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Affaire C-70/09

Alexander Hengartner
et
Rudolf Gasser

contre

Landesregierung Vorarlberg

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Verwaltungsgerichtshof (Autriche))

«Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes — Location d’un lot de chasse — Taxe régionale — Notion d’activité économique — Principe d’égalité de traitement»

Sommaire de l'arrêt

1.        Libre prestation des services — Services — Notion

2.        Accords internationaux — Accord CE-Suisse sur la libre circulation des personnes — Libre prestation des services

(Accord CE-Suisse sur la libre circulation des personnes, art. 1er, 2 et 15 et annexes I, II et III)

1.        Dès lors qu'une obligation contractuelle consiste en la mise à disposition des parties, contre rémunération et sous certaines conditions, d'une circonscription territoriale située dans un État membre pour y pratiquer la chasse, le contrat de location porte sur une prestation de services. Il présente, en outre, un caractère transfrontalier lorsque les locataires sont de nationalité suisse. De tels locataires doivent être considérés comme des destinataires d'un service, qui consiste en l'octroi de la jouissance, contre rémunération, d'un droit de chasse dans ledit espace territorial et limité dans le temps.

(cf. points 31-33)

2.        Les dispositions de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, ne s’opposent pas à ce qu’un ressortissant de l’une des parties contractantes soit soumis, sur le territoire de l’autre partie, en tant que destinataire de services, à un traitement différent de celui réservé aux personnes ayant leur résidence principale sur ledit territoire, aux citoyens de l’Union ainsi qu’aux personnes qui leur sont assimilées en vertu du droit de l’Union, au regard de la perception d’une taxe due pour une prestation de services, telle que la mise à disposition d’un droit de chasse.

En effet, si l’article 2 de l’accord traite du principe de non-discrimination, il prohibe, en revanche, de manière générale et absolue, non pas toute discrimination des ressortissants de l’une des parties contractantes qui séjournent sur le territoire de l’autre partie, mais uniquement les discriminations exercées en raison de la nationalité et pour autant que la situation de ces ressortissants relève du champ d’application matériel des dispositions des annexes I à III de cet accord. L’accord et ses annexes ne comportent aucune règle spécifique visant à faire bénéficier les destinataires de services du principe de non-discrimination dans le cadre de l’application de réglementations fiscales relatives aux transactions commerciales ayant pour objet une prestation de services. Par ailleurs, étant donné que la Confédération suisse n’a pas adhéré au marché intérieur de la Communauté qui vise à lever tous les obstacles pour créer un espace de liberté de circulation totale analogue à celui offert par un marché national, qui comprend, en outre, la libre prestation de services et la liberté d’établissement, l’interprétation donnée aux dispositions du droit de l’Union concernant ce marché intérieur ne peut être automatiquement transposée à l’interprétation de l’accord, sauf dispositions expresses à cet effet prévues par l’accord lui-même.

(cf. points 39-43 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

15 juillet 2010 (*)

«Accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes – Location d’un lot de chasse – Taxe régionale – Notion d’activité économique – Principe d’égalité de traitement»

Dans l’affaire C-70/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche), par décision du 21 janvier 2009, parvenue à la Cour le 17 février 2009, dans la procédure

Alexander Hengartner,

Rudolf Gasser

contre

Landesregierung Vorarlberg,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 janvier 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour MM. Hengartner et Gasser, par Me. A. Wittwer, Rechtsanwalt,

–        pour la Vorarlberger Landesregierung, par M. J. Müller, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par MM. E. Riedl, E. Pürgy et W. Hämmerle, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Mölls et T. Scharf, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 mai 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de dispositions de l’annexe I de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999 (JO 2002, L 114, p. 6).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige qui oppose MM. Hengartner et Gasser, ressortissants suisses, à la Landesregierung Vorarlberg (gouvernement du Land du Vorarlberg), au sujet de la perception d’une taxe sur la chasse alors qu’il a été fait application, à l’égard de ces derniers, d’un taux d’imposition plus élevé que celui auquel sont soumis, notamment, les ressortissants de l’Union européenne.

 Le cadre juridique

 L’accord sur la libre circulation des personnes

3        La Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, ont signé le 21 juin 1999 sept accords, dont l’accord sur la libre circulation des personnes (ci-après l’«accord»). Par décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission, du 4 avril 2002 (JO L 114, p. 1), ces sept accords ont été approuvés au nom de la Communauté, et sont entrés en vigueur le 1er juin 2002.

4        L’accord vise, entre autres, conformément à son article 1er, sous a) et b), à octroyer, en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Confédération suisse, un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes ainsi qu’à faciliter la prestation de services sur le territoire des parties contractantes, en particulier celle de courte durée.

5        L’article 2 dudit accord, intitulé «Non-discrimination», prévoit:

«Les ressortissants d’une partie contractante qui séjournent légalement sur le territoire d’une autre partie contractante ne sont pas, dans l’application et conformément aux dispositions des annexes I, II et III de cet accord, discriminés en raison de leur nationalité.»

6        L’article 4 de l’accord, intitulé «Droit de séjour et d’accès à une activité économique», énonce:

«Le droit de séjour et d’accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l’article 10 et conformément aux dispositions de l’annexe I.»

7        L’article 5 de l’accord comporte des dispositions relatives à la prestation de services. Conformément à son paragraphe 3, les «personnes physiques ressortissantes d’un État membre de la Communauté européenne ou de la Suisse qui ne se rendent sur le territoire d’une des parties contractantes qu’en tant que destinataires de services bénéficient du droit d’entrée et de séjour». Le paragraphe 4 dudit article précise que les droits visés par cet article 5 sont garantis conformément aux dispositions des annexes I à III de l’accord.

8        Selon l’article 15 de l’accord, les annexes et les protocoles de l’accord en font partie intégrante.

9        L’article 16 de l’accord, intitulé «Référence au droit communautaire», est libellé comme suit:

«1.      Pour atteindre les objectifs visés par le présent accord, les parties contractantes prendront toutes les mesures nécessaires pour que les droits et obligations équivalant à ceux contenus dans les actes juridiques de la Communauté européenne auxquels il est fait référence trouvent application dans leurs relations.

2.      Dans la mesure où l’application du présent accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature du présent accord sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’accord, à la demande d’une partie contractante, le comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence.»

10      L’article 17 de l’annexe I de l’accord interdit, dans les cas prévus à l’article 5 de l’accord, toute restriction à une prestation de services transfrontalière sur le territoire d’une autre partie contractante ne dépassant pas 90 jours de travail effectif par année civile, ainsi que, sous certaines conditions, toute restriction relative à l’entrée et au séjour.

11      L’article 23 de l’annexe I de l’accord est libellé comme suit:

«1.      Le destinataire de services visé à l’article 5, paragraphe 3, du présent accord n’a pas besoin de titre de séjour pour des séjours inférieurs ou égaux à trois mois. Pour des séjours supérieurs à trois mois, le destinataire de services reçoit un titre de séjour d’une durée égale à celle de la prestation. Il peut être exclu de l’aide sociale pendant la durée de son séjour.

2.      Le titre de séjour est valable pour l’ensemble du territoire de l’État qui l’a délivré.»

 La réglementation nationale

12      L’article 2 de la loi du Land du Vorarlberg sur la chasse (Vorarlberger Gesetz über das Jagdwesen, LGBl. 32/1988), dans sa version applicable aux faits de l’affaire au principal (LGBl. 54/2008), prévoit:

«Contenu et exercice du droit de chasse

1.      Le droit de chasse constitue le fondement de tout exercice de la chasse. Il est lié à la propriété foncière et englobe le droit de gérer, de chasser et de s’approprier le gibier.

2.      Le propriétaire foncier ne peut disposer de son droit de chasse que dans la mesure où ses terres forment un territoire de chasse privé (titulaire d’un droit de chasse privée). La capacité de disposer du droit de chasse sur toutes les autres terres appartient à des sociétés de chasse.

3.      Les titulaires du droit de chasse (paragraphe 2) doivent soit faire eux-mêmes un usage cynégétique de leurs territoires de chasse, soit en transférer la jouissance à des locataires (titulaires du droit de jouissance de la chasse).»

13      L’article 20 de ladite loi est libellé comme suit:

«Location d’un lot de chasse

1.      La location d’un lot de chasse peut s’effectuer de gré à gré, par adjudication publique ou par enchères publiques. Dans le cadre de la location du lot de chasse, les titulaires du droit de chasse doivent veiller à un exercice du droit de chasse conforme aux principes de l’article 3.

2.      La durée de la location du lot de chasse doit être de six ans pour la zone de chasse d’une société de chasse et de six ou douze ans pour les zones de chasse privées. S’il est mis fin à la location du lot de chasse de manière anticipée, le lot de chasse ne peut être reloué que pour la durée restante du bail.

3.      Le contrat de location d’un lot de chasse doit être conclu par écrit. Il doit contenir toutes les conventions relatives à l’exercice du droit de chasse, y compris les éventuelles dispositions accessoires telles que celles relatives à la constitution d’une caution, à des taux minimaux d’indemnisation pour les dégâts causés par le gibier, ou à la construction, l’utilisation ou la reprise d’installations de chasse. Les conventions qui ne figurent pas dans le contrat de location d’un lot de chasse sont réputées non conclues. Le contrat de location d’un lot de chasse doit en tout cas indiquer les noms du titulaire du droit de chasse et du locataire, la description, la situation et la superficie du lot de chasse, le début et la fin du bail ainsi que le montant du loyer.

4.      Avant la location d’une zone de chasse privée qui couvre des terres d’un autre propriétaire ayant une superficie supérieure à 10 hectares, le titulaire du droit de chasse privée doit consulter le propriétaire de ces terres.

5.      Le titulaire du droit de chasse est tenu de soumettre à l’autorité compétente, pour examen, le contrat de location du lot de chasse, au plus tôt un an et au plus tard un mois avant le début du bail. Le contrat de location du lot de chasse prend effet à la date convenue si l’autorité compétente n’a pas soulevé d’objections à son encontre dans un délai d’un mois ou s’il a été remédié aux problèmes qui ont motivé ses objections dans un délai raisonnable qu’il convient de fixer. Ces dispositions s’appliquent également aux modifications des contrats de location de lots de chasse en vigueur.

6.      Le gouvernement du Land adoptera des dispositions détaillées sur la procédure de location d’un lot de chasse dans un arrêté.»

14      Conformément à l’article 1er de la loi du Land du Vorarlberg relative à la perception d’une taxe sur la chasse (Vorarlberger Gesetz über die Erhebung einer Jagdabgabe, LGBl. 28/2003, ci-après le «Vlbg. JagdAbgG»), une taxe doit être versée pour l’exercice du droit de chasse. En vertu de l’article 2 de ladite loi, sont assujettis à cette taxe la personne titulaire du droit de chasse et, en cas de transfert du droit de chasse à des locataires, ces derniers.

15      L’article 3 du Vlbg. JagdAbgG détermine l’assiette de la taxe comme suit:

«1.      Pour les chasses louées, la taxe est déterminée en fonction du loyer annuel, augmenté, le cas échéant, de la valeur des prestations accessoires convenues contractuellement. Les dépenses relatives à la surveillance de la chasse ainsi qu’aux dommages causés par la chasse et le gibier ne sont pas considérées comme des prestations accessoires.

2.      Pour les chasses non louées, la taxe est déterminée en fonction du montant qui, en cas de location, pourrait être obtenu en tant que loyer annuel.

3.      Si, pour une chasse louée, le loyer annuel, augmenté, le cas échéant, de la valeur des prestations accessoires convenues contractuellement, est nettement inférieur au montant qui pourrait être obtenu dans le cas d’une location, la taxe est déterminée de la même manière que pour les chasses non louées.

[…]»

16      Selon l’article 4, paragraphe 1, du Vlbg. JagdAbgG, la taxe s’élève à 15 % de l’assiette de celle-ci pour les personnes ayant leur résidence principale en Autriche, pour les citoyens de l’Union, ainsi que pour les personnes physiques ou morales qui leur sont assimilées en vertu du droit de l’Union. D’après l’article 4, paragraphe 2, de cette loi, la taxe s’élève à 35 % de l’assiette de celle-ci pour toutes les autres personnes.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

17      Le 8 janvier 2002, MM. Hengartner et Gasser, ressortissants suisses, ont conclu avec une société de chasse un contrat de location d’un lot de chasse situé en Autriche pour une durée de six ans, sur la période allant du 1er avril 2002 au 31 mars 2008. Le loyer annuel a été fixé à 10 900 euros, le lot de chasse loué ayant une superficie de 1 598 hectares.

18      Il ressort du dossier soumis à la Cour que les requérants au principal se retrouvent régulièrement sur le territoire du Land du Vorarlberg pour y chasser.

19      Par décision du 16 avril 2002, l’administration compétente dudit Land a approuvé la nomination de deux personnes devant remplir les fonctions d’autorité de protection de la chasse pour la durée du contrat de location desdits requérants.

20      Par décision de l’administration des contributions du Land du Vorarlberg du 1er avril 2007, les requérants au principal se sont vu imposer une taxe sur la chasse s’élevant à 35 % de l’assiette de celle-ci, soit 4 359 euros, pour la campagne de chasse allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008. Ces derniers ont alors introduit une réclamation contre cette décision.

21      Par décision du 17 octobre 2007, ladite administration des contributions a rejeté cette réclamation en faisant valoir que l’application du taux d’imposition plus élevé était conforme à la réglementation nationale. Dans cette décision, il a été souligné que les dispositions de l’accord n’étaient pas applicables à l’exercice de la chasse et aux taxes qui y sont liées.

22      Les requérants au principal ont alors saisi le Verwaltungsgerichtshof en invoquant essentiellement une violation des droits à la liberté d’établissement et à l’égalité de traitement avec les citoyens de l’Union. Ils ont exposé que, à l’instar de la pêche ou de l’agriculture, la chasse constitue une activité économique, notamment dans les conditions de l’affaire au principal où le gibier abattu est vendu en Autriche. Par conséquent, l’administration des contributions du Land du Vorarlberg aurait dû appliquer un taux d’imposition de 15 % pour éviter une discrimination en raison de la nationalité.

23      Ladite administration des contributions a soutenu que la chasse devait être considérée comme un sport qui n’a pas pour objectif l’obtention durable de recettes.

24      Le Verwaltungsgerichtshof a alors décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Lorsque le titulaire d’un droit de chasse vend sur le territoire national le gibier qu’il a abattu, l’exercice de la chasse constitue-t-il une activité non salariée au sens de l’article 43 CE, même si, dans l’ensemble, cette activité ne vise pas à produire un bénéfice?»

 Sur la question préjudicielle

 Sur l’applicabilité de l’article 43 CE

25      À titre liminaire, il convient de préciser que si, par sa question, la juridiction de renvoi évoque explicitement l’article 43 CE (devenu article 49 TFUE), les règles du traité CE en matière de liberté d’établissement peuvent uniquement être invoquées par un ressortissant d’un État membre de l’Union qui veut s’établir sur le territoire d’un autre État membre, ou bien par un ressortissant de ce même État qui se trouve dans une situation qui présente un facteur de rattachement avec l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 1992, Ferrer Laderer, C-147/91, Rec. p. I-4097, point 7).

26      Dans ces conditions, les règles du traité en matière de liberté d’établissement ne sauraient s’appliquer à un ressortissant d’un État tiers, comme la Confédération suisse.

27      Toutefois, afin de fournir à la juridiction de renvoi des éléments d’interprétation susceptibles de lui être utiles, la Cour peut prendre en considération des normes de l’ordre juridique de l’Union auxquelles la juridiction dont il s’agit n’a pas fait référence dans le libellé de sa question préjudicielle (voir arrêts du 12 décembre 1990, SARPP, C-241/89, Rec. p. I-4695, point 8, et du 26 février 2008, Mayr, C-506/06, Rec. p. I-1017, point 43).

28      Eu égard au cadre factuel et juridique de l’affaire au principal, il convient par conséquent d’examiner la question posée sous l’angle des dispositions de l’accord.

 Sur l’interprétation de l’accord

29      Par sa question, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si les dispositions de l’accord s’opposent à la perception, par un État membre, auprès de ressortissants de nationalité suisse, d’une taxe régionale lorsqu’il est fait application, à l’égard de ces derniers, d’un taux d’imposition plus élevé que celui auquel sont soumis, notamment, les ressortissants des États membres de l’Union.

30      La Cour est, dès lors, appelée à examiner si les dispositions de l’accord peuvent s’appliquer à un contentieux de nature fiscale, tel que celui en cause au principal, et, dans l’affirmative, à déterminer la portée de ces dispositions. Dès lors que l’accord comporte différentes dispositions relatives à la prestation de services et à l’établissement, il importe de définir la nature de l’activité exercée par les requérants au principal sur le territoire autrichien au regard du régime fiscal en cause.

 Sur la qualification de l’activité en cause

31      Il y a lieu de constater que le Vlbg. JagdAbgG soumet l’exercice du droit de chasse sur le territoire du Land du Voralberg au paiement d’une taxe annuelle. Toutefois, dès lors que, d’une part, en cas de location d’un droit de chasse, le locataire est l’assujetti à la taxe et que, d’autre part, la taxe est due indépendamment de l’intensité de l’activité de chasse exercée par celui-ci, il doit être considéré que, dans un cas comme celui en cause au principal, le fait générateur de la taxe est constitué par la location d’un droit de chasse sur le territoire du Land du Vorarlberg.

32      Ainsi, l’obligation contractuelle en cause devant la juridiction de renvoi consiste en la mise à disposition des parties au principal, contre rémunération et sous certaines conditions, d’une circonscription territoriale pour y pratiquer la chasse. Le contrat de location porte par conséquent sur une prestation de services qui, dans l’affaire au principal, présente un caractère transfrontalier, les requérants au principal, locataires du droit de chasse sur ladite circonscription, devant se rendre sur le territoire du Land du Vorarlberg afin d’y exercer leur droit.

33      Lesdits requérants doivent donc être considérés comme des destinataires d’un service, qui consiste en l’octroi de la jouissance, contre rémunération, d’un droit de chasse dans un espace territorial et limité dans le temps (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 1999, Jägerskiöld, C-97/98, Rec. p. I-7319, point 36).

34      Dès lors que le fait générateur de la taxe est constitué par la location du droit de chasse, seules les règles de l’accord relatives aux prestations de services sont pertinentes aux fins d’apprécier la légalité de la taxe en cause.

 Sur l’incidence des dispositions de l’accord quant à l’imposition en cause au principal

35      S’agissant du traitement fiscal de l’opération commerciale en cause au principal, il doit être examiné si les dispositions de l’accord relatives aux prestations de services doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une taxe telle que celle en cause au principal, qui, en fonction de la nationalité du locataire du droit de chasse, impose un taux de 15 % ou de 35 % de l’assiette de la taxe en question.

36      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, un traité international doit être interprété non pas uniquement en fonction des termes dans lesquels il est rédigé, mais également à la lumière de ses objectifs. L’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 précise, à cet égard, qu’un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte, et à la lumière de son objet et de son but (voir, en ce sens, notamment, avis 1/91, du 14 décembre 1991, Rec. p. I-6079, point 14; arrêts du 2 mars 1999, El-Yassini, C-416/96, Rec. p. I-1209, point 47; du 20 novembre 2001, Jany e.a., C-268/99, Rec. p. I-8615, point 35, et du 25 février 2010, Brita, C-386/08, non encore publié au Recueil, points 42 et 43 ainsi que jurisprudence citée).

37      Il importe de souligner, à cet égard, que, conformément à l’article 1er, sous b), de l’accord, l’objectif de celui-ci est de faciliter la prestation de services sur le territoire des parties contractantes en faveur des ressortissants des États membres de la Communauté et de la Suisse ainsi que de libéraliser la prestation de services de courte durée.

38      Il convient également de préciser que l’article 5, paragraphe 3, de l’accord octroie aux personnes devant être considérées comme des destinataires de services, au sens de l’accord, un droit d’entrée et de séjour sur le territoire des parties contractantes. L’article 23 de l’annexe I de l’accord contient des dispositions particulières relatives au titre de séjour en faveur de ce type de personnes.

39      Quant à la question de savoir si, au-delà du régime concernant le droit d’entrée et de séjour des destinataires de services, l’accord vise à établir un principe général d’égalité de traitement en ce qui concerne le statut juridique de ceux-ci sur le territoire de l’une des parties contractantes, il y a lieu d’observer que, si l’article 2 de l’accord traite du principe de non-discrimination, il prohibe, en revanche, de manière générale et absolue, non pas toute discrimination des ressortissants de l’une des parties contractantes qui séjournent sur le territoire de l’autre partie, mais uniquement les discriminations exercées en raison de la nationalité et pour autant que la situation de ces ressortissants relève du champ d’application matériel des dispositions des annexes I à III de cet accord.

40      L’accord et ses annexes ne comportent aucune règle spécifique visant à faire bénéficier les destinataires de services du principe de non-discrimination dans le cadre de l’application de réglementations fiscales relatives aux transactions commerciales ayant pour objet une prestation de services.

41      De plus, la Cour a relevé que la Confédération suisse n’a pas adhéré au marché intérieur de la Communauté qui vise à lever tous les obstacles pour créer un espace de liberté de circulation totale analogue à celui offert par un marché national, qui comprend, en outre, la libre prestation de services et la liberté d’établissement (voir arrêt du 12 novembre 2009, Grimme, C-351/08, non encore publié au Recueil, point 27).

42      La Cour a précisé également que, dans ces conditions, l’interprétation donnée aux dispositions du droit de l’Union concernant ce marché intérieur ne peut être automatiquement transposée à l’interprétation de l’accord, sauf dispositions expresses à cet effet prévues par l’accord lui-même (voir arrêt du 11 février 2010, Fokus Invest, C-541/08, non encore publié au Recueil, point 28).

43      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que les dispositions de l’accord ne s’opposent pas à ce qu’un ressortissant de l’une des parties contractantes soit soumis, sur le territoire de l’autre partie contractante, en tant que destinataire de services, à un traitement différent de celui réservé aux personnes ayant leur résidence principale sur ledit territoire, aux citoyens de l’Union ainsi qu’aux personnes qui leur sont assimilées en vertu du droit de l’Union, au regard de la perception d’une taxe due pour une prestation de services, telle que la mise à disposition d’un droit de chasse.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Les dispositions de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes, signé à Luxembourg le 21 juin 1999, ne s’opposent pas à ce qu’un ressortissant de l’une des parties contractantes soit soumis, sur le territoire de l’autre partie contractante, en tant que destinataire de services, à un traitement différent de celui réservé aux personnes ayant leur résidence principale sur ledit territoire, aux citoyens de l’Union ainsi qu’aux personnes qui leur sont assimilées en vertu du droit de l’Union, au regard de la perception d’une taxe due pour une prestation de services, telle que la mise à disposition d’un droit de chasse.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.