations étaient exonérées de TVA. Elle a en effet considéré que la modification apportée à l’article 4, point 9, sous b), Umsatzsteuergesetz 2005 par le StEindämmG était contraire au droit communautaire.

11      Le Finanzamt ayant rejeté cette réclamation comme étant non fondée, Leo-Libera a introduit un recours devant le Finanzgericht. Ce dernier a rejeté ce recours au motif que les opérations en cause n’étaient pas exonérées en application de l’article 4, point 9, sous b), de l’UStG. Les seules opérations exonérées au titre de cette disposition seraient celles relevant du RennwLottG. Or, les opérations afférentes aux machines à sous ne feraient pas partie de la catégorie des opérations exonérées. Cette juridiction a ajouté que l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 permet aux États membres de prévoir des exceptions à l’exonération fiscale.

12      À l’appui de son recours en «Revision» formé devant le Bundesfinanzhof, Leo-Libera soutient que, conformément à l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112, un État membre ne peut pas exonérer de la TVA uniquement les paris et loteries, mais doit exonérer également de cette taxe les «autres jeux de hasard ou d’argent». Certes, les législateurs nationaux seraient habilités à subordonner cette exonération à des conditions et à des limites. Toutefois, ils seraient empêchés de taxer de manière générale les «autres jeux de hasard et d’argent». Or, dans la mesure où la réglementation allemande soumettrait à la TVA environ 63 % de l’ensemble des opérations de jeux de hasard se déroulant sur le territoire de cet État membre, seule une minorité des opérations bénéficierait encore de l’exonération prévue par la directive 2006/112. La réglementation nationale ne serait dès lors pas conforme au droit communautaire. De surcroît, cette réglementation violerait le principe de neutralité fiscale puisqu’elle mettrait les exploitants de machines à sous dans une situation défavorable par rapport aux casinos publics, ces derniers pouvant répercuter la TVA sur les joueurs.

13      Le Bundesfinanzhof émet des doutes quant à la conformité avec le droit communautaire de l’article 4, point 9, sous b), de l’UStG. En effet, cette juridiction considère que, en vertu de l’article 13, B, sous f), de la sixième directive, tel qu’interprété par la Cour, l’organisation et l’exploitation des jeux d’argent et de hasard doivent en principe être exonérées de la TVA. La même conclusion s’imposerait au regard de l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 puisque le libellé des deux dispositions communautaires en question est identique.

14      Or, l’article 4, point 9, sous b), de l’UStG réserverait cette exonération à un nombre limité de jeux, à savoir les loteries et les paris, alors que ceux-ci ne représentent qu’une partie minoritaire de l’ensemble des opérations de jeux effectuées sur le territoire allemand et du chiffre d’affaires produit par cette activité sur ce même territoire.

15      La juridiction de renvoi se demande partant si, lors de sa réforme législative de 2006, le législateur allemand n’a pas outrepassé la marge de manœuvre que lui reconnaît le droit communautaire.

16      Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 […] doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont autorisés à instituer une réglementation prévoyant que seuls certains paris (hippiques) et loteries sont exonérés de la taxe, l’ensemble des ‘autres jeux de hasard ou d’argent’ étant exclus de l’exonération?»

 Sur la demande de réouverture de la procédure orale

17      Par requête déposée au greffe de la Cour le 17 mars 2010, Leo-Libera a demandé la réouverture de la procédure orale, en application de l’article 61 du règlement de procédure.

18      À cet égard, il convient de rappeler que la Cour peut ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle considère qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (arrêts du 10 février 2000, Deutsche Post, C-270/97 et C-271/97, Rec. p. I-929, point 30, ainsi que du 18 juin 2002, Philips, C-299/99, Rec. p. I-5475, point 20).

19      En l’espèce, la Cour considère, l’avocat général entendu, qu’elle dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la demande préjudicielle qui lui est soumise et que celle-ci ne doit pas être examinée au regard d’un argument qui n’a pas été débattu devant elle.

20      Par conséquent, il convient de rejeter la demande tendant à ce qu’une telle réouverture soit ordonnée.

 Sur la question préjudicielle

21      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que l’exercice de la faculté dont disposent les États membres pour fixer des conditions et limites à l’exonération de la TVA prévue par cette disposition permet à ceux-ci de n’exonérer de la TVA que certains jeux de hasard ou d’argent.

22      En vue de répondre à cette question, il y a lieu de relever, d’emblée, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que les termes employés pour désigner des exonérations telles que celles visées à l’article 135, paragraphe 1, de la directive 2006/112 sont d’interprétation stricte, étant donné que ces exonérations constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque prestation de services effectuée à titre onéreux par un assujetti (voir, par analogie en ce qui concerne la sixième directive, arrêt du 13 juillet 2006, United Utilities, C-89/05, Rec. p. I-6813, point 21).

23      Au surplus, l’interprétation des termes utilisés par cette disposition doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA (voir, par analogie, arrêt United Utilities, précité, point 22).

24      S’agissant plus particulièrement des paris, loteries et autres jeux de hasard, il convient de rappeler que l’exonération dont ils bénéficient est motivée par des considérations d’ordre pratique, les opérations de jeux de hasard se prêtant mal à l’application de la TVA et non pas, comme tel est le cas pour certaines prestations de services d’intérêt général accomplies dans le secteur social, par la volonté d’assurer, à ces activités, un traitement plus favorable en matière de TVA (arrêt United Utilities, précité, point 23).

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si les États membres peuvent valablement restreindre le champ d’application de l’exonération de la TVA prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 de telle manière que seule une part minoritaire, déterminée en fonction soit du nombre de jeux autorisés, soit du chiffre d’affaires que ces jeux génèrent, des jeux de hasard et d’argent organisés sur le territoire desdits États puisse bénéficier de cette exonération.

26      À cet égard, il convient, d’abord, de relever qu’il résulte des termes mêmes de l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 que cette disposition a laissé une large marge d’appréciation aux États membres quant à l’exonération ou à la taxation des opérations concernées dès lors qu’elle permet auxdits États de fixer les conditions et les limites auxquelles le bénéfice de cette exonération peut être subordonné.

27      Force est, ensuite, de constater que le libellé de l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 ne contient aucun élément permettant d’inférer que le législateur communautaire aurait entendu mettre en place une restriction d’ordre quantitatif de quelque nature que ce fût afin, notamment, d’assurer qu’au moins 50 % des jeux de hasard et d’argent exploités et organisés dans un État membre ou au moins 50 % du chiffre d’affaires généré par l’exploitation et l’organisation de ces jeux puissent relever de l’exonération de la TVA qui y est visée.

28      Dans ce contexte, la circonstance que la Cour a itérativement jugé que l’organisation et l’exploitation des jeux et appareils de jeux de hasard doivent être exonérées, en principe, de la TVA (voir, notamment, arrêts du 11 juin 1998, Fischer, C-283/95, Rec. p. I-3369, point 25, ainsi que Linneweber et Akritidis, précité, point 23), ne saurait, eu égard à l’objectif poursuivi par l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 ainsi qu’à l’économie générale à la base de cette même directive, être comprise comme remettant en cause cette constatation.

29      En effet, s’agissant, en premier lieu, de la finalité de l’exonération en question, il convient de rappeler que, en matière de jeux de hasard et d’argent, les États membres non seulement sont libres de déterminer les conditions et les limites de l’exonération prévue à l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 (arrêts précités Fischer, point 25, ainsi que Linneweber et Akritidis, point 23), mais disposent également d’un pouvoir d’appréciation qui leur permet d’interdire totalement ou partiellement des activités de cette nature ou de les restreindre et de prévoir à cet effet des modalités de contrôle plus ou moins strictes (arrêts du 24 mars 1994, Schindler, C-275/92, Rec. p. I-1039, point 61, et du 21 septembre 1999, Läärä e.a., C-124/97, Rec. p. I-6067, point 35).

30      Il s’ensuit, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 47 de ses conclusions, qu’un État membre peut être amené à restreindre, sur son territoire, l’offre des jeux de hasard ou d’argent à des formes de jeux qui se prêtent à l’application de la TVA de telle sorte que les considérations d’ordre pratique qui sont, ainsi qu’il a été rappelé au point 24 du présent arrêt, à la base de l’exonération, ne trouvent pas à s’appliquer à leur égard.

31      Une interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 selon laquelle cette disposition, ainsi que le fait valoir Leo Libera, obligerait néanmoins un État membre ayant opté pour une approche telle que celle décrite au point précédent à exonérer du paiement de la TVA au moins 50 % des jeux autorisés et/ou les formes de tels jeux générant au moins 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur le marché national de l’ensemble des jeux de hasard et d’argent serait donc manifestement contraire tant à l’objectif poursuivi par le législateur communautaire qu’au principe, rappelé au point 22 du présent arrêt, selon lequel les dispositions dérogatoires au principe général sont d’interprétation stricte.

32      En ce qui concerne, en second lieu, l’économie de la directive 2006/112, il y a lieu de relever que, dans la mesure où il est constant que le volume des chiffres d’affaires respectivement réalisés par les jeux exonérés de la TVA et ceux qui ne le sont pas peuvent connaître des variations importantes dans le temps, l’exonération de la TVA dont bénéficie une certaine forme de jeux de hasard ou d’argent pourrait, dans l’hypothèse où l’interprétation préconisée par Leo-Libera serait retenue, être tour à tour conforme ou contraire à l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112.

33      Une telle interprétation serait ainsi non seulement de nature à engendrer une insécurité juridique non négligeable, mais également contraire à l’esprit de l’article 131 de cette directive, qui exige que les exonérations de la TVA soient appliquées de manière correcte et simple (voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Turn- und Sportunion Waldburg, C-246/04, Rec. p. I-589, point 31).

34      Il convient, enfin, d’ajouter que, contrairement à ce qu’a fait valoir Leo-Libera, le principe de neutralité fiscale, selon lequel des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, ne doivent pas être traitées de façon différente du point de vue de la TVA, ne s’oppose pas davantage à une réglementation telle que celle en cause au principal.

35      En effet, ce principe ne saurait, sous peine de priver l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 et la large marge d’appréciation que cette disposition reconnaît aux États membres de tout effet utile, être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une forme de jeu de hasard ou d’argent soit exonérée du paiement de la TVA alors qu’une autre forme de jeu ne l’est pas, pour autant toutefois que les deux formes de jeux ne soient pas en concurrence entre elles.

36      Or, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, la réglementation nationale en cause au principal ne traite pas de manière différente, du point de vue de la TVA, des jeux de hasard ou d’argent semblables pouvant être considérés comme se trouvant en concurrence entre eux.

37      La circonstance que les jeux de hasard ou d’argent exonérés du paiement de la TVA ne constituent, tel que dans l’affaire au principal, qu’une part minoritaire des jeux autorisés sur le territoire national et/ou ne génèrent qu’une partie minoritaire du chiffre d’affaires total réalisé dans le domaine des jeux sur ce même territoire n’est donc pas pertinente au regard du principe de neutralité fiscale.

38      De même, et contrairement à ce qu’a fait valoir Leo-Libera, est dépourvu de pertinence au regard dudit principe le fait que le montant d’une taxe non harmonisée sur les jeux, dont certains organisateurs et exploitants de jeux de hasard et d’argent assujettis à la TVA sont également redevables, soit modulé en fonction de la TVA due au titre de cette activité, puisque le principe de neutralité fiscale n’a pas vocation à s’appliquer à une telle taxe (voir, en ce sens, arrêt Fischer, précité, point 30).

39      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112 doit être interprété en ce sens que l’exercice de la faculté dont disposent les États membres pour fixer des conditions et limites à l’exonération de la TVA prévue par cette disposition permet à ceux-ci de n’exonérer de cette taxe que certains jeux de hasard ou d’argent.

 Sur les dépens

40      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 135, paragraphe 1, sous i), de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens que l’exercice de la faculté dont disposent les États membres pour fixer des conditions et limites à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par cette disposition permet à ceux-ci de n’exonérer de cette taxe que certains jeux de hasard ou d’argent.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.